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Date : 20051014

Dossier : T-2289-03

Référence : 2005 CF 1405

ENTRE :

NETBORED INC.

demanderesse

et

AVERY HOLDINGS INC., SEAN EREN, SUSAN EREN, SUSAN KATZ, COREY KATZ

et BINARY ENVIRONMENTS LTD.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]                Il s'agit d'une demande d'examen de l'exécution d'une ordonnance Anton Piller accordée par la Cour le 15 décembre 2003, afin de transformer une injonction provisoire rendue ex parte ce même jour en une injonction interlocutoire, et d'une demande d'ordonnance de justification relativement aux allégations d'outrage concernant l'ordonnance Anton Piller contre l'un des défendeurs, Sean Eren. D'autres questions soulevées dans l'avis de requête modifié ont fait l'objet d'autres ordonnances de la Cour ou ont été réglées par les parties.

[2]                Des allégations de violation du droit d'auteur, de manquement à l'obligation de confidentialité, ainsi que de manquement à la relation de fiduciaire et de violation de contrat entre un employeur et un ex-employé ont été soulevées dans la présente action. Les allégations ne concernant pas le droit d'auteur ont été radiées par une ordonnance d'un protonotaire de la Cour datée du 15 février 2005 et modifiée dans une certaine mesure après examen de cette ordonnance par un juge de la Cour le 12 avril 2005. En conséquence, les allégations relatives à la violation du droit d'auteur sont maintenues en entier, alors que les autres le sont seulement dans la mesure où elles peuvent étayer une demande de dommages-intérêts punitifs et exemplaires. La Cour a autorisé le maintien de la demande d'injonction fondée sur les allégations de manquement à l'obligation de confidentialité aux fins de la présente décision pour déterminer la légitimité de l'injonction provisoire limitant l'utilisation abusive de renseignements confidentiels.

[3]                La demanderesse, Netbored Inc., est une société basée en Ontario dont le directeur est Allan Crosier. Cette société mène des activités dans le domaine de ce qui est parfois appelé la vente au détail en ligne : elle offre ses produits - des téléviseurs au plasma, de l'équipement audio et des accessoires connexes - exclusivement sur Internet. Ses clients la découvrent habituellement en utilisant des moteurs de recherche sur Internet, le principal étant Google. Netbored utilise plusieurs sites Web où des clients potentiels peuvent, au moyen de leur ordinateur connecté à Internet, voir les produits offerts, s'informer au sujet de ces produits et passer des commandes, lesquelles sont ensuite exécutées par un fournisseur avec lequel Netbored a pris des arrangements. Il est important, pour une entreprise de ce genre, d'essayer de maximiser l'intérêt qui peut être suscité chez les clients par des outils comme Google et de leur offrir un site Web attrayant et convivial. Netbored exploite un certain nombre de sites Web de ce genre, dont certains offrent des combinaisons différentes de produits. Le principal site Web de Netbored est plasma.com aux fins de la présente instance.

[4]                La manière dont Google fonctionne est importante en l'espèce. Une personne ayant un ordinateur connecté à Internet peut, sans frais, se rendre sur le site Web de Google et faire une recherche afin de trouver d'autres sites Web susceptibles de l'intéresser. Elle tape des mots - appelés mots clés - qui, d'après elle, pourraient lui permettre de trouver le site ou le type de sites qu'elle cherche. Google entreprend alors une vaste recherche, qui dure quelques secondes, afin de trouver les sites Web qui contiennent ces mots clés. Il les présente ensuite dans un certain ordre, généralement à raison de 10 par page environ. L'ordre dans lequel les résultats sont donnés est important car personne ne veut passer du temps à consulter plusieurs pages pour trouver ce qu'il cherche. La manière dont Google effectue ses recherches et classe les résultats n'est généralement pas connue. La plupart des programmeurs croient que Google cherche dans les premières lignes de texte d'un site Web pour trouver des mots qui correspondent à ceux demandés. C'est pour cette raison que les programmeurs aiment inscrire dans les premières lignes de texte d'un site Web des mots, écrits de différentes façons, qui, selon eux, pourraient être utilisés par une personne cherchant un site comme les leurs. Dans la preuve, on a décrit cette technique plus comme un art que comme une science. Google sait que les programmeurs essaient de formuler les premières lignes de texte d'un site Web (souvent appelées métabalises) de façon à attirer les recherches et à faire en sorte que leurs sites Web soient bien classés. Aussi, pour maintenir son intégrité, Google change sa façon de fonctionner de temps à autre - cela se ferait trois ou quatre fois par année - afin de faire obstacle à ceux qui pourraient artificiellement chercher à obtenir un rang élevé. Cette façon de faire est connue dans le métier sous le nom de « Google dance » . Ainsi, Google essaie constamment d'avoir une longueur d'avance sur ceux qui peuvent tenter d'améliorer indûment leur rang.

[5]                Le défendeur Sean Eren est un programmeur. La défenderesse Susan Eren, qui est aussi connue sous le nom de Susan Katz en raison de son mariage avec l'un des autres défendeurs, Corey Katz, est sa soeur. Susan et Corey Katz sont des directeurs de la défenderesse Avery Holdings Inc., une société basée en Ontario qui, pendant une courte période, a aussi vendu au détail sur un site Web appelé discount-plasma.com des téléviseurs au plasma, de l'équipement audio et des accessoires connexes. Avery est restée pratiquement inactive depuis que l'injonction provisoire a été rendue en l'espèce. On dit que Sean Eren est ou a été également un directeur d'Avery, mais la nature et l'étendue de son rôle, le cas échéant, ne sont pas claires et n'ont, de toute façon, aucune importance en l'espèce.

[6]                La défenderesse Binary Environments Ltd. n'est pas représentée dans la présente instance et n'a joué aucun rôle dans les affaires dont la Cour est saisie. Elle n'est pas touchée par les injonctions ou par l'ordonnance Anton Piller prononcées par la Cour. Aucun autre commentaire ne sera fait à son sujet.

[7]                Les événements qui ont donné lieu au présent litige correspondent, dans une large mesure, à l'histoire classique d'un employeur dont l'un des employés quitte son emploi pour exploiter à son compte une entreprise semblable à la sienne et lui faire concurrence. Netbored a été constituée en mai 2000 et a lancé le site Web en cause en l'espèce, plasma.com, en août 2002. Elle dit que le matériel original figurant sur le site Web et le programme utilisé par celui-ci ont été créés en grande partie par M. Crosier et, par la suite, par Sean Eren. Une partie de ce matériel pourrait aussi provenir d'autres sources, mais cette question doit être tranchée dans le cadre d'un procès et non dans le cadre de la présente instance.

[8]                Netbored a publié une annonce pour trouver un autre programmeur. Sean Eren a répondu à l'annonce et a commencé à travailler pour Netbored en qualité d'entrepreneur indépendant. Une grande importance a été accordée à la nature des installations de M. Eren, à la mesure dans laquelle celles-ci étaient utilisées, à l'esprit d'initiative dont M. Eren faisait preuve ainsi qu'au contrôle et à la direction exercés par Netbored sur ses activités. Il ne suffit pas simplement de dire qu'une personne était ou n'était pas un « entrepreneur indépendant » pour savoir qui était titulaire des droits, dont le droit d'auteur, sur le travail de Sean Eren pendant cette période; à première vue, ces droits pouvaient appartenir à Netbored. Cette question doit, elle aussi, faire l'objet d'un procès. Le 8 juillet 2002, Sean Eren a signé une [traduction] « entente de confidentialité » dans laquelle, entre autres choses, il était censé céder les droits d'auteur à Netbored. La portée de cette entente et la question de savoir si elle liait les parties ont été contestées. Il s'agit, là aussi, de questions devant faire l'objet d'un procès. Sean Eren est devenu un employé de Netbored en septembre 2002 et a travaillé pour cette entreprise jusqu'à sa démission, à la fin d'août 2003. Pendant cette période, il a continué à mettre au point des logiciels, du matériel pour les sites Web et des métabalises pour Netbored. M. Eren aurait démissionné pour se joindre au cabinet d'experts-comptables KPMG. En réalité, il travaillait avec la défenderesse Avery, une entreprise qui appartenait à sa soeur et à son beau-frère - et, peut-être, à lui aussi - à la conception d'un site Web, d'un logiciel de comptabilité, de métabalises et d'autres types de matériel afin qu'Avery puisse se lancer dans la vente au détail en ligne de téléviseurs au plasma et d'autres pièces d'équipement en utilisant le site Web discount-plasma.com.

