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Date : 200200912

Dossier : T-165-01

Référence neutre : 2000 CFPI 973

ENTRE :

                                                                GARNET DESJARLAIS

                                                                                                                                                   demandeur

                                                                                  et

GORDON GILL, BRYAN GILL, TRENT GILL et

ARMANDE THERESA L'HIRONDELLE GILL,

pour leur propre compte et celui des descendants vivants

d'Armande Gill, soit environ 40 personnes

                                                                                                                                               demandeurs

                                                                                  et

JOHN MALCOM, WALTER JEAN MALCOM,

EVELYN SELINIA ROBILLARD,

FLORA LORRAINE POWDER et

MIKE POWDER, pour leur propre compte

et celui des descendants vivants

de Caroline Thompson, soit environ 270 personnes

                                                                                                                                               demandeurs

                                                                                  et

MARGARET (DESJARLAIS) PARENTEAU et

LEO PARENTEAU, pour leur propre compte

et celui des descendants vivants de Leon Desjarlais,

soit environ 302 personnes,

et de Marie Rose Cardinal, soit environ 50 personnes

                                                                                                                                               demandeurs

                                                                                  et

                                  FLORENCE MARY PULLIAM, pour son propre compte

                       et celui de ses descendants vivants, soit environ 50 personnes

                                                                                                                                               demandeurs

ET :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA représentée par

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

Édifices du Parlement, Ottawa (Ontario)

                                                                                                                                                   défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


        La présente espèce résulte de la réunion de cinq actions intentées en vue d'obtenir des jugements déclaratoires quant à certains aspects des droits des demandeurs, des dommages-intérêts et la comptabilisation des avantages du Traité no 6 depuis 1885. La requête qui est à l'origine de l'ordonnance du 5 décembre 2000 portant jonction des instances exigeait que la nouvelle déclaration commune omette certaines allégations faites au nom d'ancêtres et de descendants. Le ministère public, auquel il était loisible, suivant cette ordonnance, de demander la radiation de la déclaration commune, se prévaut maintenant de cette option et demande la radiation de la déclaration en entier, pour différents motifs.

CONTEXTE

        Aux fins de la présente requête, je tiens pour avérés les faits énoncés dans la déclaration, même s'ils devront être soupesés pour déterminer s'ils constituent une cause d'action valable.


        La déclaration commune revêt la forme d'une action type dans un cadre de laquelle différentes personnes agissent pour leur propre compte et celui de leurs descendants vivants ou des descendants vivants d'une personne en particulier. Les personnes et les descendants désignés, qui sont tous Cris, sont les descendants directs d'Indiens dont les ancêtres vivaient depuis des temps immémoriaux dans une partie de ce qui constitue désormais l'Ouest canadien. Les demandeurs et ceux qu'ils représentent font valoir des droits accordés par traités et, plus particulièrement, ceux issus du Traité no 6 de 1876, des droits ancestraux, ainsi que des droits personnels et d'usufruit. Ils demandent en outre un jugement déclaratoire portant qu'ils font partie des peuples autochtones du Canada au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qu'ils ont donc droit à l'inscription à titre d'Indiens en application de la Loi sur les Indiens. Au nombre des autres réparations particulières, ils demandent la comptabilisation et le paiement des avantages découlant du Traité no 6.

ANALYSE

        Comme je l'ai indiqué, la requête vise la radiation de la déclaration. Elle soulève plusieurs questions qui, bien qu'elles soient assez fondamentales, peuvent être réglées sommairement.

Portée de la modification dans le cadre de la jonction d'instances

        Les défendeurs soutiennent que la déclaration commune renferme une modification substantielle qui va au-delà de ce qui, à leur avis, était envisagé dans l'ordonnance portant jonction des instances. Il ne s'agit pas d'une question capitale.


        Si les modifications paraissent aller au-delà de ce que prévoyait l'ordonnance, quelques éléments doivent demeurer présents à l'esprit. Premièrement, il s'agit d'une jonction d'instances comportant un nouvel intitulé et un nouveau numéro de dossier et pouvant être assimilée à une nouvelle action susceptible d'être modifiée de plein droit avant que la défense ne soit produite. Deuxièmement, l'autorisation d'apporter une modification raisonnable peut être aisément obtenue à ce stade. Troisièmement, il serait vain de tenter de déterminer les modifications qui étaient envisagées dans l'ordonnance ou celles qui ne l'étaient pas, puisque la déclaration issue de la réunion d'instances, sa modification et toute autre chose s'y rapportant doivent désormais satisfaire à la règle 221, la disposition applicable en matière de radiation. Enfin, si je devais radier certaines parties de la déclaration pour le seul motif qu'elles pourraient aller au-delà de l'intention sous-jacente à l'ordonnance, nous devrions tous consacrer du temps à l'examen d'une demande de modification et à l'audition d'arguments contre la modification semblables à ceux formulés par les défendeurs en l'espèce, ce qui occasionnerait un dédoublement des efforts. Je ne vais pas radier des éléments parce qu'ils pourraient aller au-delà de ce que contenaient les cinq actions réunies.

Action intentée pour le compte d'ancêtres vivants


        Les défendeurs font valoir que tous les renvois aux ancêtres et aux descendants des demandeurs, que madame le protonotaire Aronovitch a jugés contestables, n'ont pas été supprimés. Sur ce point, je peux interpréter l'ordonnance, qui exige la suppression de la mention [traduction] « pour le compte de tous les ancêtres et de tous les descendants » dans l'intitulé de la cause des instances initiales et les modifications corrélatives, compte tenu de l'accord qui l'a précédée. Manifestement, le protonotaire Aronovitch a estimé qu'une action ne pouvait être accueillie pour le compte d'ancêtres décédés, s'appuyant sur la décision Bande indienne Wewayakum c. Bande indienne Wewayakai, [1991] 3 C.F. 420, à page 427 (C.F. 1re inst.) pour conclure que ni les personnes décédées ni celles qui ne sont pas encore nées, qui n'existent donc pas, ne peuvent ester en justice ou être poursuivies; par conséquent, elles ne peuvent faire partie d'un groupe de demandeurs dans le cadre d'un recours collectif. Ce point de vue, bien qu'il demeure fondé quant aux parties en cause, a bien sûr été exprimé avant l'adoption de la règle 115, laquelle envisage qu'une personne puisse représenter non seulement une personne non identifiée, mais également une personne qui n'est pas encore née.

