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Date : 20060407

Dossier : IMM-4180-05

Référence : 2006 CF 458

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

ADRIAN CHAVEZ ARENAS

ROSA ELIA HERNANDEZ GONZALEZ

ELIAS ADRIAN CHAVEZ HERNANDEZ

ERIKBERTO CHAVEZ HERNANDEZ

BRISA ROXEL CHAVEZ HERNANDEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les demandeurs sont une famille de cinq personnes provenant du Mexique. Adrian Chavez Arenas (le demandeur principal) était propriétaire d'un magasin de chaussures qui a été cambriolé par un certain Ernesto Gonzalez. Le demandeur principal a dénoncé M. Gonzalez à la police et l'a poursuivi pour la valeur de la marchandise volée. Par contrecoup, M. Gonzalez l'a menacé, battu et maltraité. La police a refusé de poursuivre l'enquête, jugeant que c'était inutile puisque le demandeur avait déjà dénoncé le premier évènement. M. Arenas a perdu son procès contre M. Gonzalez et ce dernier a été acquitté des accusations relatives au vol.   

[2]                Le jour où la décision a été rendue, M. Gonzalez a averti le demandeur principal qu'il serait préférable pour lui de quitter le Mexique parce qu'il risquait d'avoir un accident. Le demandeur principal n'a pas parlé au juge de cette menace et n'a pas déposé de dénonciation publique. Il a plutôt fui avec sa famille vers le Canada.

[3]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande d'asile pour les motifs suivants :

a.        le temps pris par les demandeurs avant de demander l'asile (six mois après leur entrée au Canada et trois mois après l'expiration de leur visa) témoignait d'une absence de crainte subjective de persécution;

b.       les demandeurs n'avaient pas prouvé que l'État mexicain était incapable de les protéger.

[4]                Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision en se fondant sur un seul argument, à savoir que la Commission, qui n'a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité, n'a pas expliqué pourquoi elle a préféré croire la preuve documentaire plutôt que le témoignage du demandeur.

[5]                Dans Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1059, le juge Blanchard a conclu au paragraphe 14 :

Les conclusions de fait ne peuvent faire l'objet d'un contrôle que si elles sont erronées et si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire (arrêt Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 302 N.R. 178 (C.A.F.)). La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait tirées par la Commission à l'égard de la question de la protection de l'État est celle de la décision manifestement déraisonnable (décision Nawaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 C.F. 1255).

[6]                Je suis entièrement d'accord avec cette analyse; en conséquence, j'appliquerai la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[7]                Il est bien établi qu'il incombe au demandeur de prouver l'absence de protection de l'État. La preuve documentaire contredisait le témoignage du demandeur (que la Commission n'a pas jugé peu crédible). La Commission a abordé cette question quand elle a affirmé :

Le demandeur d'asile principal a allégué que son magasin a été la cible d'un vol par effraction et que divers articles lui ont été pris pour une somme de 3500 $US. Il prétend que des témoins lui ont indiqué que l'auteur de l'introduction par effraction était M. Gonzales. Le tribunal estime que le demandeur d'asile principal pouvait en tout temps s'adresser aux autorités, celles-ci ont pris sa dénonciation, et le demandeur principal a pu intenter une poursuite contre M. Gonzales. Le fait que le juge n'ait pas statué en faveur du demandeur d'asile principal ne constitue pas une indication de l'absence de protection de l'État. En ce qui concerne les autres répercussions liées à M. Gonzales, le demandeur d'asile principal a indiqué que ce dernier l'a menacé; or, il ne s'est pas de nouveau rendu à la police pour rapporter ce fait. Étant donné que la police n'a pas ignoré le demandeur d'asile principal la première fois qu'il a fait sa déclaration contre M. Gonzales, il n'y a aucune raison de s'attendre à ce qu'elle ne le prenne pas au sérieux lors d'un autre incident s'il devait être agressé et allait éventuellement porter plainte à la police au sujet d'un agresseur.

[8]                De toute évidence, la Commission a jugé que le demandeur n'avait pas établi de manière suffisante qu'il avait tenté d'obtenir la protection de l'État et qu'elle n'était pas assurée. Les tentatives infructueuses visant à ce que la police porte d'autres accusations ne suffisent pas à prouver l'absence de protection de l'État. Comme l'a observé le juge Pinard dans Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 2107, 2005 CF 1654, au paragraphe 11 :

Toutefois, en l'espèce, la Commission n'a pas estimé que l'État était l'agent persécuteur. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable en ce sens que la conduite de certains policiers ne fait pas nécessairement de l'État un agent de persécution, ni ne démontre intrinsèquement qu'il y a eu effondrement complet de la capacité de protection de l'État [...]

[9]                L'observation de la juge Dawson dans De Baez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 236 F.T.R. 148, 2003 CFPI 785, au paragraphe 16, est encore plus pertinente :

Ainsi, les actes posés par certains policiers n'empêchent pas qu'il soit nécessaire de tenter d'obtenir la protection des autorités. La discrimination exercée par certains policiers n'est pas une preuve suffisante que l'État n'est pas disposé à protéger les demandeurs ou que ces derniers sont incapables de solliciter la protection de l'État.

[10]            À la lumière de la jurisprudence, je ne vois pas comment la conclusion de la Commission pourrait être considérée comme manifestement déraisonnable. En conséquence, la présente demande ne peut être accueillie.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4180-05

INTITULÉ :                                                    ADRIAN CHAVEZ ARENAS

ROSA ELIA HERNANDEZ GONZALEZ

ELIAS ADRIAN CHAVEZ HERNANDEZ

ERIKBERTO CHAVEZ HERNANDEZ

BRISA ROXEL CHAVEZ HERNANDEZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 6 AVRIL 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 7 AVRIL 2006

COMPARUTIONS :

Terry Guerriero

POUR LES DEMANDEURS

Jamie Todd

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Terry S. Guerriero

London (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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