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Date : 20040811

Dossier : IMM-6753-03

Référence : 2004 CF 1110

Toronto (Ontario), le 11 août 2004

Présent :          Monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                                    ROSA TERWEL MELENDEZ

                                                                                                                         Partie demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                           Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Le 10 août 2003, la Section de la protection des réfugiés a rendu une décision qui rejetait la demande d'asile de Mme Rosa Terwel Melendez (demanderesse), en ne lui reconnaissant pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne a protéger aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi). La présente instance est une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

FAITS

[2]                La demanderesse est une ressortissante du Honduras. Elle allègue craindre pour sa vie et la sécurité de sa personne si elle retourne dans son pays, car son ex-conjoint de fait, un policier, la recherche.

[3]                La demanderesse est née en 1978. Elle a eu une relation suivie avec un premier conjoint de fait, Milton Ramon Baide, avec qui elle a eu deux enfants, nés en 1995 et 1997. En 1997, ils se sont séparés. En 1998, elle a commencé une nouvelle relation avec Leonardo Amaya. Elle a déménagé de sa ville, laissant ses enfants avec ses parents, pour aller résider avec M. Amaya à Ceiba, à dix heures en autobus de la ville où vivent ses parents.


[4]                En 2001, M. Amaya, policier de sa profession, est devenu de plus en plus violent. La demanderesse fait état de divers incidents, et plus particulièrement d'événements survenus le 16 décembre et le 31 décembre 2001, où M. Amaya l'aurait frappée, humiliée devant ses camarades policiers invités à la maison, et menacée si jamais elle s'avisait de le quitter. Au début décembre 2001, la demanderesse avait tenté de porter plainte au poste de police. On lui a conseillé de se taire, pour ne pas nuire à la carrière de M. Amaya. Après les événements du 31 décembre 2001, où M. Amaya lui aurait placé un pistolet chargé dans la bouche et généralement malmenée devant ses amis, la demanderesse s'est enfuie chez ses parents.

[5]                En mai 2002, quatre hommes masqués et armés se sont présentés chez elle; son père, qui lui avait dit de partir chez un voisin, a été brutalisé par ces hommes, qui lui ont dit que sa fille devait se présenter à Ceiba, sinon, ils l'amèneraient, de gré ou de force. Ses parents lui ont alors conseillé de quitter le pays. Elle est partie presque immédiatement.

[6]                Le périple pour se rendre au Canada a duré 25 jours. La demanderesse n'a pas cherché l'asile dans les deux premiers pays traversés, le Mexique et les États-Unis. En arrivant à la frontière canadienne, elle a tout de suite revendiqué le statut de réfugiée.

ANALYSE

[7]              Il est bien établi qu'en matière de crédibilité, la Cour n'interviendra dans une décision de la Section des réfugiés que si la décision est manifestement déraisonnable, ou, que la Section, comme l'exprime l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale,

a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [elle] dispose;               

[8]                À cet égard, je citerais deux passages de décisions de notre Cour, qui précisent bien le rôle que notre Cour est appelée à jouer dans un contrôle judiciaire d'une décision de la Section de protection des réfugiés fondée sur la crédibilité :


Kanagarajah c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 44 (C.F. 1ère inst.) :

¶ 26       Il est bien établi en droit que la Commission est la mieux placée pour tirer des conclusions quant à la crédibilité. Les conclusions de fait fondées sur des incohérences internes et un témoignage évasif constituent "l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits", pour reprendre les termes utilisés par la Cour dans l'affaire Dan-Ash c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988), 93 N.R. 33 (C.A.F.).

Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1895 :

¶ 4       En ce qui concerne les questions de crédibilité, la Cour ne peut pas substituer son opinion à celle de la Commission à moins que le demandeur démontre que la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'elle a tirée de façon abusive ou sans tenir compte de la preuve dont elle disposait (voir le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé capable d'évaluer la plausibilité et la crédibilité des témoignages. Les conclusions qu'elle tire doivent cependant être raisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et les motifs qu'elle exprime doivent être clairs et compréhensibles (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).

¶ 5       En outre, dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, la Cour d'appel fédérale a établi que la perception du tribunal selon laquelle le demandeur n'est pas crédible sur un point important de sa revendication du statut de réfugié peut entraîner la conclusion que la revendication ne repose sur aucun élément de preuve crédible.

[9]                Il s'agit donc de voir si compte tenu de l'ensemble de la preuve, le tribunal a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire.