        Il ressort du nouvel intitulé de la cause que les demandeurs désignés agissent uniquement pour le compte des descendants vivants des personnes mentionnées. Je me refuse à conclure que, dans la nouvelle déclaration, les demandeurs font fi des Règles en estant au nom de mineurs qui devraient être représentés conformément à la règle 115. Je me permets de citer Bande indienne de Montana c. Canada, [1998] 2 C.F. 3 (C.F. 1re inst.), où le juge Reed a dit que des tuteurs à l'instance n'avaient pas à être désignés dans le cadre d'un recours collectif et que l'exiger dans une affaire mettant en cause une multitude de mineurs « ne serait absolument pas réaliste; ce serait un cauchemar sur le plan procédural » (page 19). Le fait que l'instance mette en cause des mineurs n'est pas un motif de radiation, et même si c'en était un, l'on pourrait facilement remédier à l'irrégularité. Je signale par ailleurs que la déclaration renferme toujours des renvois tout à fait légitimes aux ancêtres. Cependant, j'ai radié, sous réserve de l'autorisation de le modifier, le paragraphe 11 de la demande de réparation. J'y reviendrai.

Définition du groupe et exigence de représentation


        Les défendeurs disent que le recours collectif est irrégulier parce que tous ceux qui partageraient le même intérêt et auraient droit à la même réparation ne sont pas nommés. Si le groupe est suffisamment bien défini, il n'est pas nécessaire que tous ses membres soient identifiés. Le principe n'est pas nouveau et il a été repris dans un arrêt récent, Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534 (C.S.C.), à la page 554, où le juge en chef McLachlin tranche clairement la question :

Bien qu'il existe des différences entre les critères, il se dégage quatre conditions nécessaires au recours collectif. Premièrement, le groupe doit pouvoir être clairement défini. La définition du groupe est essentielle parce qu'elle précise qui a droit aux avis, qui a droit à la réparation (si une réparation est accordée), et qui est lié par le jugement. Il est donc primordial que le groupe puisse être clairement défini au début du litige. La définition devrait énoncer les critères objectifs permettant d'identifier les membres du groupe. Les critères devraient avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe mais ne devraient pas dépendre de l'issue du litige. Il n'est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus. Il est toutefois nécessaire que l'appartenance d'une personne au groupe puisse être déterminée sur des critères explicites et objectifs : voir Branch, op. cit., par. 4.190-4.207; Friedenthal, Kane et Miller, Civil Procedure (2e éd. 1993), p. 726-727; Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 10-11. [Non souligné dans l'original.]

Madame le juge McLachlin dit clairement qu' « [i]l n'est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus » . Elle préconise l'établissement d'un critère objectif permettant d'identifier les membres du groupe au début de l'instance, un critère indépendant de l'issue du litige. Dans la présente affaire, le critère établi, celui d'un lien avec les personnes nommées, est clair, objectif et non susceptible de changer selon l'issue de l'instance. De plus, l'avocate des demandeurs signale qu'elle devra ultérieurement préciser l'identité des quelque 650 demandeurs et qu'il serait contre-productif d'encombrer la déclaration des noms de chacun des membres du groupe.


      Les défendeurs prétendent que les demandeurs doivent présenter une demande fondée sur la règle 115 pour agir à titre de représentants, qu'ils ne l'ont pas fait et que la demande doit être radiée. J'ai déjà examiné la question en renvoyant à la décision Bande indienne de Montana, précitée. Il se peut également que les défendeurs confondent la règle 115 avec la règle 114. Cette dernière s'applique. Suivant son libellé, il est loisible aux demandeurs de présenter une requête « à tout moment » afin que des représentants soient désignés ou, en l'espèce, afin de confirmer les représentants désignés. Je signale toutefois la modification des Règles de la Cour fédérale en matière de recours collectifs publiée dans la Gazette du 8 décembre 2001, mais non encore en vigueur lors de l'audition de la requête. J'examinerai maintenant les questions de fond.

Absence d'une cause d'action valable, non-pertinence et autres motifs de radiation

      Les défendeurs allèguent l'absence de cause d'action valable du fait que les demandeurs recourent à ce qui, selon eux, ne sont que de simples affirmations, dans 21 des 64 paragraphes de la déclaration, au lieu d'offrir un exposé concis des faits substantiels, à l'exclusion de tout moyen de preuve, comme l'exige la règle 174. Ils dénoncent par ailleurs l'absence de pertinence de quelque 35 paragraphes, dont certains ne révéleraient pas non plus une cause d'action valable. Il est opportun d'examiner ces deux catégories de pair, la pertinence n'étant qu'un autre aspect d'un acte de procédure renfermant une cause d'action valable. J'ai appliqué les normes de radiation dégagées dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959 et les normes équivalentes régissant les autres éléments de la règle 221.


      Tout comme il convient, en cas de doute concernant l'existence d'une cause d'action valable, de conserver l'allégation, tout paragraphe dont la pertinence est discutable doit être conservé puis soumis au juge de première instance. Je renvois à cet égard à Discount Car & Truck Rentals Ltd. c. Enterprise Rent-A-Car Co. (1997), 76 C.P.R. (3d) 39, à la page 41 et à Mathias c. La Reine, [1980] 2 C.F. 813, à la page 816, deux décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale. Évidemment, même si de simples allégations formulées en trop et n'infligeant un préjudice à aucune des parties peuvent continuer de figurer dans un acte de procédure, il n'en va pas de même d'un paragraphe tout à fait redondant ou nullement pertinent.


