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Date : 20021217

Dossier : IMM-5288-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1311

ENTRE :

                                              KI PO FUNG

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    M. Fung a fait une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des investisseurs. Sa demande vise à obtenir le contrôle judiciaire de la décision d'une agente du service extérieur au Consulat général du Canada à Hong Kong, refusant de transférer son dossier de ce bureau des visas au Consulat général du Canada à New York.


CONTEXTE                                              

[2]    M. Fung est un citoyen de Hong Kong qui, à toutes les époques en cause, a été en règle lors de ses séjours autorisés au Canada. En novembre 1999, il a présenté au bureau des visas de Hong Kong une demande de résidence permanente au Canada en application du règlement et des directives de la province de Québec sur la sélection des ressortissants étrangers. En décembre 2000, M. Fung a reçu son certificat de sélection du Québec. Après cela, le 7 août 2001, le bureau des visas a envoyé une lettre à M. Fung pour demander de plus amples informations, ce qui a été fourni sous forme d'une lettre en date du 14 août 2001, envoyée par l'avocat de M. Fung. Le 5 septembre 2001, l'avocat de M. Fung a écrit au bureau des visas pour demander un accusé de réception de la lettre du 14 août 2001. Cette lettre est restée sans réponse et, le 10 octobre 2001, l'avocat de M. Fung a demandé que le dossier de son client soit transféré du bureau des visas de Hong Kong au bureau des visas de New York.

[3]    Par une lettre en date du 23 octobre 2001, M. Fung a été avisé du rejet de sa demande.

LA DÉCISION DE L'AGENTE DU SERVICE EXTÉRIEUR


[4]                 La lettre du 23 octobre 2001 envoyée par l'agente du service extérieur rejetant la demande, affirmait simplement : [TRADUCTION] « J'ai examiné votre demande et je n'y trouve aucun motif suffisamment convaincant pour ce transfert. » Dans un affidavit présenté en opposition à la présente demande, l'agente du service extérieur a affirmé que dès qu'elle a reçu la demande, elle a examiné le dossier de M. Fung et a mis en balance sa demande [TRADUCTION] « et l'intégrité du programme pour décider s'il faut transférer ou non le dossier » . L'agente du service extérieur a par ailleurs déclaré sous serment qu'aucune explication n'a été fournie pour justifier la demande et que :

[TRADUCTION] En examinant le dossier du demandeur, j'ai constaté que le demandeur réside à Hong Kong, que ses anciennes entreprises avaient leur siège en Chine continentale et à Hong Kong et que son entreprise actuelle a son siège à Hong Kong. J'ai aussi tenu compte du fait que Hong Kong est un centre d'immigration pour gens d'affaires (New York n'en est pas un) et dispose d'une expertise locale pour effectuer l'évaluation obligatoire d'un immigrant établi à Hong Kong. Par ailleurs, les connaissances du demandeur en anglais et en français sont inscrites comme « nulles » sur son formulaire de demande; ainsi, on peut présumer qu'il aura besoin d'un service d'interprétation en langue chinoise à l'entrevue, service que Hong Kong fournit régulièrement à nos demandeurs. En conséquence, j'ai conclu qu'il n'y a aucun motif suffisamment convaincant pour le transfert de son dossier.                        

[5]                 L'agente du service extérieur n'a pas été contre-interrogée sur cette preuve.

LES QUESTIONS EN LITIGE


[6]                 M. Fung soulève une question en ce qui a trait à cette décision : L'agente du service extérieur a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en refusant d'approuver la demande de transfert de sa demande du bureau de Hong Kong au bureau de New York? Le défendeur soulève une autre question : S'agit-il d'une décision qui peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, au motif qu'en droit il n'y a, en l'absence de circonstances spéciales, aucun contrôle judiciaire immédiat d'une décision interlocutoire?

ANALYSE

[7]                 Après avoir entendu les avocats et examiné leurs observations, je conclus que cette demande devrait être rejetée au motif qu'elle est prématurée.

[8]                 La jurisprudence de la Cour est constante sur le fait que, de façon générale, les décisions interlocutoires et procédurales ne devraient pas faire l'objet de contrôle judiciaire. Dans Szczecka c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 170 N.R. 58 (C.A.F.), M. le juge Létourneau, dans le jugement qu'il a rédigé au nom de la Cour d'appel, a dit au paragraphe 4 :

[...] il ne doit pas, sauf circonstances spéciales, y avoir d'appel ou de révision judiciaire immédiate d'un jugement interlocutoire. De même, il ne doit pas y avoir ouverture au contrôle judiciaire, particulièrement un contrôle immédiat, lorsqu'il existe, au terme des procédures, un autre recours approprié. Plusieurs décisions de justice sanctionnent ces deux principes, précisément pour éviter une fragmentation des procédures ainsi que les retards et les frais inutiles qui en résultent, qui portent atteinte à une administration efficace de la justice et qui finissent par la discréditer [...] En matière de contrôle judiciaire sous l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, ce dont nous sommes saisis dans la présente cause, l'interprétation jurisprudentielle qui est faite de cet article est encore plus stricte. [Non souligné dans l'original.]

