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Date : 20021113

Dossier : IMM-5007-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1176

ENTRE :

                                                            SONG TAO ZHOU

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]         M. Song Tao Zhou (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision prise par J.L. Waterman-Zhang, agente d'immigration désignée (l'agente d'immigration). Dans sa décision, l'agente d'immigration a rejeté la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada.


[2]         Le demandeur, qui est citoyen chinois, a demandé, au mois d'octobre 2000, à être admis au Canada à titre de membre de la catégorie des personnes travaillant pour une entreprise familiale. Il s'agissait de la deuxième tentative que le demandeur faisait pour obtenir la résidence permanente au Canada; une demande antérieure, présentée en 1999, avait été rejetée par une lettre en date du 20 mars 2000.

[3]         La lettre d'envoi qui accompagnait la demande de résidence permanente dont il est ici question précisait clairement que le demandeur avait demandé à être admis au Canada à titre de membre de la catégorie des personnes travaillant pour une entreprise familiale. Toutefois, en raison d'une inadvertance de l'avocat du demandeur, les documents soumis avec la demande ne comprenaient pas la preuve documentaire montrant qu'une offre d'emploi approuvée avait été faite au demandeur au Canada. La première demande de résidence permanente comprenait la preuve attestant que Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) avait approuvé l'emploi du demandeur dans une entreprise familiale.

[4]         L'agente d'immigration a rejeté la demande que le demandeur a présentée en l'an 2000 après avoir examiné le dossier de celui-ci. Selon la lettre de refus, le demandeur avait été apprécié dans la profession envisagée de cuisinier, no 6242.0 de la Classification nationale des professions. Le demandeur a obtenu 54 points d'appréciation. Il n'a pas obtenu de points pour un emploi réservé.


[5]         L'agente d'immigration a déposé un affidavit destiné à être utilisé dans la présente instance. Au paragraphe 8, elle a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] Au paragraphe 12, le demandeur allègue également par l'entremise de son avocat que je n'ai pas pris en considération dix points d'appréciation pour l'emploi approuvé à l'avance. L'avocat du demandeur veut probablement parler des dix points attribués pour une offre d'emploi dans une entreprise familiale (l'OEEF). Il est vrai que je n'ai pas attribué de points pour l'OEEF. Aucune OEEF approuvée n'a été soumise avec la présente demande. Il existe une entente au dossier entre le demandeur et Fortune Food Products Company Ltd. (Dossier du tribunal, pages 32 à 35). Toutefois, j'estimais qu'il s'agissait d'une offre d'emploi officieuse parce que Citoyenneté et Immigration Canada ne l'avait pas approuvée comme il devait le faire.

[6]         Le demandeur soutient que l'agente d'immigration a manqué à son obligation d'équité en omettant de l'informer que les documents soumis avec sa demande ne comprenaient pas une confirmation ou l'approbation de CIC de l'offre d'emploi permettant d'attribuer les dix points d'appréciation possibles à cet égard. Il affirme qu'étant donné que cette approbation faisait partie de la demande qu'il avait initialement présentée afin d'être admis à titre de résident permanent, l'agente d'immigration était tenue de se renseigner au sujet de l'état de la demande d'approbation de l'emploi lorsque la demande ici en cause a été appréciée.

[7]         En réponse, le défendeur soutient que l'agente d'immigration n'est pas tenue d'informer le demandeur de l'insuffisance des documents fournis à l'appui de sa demande. Il incombe au demandeur de démontrer qu'il satisfait aux exigences législatives et réglementaires régissant l'admission au Canada. Le défendeur se fonde sur la décision Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.) à l'appui de cet argument.


[8]         En outre, le défendeur soutient que le dossier se rapportant à la demande antérieure de résidence permanente n'a rien à voir avec la deuxième demande et que l'agente d'immigration aurait pu être à juste titre critiquée si elle en avait fait mention.