      Dans les paragraphes en question, les demandeurs invoquent des droits issus de traités et d'autres droits ancestraux datant de temps immémoriaux, le respect du Traité no 6 par les ancêtres d'au moins un des demandeurs, un lien avec Big Bear, un contemporain de Louis Riel, qui s'est opposé au Traité no 6 vers 1884 ou 1885, le fait que certains des ancêtres des demandeurs ont pu obtenir un certificat pendant l'année 1885, la renonciation au traité constituant une condition préalable à cette obtention et le fait que, même si, en 1886, les Affaires indiennes avaient interdit aux Indiens de la région d'Edmonton de renoncer à l'application du traité, des fonctionnaires ont abusé de la confiance des ancêtres des demandeurs et acheté leurs certificats. La déclaration dit en outre que malgré l'amnistie, après la Rébellion du Nord-Ouest, les Affaires indiennes ont cessé de verser les avantages prévus par traité et que, à tout le moins, la Commission des Sang-Mêlé a alors fait preuve d'abus de confiance et manqué à ses obligations fiduciaires et que, plus récemment, elle a eu recours à la dissimulation frauduleuse aggravée par la fourniture d'alcool par des employés, des mandataires et des agents de Sa Majesté. Les paragraphes dont la radiation est demandée se terminent par des affirmations selon lesquelles les ancêtres des demandeurs, les demandeurs et les descendants vivants des demandeurs avaient et ont le droit d'être inscrits au registre des Indiens. Je signale au passage que le renvoi aux ancêtres, dans ces paragraphes, a lieu dans un contexte approprié et qu'il ne doit donc pas être radié comme le renvoi aux ancêtres décédés dans l'intitulé de la cause.

      D'une part, les défendeurs reprochent à cette partie de l'acte de procédure d'avoir une portée beaucoup trop grande puisque, selon eux, les simples affirmations paraissent exiger le procès de toute la colonisation de l'Ouest canadien. D'autre part, les demandeurs soutiennent que, conformément à la règle 174, la teneur de ces paragraphes constitue un exposé concis des faits sur lesquels ils se fondent, à l'exclusion de tout moyen de preuve à l'appui.

      Ces paragraphes doivent être interprétés en tenant compte de la déclaration en entier. Dans une certaine mesure, ils renferment des données contextuelles qui, si elles sont prouvées, établissent que les demandeurs ont droit à l'inscription à titre d'Indiens. Le texte n'est pas d'une lecture facile. Certaines des allégations peuvent être incendiaires et heurter les demandeurs. D'autres, concernant l'obtention de certificats et les motifs pour lesquels il ne s'agit pas d'un obstacle à la reconnaissance à titre d'Indien, auraient pu justifier une réponse éventuelle, mais elles ne constituent pas en soi un motif de radiation.


      Les défendeurs citent Rochon c. Canada (1997), 141 F.T.R. 47. Dans cette affaire, un détenu assurant lui-même sa représentation avait produit une déclaration prolixe renfermant de nombreux paragraphes généralement non pertinents; ceux-ci étaient complètement superflus, renfermaient des arguments ou se résumaient à de simples affirmations non susceptibles d'étayer une cause d'action. À mon sens, la déclaration aurait donné lieu à une instance que la Cour n'aurait pu gérer convenablement, de sorte qu'elle a pu être assimilée par ailleurs à un abus de procédure ou à un acte de procédure vexatoire. J'ai cependant estimé que certaines de ses parties, moyennant quelques modifications, révélaient une cause d'action valable et pouvaient donc être conservées :

[23] Une déclaration doit être rédigée sous forme d'un récit lisible afin que sa lecture permette à la fois à la défenderesse et à la Cour de comprendre quelle est la réclamation effectivement présentée par le demandeur. En l'espèce, la déclaration, qui est longue et difficile à suivre, ne contient que de rares faits, mais elle est truffée de simples énoncés, des assertions aussi bien que des conclusions, le tout accompagné de détails et d'éléments de plaidoiries dénués de pertinence. Il s'agit d'une réclamation qui n'avance pas, de manière raisonnable, une cause raisonnable d'action. Elle sollicite de manière arbitraire et non étayée des mesures de réparation et constitue en outre un recours qui ne peut être introduit que par le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire. Tout ce qui, dans la déclaration, suit l'intitulé de la cause, est par conséquent radié.

Dans cette affaire, mon objectif principal était que le demandeur produise un exposé lisible, exempt de simples affirmations qui ne mènent nulle part, d'éléments non pertinents qui ne précisent même pas le contexte et d'arguments qui, au mieux, étaient prématurés. La personne qui aurait pris connaissance de la déclaration aurait eu une vague idée ou n'aurait eu aucune idée de l'objet de l'instance. À l'opposé, dans la présente affaire, les défendeurs peuvent ne pas aimer l'acte de procédure, mais ils savent très bien quel est l'objet de la demande.


      Même si, dans Rochon, l'issue dépendait jusqu'à un certain point des faits de l'espèce, le principe dégagé, soit qu'un acte de procédure doit être lisible et renfermer suffisamment de faits, est fondamental. Le problème que pose la déclaration en l'espèce est que certains de ses paragraphes ne renfermeraient que de simples affirmations. Selon moi, cela découle en partie du processus de jonction d'instances, le remaniement de l'exposé exigeant nécessairement des ruptures et des déroutements latéraux afin de rendre compte du contexte historique dans lequel s'inscrit la demande de chacun des groupes de demandeurs. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une déclaration facile à lire puisqu'il s'agit d'une dénonciation générale d'une partie de l'histoire de l'Ouest canadien.

