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                                                                                                                                            Date : 20021015

                                                                                                                                       Dossier : T-1883-00

                                                                                                             Référence neutre : 2002 CFPI 1065

Entre :

                                                          RICHARD LAMONTAGNE

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

        La défenderesse-requérante présente cette requête pour obtenir un jugement sommaire en vertu de l'article 213 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, rejetant la totalité de la réclamation contenue dans la déclaration amendée du demandeur-intimé.

        Le demandeur a dénoncé son employeur auprès de l'Agence des douanes et du revenu, alléguant que celui-ci aurait commis des fraudes fiscales.

        Le demandeur reproche à la partie défenderesse son inaction suite à cette dénonciation et prétend avoir subi, en raison de cette inaction, des dommages.


        Le 12 octobre 2000, le demandeur a donc intenté une action contre la partie défenderesse au montant de 1 000 000,00 $. Le 17 novembre 2000, il a amendé sa déclaration afin d'augmenter les dommages réclamés à 5 000 000,00 $. Le 16 septembre 2001, il a de nouveau amendé sa déclaration pour augmenter le montant réclamé à 50 000 000,00 $.

        Le 2 octobre 2001, la partie défenderesse a procédé à l'interrogatoire du demandeur.

        Dans l'affaire Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853, citée avec approbation par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., 2001 CAF 11, [2001] A.C.F. no 400 (QL), le juge Tremblay-Lamer a bien résumé les principes généraux applicables à une requête pour un jugement sommaire :

J'ai examiné toute la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et je résume les principes généraux en conséquence :

1. ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al. [(1994), 58 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.), à la p. 222]);

2. il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le) [[1995] 3 C.F. 68 (C.A.)]), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie [(1990), 75 O.R. (2d) 225 (Div. gén.)]. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3. chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth [Marine Atlantic Inc. C. Blyth (1994), 77 F.T.R. 97 (C.F. 1re inst.)] et Feoso [précité]);

4. les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso [précité] et Collie [Collie Woollen Mills Ltd. c. Canada, [1996] F.C.J. no 193 (1re inst.) (QL)]);

5. saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick [Patrick c. Canada, [1994] F.C.J. no 1216 (1re inst.) (QL)]);


6. le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman [Pallmann Maschinenfabrik G.m.b.H. Co. KG c. CAE Machinery Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 26 (C.F. 1re inst.)] et Sears [Homelife Realty Services Inc. c. Sears Canada Inc., [1996] F.C.J. no 51 (1re inst.) (QL)]);

7. lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde [Forde c. Canada (Ministre du Revenu national, Douanes et Accise-M.R.N.), [1995] A.C.F. no 48 (1re inst.) (QL)] et Sears [précité]). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes [Shelburne Marine Ltd. c. Stokes, [1995] A.C.F. no 1547 (1re inst.) (QL)]).

(Mon emphase.)

        Après avoir relu la déclaration amendée (tout en tenant compte de l'augmentation du montant réclamé à 50 000 000,00 $) du demandeur, avoir relu la transcription de son interrogatoire au préalable et considéré les arguments des parties, je ne décèle aucune cause d'action valable, de sorte que l'action n'a aucune chance de réussite. Les procédures du demandeur sont farcies d'allégations confuses, vagues, incohérentes et imprécises, ne constituant souvent qu'une simple expression d'opinion dépourvue d'allégations de fait substantielles et pertinentes qui pourraient fonder une cause d'action. Lors de son interrogatoire, le demandeur a reproché au gouvernement son refus d'appliquer la « Loi sur les dépenses de voyage » . Or, cette loi n'existe pas.

        Finalement, le demandeur n'offre aucun détail concernant les dommages-intérêts de 50 000 000,00 $ qu'il désire obtenir, si ce n'est pour indiquer, lors de son interrogatoire, qu'il n'est plus capable de vivre dans la légalité. Les allégations du demandeur ne font état d'aucun fait précis susceptible de relier une faute quelconque de la partie défenderesse ou de ses préposés aux dommages considérables et imprécis qui sont réclamés.


        Par ces motifs, la requête pour jugement sommaire est accordée et l'action du demandeur, rejetée avec dépens.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 octobre 2002


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              T-1883-00

INTITULÉ :                           RICHARD LAMONTAGNE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 16 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    15 octobre 2002

ONT COMPARU :

M. RICHARD LAMONTAGNE         LE DEMANDEUR AGISSANT POUR SON

PROPRE COMPTE

Me NADINE PERRON et

Me RAYMOND PICHÉ              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

RICHARD LAMONTAGNE                    LE DEMANDEUR AGISSANT POUR SON

Sainte-Sophie (Québec)              PROPRE COMPTE

MORRIS ROSENBERG              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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