[10]            Pour étayer sa preuve quant à l'existence de M. Amaya et la menace qu'il représente pour elle, la demanderesse a déposé trois lettres provenant présumément du Honduras : de sa mère, de sa cousine et d'une amie. Les trois lettres sont arrivées au Canada dans une même enveloppe dont le tampon postal indique Houston, au Texas. Une autre lettre semblable, mais qui n'a pas été produite, est arrivée dans une enveloppe portant un tampon de Miami, en Floride. La demanderesse a expliqué que sa mère s'était adressée à une agence, Envios Urgentes, sise au Honduras. L'adresse de l'agence sur l'enveloppe est à Houston.

[11]            Les trois lettres sont très semblables. Après un court paragraphe de bons souhaits, elles poursuivent dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

(...) Leonardo te cherche pour t'enlever la vie, il dit que jamais il va te laisser en paix, ce qu'il veut est te tuer, c'est la seule façon de devenir tranquille. (...)

(...) je suis très préoccupée pour toi car cet homme te cherche pour t'enlever la vie et il dit qu'il ne se reposera pas jusqu'à te trouver pour te tuer; (...)

(...) cet idiot de Leonardo te cherche pour te tuer, tu sais ce qu'il dit? Qu'il va te chercher pour te tuer, tu sais il dit qu'il ne se reposera pas jusqu'à te retrouver pour t'enlever la vie (...)

[12]            Le tribunal motive sa décision par les contradictions dans le témoignage de la demanderesse, et le caractère invraisemblable de ses allégations concernant ses deux conjoints :

De plus, le témoignage de la demanderesse nous apprendra la naissance d'un troisième enfant, non-identifié au FRP, lequel est né au Canada et dont le père est monsieur Milton Ramon Baidi [sic]. De nouveau le tribunal s'interrogea sur le caractère vraisemblable de l'allégation de la demanderesse, à savoir qu'elle eut une relation entre temps avec monsieur Amaya, puisque au point d'entrée elle fait référence à son conjoint initial, celui-là même qui sera le père de l'enfant conçue et née au Canada [la demanderesse est arrivée le 21 juin 2002 au Canada; l'enfant est née le 18 février 2003]. Invitée à commenter le caractère invraisemblable des événements, la demanderesse ne pu [sic] ajouter qu'elle avait de nouveau et par hasard rencontré son premier conjoint, le père de ses deux premiers enfants, monsieur Milton Ramon Baidi dans une église à Montréal et qu'elle avait de nouveau renoué avec celui-ci. La preuve apprendra au tribunal que ledit conjoint est un demandeur au statut de réfugié et que sa demande a été refusée et que par la suite il a quitté le Canada.

Considérant que la demanderesse n'a apporté aucune autre preuve sur sa relation avec Leonardo Amaya, considérant que les allégations mis en preuve comportent de sérieuse invraisemblance de nature à rebuter [sic] la présomption de vérité, le tribunal ne peut retenir les explications de la demanderesse et juge ses allégations non crédibles.


[13]            Par ailleurs, l'examen de la décision montre que le tribunal a lu la preuve documentaire présentée sur le Honduras. La conclusion à l'effet que la demanderesse n'a pas réfuté la présomption que l'État hondurien serait capable de la protéger n'est pas déraisonnable. Même si la protection des femmes en situation de violence conjugale est encore imparfaite, il n'en reste pas moins que l'État hondurien a pris et continue de prendre des mesures pour assurer la protection des femmes.

[14]            Dans une récente décision de notre Cour, Smith c. MCI, 13 juillet 2004, IMM-5332-03, le juge Phelan conclut :

The documentary evidence contained both favourable and unfavourable comments on state protection for abused women. The Panel chose to accept the more recent documentary evidence. The Panel concluded that the Applicant had not availed herself of all of the elements of state protection available to her, including, legal aid and complaints to judicial authorities.

There is nothing patently unreasonable in the Panel's conclusion that the Applicant had failed to prove that state protection was inadequate.

[15]            Je ne peux conclure, à l'examen de la décision du tribunal, que celui-ci ait rendu une décision manifestement déraisonnable. Les conclusions tirées s'appuient sur la preuve et l'appréciation de la crédibilité, appréciation fondée sur les lacunes du FRP, du témoignage et de la preuve. Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

-          la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

-          aucune question pour certification.

                             "Pierre Blais"                     

             juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                        IMM-6753-03

INTITULÉ :                                       ROSA TERWEL MELENDEZ

                                                                                                                             Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                                               Partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L'AUDIENCE :               5 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      M. LE JUGE BLAIS

DATE :                                               11 AOÛT 2004

COMPARUTIONS:

Me Oscar Fernando Rodas                                                       POUR LE DEMANDEUR

Me Sherry Rafair Far                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Oscar Fernando Rodas                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal, Québec

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                               COUR FÉDÉRALE

Date : 20040811

Dossier : IMM-6753-03

Entre :

ROSA TERWEL MELENDEZ

                                                             Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                               Partie défenderesse

                                                                                                                                              

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                                                               


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