      Pour statuer sur les prétentions des demandeurs et celles des défendeurs, je dois trouver un compromis entre un point de vue historique raisonnablement prolixe sous-tendant la demande et l'opinion qu'un exposé historique aussi détaillé n'a pas sa place dans la déclaration. L'affaire Dumont est à cet égard relativement instructive : Dumont c. Canada (P.G.) (1987), 48 Man. R. (2d) 4; décision infirmée dans [1988] 5 W.W.R. 193, dissidence du juge O'Sullivan, J.C.A.; décision de première instance rétablie dans [1990] R.C.S. 279.


      L'affaire Dumont mettait notamment en cause la Fédération des Métis du Manitoba et un groupe de Métis qui, en tant que groupe autochtone distinct suivant l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, souhaitait contester la constitutionnalité de mesures ayant une incidence sur les droits que leur conférait la Loi de 1870 sur le Manitoba. À l'issue de l'audience, le juge Barkman a rejeté la requête du ministère public visant la radiation de la déclaration. Il a dit que de véritables questions devaient être tranchées et qu'elles ne pouvaient l'être avant l'instruction, lorsque tous les éléments de preuve seraient présentés à la cour.

      Malheureusement, les trois décisions donnent peu de précisions sur la déclaration. Toutefois, dans ses motifs, la Cour d'appel donne une idée de son orientation et de sa teneur. Je renverrai à la fois aux motifs du juge O'Sullivan, de la Cour d'appel qui, même s'il était dissident, partageait le même point de vue que le juge de première instance et la Cour suprême du Canada, et au jugement majoritaire de la Cour d'appel.

      Le juge O'Sullivan a fait remarquer que le litige portait sur l'aptitude juridique d'une personne physique à faire valoir les droit d'un peuple. Partant, même si l'objectif de la requête était le même qu'en l'espèce, soit la radiation de la déclaration, les motifs étaient différents. Sa décision approfondit l'histoire des Métis et les principes philosophiques, juridiques et historiques ayant une incidence sur les droits des minorités en général et des Métis en particulier. Il a conclu qu'il y avait une cause d'action valable et que les demandeurs Métis devaient pouvoir intenter le recours collectif en vue d'obtenir un jugement déclaratoire quant à la validité des dispositions canadiennes et manitobaines.

      La décision majoritaire de la Cour d'appel est également une leçon d'histoire, mais elle adopte un point de vue légèrement différent.


      Il est très improbable que l'une ou l'autre des décisions de la Cour d'appel ait été taillée en plein drap, mais il est probable qu'elles s'appuient sur la déclaration. Par conséquent, l'arrêt de la Cour d'appel dans Dumont justifie dans une large mesure la prise en considération du contexte historique général dans le cadre d'une instance comme celle dont la Cour est saisie en l'espèce. Partant, conformément à la décision Rochon, précitée, j'ai examiné les paragraphes de la déclaration qui, selon les défendeurs, ne révéleraient aucune cause d'action valable et ne seraient pas pertinents, afin de décider s'ils constituent un exposé lisible permettant aux défendeurs et à la Cour de savoir quel est l'objet du recours des demandeurs ce qui, après tout, exige la connaissance de l'histoire des Métis, peut être pas depuis des temps immémoriaux, mais du moins depuis le 18e siècle.

      J'examinerai la déclaration en fonction, principalement, des allégations de non-pertinence et d'absence de cause d'action valable, mais je me pencherai aussi sur certains paragraphes qui font l'objet d'autres critiques de la part des défendeurs.

      Aux premier et deuxième paragraphes, les demandeurs disent appartenir à un peuple autochtone et habiter les mêmes régions, soit depuis des temps immémoriaux, soit, à tout le moins, depuis la signature du Traité no 6 en 1876. Ces deux paragraphes jouent un rôle fondamental dans la déclaration; je signale au passage que je refuse de les radier, comme le demandent les défendeurs, au motif qu'ils retarderaient l'instruction équitable de l'action. Ils inscrivent dans leur contexte un certain nombre d'allégations figurant ailleurs dans la déclaration.


      Les défendeurs soutiennent que le paragraphe 3 ne révèle aucune cause d'action valable, est scandaleux et vexatoire, constitue un abus de procédure et, de ce fait, retardera l'instruction équitable de l'action. D'aucuns de ces reproches sont certainement fondés, mais il est manifeste que le troisième paragraphe reprend la teneur des deux premiers et, à tout le moins, du paragraphe 61, en ce qui concerne les droits ancestraux et les droits issus de traités. Il s'agit d'un élément superflu qui est radié parce qu'il est vexatoire et qu'il tend à retarder le règlement du litige.

      Le paragraphe 4, s'il doit être conservé, n'a qu'à être soupesé au regard de la pertinence. Les demandeurs y affirment essentiellement que l'octroi d'une charte à la Compagnie de la baie d'Hudson n'a eu pour effet d'éteindre aucun de leurs droits ancestraux. Cette prétention n'est pertinente que dans la mesure où l'extinction des droits ancestraux a pu résulter de la concession d'une charte à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il n'est pas acquis que les défendeurs adopteront ce point de vue et, jusqu'à ce qu'ils le fassent, le paragraphe est non pertinent et, pour ce motif, il est radié. Toutefois, la radiation est ordonnée sans préjudice du droit des demandeurs de formuler à nouveau cette prétention dans le cadre d'une réponse claire à la défense.


      Le paragraphe 6, qui porte sur la rétrocession à Sa Majesté, par voie de décret en 1870, de terres, de droits, de privilèges et de pouvoirs de la Compagnie de la baie d'Hudson, serait entre autres non pertinent. Il s'agit d'un fondement important de l'exposé et de la thèse des demandeurs. Il est conservé. Toutefois, le paragraphe 7, qui énonce simplement que, suivant le décret de 1870, la Compagnie de la Baie d'Hudson échappe à toute responsabilité concernant les revendications des Indiens et que Sa Majesté devait assurer la protection des tribus indiennes touchées par la rétrocession, est à la fois redondant et non-pertinent. Il est donc radié.