[9]         Ainsi, en l'absence de circonstances exceptionnelles, la Cour n'interviendra pas en exerçant un contrôle judiciaire qui annulerait la décision interlocutoire.


[10]       En ce qui a trait aux circonstances exceptionnelles ou circonstances spéciales, dans Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites), [1996] 3 C.F. 584 (1re inst.), Mme le juge Tremblay-Lamer a conclu à l'existence de circonstances spéciales parce que la question soulevée en contrôle judiciaire constituait une attaque « dirigée à l'encontre de l'existence même du tribunal » [à la page 596]. Dans Novopharm Ltd. c. Aktiebolaget Astra, [1996] 2 C.F. 839 (1re inst.), M. le juge Gibson a conclu qu'il n'y avait pas de circonstances spéciales parce qu'un autre recours approprié existait.

[11]       Pour revenir aux faits de l'espèce, je suis convaincue que la décision dans la présente affaire est de nature interlocutoire parce que la décision portant sur le transfert du dossier n'a pas disposé de la question principale soulevée à propos de la demande de résidence permanente. Pour les motifs qui suivent, je n'ai pas été convaincue de l'existence de motifs spéciaux qui justifieraient l'intervention de la Cour à ce moment-ci.


[12]       Premièrement, M Fung a déclaré sous serment qu'il n'y a aucun problème à ce qu'il se rende à Hong Kong pour subir son entrevue. M. Fung déclare tout simplement que : [TRADUCTION] « Il serait commode pour moi en tant que demandeur principal d'être reçu en entrevue à New York » et que le [TRADUCTION] « bureau des visas de Hong Kong ne serait pas incommodé par le transfert de mon dossier » . Deuxièmement, un autre recours approprié existe : si la demande de résidence permanente de M. Fung est rejetée, il pourra inclure dans sa demande de contrôle judiciaire de cette décision, la décision de l'agente du service extérieur refusant le transfert du dossier. Cette procédure a été suivie dans Voskanova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 258 (1re inst.), et dansChen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 166 F.T.R. 78 (1re inst.).

[13]       M. Fung a soutenu que le retard du bureau des visas de Hong Kong et son omission de répondre à la correspondance constituent des motifs spéciaux; cependant, même si le retard pouvait soulever des motifs spéciaux, le retard est insuffisant dans la présente affaire pour justifier l'intervention de la Cour à ce moment-ci.

[14]       Le défendeur sollicite les dépens de sa demande au motif que, dit-il, il existe des circonstances spéciales parce que le défendeur a fait une offre écrite de règlement en avril de cette année, après le dépôt des dossiers, offre que M. Fung a d'abord acceptée, puis rejetée.


[15]       Présumant, sans en décider, qu'il est nécessaire que je sois convaincue qu'il existe des circonstances spéciales, je suis convaincue que l'offre de règlement refusée constitue une circonstance spéciale et que le défendeur a droit aux dépens pour les services fournis depuis la présentation de l'offre. Il est préférable que les dépens soient fixés. Dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, compte tenu du temps nécessaire pour préparer l'audition de la présente affaire et pour y comparaître, et considérant la simplicité relative des questions en litige, je fixe ces dépens à 500 $.

                                                         

[16]       L'avocat du demandeur peut signifier et déposer toute observation sur la certification d'une question dans un délai de 14 jours après réception des présents motifs, et par la suite l'avocate du défendeur pourra signifier et déposer des observations en réponse dans un délai de 14 jours. Après cela, l'avocat du demandeur pourra signifier et déposer toute réplique dans un délai de 5 jours de la signification des observations du défendeur à l'avocat du demandeur.

[17]       Après examen de ces observations, une ordonnance sera rendue qui rejettera la demande de contrôle judiciaire.                                      

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-5288-01

INTITULÉ :                                                          Ki Po Fung c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 Le 19 novembre 2002

                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                           Le 17 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Irwin H. Sherman                      

pour le demandeur

Patricia MacPhee                      

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Irwin H. Sherman                      

Don Mills (Ontario)                  

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada       

pour le défendeur

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