[9]                Vers la fin de septembre 2003, Avery a lancé son site discount-plasma.com et son entreprise de vente au détail en ligne. Netbored a appris l'existence de ce site vers la mi-octobre 2003 et a constaté qu'une grande partie du texte, des images et de la compilation des produits étaient identiques ou essentiellement identiques à ceux de plasma.com. M. Crosier a envoyé un courriel à Susan Eren au nom de Netbored, dans lequel il demandait notamment qu'Avery retire de son site Web ce que Netbored considérait être du matériel violant son droit d'auteur. Dans une courte réponse, Susan Eren a indiqué qu'elle allait examiner la question. Elle a ensuite retiré à tout le moins une partie du matériel décrit par M. Crosier.

[10]            Le serveur hôte du site discount-plasma.com se trouvant aux États-Unis, Netbored s'est servie des dispositions de la Digital Millennium Copyright Act (la DMCA) américaine selon lesquelles le prétendu titulaire d'un droit d'auteur peut aviser un serveur hôte du fait que quelqu'un offre sur Internet, au moyen de ce serveur, du matériel qui, d'après lui, viole son droit d'auteur. Le serveur a alors la possibilité de retirer le site Web en question et d'éviter ainsi toute responsabilité. Le serveur hôte communiquera habituellement avec le propriétaire du site Web afin de connaître sa position. En l'espèce, Avery a simplement remplacé son serveur hôte américain par un serveur hôte canadien. Netbored a communiqué avec celui-ci pour tenter naïvement de faire appliquer la DMCA américaine au Canada, évidemment sans succès.

[11]            L'avocat canadien retenu par Avery, Me Muscovitch, a écrit à M. Crosier le 20 octobre 2003 pour contester l'allégation de violation du droit d'auteur et pour se plaindre des tentatives d'intervention dans les activités du serveur hôte d'Avery. Le 7 novembre 2003, Avery a intenté une action contre M. Crosier et Netbored devant la Cour supérieure de l'Ontario, notamment pour ingérence dans ses relations contractuelles et pour atteinte à ses intérêts économiques. Les avocats de Netbored ont demandé et obtenu des avocats d'Avery une prolongation de délai jusqu'au 15 décembre 2003 pour déposer une défense. Cette date est importante au regard de l'ordonnance Anton Piller accordée par la Cour fédérale. Les parties ont informé celle-ci que l'action intentée devant la Cour supérieure de l'Ontario était [traduction] « suspendue » , aucune défense n'ayant été déposée.

[12]            Entre-temps, et sans en aviser Avery ou son avocat, Netbored a intenté la présente action devant la Cour fédérale, alléguant notamment une violation du droit d'auteur, l'utilisation abusive de renseignements confidentiels et une violation de contrat. Elle a demandé ex parte, et sans en aviser Avery ou ses avocats ou l'un des défendeurs en l'espèce, une ordonnance Anton Piller et une injonction provisoire. La requête a d'abord été entendue par un juge de la Cour le 8 décembre 2003 et de nouveau le 11 décembre 2003. Le juge a alors rejeté la requête parce qu'il n'était [traduction] « pas convaincu que le projet d'ordonnance prévoyait des mesures de protection suffisantes contre l'exercice abusif du pouvoir demandé » et qu'aucune [traduction] « preuve prima facie solide [n']avait été produite » . Ayant obtenu l'autorisation nécessaire, Netbored a présenté de nouveau sa demande le 15 décembre 2003 - le jour où elle devait déposer sa défense devant la Cour supérieure de l'Ontario - encore une fois sans en aviser les défendeurs ou les avocats d'Avery. Un autre juge de la Cour fédérale a alors entendu l'affaire et a accordé l'ordonnance demandée par Netbored. Une copie de cette ordonnance est jointe aux présents motifs. En résumé, l'ordonnance permettait l'exécution à trois endroits, notamment dans un appartement qui s'est avéré ne pas être loué par l'un des défendeurs ou lui appartenir, mais être loué par la petite amie de Sean Eren. La Cour a notamment ordonné aux défendeurs « d'autoriser les personnes chargées de l'exécution de l'ordonnance à saisir, inspecter ou copier le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels, et à effectuer des perquisitions à cette fin » et de « remettre immédiatement » tout ce matériel et d'indiquer où il se trouve. Une injonction provisoire « interdi[sant] à tout défendeur de violer les droits d'auteur de la demanderesse » et « d'utiliser les renseignements confidentiels de la demanderesse » a été accordée. L'ordonnance, qui prévoyait en outre qu'elle devait faire l'objet d'un examen, a été prolongée jusqu'à aujourd'hui par une autre ordonnance.

[13]            Par la suite, une défense et une demande reconventionnelle ont été déposées, de même qu'une réponse et une défense à la demande reconventionnelle. Aucun interrogatoire préalable n'a encore eu lieu. Les parties se sont surtout préoccupées de déposer des affidavits additionnels et de préparer des contre-interrogatoires relativement aux affidavits en vue de la présente audience.

[14]            L'ordonnance du 15 décembre 2003 a été exécutée contre Sean Eren, Corey Katz et Susan Eren/Katz. Rien n'a été emporté ou copié dans le cas de Corey Katz. Aucune objection n'a été soulevée relativement à la manière dont l'exécution avait été effectuée.

[15]            En ce qui concerne Susan Katz, un ordinateur portatif a été remis et, en conformité avec une autre ordonnance de la Cour, le contenu du disque dur a été inspecté, ce qui a permis de retracer certains documents, notamment des copies de sites Web de la demanderesse, certains logiciels de comptabilité ainsi que des versions préliminaires et subséquentes des sites d'Avery. Ce matériel sera examiné plus en détail plus loin dans les présents motifs.

[16]            En ce qui concerne Sean Eren, deux avocats du cabinet qui représentait alors la demanderesse se sont présentés à l'improviste, le matin du 16 décembre 2003, soit le lendemain du jour où l'ordonnance a été accordée, à l'appartement loué par sa petite amie de l'époque (qui est devenue son épouse) où il habitait quelques jours par semaine (il vivait chez ses parents le reste du temps). Sa petite amie était au travail, mais l'un de ses deux enfants, une adolescente de 15 ans, et M. Eren étaient à la maison. L'adolescente a répondu à la porte et les avocats semblent s'être présentés et avoir expliqué le but de leur visite. L'adolescente a alors fait ce qu'il fallait : elle a téléphoné à sa mère. Cette dernière a discuté avec les avocats pendant qu'ils attendaient apparemment à la porte et leur a demandé d'attendre son retour. Les avocats sont repartis en laissant un numéro où on pouvait les joindre. Sean Eren, qui se trouvait dans l'appartement, pouvait apparemment entendre en grande partie ce qui se passait. Il a choisi de se cacher, laissant l'adolescente de 15 ans, et sa mère au téléphone, s'occuper de l'affaire. Après le départ des avocats, M. Eren et sa petite amie ont parlé à leur avocat, Me Muscovitch, lequel a ensuite communiqué avec les avocats de la demanderesse et les a invités à retourner à l'appartement l'après-midi même. Ils n'y sont jamais retournés pour des raisons qui n'ont pas été expliquées.

[17]            Comme on pouvait s'y attendre, Sean Eren avait un ordinateur dont il était raisonnable de penser que le disque dur contenait du matériel et de l'information concernant le droit d'auteur et les renseignements confidentiels en cause en l'espèce. M. Eren n'a révélé l'existence de cet ordinateur et de son disque dur qu'en mars 2005, lorsqu'il a dit que le disque dur [traduction] « s'était planté » et qu'il avait perdu toutes les données qu'il contenait. M. Eren dit qu'il n'avait fait aucune copie de secours de l'information se trouvant sur le disque dur, qu'il avait tenté, mais en vain, de récupérer les données et qu'il était impossible de savoir ce qu'il y avait sur le disque dur car il avait enregistré de nouvelles données sur le disque.

[18]            Le contenu du disque dur de Susan Eren a été examiné, pour chacune des parties, par des personnes se décrivant elles-mêmes comme des experts. Il y avait, pour la demanderesse, M. Burton qui, dans son affidavit, a laissé la fausse impression qu'il était toujours policier, alors qu'il ne faisait plus partie de la police et qu'il était maintenant consultant en pratique privée. Il y avait, pour les défendeurs, M. Morochove qui, selon la demanderesse, [traduction] « n'a pas agi comme un expert impartial mais plutôt comme un défenseur de son client » . L'acrimonie entre les parties ressort clairement non seulement des tentatives faites par chacune pour discréditer les prétendus experts de l'autre, mais également des autres affidavits de M. Crosier, de Sean Eren et de Susan Eren, dans lesquels ceux-ci allèguent que les autres mentent ou déforment la vérité. Cela ne fait honneur ni à eux ni aux avocats qui ont préparé ces affidavits.

