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Date : 20191108

Dossier : IMM-736-19

Référence : 2019 CF 1404

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

YANTING CAO

HAO HUI DAVID CAO (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Madame Yanting Cao, la demanderesse principale, est citoyenne de la Chine et résidente permanente du Pérou. Son fils mineur, David, est né au Pérou et est citoyen de ce pays. Ils sont entrés illégalement au Canada en 2015 et ont demandé l’asile. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté leur demande. Ils n’ont pas porté cette décision en appel. Leur demande d’examen des risques avant renvoi a été rejetée. Madame Cao et son fils devaient par la suite être renvoyés au Pérou.

[2]  Madame Cao croyait qu’il lui était impossible de retourner au Pérou, car elle était à l’extérieur de ce pays depuis plus de six mois. Le 31 janvier 2019, elle a demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] de reporter son renvoi, prévu le 1er février 2019, jusqu’à la réception de la confirmation écrite de la part des autorités péruviennes qu’elle pourrait rentrer au Pérou. L’intérêt supérieur de David a également été invoqué au soutien du report, afin de lui permettre de terminer sa première année du primaire au Canada.

[3]  La demande de report a été refusée. Madame Cao a présenté, sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de refus ainsi qu’une requête visant à obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué en définitive sur la demande. La Cour a accordé le sursis le 1er février 2019.

[4]  La demande de contrôle judiciaire de Mme Cao soulève les deux questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il conclu à tort que Mme Cao pouvait rentrer au Pérou?
  2. Le refus de l’agent de reporter le renvoi jusqu’à la fin de la première année de David était-il déraisonnable?

[5]  Après avoir examiné les observations, je ne puis conclure que l’agent a commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour. La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Norme de contrôle

[6]  La décision d’accueillir ou non une demande de report de renvoi est une décision discrétionnaire qui doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Baron c Canada (-Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au par. 25). Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

III.  Analyse

A.  L’agent a‑t‑il conclu à tort que Mme Cao pouvait rentrer au Pérou?

[7]  Le renvoi de Mme Cao au Pérou était initialement prévu le 31 janvier 2019. Le 29 janvier, elle a informé les agents de l’ASFC que le consulat péruvien l’avait prévenue qu’elle n’avait plus de statut au Pérou. Le 31 janvier 2019, le renvoi a été annulé, et l’agent de renvoi a communiqué avec le consulat péruvien ainsi qu’avec l’agent de liaison de l’ASFC au Pérou. Le consulat n’a pas répondu. Toutefois, l’agent de liaison a affirmé que les autorités péruviennes avaient confirmé que Mme Cao et son fils seraient autorisés à rentrer au Pérou. Le renvoi aurait alors été reporté à une autre date.

[8]  Lorsqu’il a examiné la demande de report de renvoi le 1er février 2019, l’agent a passé en revue les mesures prises le 29 janvier. Il a fait mention des renseignements fournis par l’agent de liaison de l’ASFC et ajouté que la carte d’identité nationale du Pérou de Mme Cao indiquait que son statut de résidence était d’une durée indéterminée. Après avoir examiné la loi péruvienne sur laquelle Mme Cao s’appuyait pour affirmer que son absence du Pérou avait modifié son statut, l’agent a souligné que cette loi n’était pas censée s’appliquer aux personnes détenant le statut de résident permanent au Pérou. En outre, l’agent a fait remarquer que la SPR avait conclu que Mme Cao n’avait pas perdu son statut au Pérou.

[9]  Se fondant sur ces faits, l’agent a conclu que Mme Cao serait autorisée à entrer au Pérou. Cette conclusion n’était pas déraisonnable. Les éléments de preuve présentés par Mme Cao ont été pris en compte, et l’agent était en droit de s’appuyer sur les renseignements fournis par l’agent de liaison de l’ASFC au Pérou.

[10]  Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure qu’à son renvoi du Canada, Mme Cao pourrait rentrer au Pérou.

B.  L’agent a‑t‑il refusé à tort de reporter le renvoi jusqu’à la fin de la première année de David?

[11]  Lorsqu’elle a sollicité le report, Mme Cao a demandé que son [traduction] « renvoi du Canada soit remis, de manière temporaire, à la fin de l’année scolaire de l’enfant mineur, soit en juin 2019, car autrement, l’enfant aurait à recommencer sa première année au Pérou ». À l’appui de ce motif de report, il était indiqué dans la demande que l’achèvement d’une année scolaire, ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme, sont des facteurs reconnus dont l’agent chargé du renvoi doit tenir compte. Hormis ces affirmations, aucun élément de preuve ou observation n’a été présenté à l’agent.

[12]  Le défendeur fait valoir que cette question revêt maintenant un caractère purement théorique puisque l’année scolaire s’est terminée avant que l’affaire ne soit entendue.

[13]  Une question devient purement théorique lorsque le différend concret et tangible a disparu. Néanmoins, un tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre et trancher une question qui est purement théorique (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la p. 353 [Borowski]). La jurisprudence fournit des lignes directrices quant aux critères à utiliser pour déterminer si une question théorique devrait être tranchée (Borowski, aux p. 353 à 363).

[14]  Puisque l’année scolaire s’est terminée avant que la présente affaire ne soit entendue, j’estime que la question est purement théorique.

[15]  Devrais-je tout de même me pencher sur cette question et rendre une décision? La question en litige découle de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire fondé sur les faits exposés à l’agent. Trancher cette question au stade actuel ne serait que de peu d’utilité, voire d’aucune utilité, pour l’évaluation éventuelle de demandes de report fondées sur des faits semblables. Si une date de renvoi était fixée ultérieurement avant la fin d’une année scolaire de David, Mme Cao pourrait demander un report en fonction des circonstances du moment.

[16]  Après avoir conclu que cette question était purement théorique, et examiné les circonstances susmentionnées et les critères énoncés dans Borowski, j’estime que rien ne justifie que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour trancher cette question.

IV.  Conclusion

[17]  La demande est rejetée. Aucune partie n’a proposé de question grave de portée générale à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

JUGEMENT dans le dossier IMM-736-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de décembre 2019.

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-736-19

 

INTITULÉ :

YANTING CAO HAO HUI DAVID CAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 OCTOBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 8 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Peter Lulic

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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