      Les paragraphes 8 et 9 ont été contestés par écrit au motif qu'ils renfermeraient de nouveaux éléments. Il s'agit d'un argument que j'ai déjà examiné. Les défendeurs ont cependant laissé entendre que ces deux paragraphes étaient par ailleurs dénués de toute pertinence, ce qui n'est pas mon avis. Ils sont donc conservés.

      Le paragraphe 10 porte sur les événements qui ont mené à la signature du Traité no 6 en 1876. Je n'y vois rien de pertinent, dans le présent contexte, en ce qui concerne l'adhésion des ancêtres des demandeurs au Traité no 6 ou la revendication de droits issus de traités par la génération actuelle. Il est donc radié pour non-pertinence.

      Le paragraphe 11 est pertinent en ce qu'il expose, en renvoyant aux ancêtres, l'interprétation du Traité no 6 par les demandeurs et un point de vue pertinent y afférent.

      Le paragraphe 12 précise les parties du Traité no 6 sur lesquelles se fondent les demandeurs. Il est donc pertinent. Qui plus est, ni le paragraphe 11 ni le paragraphe 12 de la déclaration n'auront pour effet de retarder indûment l'instruction de l'affaire. Le paragraphe 12 est également conservé.


      Les paragraphes 13 et 14, qui sont dépourvus de logique, font état de la généalogie qui relierait les demandeurs actuels à un signataire du Traité no 6. Cela pourrait tenir lieu de précisions, mais seulement au besoin et si les défendeurs en font la demande. Les paragraphes 13 et 14 sont radiés pour non-pertinence.

      Le paragraphe 15 est une simple affirmation selon laquelle les ancêtres du demandeur Leo Parenteau ont adhéré au Traité no 6. Cela ne précise en rien la cause d'action ni ne révèle l'existence d'une cause d'action valable. Le paragraphe est radié.

      Le paragraphe 16 énonce que l'arrière-grand-mère de la demanderesse Florence Pulliam était Sophy Loyer, de la bande no 132, famille no 49, de la bande indienne Michels. Je ne vois aucun lien entre cet énoncé et le reste de la déclaration. Parce qu'il est dénué de pertinence, le paragraphe est radié.


      Le paragraphe 17, que je refuse de radier pour le seul motif qu'il renferme des éléments nouveaux, porte sur la famine générale ayant sévi vers 1879 à cause de l'omission alléguée de Sa Majesté de s'acquitter des obligations découlant du Traité no 6. Le paragraphe 18 porte sur les privations dont alors ont souffert des Indiens qui ne faisaient pas officiellement partie d'une bande et qui seraient les ancêtres de certains des demandeurs. Les paragraphes 17 et 18, de même que les paragraphes 19 et 20, constituent la toile de fond du paragraphe 21 portant sur les débuts de la rébellion de Riel. Les défendeurs prétendent que ces paragraphes, sauf le paragraphe 17, sont tous dénués de pertinence. Je ne partage pas leur avis, car la rébellion de Riel a mené à l'amnistie de 1886 : les demandeurs veulent entre autres obtenir un jugement déclaratoire selon lequel cette amnistie s'applique toujours. Les paragraphes 17 à 21 sont conservés pour offrir, entre autres, un contexte approprié.

      Suivant le paragraphe 22, [traduction] « avec environ 190 Indiens, le fils de Big Bear, Twin Wolverine, a passé l'hiver 1884-1885 dans la région de Buffalo Lake, près du bureau de Bear Hills » . Cette allégation serait non pertinente parce qu'elle ne révèle aucune cause d'action. Il faut cependant la lire de pair avec les paragraphes 21 et 23, auquel cas elle établit un lien entre ceux qui ont souffert des privations ayant mené à la rébellion de Riel et les demandeurs, qui disent avoir pris part à celle-ci. Le paragraphe 23 fournit également le contexte de la proclamation, en 1885, du gouvernement provisoire de Louis Riel, dont fait état le paragraphe 24. En eux-mêmes, ces paragraphes ne révèlent pas une cause d'action. Ils ne sont pas non plus dénués de pertinence au point de retarder l'instruction de l'affaire. Même si leur pertinence est discutable, les paragraphes 23 et 24 sont conservés comme toile de fond appropriée.

      Le paragraphe 25 porte sur la participation des ancêtres des demandeurs à la rébellion de Riel et sur leur fuite au Montana. À nouveau, je suis disposé à conserver ce paragraphe parce qu'il explique la punition infligée aux ancêtres des demandeurs et qu'il établit un lien avec la réparation demandée, notamment un jugement déclaratoire selon lequel les demandeurs sont des Indiens et l'amnistie de 1886 vaut toujours.


      Le paragraphe 26 porte sur les déplacements des militaires dans diverses régions qu'habitaient les ancêtres des demandeurs. Ces derniers pourraient devoir préciser l'identité des ancêtres en question, mais encore une fois, je ne suis pas disposé à radier le paragraphe au motif qu'il ne serait pas pertinent. Que cette incursion militaire ait entraîné la pendaison de Riel ne se rapporte pas spécialement à la présente action, mais il s'agit à nouveau d'une donnée contextuelle.

      Le paragraphe 27 fait état du châtiment que l'agent des Affaires indiennes a infligé à ces Indiens, y compris les ancêtres des demandeurs, qui étaient soupçonnés d'avoir pris part à la rébellion. L'on peut ressentir une grande sympathie à l'endroit de ces Indiens qui ont subi les contrecoups de la rébellion, mais je ne crois pas que ce paragraphe se rapporte de quelque manière à la demande, de sorte que je le radie au motif qu'il est vain.