[19]            Le matériel suivant qui se trouvait sur le disque dur de Susan Eren peut être pertinent en l'espèce :

1.                   des éléments d'un logiciel de comptabilité qui aurait été conçu pour Netbored pour calculer les rabais;

2.                   des copies d'ébauches de pages Web qui auraient été préparées par Sean Eren pour le site d'Avery, discount-plasma.com. Ces ébauches n'ont finalement pas été utilisées sous cette forme;

3.                   des copies des sites publics plasma.com de Netbored dont certains éléments, comme les bordures, avaient été enlevés;

4.                   des copies de pages Web qui auraient été préparées pour le site discount.plasma.com et publiées sur ce site;

5.                   des fichiers portant des noms qui seraient propres à Netbored.

[20]            Susan Eren a dit qu'elle ignorait comment certains de ces éléments avaient pu se retrouver sur le disque dur de son ordinateur; d'autres documents proviendraient apparemment d'une disquette fournie par Sean Eren.

[21]            Lorsqu'on compare le matériel contenu dans les ébauches de pages Web du site discount-plasma.com et celui qui a été réellement publié, il s'avère qu'une grande partie du matériel visé par la plainte de Netbored avait été retiré avant d'être publié, de sorte que ce qui reste ou a été publié est à peu près sans importance. Il reste certaines phrases égarées qui seraient identiques ou [traduction] « similaires » et certaines clauses d'une garantie que, selon Avery, Netbored a de toute façon copiée du site d'un tiers.

[22]            Avery reconnaît qu'elle a utilisé le logiciel de comptabilité, mais elle qualifie la quantité utilisée d'[traduction] « infime » . Or, la taille de la partie du logiciel qui a été utilisée, qu'elle soit petite ou grande, ne ressort pas clairement de la preuve présentée à la Cour.

[23]            Par ailleurs, les pages publiées sur le site discount-plasma.com contiennent des métabalises qui peuvent être découvertes simplement en visitant le site Web et en cliquant avec le bouton droit de la souris de manière appropriée. Ces métabalises seraient, à tout le moins dans certains cas, identiques ou essentiellement semblables à celles de Netbored, de sorte qu'elles auront une incidence sur les recherches de sites Web vendant des marchandises comme des téléviseurs au plasma ainsi que des répercussions, défavorables selon la demanderesse, sur la classement des sites établi par Google.

[24]            La demanderesse soutient que ces métabalises ont été préparées à l'origine manuellement pour elle par M. Crosier, avant d'être préparées par ordinateur à l'aide de ce qu'elle appelle sa formule unique 2-2-6.

[25]            C'est dans ce contexte que les questions en litige et les principes juridiques applicables en l'espèce seront analysés.

[26]            La demanderesse demande à la Cour :

1.                   d'examiner l'ordonnance Anton Piller;

2.                   de transformer l'injonction provisoire en une injonction interlocutoire;

3.                   de rendre une ordonnance de justification pour outrage contre le défendeur Sean Eren.

[27]            Lorsqu'elle examine une ordonnance Anton Piller, la Cour peut non seulement tenir compte de la preuve dont disposait le juge qui a rendu l'ordonnance mais également prendre en considération d'autres éléments de preuve et examiner l'affaire de novo (Top Star Distribution Group Inc. c. Sigma (2000), 4 C.P.R. (4th) 168 (C.F. 1re inst.)). De la même façon, lorsqu'une injonction interlocutoire est demandée dans un cas où une injonction provisoire a déjà été rendue, la Cour peut recevoir et prendre en considération des éléments de preuve additionnels et entendre l'affaire de novo (Eiba c. Canada (Procureur général), [2004] 3 R.C.F. 416).

[28]            En ce qui concerne l'outrage, les Règles (articles 466 à 472) prévoient une procédure en deux étapes. Il faut d'abord que la partie qui allègue l'outrage se présente devant la Cour avec une preuve prima facie suffisante de l'outrage reproché. Si la Cour est convaincue que cela a été fait, elle rend une ordonnance de justification enjoignant à la personne à qui l'outrage est reproché de comparaître devant la Cour, d'entendre ce qu'on entend faire valoir contre elle et de présenter une preuve à son tour si elle le souhaite. La preuve sera présentée oralement, à moins d'ordonnance contraire. À cette deuxième étape, la Cour ne peut conclure qu'il y a eu outrage que si elle en est convaincue hors de tout doute raisonnable. En l'espèce, nous en sommes à la première étape : une ordonnance de justification est demandée et seule une preuve prima facie est exigée.

L'ordonnance Anton Piller

[29]            L'ordonnance Anton Piller trouve son origine dans une affaire anglaise portant ce nom (Anton Piller KG c. Manufacturing Process Ltd., [1976] 1 Ch. 55 (C.A.)), où l'avocat de la demanderesse, Hugh Laddie (tel était alors son titre), a convaincu la Cour qu'elle avait un pouvoir inhérent lui permettant d'ordonner à un défendeur d'autoriser les représentants d'un demandeur à entrer dans ses locaux afin d'inspecter des papiers et des documents. Le maître des rôles lord Denning, à l'opinion duquel les deux autres juges ont souscrit, a dit à la page 60 :

[TRADUCTION] Permettez-moi de dire d'abord qu'aucun tribunal de ce pays n'a le pouvoir de délivrer un mandat de perquisition autorisant une personne à entrer dans la maison d'une autre pour voir s'il s'y trouve des papiers ou des documents incriminants, qu'il s'agisse de libelles ou de violation du droit d'auteur ou d'autre crime semblable. Aucun policier ou huissier ne peut frapper à une porte et demander d'entrer afin d'inspecter des papiers ou des documents. L'occupant de la maison peut lui fermer la porte au nez et lui dire de partir. C'est ce qui a été établi dans l'arrêt de principe Entick c. Carringtron (1765), 2 Wils.K.B. 275. Aucun de nous ne souhaite restreindre le moins du monde ce principe. L'ordonnance demandée en l'espèce n'est toutefois pas un mandat de perquisition. Elle n'autorise pas les avocats de la demanderesse, ni qui que ce soit d'autre, à entrer dans les locaux des défendeurs contre leur volonté. Elle n'autorise pas une personne à enfoncer une porte, ni à se glisser subrepticement par la porte arrière, ni à entrer par une porte ou une fenêtre ouverte. Elle autorise seulement l'entrée et l'inspection avec la permission des défendeurs. Les demandeurs doivent obtenir la permission des défendeurs. L'ordonnance a cependant pour effet d'exercer une pression sur les défendeurs pour qu'ils donnent cette permission. Elle fait davantage également : elle ordonne en réalité aux défendeurs de donner leur permission, à défaut de quoi, je suppose, ils sont coupables d'outrage au tribunal.

[30]            En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles une telle ordonnance serait accordée ex parte, le maître des rôles lord Denning a dit à la page 61 :

[TRADUCTION] Il me semble qu'une telle ordonnance peut être rendue par un juge ex parte, mais elle devrait l'être seulement lorsqu'il est dans l'intérêt de la justice que la demanderesse procède à une inspection, lorsque, le défendeur ayant été prévenu, il est fort possible que des éléments de preuve fondamentaux soient détruits ou que des papiers soient brûlés, perdus, cachés ou emportés à l'extérieur du ressort, à l'encontre de la justice, et lorsque l'inspection ne nuirait pas réellement au défendeur ou à sa cause.

[31]            Au sujet de la manière dont l'ordonnance doit être exécutée, le maître des rôles lord Denning a indiqué à la page 61 :

[TRADUCTION] Cependant, les demandeurs doivent agir avec la circonspection nécessaire dans le cadre de l'exécution de cette ordonnance. Pour la signification de l'ordonnance, ils devraient être accompagnés de leur avocat, lequel est un officier de justice. Ils devraient donner aux défendeurs la possibilité de l'examiner et de consulter leur propre avocat. Si les défendeurs veulent demander l'annulation de l'ordonnance au motif qu'elle a été obtenue de façon irrégulière, ils doivent pouvoir le faire. Si les défendeurs refusent d'autoriser l'entrée ou l'inspection, les demandeurs ne doivent pas s'imposer par la force. Ils doivent accepter le refus et en aviser ensuite la cour, au besoin en présentant une demande d'instruction.

Vous pensez peut-être que ce type d'ordonnance est peu utile, vu toutes ces mesures de protection contre les abus. Or, l'ordonnance peut servir à dire aux défendeurs que la cour est d'avis, compte tenu de la preuve dont elle dispose, qu'ils devraient permettre l'inspection - voire qu'elle leur ordonne de le faire - et que, s'ils refusent, c'est à leurs risques et périls. Non seulement risquent-ils d'être poursuivis pour outrage, mais également de voir la cour tirer des conclusions qui leur seront défavorables, à tel point qu'il arrive souvent que leur propre avocat leur conseille de se conformer à l'ordonnance.

[32]            Le lord juge Ormrod, souscrivant à l'opinion du maître des rôles lord Denning, a dit aux pages 61 et 62 :

[TRADUCTION] Je souscris à tout ce que le maître des rôles lord Denning a dit. L'ordonnance proposée est à la limite des pouvoirs de la cour. Par conséquent, une telle ordonnance sera rarement rendue, et uniquement lorsqu'il n'y a aucun autre moyen de faire en sorte que justice soit faite relativement au demandeur.

