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Date : 20021024

Dossier : IMM-1981-02

Référence neutre: 2002 CFPI 1079

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE:

                                                               MORTEZA SOHRABI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié (la SSR) de lui refuser le statut de réfugié au sens de la Convention.


POINTS EN LITIGE

[2]                 La SSR a-t-elle erré en droit et en fait lorsqu'elle a jugé que le demandeur n'était pas crédible?

[3]                 La SSR a-t-elle négligé d'examiner un motif de persécution?

LES FAITS

[4]                 Le demandeur, un ressortissant iranien, est arrivé au Canada le 18 septembre 2000. Il avait quitté l'Iran en avril 2000. Il a ensuite séjourné en Turquie et en Bulgarie, durant l'été de 2000, avant d'arriver à Toronto sur un vol en provenance de Hambourg, en Allemagne.

[5]                 Le demandeur a présenté le 15 novembre 2000 son Formulaire de renseignements personnels (FRP) à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR). Il a rédigé un exposé circonstancié en réponse à la question 37 du FRP. Cette question lui demandait de relater tous les incidents notables qui l'avaient conduit à rechercher une protection en dehors de son pays de nationalité, et d'indiquer toute protection qu'il avait demandée aux autorités de son pays. Dans l'exposé circonstancié, il décrit son éducation islamique fondamentaliste, son service militaire, son mariage forcé, ainsi que son arrestation et les tortures subies par lui aux mains de « civils barbus » à un endroit qu'il appelait le « Komiteh » (dossier du tribunal, page 18). Il avait acheté un récepteur satellite et c'est ce qui avait, semble-t-il, motivé son arrestation.


[6]                 Le demandeur a ensuite décrit sa participation à des séances de thérapie de groupe, vers lesquelles il avait été dirigé en raison de sa dépression. Il s'est lié d'amitié avec deux des élèves, qui l'avaient approché en vue de manifestations organisées en juillet 1999 en opposition au régime en place, et qui avaient sollicité son aide pour la production et la distribution de prospectus.

[7]                 Il apprit d'un voisin que son entreprise avait été l'objet d'une incursion et que plusieurs membres de sa famille avaient été arrêtés. Sa femme l'avait semble-t-il dénoncé, lui et sa famille, en affirmant que le demandeur était contre l'Islam et qu'il était le déshonneur de la famille.

[8]                 Après cet incident qui, selon le demandeur, s'est produit en août 1999, le demandeur a pris des dispositions en vue de quitter l'Iran avec l'aide d'un passeur. Selon le FRP du demandeur et son témoignage devant la SSR, le passeur a conservé le passeport authentique du demandeur pour ensuite délivrer à celui-ci un faux passeport, que le passeur a plus tard repris et détruit.

DÉCISION CONTESTÉE

[9]                 La SSR a communiqué sa décision le 28 mars 2002.

[10]            La SSR a relevé que le demandeur avait revendiqué le statut de réfugié au motif de ses présumées opinions politiques. Le demandeur a dit à la SSR qu'il avait rencontré deux autres étudiants à l'époque où il participait aux séances de thérapie de groupe susmentionnées et qu'ils l'avaient impliqué dans diverses activités de nature activiste. Les commissaires de la SSR ont relevé que, bien qu'il se fût lié d'amitié avec eux, il n'était pas en mesure de donner de détails sur leur participation au groupe. De l'avis des commissaires, la crédibilité du demandeur s'en trouvait ainsi diminuée.

[11]            S'agissant des manifestations d'étudiants de 1999, les commissaires ont jugé que le demandeur avait disserté interminablement sur la date où il avait rencontré ses deux amis, Saman et Hamid, c'est-à-dire le samedi du week-end où les événements eurent lieu, ou bien le dimanche, et qu'il ne savait pas très bien, des responsables étudiants ou des responsables nationaux ou municipaux, lesquels étaient ceux qui exigeaient de connaître les raisons du raid sur l'université.