      Au paragraphe 28, il est question d'événements se rapportant au grand-père de la demanderesse Florence Pulliam, qui a fui aux États-Unis et y a épousé une Indienne de la bande des Pieds-Noirs. Ce paragraphe n'est pas parfaitement dénué de pertinence car, entre autres, il permet à Florence Pulliam d'établir qu'elle est plus qu'admissible à l'inscription au registre des Indiens en application de la Loi sur les Indiens et qu'elle fait partie des peuples autochtones du Canada au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

      Le paragraphe 29 a pour objet l'argument voulant que certains des ancêtres des demandeurs ont obtenu un certificat et, ce faisant, ont renoncé aux avantages du Traité no 6. Il s'agit d'une question que devront aborder les demandeurs. Le paragraphe 29 est donc conservé, parce qu'il est pertinent.


      Les paragraphes 30 à 33 visent des allégations particulières selon lesquelles certains ancêtres des demandeurs ont obtenu un certificat. Il s'agit encore une fois d'un élément qui sera probablement invoqué tôt ou tard à l'encontre de l'allégation des demandeurs ou de certains d'entres eux, à tout le moins, voulant qu'ils soient des Indiens. Les paragraphes 30 à 33 demeurent.

      Les paragraphes 34 et 35 traitent de la renonciation des ancêtres des demandeurs à l'application du traité. Les défendeurs soutiennent qu'il s'agit d'éléments nouveaux. Il s'agit d'un argument que j'ai déjà examiné. En outre, certains des demandeurs doivent satisfaire à des exigences pour établir qu'ils ont droit à l'inscription au registre des Indiens.

      Le paragraphe 36 est général dans la mesure où il renvoie à la venue de la Commission des Sang-mêlé dans la région d'Edmonton et au fait qu'un plus grand nombre d'Indiens, [traduction] « y compris les ancêtres des demandeurs » , auraient alors renoncé au traité. Cet énoncé est bien trop général et il est dénué de toute pertinence. Il est donc radié.


      Suivant le paragraphe 37, vers 1886, un surintendant général des Affaires indiennes a interdit à quiconque d'accepter une renonciation au traité par un Indien de la région d'Edmonton. Cette allégation a certainement pour effet de rendre publique la position de Sa Majesté concernant la renonciation des Indiens à l'application du traité. Bien qu'elle fasse mention d'abus de confiance, d'irrégularité, de corruption, d'abus d'influence et de contrainte, entre autres choses, je suis enclin à la laisser telle quelle. Elle étaye la cause d'action des demandeurs et, bien qu'elle soit presque scandaleuse, des précisions pourront être demandées, un interrogatoire préalable pourra avoir lieu, puis, si les demandeurs ne peuvent étayer leurs allégations, la Cour pourra réexaminer la question.

      Le paragraphe 38, dont les défendeurs prétendent qu'il n'est pas pertinent, porte sur l'obtention d'un certificat par un ancêtre de la demanderesse Armande Gill après que le surintendant général des Affaires indiennes en eut interdit la délivrance (voir par. 37). Le paragraphe 38 est pertinent. Je ne vois pas comment il retarderait indûment l'instruction de l'affaire, puisque la question devra être examinée de toute façon. Le paragraphe 38 est conservé.

      Au paragraphe 39, les demandeurs font valoir l'amnistie du 17 juillet 1886 accordée par la reine Victoria à ceux qui avaient pris part à la rébellion, les rétablissant dans leurs droits, leurs terres et leurs biens. Cet élément se rattache également à la thèse actuellement défendue par les demandeurs. Il est de la même nature que le paragraphe 40, que les défendeurs ne contestent pas.

      Suivant le paragraphe 41, des mandataires de Sa Majesté, employés par les Affaires indiennes et par la Commission des Sang-mêlé, auraient indûment eu recours à des stratagèmes pour acheter des certificats, et [traduction] « les ancêtres des demandeurs auraient subi un préjudice en raison des actes de ces mandataires de Sa Majesté » . Ce paragraphe est contesté parce qu'il n'appuie aucune cause d'action valable et qu'il est dénué de pertinence. J'en conviens. Il est radié.


      Le paragraphe 42 signale qu'un Indien ne pouvait obtenir un certificat qu'en renonçant à l'application du traité. Il doit être interprété compte tenu du paragraphe 43, où les demandeurs font observer qu'une telle renonciation à l'application du traité était contraire à l'article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867, à divers traités modernes et aux principes du droit international coutumier en matière de traités. Je ne vois aucun lien entre la législation subséquente et la renonciation antérieure au traité. Les demandeurs ajoutent que leurs ancêtres avaient moins d'un tiers de « sang blanc » , qu'ils avaient toujours vécu comme des Indiens et que ce qui s'était passé avait été contraire aux garanties qu'on leur avait données en liaison avec la signature du Traité no 6. Je conviens avec les défendeurs que le paragraphe 42 ne révèle pas une cause d'action valable et que le paragraphe 43 est non pertinent. Les deux sont radiés.

      Au paragraphe 44, les demandeurs font valoir que les certificats de 1885 et de 1886 étaient nuls ab initio. Cette prétention est pertinente dans la mesure où les demandeurs veulent établir qu'ils n'ont pas renoncé à leur qualité d'Indiens ou de membres d'un peuple autochtone. Le paragraphe 44 est conservé.

      Suivant le paragraphe 45, [traduction] « ces Indiens » n'ont touché par la suite aucune somme ni aucun autre avantage issu du traité. Il semble étayer la demande initiale de dommages-intérêts pour les ancêtres. Il est non seulement dénué de pertinence, mais il ne révèle aucune cause d'action valable. Il est donc radié.