À mon avis, il y a trois conditions préalables essentielles au prononcé d'une ordonnance de ce genre. Tout d'abord, il faut une preuve prima facie extrêmement solide. Deuxièmement, le préjudice, réel ou possible, doit être très grave pour le demandeur. Troisièmement, il faut une preuve claire que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets incriminants et qu'il est réellement possible qu'ils les détruisent avant que puisse être introduite une demande inter partes.

[33]            Et le juge Shaw, souscrivant aux deux jugements, a mentionné à la page 62 :

[TRADUCTION] Je souscris aux deux jugements. Le principe primordial régissant l'exercice de ce pouvoir salutaire est le suivant : le pouvoir doit être exercé seulement si l'application normale de la loi serait rendue futile si des mesures efficaces ne pouvaient pas être prises immédiatement. Lorsque pareille ordonnance est rendue, la partie qui a demandé à la cour de la rendre doit faire preuve de prudence en y donnant suite.

[34]            Ainsi, cet arrêt indique principalement que pareille ordonnance ne doit être accordée que dans les circonstances les plus exceptionnelles.

[35]            Comme l'a écrit Allan Rock dans son article « The "Anton Piller" Order: An Examination of its Nature, Development and Present Position in Canada » (1984-5), Advocates Quarterly, vol. 5, pages 191 à 213, à la page 192 :

[TRADUCTION] Dans les quelques années qui se sont écoulées depuis qu'il a été rendu, l'arrêt Anton Piller a engendré des ordonnances plus complexes et même plus surprenantes que l'original.

[36]            Le fondement du pouvoir de la Cour fédérale d'accorder des ordonnances Anton Piller est difficile à trouver. L'article 374 des Règles permet à la Cour d'accorder une injonction provisoire lorsque les biens qui font l'objet de l'instance sont susceptibles d'être perdus, enlevés ou détruits. Cette disposition exige que les biens devant être protégés soient identifiés et que des mesures de protection soient proposées. Une telle ordonnance peut être demandée ex parte en cas d'urgence, conformément aux articles 359 et 361 des Règles. Il y a également les dispositions habituelles des Règles relatives à l'interrogatoire préalable, selon lesquelles une partie est tenue de communiquer et de produire les documents pertinents en sa possession et de répondre aux questions pertinentes, la Cour pouvant prendre des mesures à l'égard des parties qui semblent peu désireuses de se conformer à leurs obligations. Dans son article « Anton Piller Orders: A Canadian Common Law Approach » (1984), 34 University of Toronto Law Journal, pages 1 à 25, le professeur Berryman écrit, aux pages 16 à 18, relativement aux règles en vigueur avant les Règles de la Cour fédérale (1998), lesquelles n'étaient pas très différentes de celles-ci en ce qui concerne la présente analyse, que [traduction] « [...] la Cour fédérale devrait accorder des ordonnances Anton Piller en vertu de sa compétence inhérente » .

[37]            Il y a deux cas importants d'utilisation abusive des ordonnances Anton Piller qui ont amené certains tribunaux à les accorder avec prudence. Le professeur Berryman a parlé de deux problèmes dans un autre article sur le sujet, « Anton Piller Injunctions Re-evaluated: Columbia Pictures Industries v. Robinson » (1987), 3 I.P.J., pages 317 à 331, aux pages 325 et 326 :

[TRADUCTION] Le premier a trait à la légitimation judiciaire des recherches faites à l'aveuglette dans les dossiers d'un défendeur. [...]

La deuxième forme d'abus, qui a fait l'objet de peu de critiques jusqu'à maintenant, est l'utilisation potentielle de l'ordonnance dans le seul but de détruire l'entreprise du défendeur.

[38]            Les tribunaux ont essayé d'améliorer l'effet des ordonnances Anton Piller en soumettant leur exécution à des conditions et à des restrictions encore plus détaillées, ce qui a peut-être eu pour effet de détourner l'attention de la question fondamentale : dans quelles circonstances, s'il y en a, une telle ordonnance devrait-elle être accordée?

[39]            Le lord juge Ormrod a fixé trois conditions dans l'arrêt Anton Piller :

[TRADUCTION]

1.           le demandeur doit présenter une preuve prima facie extrêmement solide;

2.           le préjudice, réel ou possible, doit être très grave pour le demandeur;

3.           il faut une preuve claire et convaincante que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets incriminants et qu'il est réellement possible qu'ils les détruisent avant que puisse être introduite une demande inter partes.

Ces conditions ont été adoptées par la Cour dans des arrêts comme Nintendo of America Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189 (C.A.).

[40]            Allan Rock nous rappelle, à la page 197 de son article cité précédemment, que le maître des rôles lord Denning a ajouté une quatrième condition préalable à la page 61 du jugement publié :

[TRADUCTION]

4.           l'inspection ne nuirait pas réellement au défendeur ou à sa cause.

[41]            Dans toutes les procédures ex parte et, en particulier, dans des cas semblables à celui d'Anton Piller, le demandeur a la lourde obligation de faire une divulgation fidèle et complète de tous les faits pertinents à la Cour (voir, par exemple la décision, Adobe Systems Inc. c. KLJ Computer Solutions Inc., [1999] 3 C.F. 621).

[42]            Par conséquent, pour savoir si la présente affaire constitue un « cas exceptionnel » dans lequel il était justifié d'accorder une ordonnance Anton Piller, la Cour examinera les quatre conditions indiquées ci-dessus, en tenant compte des circonstances de l'espèce, et déterminera s'il y a eu une divulgation « fidèle et complète » au juge qui a accordé l'ordonnance.

1. Une preuve prima facie extrêmement solide

[43]            Il était question dans la déclaration de « droit d'auteur » , de violation du droit d'auteur, de renseignements confidentiels, de manquement à l'obligation de confidentialité, de manquement à la relation de fiduciaire et de violation de contrat. L'ordonnance Anton Piller vise simplement les « droits d'auteur de la demanderesse » et les « renseignements confidentiels de la demanderesse » , sans plus de précision. Comme il a été indiqué précédemment, les autres allégations de la déclaration ont été radiées.

a) Le droit d'auteur

[44]            Parler simplement des « droits d'auteur de la demanderesse » sans plus de précision est une conclusion juridique imprécise et mince. On n'a pas démontré quel est l'objet visé en particulier, comment cet objet est protégé par le droit d'auteur au Canada et pourquoi la demanderesse prétend être titulaire de ce droit d'auteur.

[45]            La Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-30, prévoit que le droit d'auteur existe sur une variété d'oeuvres et de compilations d'oeuvres, pourvu que l'auteur soit un Canadien ou un citoyen d'un pays auquel le Canada a étendu les privilèges liés au droit d'auteur, comme un pays partie à la Convention de Berne, et que, dans le cas d'une oeuvre publiée, la mise à la disposition du public ait eu lieu pour la première fois au Canada ou dans un tel pays (article 5). L'acte de procédure en l'espèce devrait donc préciser la nature de l'oeuvre - celle-ci devant être visée par la Loi sur le droit d'auteur - la nationalité de l'auteur et le lieu de la première publication. Or, il ne contient pas ces renseignements. En outre, l'ordonnance ne précise pas l'oeuvre ou les oeuvres qui en font l'objet.

[46]            L'enregistrement du droit d'auteur, qui peut se faire facilement et à peu de frais, constitue une preuve prima facie de tous les éléments requis concernant la nature de l'oeuvre protégée par le droit d'auteur, le titulaire de ce droit et la publication (article 53 de la Loi sur le droit d'auteur, précitée). Même si l'enregistrement n'est pas obligatoire, un demandeur peut aider énormément sa cause en y procédant.

[47]            Même si le droit d'auteur n'est pas enregistré, son existence est présumée et, si le nom de l'auteur ou du titulaire figure sur l'oeuvre, cette personne est présumée en être l'auteur ou le titulaire (article 34.1 de la Loi sur le droit d'auteur). En l'espèce, aucun fait donnant naissance à cette présomption n'a été invoqué ni prouvé, la demanderesse s'étant contentée de prétendre que toutes les oeuvres ont été créées par son directeur, M. Crosier, ou par M. Eren en exécution d'une obligation à son égard, et qu'elles lui appartiennent.

[48]            Les oeuvres qui seraient protégées par le droit d'auteur n'ont jamais été clairement définies. À l'audience, l'avocat de la demanderesse a soutenu que le matériel trouvé sur le disque dur de Susan Eren était protégé par le droit d'auteur de la demanderesse, en particulier les pages Web de celle-ci, le logiciel de comptabilité et les métabalises.