[12]            Il a aussi été reproché au demandeur de ne pas avoir pu répondre à la question des commissaires qui voulaient savoir si d'autres protestations étaient ou non prévues et si c'était là la raison pour laquelle Saman et Hamid avaient demandé une aide additionnelle pour la production de prospectus. Le demandeur a déclaré qu'il ne parlait qu'à son voisin commerçant, Cyrus, plutôt qu'aux membres de sa famille directement, pour obtenir des nouvelles d'eux, notamment lorsqu'il avait appris l'arrestation de son frère et de son père. Toutes ses conversations avec Cyrus se déroulaient sur son téléphone cellulaire. Il n'a pas expliqué d'une manière satisfaisante pour la SSR les raisons pour lesquelles il ne parlait pas aux membres de sa famille directement.

[13]            La dernière section des motifs exposés par la SSR décrivait les réponses du demandeur aux questions posées par l'agent d'immigration au point d'entrée. La SSR a jugé que le demandeur n'avait pas donné les raisons déterminantes de son départ d'Iran durant cette entrevue et que sa crédibilité s'en trouvait diminuée.

[14]            La SSR a conclu que, considérés ensemble, les doutes divers sur sa crédibilité ternissaient globalement la valeur intrinsèque de sa revendication. Se fondant sur les conclusions résumées ci-haut, les commissaires ont estimé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Demandeur

[15]            Selon le demandeur, la SSR a négligé d'examiner un motif de persécution, à savoir le fait que le demandeur était en danger parce que la famille de son épouse cherchait à lui nuire. La SSR n'a pas examiné l'affirmation selon laquelle il avait été arrêté puis torturé parce que son épouse avait rapporté qu'il avait acheté un récepteur satellite.

[16]            Les raisons de la participation de Saman et Hamid aux séances de thérapie de groupe est un détail hors de propos qui n'intéressait pas leurs opinions politiques ou celles du demandeur, ni les problèmes que le demandeur affirme avoir rencontrés en relation avec de telles activités. Le demandeur invoque des précédents pour soutenir que la SSR a injustement tiré une conclusion défavorable sur sa crédibilité en se fondant sur des éléments qui n'intéressaient pas le fond de sa revendication.

[17]            La SSR a conclu injustement, à cause de défaillances mineures dans les souvenirs du demandeur à propos des manifestations étudiantes, que sa version des événements n'était pas crédible. Il était également erroné de sa part de juger rétrospectivement du retentissement qu'avait eu la manifestation de juillet 1999, puisqu'un tel retentissement n'avait pas été prévu avant l'événement.

[18]            La SSR mentionne à peine que le demandeur n'avait pas indiqué au départ dans son FRP les mauvais traitements subis par lui mais qu'il a plus tard modifié son FRP pour en faire état. La SSR n'a pas indiqué ce qu'elle a fait de cette précision. Il s'agit là d'une erreur, car la SSR est tenue de noter davantage que le simple fait de la modification; les commissaires de la SSR attaquent régulièrement la crédibilité de revendicateurs qui négligent de modifier leurs FRP.

[19]            La SSR a jugé à tort que le demandeur avait été évasif quand il avait indiqué qu'il n'avait pas connaissance de manifestations d'étudiants qui étaient prévues après juillet 1999. Ce n'est pas parce qu'un demandeur ne connaît pas la réponse à une question qu'il est évasif.

[20]            La SSR a déclaré à tort que le demandeur n'avait pas donné une explication plausible des raisons pour lesquelles il n'avait pas quitté l'Iran plus tôt, et cela sans faire état de ce qu'était son explication. Dire que l'explication d'un revendicateur n'est pas satisfaisante, sans préciser davantage en quoi elle est insatisfaisante, est une conclusion abusive. S'agissant de la tardiveté à quitter l'Iran, l'obligation de se cacher et la prise d'arrangements avec un passeur sont des facteurs qui peuvent causer des difficultés lorsqu'on quitte un pays, et qui auraient donc dû être pris en compte.

[21]            La SSR a conclu injustement à une incohérence parce que le demandeur n'avait pas mentionné la source de ses difficultés, à savoir sa fréquentation des deux étudiants, alors qu'en réalité les notes du point d'entrée montrent qu'il a bel et bien fait état de ce facteur à cette époque.