      Le paragraphe 46 porte sur la délivrance alléguée d'un certificat à l'ancêtre de plusieurs des demandeurs, en 1900, par la Commission des Sang-mêlé. Les défendeurs ne contestent pas l'affirmation, mais ils s'opposent à l'allégation suivant laquelle les certificats étaient nuls, faisant valoir qu'elle renvoie aux ancêtres. Bien que cela aurait pu être le cas, il ne s'agit pas d'une allégation par un ancêtre, mais bien d'une allégation figurant dans la déclaration des demandeurs. Le paragraphe 46 est conservé.

      Au paragraphe 48, les demandeurs font valoir que la délivrance de certificats allait à l'encontre de l'Acte concernant les Sauvages de 1886. Dans la mesure où les certificats ont été délivrés en 1886, voire par la suite, le paragraphe 48 est pertinent. Il n'est donc pas radié.

      Suivant le paragraphe 49, la délivrance des certificats constituait un abus de confiance, contrevenait au Traité no 6 et allait à l'encontre des dispositions de l'Acte concernant les Sauvages. Cela ne veut pas dire que les certificats ont été délivrés de manière irrégulière, sous la contrainte, de manière frauduleuse, etc. Les demandeurs disent qu'il se rattache au paragraphe 45, que j'ai déjà radié. Les défendeurs prétendent qu'il ne révèle aucune cause d'action valable. J'ajoute qu'il paraît scandaleux et vexatoire, en ce qu'il ne mène nulle part. Le paragraphe 49 est radié.

      Les paragraphes 50 et 51 portent sur l'acquisition de certificats par MM. McDougall et Secore, à peu près au même moment, semble-t-il, que la signature du Traité no 8. Cette acquisition aurait causé un préjudice aux demandeurs et à leurs ancêtres. Je ne vois pas en quoi ces paragraphes sont pertinents. Ils sont donc radiés.


      Les paragraphes 52 à 56 ont trait à l'acquisition ou à la cession de certificats par MM. McDougall et Secore et à leur remise à Sa Majesté en vue de toucher la somme en question, ce qui équivaudrait à une fraude en equity au détriment des ancêtres des demandeurs. Suivant le paragraphe 56, ces actes, survenus entre 1885 et 1900, auraient été dissimulés aux demandeurs et à leurs ancêtres. Les paragraphes 52 et 56 sont radiés parce qu'il est clair, manifeste et certain qu'ils ne révèlent d'aucune action valable.

      Le paragraphe 57 porte sur l'émancipation, en octobre 1958, de la bande indienne Michels à laquelle la demanderesse Florence Pulliam relie ses ancêtres. Florence Pulliam et ses descendants vivants auraient alors été dépouillés des droits que leur conférait le Traité no 6. Le paragraphe révèle clairement une cause d'action. Les demandeurs invoquent ensuite la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que diverses déclarations et conventions internationales, le droit international coutumier et les obligations fiduciaires de Sa Majesté, entre autres. Tout bien considéré, j'entends maintenir le paragraphe 57. Toutefois, les défendeurs ont droit à des précisions, comme je l'indique plus loin. Les défendeurs pourraient aussi devoir approfondir les questions soulevées au paragraphe 57 dans le cadre d'un interrogatoire préalable. Tout compte fait, je ne suis pas en mesure d'affirmer, de prime abord, que le paragraphe 57 ne révèle pas clairement et manifestement une cause d'action valable et que l'allégation sera certainement rejetée.


      Le paragraphe 58 indique que les ancêtres des demandeurs étaient des Indiens suivant différentes versions de la Loi sur les Indiens et qu'ils étaient inscrits à titre d'Indiens sous le régime de cette loi ou qu'ils avaient le droit de l'être. Cette allégation se rapporte elle aussi à la réparation demandée. Elle révèle une cause d'action valable possible. Partant, je ne suis pas disposé à la radier au motif qu'elle serait scandaleuse et vexatoire et constituerait un abus de procédure.

      Aux paragraphes 59 et 60, les demandeurs allèguent le droit, de certains d'entre eux, ainsi que de leurs descendants vivants, d'être inscrits au registre des Indiens. Compte tenu des paragraphes précédents, ces paragraphes tendent à constituer une cause d'action cumulative quant à la réparation demandée. Je remarque que les défendeurs s'opposent toujours à ce qu'il soit fait mention des « descendants vivants » : cela est très différent du renvoi aux ancêtres. Il s'agit d'une allégation parfaitement valable. Pour ce motif, je refuse également de radier le paragraphe 61, selon lequel les demandeurs et leurs descendants vivants totalisent environ 670 personnes.

      Les demandeurs allèguent au paragraphe 62 que leurs ancêtres et leurs descendants vivants font partie des peuples autochtones du Canada. Ils devront également prouver que leurs ancêtres appartenaient aux peuples autochtones du Canada aux fins d'établir leurs droits ancestraux. Le paragraphe 62 est conservé puisque, considéré dans le contexte de la déclaration, il tend à révéler une cause d'action valable.


      Au paragraphe 63, le demandeur Gordon Gill dit être une personne dont le nom a été retranché du registre des Indiens avant le 4 septembre 1951 parce que son père n'était pas un Indien. Il s'agit d'une allégation totalement hypothétique. Le demandeur ajoute qu'il a maintenant droit, tout comme ses enfants, à l'inscription au registre des Indiens. Compte tenu de l'ensemble de la déclaration, ce paragraphe est non seulement dénué de pertinence, mais en raison du caractère hypothétique de l'allégation, il ne révèle pas une cause d'action valable. Les sommes qui y sont demandées au bénéfice de Gordon Gill et de ses enfants le sont également, de manière générale, dans d'autres paragraphes de la déclaration, de sorte que certains de ses éléments sont redondants. Le paragraphe 63 est radié parce qu'il est non pertinent et qu'il ne révèle pas une cause d'action valable.