[49]            Le matériel de Netbored qu'Avery peut avoir incorporé dans ses propres pages Web est minime et, même si ce matériel était protégé par le droit d'auteur et que Netbored était titulaire de celui-ci, la violation est plutôt mineure et peut difficilement constituer [traduction] « une preuve prima facie extrêmement solide » .

[50]            En ce qui concerne le logiciel de comptabilité, nous ignorons quelle utilisation, le cas échéant, Avery en a fait ou dans quelle mesure elle s'en est servi. Aucune [traduction] « preuve prima facie extrêmement solide » n'a été présentée à cet égard.

[51]            Quant aux métabalises, il faut se demander si elles sont protégées par le droit d'auteur ou si elles sont simplement des arrangements dérivés d'une formule dans un but commercial, un peu comme l'arrangement de données dont il était question dans l'arrêt Télé-Direct (Publications) Inc. c. American Business Information, Inc., [1998] 2 C.F. 22 (C.A.F.). Il ne faudrait pas préjuger de cette question. Cependant, compte tenu de l'incertitude juridique existante, il n'y a pas ici non plus de [traduction] « preuve prima facie extrêmement solide » . En outre, on n'a pas établi dans quelle mesure ces métabalises ont été copiées et utilisées par Avery et par Sean Eren.

b) Les renseignements confidentiels

[52]            L'ordonnance Anton Piller vise également les « renseignements confidentiels de la demanderesse » . Ces renseignements sont décrits nulle part, ni dans les actes de procédure ni ailleurs. On ne sait tout simplement pas de quoi il s'agit.

[53]            De toute façon, la Cour fédérale n'a pas compétence pour entendre et trancher des questions concernant des « renseignements confidentiels » en l'absence d'une loi fédérale valide et en vigueur lui conférant cette compétence (McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654). Aucune loi semblable n'a été invoquée, la demanderesse n'a pas prétendu qu'une telle loi existe et la Cour n'en connaît aucune.

[54]            La Cour fédérale n'a pas compétence pour entendre une demande de réparation relativement à des « renseignements confidentiels » et pour faire droit à pareille demande. Les parties de la déclaration où il est question d'une telle réparation sont radiées. L'ordonnance Anton Piller est invalide pour ce qui est des renseignements confidentiels.

[55]            Pour conclure sur la première condition, comme il n'y a pas de [traduction] « preuve prima facie extrêmement solide » du droit d'auteur, les parties de l'ordonnance Anton Piller ayant trait aux renseignements confidentiels sont invalides.

2. Un préjudice très grave

[56]            M. Crosier allègue dans son affidavit qu'un préjudice très grave serait causé si les défendeurs poursuivaient leurs activités et qu'une ordonnance Anton Piller n'était pas accordée. La raison pour laquelle il est nécessaire d'avoir une ordonnance Anton Piller alors que ce que l'on cherche réellement à obtenir est une injonction n'est pas claire. Le préjudice, dans le cas d'une ordonnance Anton Piller, serait davantage lié à la nécessité de préserver des documents et du matériel et non à la poursuite des activités commerciales. Or, aucun préjudice au sens de l'arrêt Anton Piller n'a été démontré en l'espèce.

[57]            En ce qui concerne l'injonction, on allègue que le nouveau site Web de la défenderesse Avery, où sont utilisées les métabalises en question, influera sur le rang auquel Google place la demanderesse et, du même coup, sur sa capacité d'attirer des clients. Au soutien de son allégation, la demanderesse a produit un tableau censé montrer qu'elle est passée du troisième au 200e rang dans sa catégorie depuis qu'Avery a commencé à utiliser son site Web. Elle a aussi produit des chiffres qui indiquent que ses revenus ont été de beaucoup inférieurs à ceux visés pendant cette période. La défenderesse Avery dit qu'il n'y a aucun lien entre ce qui s'est passé relativement au classement de Google, s'il s'est effectivement passé quelque chose, et le fait qu'elle a commencé à exploiter son site Web. Selon elle, tout changement est attribuable à une « Google dance » qui est survenue à peu près au même moment où la formule de métabalises 2-2-6 de la demanderesse a cessé d'avoir pour effet de la placer dans les premiers rangs du classement établi par Google. Avery prétend en outre que les supposées pertes ont trait à des revenus qui n'étaient pas raisonnablement escomptés et que, de toute façon, les variations de revenus survenues pendant la période en question correspondent à celles que la demanderesse a subies en général dans le passé.

[58]            Il est loin d'être prouvé à cette étape-ci qu'un lien de causalité peut être établi entre l'entrée d'Avery sur le marché et les pertes que la demanderesse prétend avoir subies et que ce lien a vraiment causé un préjudice réel. Il ne s'agit en fait que de suppositions. La demanderesse a, au mieux, démontré qu'elle a peut-être subi une perte financière pouvant être compensée par des dommages-intérêts. Elle n'a cependant pas fait la preuve d'[traduction] « un préjudice très grave » ou d'un préjudice irréparable.

3. Une réelle possibilité que des éléments de preuve soient détruits

[59]            Une grande partie des éléments de preuve nécessaires pour prouver les allégations de la demanderesse, s'il y a en a, sont déjà du domaine public. Comme Avery voulait attirer des clients, son site Web était accessible à tous. Par ailleurs, on peut voir les métabalises en cliquant simplement avec le bouton droit de la souris sur le site Web.

[60]            Par contre, le logiciel de comptabilité et la preuve, s'il y en a, du processus de création du site Web d'Avery ne sont pas du domaine public. Ce n'est cependant pas la création, mais la mise à la disposition du public sur le site Web qui constituerait une violation du droit d'auteur. Le processus de création n'a aucune importance.

[61]            La preuve indiquait que l'on craignait réellement que Sean Eren cache ou détruise des éléments de preuve. Ce dernier n'a pas parlé de l'existence de son ordinateur et de son disque dur. Il est vrai cependant que l'on aurait certainement dû présumer qu'il avait un ordinateur puisque tout ce qui est en cause en l'espèce a été préparé à l'aide d'un ordinateur. Lorsque Sean Eren a finalement parlé de son ordinateur, il a prétendu que le disque dur [traduction] « s'était planté » et que, comme aucune copie de secours n'avait été faite, il était impossible de récupérer les données qu'il contenait.

[62]            Est-ce qu'on peut compter sur Sean Eren pour préserver la preuve? Probablement pas. Y avait-il des éléments de preuve tellement importants pour la demanderesse que celle-ci ne pourrait pas avoir gain de cause sans eux? Non. La thèse de la demanderesse repose essentiellement sur ce que le public voit ou ce à quoi il peut avoir accès facilement.

4. Une inspection nuirait-elle réellement aux défendeurs?

[63]            Il ressort de la preuve qu'Avery a cessé ses activités, probablement pas en raison de l'exécution de l'ordonnance Anton Piller, mais peut-être par suite de l'injonction provisoire. Peut-être que l'entreprise n'était pas suffisamment solide et qu'elle était nécessairement vouée à l'échec. On ne peut qu'émettre des hypothèses pour le moment.

[64]            La tentative d'exécution de l'ordonnance dans une résidence privée, l'appartement de la petite amie de Sean Eren, où une adolescente de 15 ans a été confrontée, pour la première fois probablement, à la manière dont la loi peut être exécutée au Canada, est plus préoccupante. Deux avocats du centre-ville de Toronto se sont présentés à l'improviste à cet appartement, avec en main l'ordonnance, un document largement inintelligible pour cette adolescente et pour de nombreuses autres personnes. Ils ont demandé la permission d'entrer afin de pouvoir chercher et trouver n'importe quoi, probablement un ordinateur, contenant les [traduction] « droits d'auteur de la demanderesse » et des [traduction] « renseignements confidentiels de la demanderesse » . L'adolescente a fait ce qu'il fallait en téléphonant à sa mère, alors que Sean Eren a décidé, pour des raisons qui lui sont propres, de rester caché ailleurs dans l'appartement. La mère de l'adolescente a dit aux deux avocats d'attendre qu'elle ait parlé à son avocat. Ils ont été priés de revenir au cours de l'après-midi, mais ils ne sont jamais revenus.

[65]            Quelle image de la dignité du droit, des tribunaux et du processus judiciaire une personne se trouvant dans une telle situation, en particulier une adolescente de 15 ans, a-t-elle? Voilà le préjudice réel qui a été causé.

[66]            La preuve n'indique pas que l'on a dit au juge qui a accordé l'ordonnance que les locaux décrits dans celle-ci incluaient un appartement d'habitation loué à une autre personne qu'à un défendeur ou que des adolescents pouvaient se trouver dans cet appartement.

L'obligation de franchise

[67]            La demanderesse n'a pas été franche sur deux points importants lorsqu'elle a présenté sa preuve et ses observations au juge qui a accordé l'ordonnance Anton Piller. L'un de ces points a été traité dans le paragraphe précédent relativement à la résidence de la petite amie de Sean Eren.

