Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040211

Dossier : IMM-5600-02

Référence : 2004 CF 219

Ottawa (Ontario), le 11 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

                                         PETER LOUIS BARRENECHEA VARGAS

                                                                                                                                   REQUÉRANT

                                                                            ET                                                    

                   LE MINISTERE DE L'IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ

                                                                             

                                                                                                                                             INTIMÉ

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (_ Commission _), en date du 17 octobre 2002, à l'effet que le Requérant ne satisfait pas à la définition au sens de la Convention selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.[1]


Allégations

[2]                Le Requérant est citoyen péruvien. Il a revendiqué le statut de réfugié alléguant une crainte raisonnable de persécution en raison de son appartenance à un groupe social soit, la famille d'une personne qui a démissionné de son poste du parti au pouvoir et qui a publiquement dénoncé le régime Fujimori-Montesinos.[2]

[3]                Le Requérant allègue que son père était politicien, et qu'il occupait des postes importants au sein du gouvernement de Fujimori-Montesinos pendant la présidence de ce dernier.[3]

[4]                Des allégations de corruption à l'encontre du gouvernement de Alberto Fujimori ont fait surface en septembre 2000. Le Requérant allègue que son père a également dénoncé le gouvernement et a démissionné de son poste à l'époque.[4]

[5]                Le 30 septembre 2000, son père a été attaqué par des individus qui lui on dit de cesser de critiquer publiquement le gouvernement du Président Fujimori. À cause de cet incident, le père du Requérant a déménagé dans une autre ville. Le Requérant a continué d'habiter Lima pour continuer ses études mais il a déménagé chez sa tante.[5]


[6]                Le Requérant allègue que le 5 août 2001, il a été attaqué par des partisans du Président Fujimori. Ils lui ont demandé où se trouvait son père. Ils lui ont dit que lui et sa famille sont considérés comme des traîtres par le gouvernement Fujimori.[6]

[7]                Suite à cet incident, le Requérant s'est enfui au Canada.[7]

Décision de la Commission

[8]                La Commission a décidé que le Requérant n'était pas crédible. Elle a trouvé que, contrairement au témoignage du Requérant, la preuve documentaire indique que les proches collaborateurs de l'ancien Président Fujimori n'avaient ni pouvoir ni d'appui au sein du gouvernement actuel au Pérou.[8]

[9]                La Commission a aussi conclu qu'il n'y avait pas de preuve documentaire que les partisans de l'ancien Président Fujimori s'attaquaient aux personnes qui critiquaient l'ancien régime.[9]

[10]            Finalement, la Commission a conclu que le Requérant a donné des réponses vagues, évasives, contradictoires et invraisemblables dans son témoignage. De plus, il n'avait pas donné d'explications raisonnables pour justifier les contradictions et les invraisemblances ressortant de son témoignage et dans sa preuve documentaire.[10]

[11]            Par conséquent, la Commission a conclu que le Requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention.[11]

Questions en litige

[12]            Est-ce que la Commission a erré en ne pas considérant si le Requérant a une crainte bien-fondée de persécution en raison de ses opinions politiques ?

[13]            Est-ce que la Commission a erré en ne pas demandant au Requérant d'expliquer les contradictions entre son témoignage et les rapports de police ?

[14]            Est-ce que la Commission a erré en concluant que le Requérant n'était pas crédible ?


ANALYSE

Est-ce que la Commission a erré en ne pas considérant si le Requérant avait une crainte bien-fondée de persécution en raison de ses opinions politiques ?

[15]            Le Requérant prétend qu'il a été membre du parti _ Pérou 2000, _ et qu'il a fondé sa revendication sur le motif de ses opinions politiques.[12] Le Requérant semble prétendre que la Commission a erré en ne pas considérant si le Requérant avait une crainte bien-fondée de persécution non seulement en raison de son appartenance à un groupe social, mais aussi en raison de ses croyances personnelles.


[16]            L'Intimé prétend que le Requérant n'a pas fondé sa demande d'asile sur ses opinions politiques.[13] La Cour est d'accord avec l'Intimé. Le Formulaire sur les renseignements personnels (FRP) ne mentionne pas ce motif de revendication. Le Requérant n'a pas témoigné que sa revendication était fondée sur le motif de ses opinions politiques non plus. En effet, son témoignage démontre qu'il n'avait pas exprimé une opinion profonde sur la politique. Pendant l'audition, le Requérant a témoigné qu'il avait été membre du parti _ Pérou 2000, _ mais qu'il était devenu membre pour pouvoir aider son père à l'intérieur de ses activités politiques et qu'il n'effectuait que des tâches simples.[14] En outre, dans son FRP et son témoignage oral, le Requérant a dit que lorsqu'il avait été agressé, les agresseurs voulaient savoir où était son père, et n'ont pas indiqué au Requérant, lui-même, qu'il aurait en sa possession des renseignements à fournir. Ainsi, la Cour ne considère pas qu'il y avait des preuves devant la Commission démontrant que le Requérant aurait eu une crainte de persécution à raison de ses propres opinions politiques.

Est-ce que la Commission a erré en demandant pas au Requérant d'expliquer les contradictions entre son témoignage et les rapports de police ?