      Au paragraphe 64, les demandeurs contestent les dispositions de la Loi sur les Indiens de 1985 parce qu'elles seraient contraires à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il peut fort bien s'agir d'un obstacle que les demandeurs devront surmonter. Je ne saurais dire d'emblée que le paragraphe ne révèle pas une cause d'action valable. De plus, il peut être pertinent. Le paragraphe 64 demeure.

      J'ai examiné les différents motifs pour lesquels les défendeurs contestent la demande de réparation. Une infime partie de celle-ci est contestée parce qu'il s'agirait d'un élément nouveau; il s'agit essentiellement des dommages-intérêts pour non-respect du traité, du droit international, du droit des gens et du droit constitutionnel. Cela pourrait ultérieurement justifier une demande de précisions, mais je ne suis pas disposé à radier ces mentions pour le moment. Les défendeurs contestent l'allégation selon laquelle ils auraient omis de maintenir l'inscription des ancêtres des demandeurs dans le registre des Indiens. Il ne s'agit pas d'une allégation d'un ancêtre, mais bien du fondement de la demande actuellement présentée par les demandeurs. L'allégation est maintenue.


      Les demandeurs demandent la comptabilisation, jusqu'à la date de l'instruction, des paiements et des avantages prévus dans le Traité no 6, qui n'ont pas été versés depuis 1885. Je ne vois pas la pertinence de l'année 1885; elle se rapporte manifestement aux ancêtres. Le paragraphe 11 de la demande de réparation est donc radié, les demandeurs étant autorisés à apporter une modification pour renvoyer aux avantages auxquels ils auraient eux-mêmes droit.

      Les demandeurs ont 30 jours à compter de la date de l'ordonnance découlant des présents motifs pour signifier et déposer une déclaration modifiée.

Précisions

      Les défendeurs demandent l'autorisation de produire une défense modifiée. Subsidiairement à la demande de radiation, ils demandent toutefois des précisions. Je me pencherai maintenant brièvement sur la question des précisions. Il va de soi en droit, mais il s'agit également d'un principe fondamental et important, que les précisions visent à permettre à la partie qui les demande de circonscrire les questions en litige. Dans la présente affaire, des précisions devront être données sur certaines parties de la déclaration avant que les défendeurs ne soient tenus d'y répondre.

      Il serait opportun, à ce stade, pour que les défendeurs puissent savoir quelles sont les parties à ce recours collectif, que les demandeurs précisent l'identité des quelque 700 autres personnes auxquelles renvoie le paragraphe 1 de la déclaration.


      Je ne crois pas que les défendeurs aient besoin de précisions quant au paragraphe 6. Ils devraient être en mesure d'y répondre tel qu'il est rédigé.

      Il convient que les demandeurs donnent des précisions sur les conditions, les ententes, les obligations et les garanties se rapportant au Traité no 6, comme les ont comprises leurs ancêtres, cela faisant partie de l'allégation contenue au paragraphe 11 de la déclaration.

      À mon avis, les défendeurs n'ont pas besoin de précisions pour répondre au paragraphe 12 de la déclaration.

      Comme je l'ai indiqué, le paragraphe 18 fournit des éléments de contexte appropriés. Les défendeurs n'ont pas besoin de précisions pour y donner suite. Cependant, il est fait mention des aïeux ou des ancêtres des demandeurs au paragraphe 19, dans le contexte du mode de vie nomade de ces derniers. S'ils connaissent l'identité de ces ancêtres, les demandeurs devront donner des précisions afin d'aider les défendeurs à répondre au paragraphe 21 de la déclaration.

      Les demandeurs communiqueront si possible les noms des ancêtres visés aux paragraphes 25, 26 et 29.

      Les demandeurs donneront des précisions sur l'abus de confiance, l'irrégularité, la corruption, l'abus d'influence, la contrainte, la dénégation d'écriture et le non-respect des pouvoirs conférés par la loi, dont il est fait mention au paragraphe 37.


      Les demandeurs donneront des précisions sur la délivrance alléguée d'un certificat à Josephte Gray, dont fait mention le paragraphe 46, ainsi que sur la délivrance alléguée d'un certificat à Caroline Thompson, dont il est fait mention au paragraphe 47 de la déclaration.

      Dans la mesure où l'identité des descendants vivants de Florence Pulliam, auxquels renvoie le paragraphe 57, ne fait pas l'objet de précisions afférentes au paragraphe 1 de la déclaration, elle devra être précisée afin que les défendeurs saisissent mieux la portée du paragraphe 57.

      Les demandeurs donneront des précisions sur le non-respect du droit international, du droit des traités, du droit des gens et des obligations fiduciaires de Sa Majesté, dont il est fait mention au paragraphe 57. Ils apporteront également des précisions concernant la contrainte, l'abus d'influence, l'abus de pouvoir, les déclarations trompeuses, la corruption, l'intimidation, la dénégation de signature et l'absence d'habilitation mentionnés au paragraphe 57. Enfin, les demandeurs donneront des précisions sur l'approvisionnement en alcool des membres masculins de la bande Michels ayant droit de vote.

      L'identité des descendants vivants d'Armande Gill, mentionnés au paragraphe 59, sera précisée si elle n'a pas déjà fait l'objet des précisions données relativement au paragraphe 1 de la déclaration.


      Les parties ayant toutes deux partiellement gain de cause, les dépens de la requête suivront l'issue de l'affaire.

(S) John A. Hargrave

                                                                                   Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

12 septembre 2002

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


                                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-165-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :           Garnet Desjarlais et al. c. Sa Majesté la Reine et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :              25 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR PAR : Le protonotaire Hargrave

DATE :                                                 12 septembre 2002

ONT COMPARU :                          

Priscilla Kennedy                                                                        POUR LES DEMANDEURS

Patrick G. Hodgkinson                                                             POUR LES DÉFENDEURS

Leanne K. Young

Suzanne Dawson

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee Mclaws                                                                             POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Edmonton (Alberta)

Morris A. Rosenberg                                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada                                     

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

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