[68]            L'autre point vient du fait que la demanderesse n'a pas dit à la Cour que des discussions étaient en cours entre ses avocats et ceux d'Avery dans le cadre de l'action intentée devant la Cour supérieure de l'Ontario et qu'on lui avait accordé une prorogation de délai pour déposer sa défense jusqu'au jour même de l'audition de la demande visant à obtenir une ordonnance Anton Piller. S'il avait été au courant de ces discussions, il est fort probable que le juge qui a entendu la demande aurait exigé qu'avis de celle-ci soit donné aux défendeurs et se serait demandé si la demanderesse ne cherchait pas, avec cette demande, à trouver le forum le plus favorable et à créer un deuxième front de bataille dans le litige qui l'opposait aux défendeurs, plutôt qu'à retracer et à préserver réellement et rapidement du matériel périssable.

L'ordonnance Anton Piller

[69]            Il ressort clairement de ce qui précède que l'ordonnance Anton Piller doit être annulée et que la partie de celle-ci qui a trait aux renseignements confidentiels doit être déclarée invalide. Pareille ordonnance ne peut être accordée que s'il y a des motifs raisonnables de croire que Sean Eren peut détruire des éléments de preuve pertinents. Tout bien considéré, l'ordonnance doit être annulée.

L'injonction interlocutoire

[70]            L'analyse qui précède concernant l'ordonnance Anton Piller permet de répondre en grande partie à la question de savoir si une injonction interlocutoire devrait être accordée. Le critère à trois volets bien connu dont on se sert pour décider si une injonction doit être accordée est énoncé dans l'arrêt R.J.R. - Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 :

1.                   une question sérieuse à juger;

2.                   un préjudice grave qui ne peut être compensé par des dommages-intérêts;

3.                   la prépondérance des probabilités.

[71]            En ce qui concerne le premier volet, la demanderesse a décrit une situation considérablement problématique concernant son droit d'auteur, qui est probablement suffisamment grave pour satisfaire au critère assez peu rigoureux qui s'applique pour décider si une injonction interlocutoire doit être accordée.

[72]            Pour ce qui est du deuxième volet, la demanderesse n'a pas fait la preuve d'un préjudice irréparable. Tout préjudice peut être compensé par des dommages-intérêts.

[73]            En ce qui concerne le troisième volet, Avery a mis fin à ses activités et il est peu probable qu'elle les reprenne ou, à tout le moins, qu'elle le fasse en se servant du matériel protégé par le droit d'auteur de la demanderesse. On peut en dire autant de Sean Eren.

[74]            Rien n'a été prouvé à l'encontre de Corey Katz ou de Susan Eren/Katz. Ceux-ci étaient des directeurs d'Avery, mais rien dans la preuve ne permet de croire qu'ils n'ont pas agi comme des administrateurs ou des directeurs d'Avery et qu'ils agissent de manière indépendante.

[75]            La prépondérance des inconvénients est favorable aux défendeurs.

[76]            Par conséquent, l'injonction provisoire sera annulée et la demande d'injonction interlocutoire est rejetée. Les défendeurs ont le droit à un renvoi pour obtenir des dommages-intérêts de la demanderesse, laquelle s'est engagée à leur en verser.

L'outrage au tribunal

[77]            Bien qu'elle ait été annulée, l'ordonnance Anton Piller, à l'exception de la partie relative aux renseignements confidentiels qui a toujours été invalide, était valide à compter du moment où elle a été accordée jusqu'à aujourd'hui. Les parties concernées devaient donc s'y conformer. Comme le juge Goulding l'a écrit dans la décision Wardle Fabrics Ltd. c. G. Myristis Ltd., [1984] F.S.R. 263, aux pages 271 et 272 :

[TRADUCTION] [...] J'aurais pensé que, si le tribunal rend une ordonnance dans le cadre de sa compétence, ce qui signifie dans des circonstances telles que l'ordonnance n'est pas invalide en droit, alors une partie est tenue de s'y conformer, à défaut de quoi elle risque d'être poursuivie pour outrage, et que l'annulation subséquente de l'ordonnance au motif qu'elle a été irrégulièrement obtenue n'aurait logiquement et en principe aucune incidence sur la peine pouvant être infligée pour outrage à la partie en défaut. Il me semble que le système d'administration de la justice s'effondrerait si les justiciables avaient le droit d'appliquer leurs propres idées ou celles de leur conseiller aux possibilités de voir une ordonnance être subséquemment annulée et de désobéir sur la foi de pareil jugement privé et ainsi, si jamais le jugement s'avérait incorrect, de ne pas être punis.

[78]            Sean Eren était au courant de l'ordonnance, laquelle prévoyait notamment, au paragraphe 7 et à l'alinéa 9a), l'obligation de définir et de rendre le matériel protégé par le droit d'auteur de la demanderesse. Même si j'ai statué que cette ordonnance était vague et ambiguë, une personne raisonnable devrait savoir qu'il est fort probable que le disque dur de son ordinateur contient des données de quelque type que ce soit qui sont protégées par le droit d'auteur et qui sont pertinentes au regard des questions à trancher en l'espèce. Une personne prudente et honnête aurait rapidement informé ses avocats de l'existence de ce disque dur, aurait pris des mesures pour en préserver le contenu et l'aurait remis à des fins d'inspection au moment approprié, de surcroît si l'ordinateur de sa soeur a été rapidement retrouvé et préservé justement dans ce but.

[79]            Pour ce motif, et non à cause des autres actes qu'il a commis, la Cour rendra une ordonnance de justification enjoignant à Sean Eren de se présenter à la date, à l'heure et au lieu qu'elle lui indiquera, d'entendre la preuve que l'on entend faire valoir contre lui, de produire les éléments de preuve admissibles qu'il souhaite ainsi que d'entendre et de faire des observations à cet égard.

[80]            Le fait que l'ordonnance était imprécise et qu'elle a maintenant été annulée ne fait pas disparaître l'outrage, mais pourrait bien influencer le juge qui entend l'affaire quant à l'infliction d'une amende ou à la condamnation aux dépens.

Les dépens

[81]            Les avocats des parties ne se sont pas entendus sur l'adjudication et le montant des dépens. La question a été laissée aux soins de la Cour.

[82]            Aucune preuve n'a été présentée contre Corey Katz ou Susan Eren/Katz. Ces derniers ont droit à tous les frais, y compris les débours et la TPS, qu'ils ont engagés personnellement et qui n'ont pas été payés ou recouvrés par la défenderesse Avery.

[83]            La défenderesse Avery a droit à ses frais, lesquels seront taxés suivant la colonne IV, y compris les débours et la TPS. Pour plus de certitude, elle a le droit de recouvrer tous les honoraires et débours facturés par son expert, M. Morochove.

[84]            La demanderesse Netbored a eu gain de cause uniquement sur la question de la délivrance d'une ordonnance de justification contre Sean Eren relativement à son ordinateur et au disque dur de celui-ci. Sean Eren a eu gain de cause, sauf en ce qui concerne cette ordonnance de justification. La conduite de ces deux parties n'a pas été exemplaire. Il semble à la Cour que Netbored a demandé et

obtenu l'ordonnance Anton Piller pour des raisons tactiques et que Sean Eren a agi de manière sournoise et n'a pas été coopératif. Aucune de ces parties n'a droit à ses frais.

« Roger T. Hughes »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 octobre 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-2289-03

INTITULÉ :                                                                NETBORED INC.

                                                                                    c.

AVERY HOLDINGS ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 27 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :                                               LE 14 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

Neil Ribinovich                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Mark Hayes                                                                  POUR LES DÉFENDEURS

Antonio Turco

Johnathon Sommer                                                        POUR LE DÉFENDEUR SEAN EREN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodman & Carr LLP                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Blake Cassels & Graydon LLP                          POUR LES DÉFENDEURS

Toronto (Ontario)

Johnathon Sommer                                                        POUR LE DÉFENDEUR SEAN EREN

Toronto (Ontario)


No de dossier du tribunal : T-2289-03

COUR FÉDÉRALE BSECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

TORONTO (ONTARIO), LE LUNDI 15 DÉCEMBRE 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

NETBORED INC.

demanderesse

- et -

AVERY HOLDINGS INC., SEAN EREN, SUSAN EREN, SUSAN KATZ,

COREY KATZ et BINARY ENVIRONMENTS LTD.

défendeurs

ORDONNANCE

VU LA REQUÊTE EX PARTE de la demanderesse visant l'obtention d'une injonction provisoire et d'une ordonnance Anton Piller, les observations de l'avocat de la demanderesse et les pièces déposées ou fournies à la Cour d'une autre façon, notamment un projet d'ordonnance, les affidavits d'Allan Crosier, de Michael Proska, de David Burton et de Carol Jansons ainsi que la déclaration;

LA COUR ORDONNE :

Entrée en vigueur et durée de l'ordonnance

1.          Sous réserve du paragraphe 2 de la présente ordonnance, celle-ci ne prend effet contre chaque défendeur qu'au début du jour où elle lui est signifiée et elle demeure en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit examinée conformément aux paragraphes 22 à 25 des présentes.