[9]         Je retiens l'argument du défendeur selon lequel l'obligation d'équité n'impose pas à l'agent d'immigration l'obligation générale d'attirer l'attention d'un demandeur individuel sur les lacunes possibles de sa demande. Toutefois, en l'espèce, cela ne règle pas pour autant l'affaire. Comme la Cour suprême du Canada l'a fait remarquer dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, la notion d'équité procédurale est variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas.

[10]       En l'espèce, le dossier tenu par le défendeur à l'égard du demandeur porte le numéro B041290690. Dans l'espace prévu sur la couverture du dossier, sous le titre « Renvoi-Cross Reference » , un autre numéro de dossier est inscrit avec certaines annotations. L'inscription est ainsi libellée : « xref B038447253 (AMAL) » . À la page 39 du dossier du tribunal produit par le défendeur, on trouve la lettre de refus envoyée au demandeur le 20 mars 2000, en réponse à la première demande que celui-ci avait présentée en vue de résider en permanence au Canada. Le numéro de dossier mentionné dans cette lettre est le numéro B038447253.


[11]       La mention « AMAL » figurant sur la couverture de ce dossier est confirmée dans les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) tenu par le défendeur, avec des renseignements fournis par l'agente d'immigration. L'inscription se rapportant au 14 mai 2001 est ainsi libellée : [TRADUCTION] « Le dossier B038447253 est intégré au présent dossier. »

[12]       L'inscription figurant sur la couverture du dossier du demandeur montre que le dossier concernant la demande de résidence permanente qu'il avait présentée en l'an 2000 était intégré au dossier antérieur. Tout doute qui peut exister au sujet du sens du mot [TRADUCTION] « intégré » est éliminé si l'on se reporte à l'inscription figurant dans les notes du STIDI du mois de mai 2001. Un dossier était intégré à l'autre; en d'autres termes, les dossiers ont été réunis.

[13]       L'inscription se rapportant au 5 septembre 2001 est en partie ainsi libellée :

[TRADUCTION] Il présente une nouvelle demande à titre de cuisinier. Ce qui est étrange, c'est qu'il semble avoir accepté un emploi moins prestigieux - il gère une cantine dans une usine, ou un service de cantine, ce n'est pas trop clair.

[14]       La page d'envoi accompagnant la demande du demandeur et l'inscription figurant dans les notes consignées dans le STIDI pour le 14 mai 2001 donnent à entendre que l'agente d'immigration avait de fait l' « ancien » dossier à sa disposition pendant qu'elle appréciait le « nouveau » dossier. Cette inférence peut avec raison être faite à partir de l'inscription que l'agente avait faite, à savoir que le demandeur [TRADUCTION] « présent[ait] une nouvelle demande à titre de cuisinier » .


[15]       Dans ces conditions, puisque les propres dossiers du défendeur, y compris les notes du STIDI, montrent que les dossiers du demandeur ont été réunis, l'agente d'immigration savait ou aurait dû savoir que le demandeur avait déjà soumis une preuve indiquant qu'il avait droit aux points accordés à l'égard d'un emploi réservé. L'équité procédurale exigeait que l'agente remette en question l'absence de documents indiquant si cet emploi réservé était encore disponible.

[16]       À mon avis, l'obligation d'équité qui existe envers le demandeur dans ce cas-ci n'a pas été respectée.

[17]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent d'immigration différent pour qu'une décision soit prise conformément au droit.

[18]       La demande ne soulève aucune question à certifier.


                                                 ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent d'immigration différent pour qu'une décision soit prise conformément au droit.

Il n'existe aucune question à certifier.

                                   « E. Heneghan »                        

       Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 13 novembre 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-5007-01

INTITULÉ :                                                 SONG TAO ZHOU

c.

MCI

                                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                         CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE 6 NOVEMBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                               LE 13 NOVEMBRE 2002

COMPARUTIONS :

M. Henry M. Beaumont                                 POUR LE DEMANDEUR

M. Brad Hardstaff                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Beaumont Church LLP                                  POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

M. Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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