[17]            Le Requérant prétend que la Commission ne lui a pas demandé d'expliquer les contradictions entre son témoignage et les rapports de police.[15] L'Intimé prétend que la Commission a donné l'occasion au Requérant d'expliquer les contradictions et les invraisemblances dans son témoignage et dans sa preuve documentaire.[16]


[18]            La Commission a demandé au Requérant pendant l'audience d'expliquer certaines incohérences entre son témoignage et les rapports de la police dont son père avait été victime.[17] Également, dans les circonstances où les contradictions et incohérences sont évidentes, c'est au Requérant de les expliquer.[18] En l'espèce, la Cour croit que les incohérences entre le témoignage du Requérant et les rapports de la police étaient suffisamment clairs pour que l'obligation lui revienne de les expliquer.

Est-ce que la Commission a erré en concluant que le Requérant n'était pas crédible ?    

Preuve Documentaire

[19]            Le Requérant prétend que la conclusion de la Commission concernant la preuve documentaire, démontrant que les alliés de l'ancien Président Fujimori n'ont pas de pouvoir et qu'ils n'harcèlent pas les opposants d'Alberto Fujimori, soit erronée.[19] Dans ses arguments, le Requérant leur fait référence aux preuves documentaires qui, prétend-il, démontrent que les partisans de Fujimori maintiennent encore du pouvoir politique et peuvent persécuter ses ennemis. Le rapport déclarant que le gouvernement a nommé un sympathisant à l'ancien Président Fujimori à un poste au gouvernement doit être considéré dans son contexte entier.[20]

[20]            Cependant, la preuve documentaire dans sa totalité indique le contraire, y compris le deuxième rapport cité par le Requérant. Ce rapport relate que des journalistes et des membres du média ont été harcelés au cours de l'année 2001, mais ces victimes étaient plutôt, des alliés de l'ancien Président Fujimori.[21]


[21]            L'Intimé fait comprendre que la preuve documentaire démontre que las alliés de l'ancien président n'ont plus de pouvoir. L'ancien gouvernement est critiqué dans plusieurs documents publics et certains de ses membres sont poursuivis au criminel pour corruption et pour des violations des droits de la personne.[22] Il note que le Requérant a dit pendant l'audience qu'il craint _ Colina, _ un escadron paramilitaire de la mort qui travaillait pour l'ancien gouvernement. Plusieurs membres de ce groupe ont été arrêtés et inculpés pour violations des droits de la personne et pour la corruption. Seuls quelques membres de ce groupe sont encore libres, mais comme fugitifs de la justice.[23] Je suis d'accord avec l'Intimé que selon la prépondérance de la preuve, les partisans d'Alberto Fujimori n'ont plus le pouvoir que le Requérant leur attribut. La Commission n'a pas erré en trouvant que la preuve documentaire contredit le témoignage du Requérant.

Contradictions et Invraisemblances

[22]            La Commission a fondé ses conclusions sur des contradictions importantes entre la preuve documentaire et le témoignage du Requérant. La Commission n'a pas commis d'erreur.


CONCLUSION

[23]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aussi, aucune question ne sera certifiée.

                                                                             

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question d'importance générale ne soit formulée.

_ Michel M.J. Shore _

                                                                                                                                                     Juge                          


ANNEXE



Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c.27

Définition de « _réfugié_ »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques_:

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée_:

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant_:

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

97 (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d'une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Person in need of protection

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Person in need of protection

97 (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5600-02

INTITULÉ :                                                    PETER LOUIS BARRENECHEA VARGAS

c.

LE MINISTERE DE L'IMMIGRATION

ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 11 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE               

ET ORDONNANCE:                                     LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS DE                              LE 11 FÉVRIER 2004

L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE:                                          

COMPARUTIONS :

Me Clarel Midouin                                            POUR LE DEMANDEUR

Me Richard Casanova                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Clarel Midouin                                                   POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)



[1] L.C. 2001, c. 27.

[2]Dossier du Requérant, "Reasons for Decision", Onglet 3 à la p. 7.

[3]Dossier du Requérant, "Personal Information Form" [Formulaire sur les renseignements personnels], Onglet 4(A) à la p. 31, par. 2.

[4] Dossier du Requérant, "Reasons for Decision", Onglet 3 à la p. 7.

[5] Supra.

[6] Supra à la p. 8.

[7] Supra.

[8] Supra aux pp. 8-9.

[9] Supra à la p. 9.

[10] Supra aux pp. 9-10.

[11] Supra à la p. 10.

[12] Dossier d'Application du Requérant, Mémoire de faits et de droits, Onglet 5 à la p. 93, par. 10.

[13] Mémoire Supplémentaire du Défendeur, Onglet A à la p. 3, par. 8.

[14] "Certified Tribunal Record", aux pp. 182-183.

[15] Dossier d'Application du Requérant, Mémoire de faits et de droits, Onglet 5 aux pp. 94-95, par. 16-17.

[16] Mémoire Supplémentaire du Défendeur, Onglet A à la p. 5, par. 13..

[17] Certified Tribunal Record, Transcript of Hearing, aux pp. 217-218.

[18]Ayodele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1833 (QL), par. 16-17; Tekin c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 506 (QL), par. 10, 12, 13, 14, 20, 27.

[19] Supra para. 20-26.

[20] Supra para. 23-24.

[21] Supra para. 21-22.

[22] Mémoire Supplémentaire du Défendeur, Onglet A à la p. 5, par. 14.

[23]Supra à la p. 4, par. 8


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.