2.          La présente ordonnance peut être signifiée et exécutée aux locaux des défendeurs pendant une période n'excédant pas quatorze jours à compter de sa date, mais elle peut, avant cette date, être annulée ou modifiée par la Cour, d'office ou à la demande de l'une des parties. Tout juge de la Cour peut procéder à l'examen de l'exécution de l'ordonnance et de sa prolongation avec ou sans modification.

Explication des pouvoirs de perquisition et de saisie

3.          L'associé chargé de superviser l'exécution doit s'assurer que la nature et les effets de la présente ordonnance sont expliqués correctement et en langage simple aux personnes à qui l'ordonnance est signifiée, en particulier :

i)          qu'il leur est ordonné d'autoriser les personnes chargées de l'exécution de l'ordonnance à saisir, inspecter ou copier le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels, et à effectuer des perquisitions à cette fin;

ii)         qu'il leur est ordonné de communiquer aux personnes chargées de l'exécution de l'ordonnance leurs noms et adresses exacts et complets et de collaborer avec elles pour tout ce qui concerne l'exécution de l'ordonnance;

iii)         qu'un refus de respecter les dispositions de l'ordonnance constitue un outrage au tribunal les rendant passibles d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement;

iv)        qu'elles doivent immédiatement cesser de violer les droits d'auteur de la demanderesse et d'utiliser ses renseignements confidentiels;

v)         qu'elles peuvent consulter un avocat avant de se conformer à l'ordonnance (pourvu qu'elles le fassent sur-le-champ);

vi)        qu'elles ont la possibilité de se présenter à la Cour, à la date fixée dans l'avis de requête joint à l'ordonnance, pour faire valoir leurs observations sur le prononcé, la signification ou l'exécution de l'ordonnance en ce qui les concerne;

vii)        qu'elles peuvent déposer une demande à la Cour, à tout moment précédant la date fixée dans l'avis de requête, en en donnant dûment avis à l'avocat de la demanderesse, pour contester le prononcé, la signification ou l'exécution de l'ordonnance.

Si, par ses actes, la personne recevant la signification empêche que ces explications lui soient fournies de manière raisonnable, la tentative de donner les explications est réputée tenir lieu de communication de celles-ci.

Perquisition, saisie et copie de matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels

4.         Tout défendeur ou toute personne responsable des locaux d'un défendeur doit autoriser les personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance (c'est-à-dire l'associé chargé de superviser l'exécution et les personnes qu'il peut autoriser, jusqu'à concurrence de quatre personnes au total, ainsi que les agents de la paix nécessaires) à pénétrer dans les locaux et à y effectuer des perquisitions en vue de rechercher, d'enlever, d'inspecter ou de copier le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels.

5.          Les personnes autorisées à exécuter la présente ordonnance peuvent pénétrer dans les locaux commerciaux d'un défendeur n'importe quel jour de la semaine entre 7 heures et 21 heures. Elles peuvent pénétrer dans ses locaux d'habitation n'importe quel jour de la semaine entre 9 heures et 19 heures, mais seulement lorsqu'une personne qui semble y résider s'y trouve. Elles ne peuvent cependant pas pénétrer dans toute partie des locaux d'habitation d'un défendeur qui semble être utilisé uniquement à des fins personnelles et non commerciales ou les inspecter.

6.          Tout défendeur ou toute personne responsable des locaux d'un défendeur est tenu d'ouvrir et de rendre accessibles aux personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance tout véhicule, contenant ou local d'entreposage dont il a la possession, la garde ou le contrôle, et d'ouvrir toutes les portes verrouillées derrière lesquelles les personnes chargées d'exécuter l'ordonnance ont des motifs raisonnables de croire que peut se trouver du matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels.

7.          Tout défendeur ou toute personne responsable des locaux d'un défendeur doit remettre immédiatement aux personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance tout le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels qui sont en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle.

8.          Il est interdit à tout défendeur et à toute personne responsable des locaux d'un défendeur de prendre quelque mesure visant à détruire ou à cacher du matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels.

Communication des renseignements

9.          Tout défendeur ou toute personne responsable des locaux d'un défendeur doit communiquer aux personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance :

i)          les renseignements sur les lieux où se trouve tout le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels dont il ou elle a connaissance, dans les locaux du défendeur ou ailleurs;

ii)         son nom exact et complet ainsi que l'adresse à laquelle il peut recevoir du courrier recommandé;

iii)         le nom et l'adresse de tous les particuliers qui lui ont fourni du matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels;

iv)        le nom et l'adresse de toutes les personnes qui, à sa connaissance, participent ou aident aux activités interdites visées aux paragraphes 19, 20 et 21 ci-dessous.

10.       Tout défendeur ou toute personne responsable des locaux d'un défendeur doit autoriser les personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance à photographier ou à enregistrer sur bande vidéo ou sur un autre support électronique les locaux, à l'exception des parties des locaux d'habitation du défendeur qui semblent être utilisés uniquement à des fins personnelles et non commerciales.

Non-divulgation de l'ordonnance

11.        Il est interdit à toute personne à qui la présente ordonnance est signifiée ou qui a connaissance de la signification de la présente ordonnance, pendant les vingt-quatre heures suivant la signification :

i)          de révéler à une autre personne l'existence de l'instance en cours ou des ordonnances afférentes ou d'en discuter avec elle;

ii)         d'autrement informer ou prévenir une autre personne que la demanderesse peut exécuter l'ordonnance contre elle.

12.       Nonobstant le paragraphe 11, toute personne à qui la présente ordonnance est signifiée ou qui en a connaissance peut, en tout temps, consulter un avocat en vue d'obtenir des conseils juridiques au sujet de la présente instance.

Exécution de l'ordonnance

13.        Si l'associé chargé de superviser l'exécution est en mesure de déterminer que du matériel qui se trouve dans les locaux d'un défendeur appartient à la demanderesse, ce matériel peut être saisi. Autrement, si le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels peut être copié, il sera seulement copié. Les dispositions du paragraphe 4 ci-dessus s'appliquent dans les autres cas.

14.        L'associé doit veiller à ce qu'on dresse une liste de tout le matériel qui est saisi ou remis conformément à la présente ordonnance et il doit signifier une copie de cette liste au défendeur.

15.        Lorsque du matériel est saisi ou remis, l'associé doit, dès que les circonstances le permettent, faire les analyses ou les copies qu'il estime nécessaires et retourner sans délai le matériel au défendeur.

16.        Tout le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels et toutes les copies de tout le matériel qui a été saisi ou remis conformément à la présente ordonnance, de même qu'une copie de la liste visée au paragraphe 14, doivent être déposés pour être conservés en lieu sûr auprès de n'importe quel greffe de la Cour fédérale ou peuvent être conservés par l'avocat de la demanderesse, pourvu qu'une copie de la liste visée au paragraphe 14 et un enregistrement photographique, vidéo ou numérique du matériel qui a été saisi ou remis soient déposés auprès de la Cour par l'avocat de la demanderesse. Les dispositions du présent paragraphe reçoivent application, que l'identité de la personne entre les mains de laquelle le matériel a été saisi ou de celle qui a remis le matériel soit connue ou non.

17.        Le matériel concernant la violation des droits d'auteur de la demanderesse ou l'utilisation de ses renseignements confidentiels et les autres types de matériel saisis ou remis conformément à la présente ordonnance ne doivent être utilisés que pour les besoins de poursuites civiles intentées en vue de faire respecter les contrats de travail de la demanderesse ou ses droits d'auteur.

Assistance dans l'exécution de l'ordonnance

18.        Le shérif et tout autre agent de police, agent de la paix ou autorité en poste sur les lieux où est demandée l'exécution de la présente ordonnance sera présent pour prévenir toute perturbation appréhendée de l'ordre public.

Interdictions visant les violations

19.       Il est interdit à tout défendeur de violer les droits d'auteur de la demanderesse pendant que la présente ordonnance est en vigueur.

20.        Il est interdit à tout défendeur d'utiliser les renseignements confidentiels de la demanderesse pendant que la présente ordonnance est en vigueur.

Interdiction de concurrence

21.        Il est interdit au défendeur Sean Eren (à titre de propriétaire, de gestionnaire, d'exploitant, de consultant ou d'employé d'une entreprise essentiellement semblable à celle de la demanderesse ou en concurrence avec elle) de faire concurrence à la demanderesse pendant que la présente ordonnance est en vigueur.

