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Date : 20011102

Dossier : T-1821-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1201

ENTRE :

                                                                     MIN HONE LIN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                   (Prononcés à l'audience le 25 octobre 2001 et révisés)

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur en appelle d'une décision d'un juge de la citoyenneté, Mme R. Cruden, en date du 17 août 2000, dans laquelle celle-ci a refusé de lui accorder la citoyenneté aux termes du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté.

[2]                 La question est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur en décidant que le demandeur n'avait pas respecté les conditions énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[3]                 Les facteurs en faveur du demandeur sont énoncés dans la lettre de refus du juge de la citoyenneté et se trouvent au troisième paragraphe auquel vous vous êtes tous les deux référés :


[TRADUCTION]

Vous êtes arrivé au Canada pour la première fois le 8 décembre 1994 et, d'après votre avocat, c'était pour une brève visite. Votre famille immédiate et vous-même êtes arrivés au pays et avez obtenu le droit d'établissement le 21 juillet 1995. Trois semaines plus tard, après avoir inscrit vos enfants à l'école, acheté une maison, une voiture et reçu une cargaison de meubles de Taiwan (non documentée), vous êtes retourné à Taiwan. Au cours de la période de quatre ans à l'étude, vous avez eu le statut d'immigrant reçu pendant 1 097 jours et avez fait 11 voyages à l'extérieur du Canada, tous, à une exception près, vers Taiwan, pour un total de 876 jours. À l'exception de vos vacances aux États-Unis, vous avez indiqué « Affaires/Personnel » comme motifs de votre absence. À l'audience, votre représentant juridique a déclaré que votre absence était principalement motivée par les responsabilités qui vous incombent, en tant que fils unique, de vous occuper de votre grand-mère souffrante, maintenant décédée, et de votre vieille mère. Entre les voyages que vous avez effectués à l'étranger, vous êtes revenu régulièrement dans votre famille et votre maison à Mississauga, pour de brèves périodes, qui duraient approximativement de une à trois semaines. Entre votre dernier voyage à Taiwan et le dépôt de votre demande de citoyenneté, vous êtes demeuré ici pendant environ 48 jours. Il vous manque donc 874 jours sur les 1 095 jours requis. Vous avez fourni la preuve de l'achat d'une maison pour votre famille à Mississauga, qui est votre seule adresse au Canada. Vous possédez les signes habituels de la résidence, c'est-à-dire que vous avez une carte d'assurance sociale, un permis de conduire, un abonnement au CAA, une carte de bibliothèque, une attestation bancaire, etc. Vous avez été membre de la Taiwan Entrepreneurs Society Taipei/Toronto en 1997-1998. Votre avocat prétend que vos séjours répétés à Taiwan avaient pour but de prendre soin de votre grand-mère (qui est morte le 15 septembre 1998) et de votre mère qui continue d'y demeurer. Votre avocat a indiqué qu'en tant que fils unique vous devez prendre soin de votre mère, responsabilité que vous partagez avec vos soeurs. D'après ce que je comprends, vous avez quatre soeurs qui résident à Taipei.

[4]                 Le juge de la citoyenneté a conclu sur ces mots :

[TRADUCTION]

Bien que vous ayez établi votre résidence au Canada, à laquelle vous faites référence comme votre domicile conjugal, je conclus néanmoins que le Canada n'est pas « le lieu où vous vivez régulièrement, normalement ou habituellement » , puisque dans la période de 1 097 jours qui a précédé votre demande de citoyenneté, vous avez été absent du Canada pendant 876 jours et présent pendant 221 jours seulement. Alors que votre famille semble avoir « centralisé son mode d'existence » au Canada, à l'heure actuelle, vos attaches avec Taiwan semblent plus importantes que vos liens avec le Canada. Bien que vous soyez propriétaire d'une résidence au Canada, que votre épouse et vos enfants soient au Canada, que vous ayez fourni des copies de vos déclarations de revenu pour les années 1997 et 1998 et que vous possédiez les preuves formelles de la résidence, le fait est que vous avez passé très peu de temps ici à fréquenter des Canadiens au Canada. Je n'ai pas approuvé cette demande aux termes de l'alinéa 5(1)c).


[5]                 Le demandeur soutient que lorsque le juge a déclaré qu'il avait établi sa résidence au Canada, elle était obligée de traiter l'époux demandeur de la même façon que son épouse. Je ne suis saisi d'aucun dossier factuel qui me permette d'accepter cette proposition. En outre, l'épouse a été absente du Canada pendant quelque 400 jours de moins que l'époux demandeur et elle n'a pas fait d'affaires à Taiwan selon les prétentions du demandeur. Ce sont des différences importantes. En outre, je ne suis pas en mesure de déterminer si le juge de la citoyenneté a commis une erreur concernant la demande de l'épouse car je ne dispose pas des motifs du juge de la citoyenneté à cet égard et il ne serait pas non plus approprié que je fasse des commentaires sur ce point puisque sa décision n'a pas fait l'objet d'un appel devant moi. Les raisons invoquées par le demandeur pour justifier ses absences étaient « Affaires/Personnel » , alors qu'apparemment son épouse n'a coché que la case « Personnel » . La raison de l'absence n'est donc pas identique.

[6]                 La norme de contrôle est celle de la décision correcte telle que précisée par le juge Lutfy, maintenant juge en chef adjoint de la Section de première instance, dans la décision Lam c. Canada (MCI) (1999), 164 F.T.R 177, où il déclare au paragraphe 33 :

Cependant, lorsque le juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence.

[7]                 Dans le cas dont je suis saisi, le juge de la citoyenneté a suivi deux séries de causes. Le premier critère énoncé dans la décision Pourghasemi (Re), [1978] 2 C.F. 208, exige la présence physique pendant le nombre de jours requis. Toutefois, le juge de la citoyenneté a poursuivi en citant le critère énoncé dans Koo (Re) [1993] 1 C.F. 286 (CFPI), qui est plus libéral. Madame le juge Reed y disait ceci à la page 293 :


La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant « vit régulièrement, normalement ou habituellement » . Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?

Le juge de la citoyenneté a utilisé des mots semblables dans le cas dont je suis saisi quand elle a déclaré : [TRADUCTION] « Le Canada n'est pas « le lieu où vous vivez régulièrement, normalement ou habituellement » » et ensuite [TRADUCTION] « Alors que votre famille semble avoir « centralisé son mode d'existence » au Canada » . Il était raisonnablement loisible au juge de la citoyenneté de donner cette interprétation à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[8]                 À mon avis, rien n'indique en l'espèce que le juge n'a pas correctement appliqué le critère énoncé dans Koo. Le juge a passé en revue tous les différents facteurs et les a pondérés en conséquence. Elle a reconnu que la famille est au Canada, que le domicile conjugal s'y trouve et que la famille paie son impôt sur le revenu. Toutefois, elle a jugé que ces facteurs étaient largement surpassés par l'absence du Canada et le manque de fréquentation d'autres Canadiens. En outre, les attaches du demandeur avec Taiwan semblent être plus importantes que celles qu'il a avec le Canada. D'après la preuve, le juge de la citoyenneté pouvait en venir à ces conclusions.


[9]                 L'appel est rejeté.

                                                                                   « W.P. McKeown »

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1821-00

INTITULÉ :                                                        Min Hone Lin

- et -

Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 25 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :Le juge McKeown

PRONONCÉS À L'AUDIENCE

COMPARUTIONS :

Sheldon M. Robins                                                                         POUR LE DEMANDEUR

James Brender                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sheldon M. Robins                                                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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