Examen par la Cour de l'exécution de l'ordonnance

22.        Les personnes chargées de l'exécution de la présente ordonnance doivent signifier à tout défendeur une copie de l'ordonnance accompagnée d'une copie de la déclaration et d'une copie de l'avis de requête demandant l'examen par la Cour de l'exécution de l'ordonnance et sa prolongation. L'avis de requête doit être présentable le 12 janvier 2004 ou aussitôt que la Cour peut l'entendre par la suite, aux bureaux de la Cour fédérale situés au 330, avenue University, à Toronto (Ontario). Si, par ses actes, un défendeur empêche que la signification prévue au présent paragraphe soit raisonnablement effectuée, le dépôt sur place d'une copie des documents qu'on a cherché à signifier est réputé constituer une signification valide.

23.        L'avis de requête peut demander une ordonnance visant à transformer l'injonction provisoire visée aux paragraphes 19, 20 et 21 en une injonction interlocutoire ou, si l'injonction provisoire est expirée, la délivrance d'une injonction interlocutoire contre les défendeurs à qui la présente ordonnance a été signifiée. Dans ce dernier cas, la demanderesse n'est pas tenue, comme le prévoient les articles 362 et 364 des Règles de la Cour fédérale (1998), de signifier ou de déposer un dossier de requête, sauf ordonnance contraire de la Cour, et les défendeurs ne sont pas tenus, comme le prévoit l'article 365, de signifier ou de déposer un dossier de réponse, sauf ordonnance contraire de la Cour.

24.        Toute requête demandant l'examen de l'exécution de la présente ordonnance et sa prolongation doit être appuyée par un affidavit de l'associé chargé de superviser l'exécution et présent. Cet affidavit doit dresser un rapport exhaustif et exact de l'exécution ou des exécutions faisant l'objet de l'examen, y compris une description complète de tout le matériel saisi conformément au paragraphe 13.

25.        Le défendeur peut demander que l'audition de la requête d'examen visée au paragraphe 22 ait lieu plus tôt pour obtenir que l'ordonnance contre lui soit annulée ou modifiée, ou pour établir si la demanderesse devrait fournir un cautionnement. Toute demande de cette nature est faite par avis de requête dûment signifié à l'avocat de la demanderesse.

Terminologie

26.        Pour éviter les erreurs d'interprétation, les termes utilisés dans la présente ordonnance sont expliqués ci-dessous :

i)           « droits d'auteur » : tous les droits d'auteur appartenant à la demanderesse en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42;

ii)          « violation » : tous les actes qui constituent une violation suivant la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42;

iii)          « utilisation des renseignements confidentiels de la demanderesse » : l'utilisation pour soi-même ou pour d'autres des renseignements confidentiels de la demanderesse, ou leur communication ou leur divulgation à d'autres;

iv)         « renseignements confidentiels » : les renseignements confidentiels, les secrets industriels et toutes autres données exclusives de la demanderesse, notamment les méthodes, procédés, formules, compositions, systèmes, techniques, inventions, machines, programmes d'ordinateur, codes sources, projets de recherche, listes de clients, données sur les prix, sources d'approvisionnement, données financières, plans de commercialisation, plans de production et systèmes de marchandisage;

v)          « contenants » : ce que la personne responsable des locaux d'un défendeur est tenue d'ouvrir, notamment des sacs, boîtes, armoires, tiroirs, casiers et présentoirs;

vi)         « associé » : un associé du cabinet d'avocats Aird & Berlis LLP;

vii)         « locaux d'un défendeur » : les locaux situés au 130, rue Queen Nord, à Toronto (Ontario), au 91, rue Milton, à Toronto (Ontario) et au 3455, promenade Glen Erin, appartement 603, à Mississauga (Ontario);

viii)        « locaux commerciaux d'un défendeur » : les locaux situés au 130, rue Queen Nord, à Toronto (Ontario) et au 91, rue Milton, à Toronto (Ontario);

ix)         « locaux d'habitation d'un défendeur » : les locaux situés au 3455, promenade Glen Erin, appartement 603, à Mississauga (Ontario).

Engagement de la demanderesse

27.        La présente ordonnance est prononcée sous la condition que la demanderesse s'engage à payer aux défendeurs les dommages-intérêts réels qui pourraient découler de l'exécution non autorisée ou de l'annulation de l'ordonnance.

Observation des Règles de la Cour fédérale (1998)

28.       Pour la signification de la présente ordonnance, les dispositions suivantes des Règles n'ont pas à être observées, sauf mention contraire dans la présente ordonnance ou dans une autre ordonnance de la Cour :

a)         l'article 203 (selon lequel la déclaration doit être signifiée dans les soixante jours suivant sa délivrance). La demanderesse peut signifier la déclaration aux défendeurs en tout temps pendant que l'ordonnance est en vigueur;

b)         l'article 206 (selon lequel une copie de chaque document mentionné dans un acte de procédure doit être signifiée avec l'acte de procédure ou dans les dix jours suivant la signification de celui-ci);

c)         l'article 362 (selon lequel l'affidavit exigé par l'article 363 des Règles doit être signifié et déposé au moins deux jours avant la date d'audition précisée dans l'avis de requête);

d)          l'article 364 (selon lequel le requérant doit signifier son dossier de requête);

e)         l'article 365 (selon lequel l'intimé dans une requête doit signifier un dossier de réponse);

f)           l'article 395 (selon lequel l'administrateur doit envoyer à toutes les parties, par courrier recommandé, une copie de chaque ordonnance rendue). Une ordonnance ne doit être signifiée qu'aux parties à l'ordonnance ou aux autres parties intéressées.

« Michael A. Kelen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


Date : 20051014

Dossier : T-2289-03

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

ENTRE :

NETBORED INC.

demanderesse

et

AVERY HOLDINGS INC., SEAN EREN, SUSAN EREN, SUSAN KATZ, COREY KATZ

et BINARY ENVIRONMENTS LTD.

défendeurs

ORDONNANCE

            VU la demande présentée à la Cour par la demanderesse le 27 septembre 2005 afin que l'ordonnance Anton Piller accordée par la Cour le 15 décembre 2003 soit examinée, que l'injonction provisoire accordée par ladite ordonnance soit convertie en une injonction interlocutoire, qu'une ordonnance de justification pour outrage soit rendue contre le défendeur Sean Eren et que d'autres réparations soient accordées;

            APRÈS avoir examiné la preuve et le dossier déposés à la Cour relativement à ladite ordonnance;

            APRÈS avoir examiné les éléments de preuve additionnels déposés au soutien de la présente demande;

            ET APRÈS avoir entendu les avocats de toutes les parties, à l'exception de la défenderesse Binary Environments Ltd. qui n'a pas comparu devant la Cour et qui n'est pas visée par la présente demande;

            ET POUR les motifs ci-joints;

            LA COUR ORDONNE :

1.       Les parties de l'ordonnance Anton Piller accordée le 15 décembre 2003 qui ont trait aux renseignements confidentiels de la demanderesse sont, et ont toujours été, invalides.

2.       Le reste de cette ordonnance Anton Piller est annulée.

3.       Les parties de la déclaration visant l'obtention d'une réparation relativement aux renseignements confidentiels sont radiées, de même que toutes les autres parties qui ont trait uniquement à la demande d'une telle réparation.

4.       L'injonction provisoire accordée par cette ordonnance du 15 décembre 2003 est annulée et aucune injonction interlocutoire n'est accordée. Les défendeurs ont droit à un renvoi en vertu de l'article 107 des Règles ou de toute autre règle pertinente, afin que les dommages subis en raison de cette injonction provisoire soient évalués et que la demanderesse les compense en conformité avec son engagement.

5.       Une ordonnance de justification est rendue par les présentes contre le défendeur Sean Eren, lui enjoignant de se présenter à la date, à l'heure et au lieu fixés par la Cour pour prendre connaissance et pour présenter des éléments de preuve et des observations relativement à un prétendu outrage lié à cette ordonnance du 15 décembre 2003 découlant du fait qu'il a caché l'existence de son ordinateur et du disque dur de celui-ci, ainsi que l'endroit où ils se trouvaient, qu'il n'en a pas préservé le contenu et qu'il a, par négligence ou autrement, fait en sorte que ce contenu soit effacé ou corrompu de manière permanente ou permis qu'il en soit ainsi.

6.       Les défendeurs Corey Katz et Susan Eren/Katz ont droit à tous leurs frais et dépens, y compris tous les débours et la TPS, dans la mesure où ces dépens n'ont pas été payés ou recouvrés par la défenderesse Avery.

7.       La défenderesse Avery a droit à ce que ses frais soient taxés conformément à la colonne IV, y compris tous les débours et la TPS, ainsi que tous les honoraires et débours payés au témoin expert Morogrove pour son travail concernant son témoignage.

8.       Ni la demanderesse ni le défendeur Sean Eren n'ont droit à des frais ou dépens.

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.

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