[22]            Subsidiairement, la SSR a exposé des motifs insuffisants. Elle a également négligé d'aborder la question de l'interprétation et le rôle que l'interprétation avait pu jouer à propos de ce qui a été versé dans le dossier. Il est insuffisant de mentionner simplement une explication et de dire qu'elle est rejetée.


[23]            La tâche de tirer des conclusions ne relève pas du domaine exclusif de la SSR; c'est un exercice de bon sens, que la Cour fédérale peut entreprendre.

[24]            Si la preuve du demandeur s'accorde par ailleurs avec la preuve documentaire, alors le doute doit profiter au demandeur en ce qui a trait aux éléments de preuve que le demandeur n'a pas été en mesure de produire. Cela n'a pas été fait ici, et cela constitue une erreur de droit et de principe.

[25]            Le demandeur invoque le jugement Selvakumaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 623, au soutien de son argument selon lequel la SSR a rendu une décision déraisonnable en concluant à l'absence de crédibilité du demandeur. Ce n'est pas parce que le demandeur ne peut pas produire les documents les plus récents qu'il cesse par le fait même d'être crédible.

[26]            Même si la SSR a tiré une pure conclusion de fait et même si la preuve est par trop ténue pour autoriser une conclusion, la Cour peut intervenir. On avait affaire à une conclusion de cette nature dans le jugement Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Smith, [1999] 1 C.F. 310 (1re inst.).


Défendeur

[27]            La SSR a pour tâche non seulement d'examiner la preuve mais également de mesurer sa valeur, de telle sorte que la SSR pouvait tout à fait décider que la preuve produite par le demandeur n'était pas crédible et n'appuyait pas ses prétentions. D'ailleurs, les aspects essentiels de sa revendication tenaient à son association avec deux étudiants, de telle sorte qu'il était raisonnable pour les commissaires d'imaginer qu'il en savait davantage qu'il ne le disait sur ce qui les avait conduits aux séances ainsi que sur la nature de leurs plans et activités, de même que sur l'identité des meneurs.

[28]            Le défendeur invoque des précédents au soutien du principe selon lequel la SSR doit être présumée avoir étudié l'ensemble de la preuve produite et n'a pas à faire état de chaque élément dans ses motifs. Le demandeur a dit craindre la persécution en raison de ses présumées opinions politiques ainsi qu'en raison de préoccupations concernant ses proches, mais il n'a pas étayé ses affirmations.

[29]            Lorsque la SSR conclut à l'absence de crédibilité d'un requérant, elle est fondée à tirer une conclusion défavorable. La SSR a le droit de tirer des conclusions en la matière en s'inspirant de la vraisemblance, du bon sens et de la raison, et il appartient au requérant de récuser lesdites conclusions. Le défendeur expose ensuite d'autres justifications qui autorisaient selon lui la SSR à tirer des conclusions défavorables en matière de crédibilité, et il dit que, au vu de telles justifications, la SSR pouvait rendre la décision qu'elle a rendue.


[30]            La SSR était fondée à tenir compte de la tardiveté du demandeur à quitter l'Iran lorsqu'elle a tiré sa conclusion. Sans preuve contraire, le délai de huit mois qui s'est écoulé avant que l'asile ne soit demandé autorise la conclusion selon laquelle la crainte du demandeur d'être exposé à une persécution constante n'est pas crédible, dans la mesure où il ne s'agit pas là du facteur unique ou déterminant de la décision.

[31]            S'agissant de la norme de contrôle, la décision de la SSR est raisonnable et doit être maintenue. La SSR a eu l'avantage de voir et d'entendre le demandeur, et ses conclusions sont légitimes eu égard à la teneur du dossier. Ce n'est pas parce que la preuve est déroutante que l'on doit appliquer une norme de contrôle différente ou moindre.

[32]            En bref, le demandeur n'a pas réussi à établir la nécessité pour la Cour d'intervenir.

ANALYSE

Crédibilité


[33]            Le demandeur invoque le jugement Shaheen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 670, au soutien de son argument selon lequel la SSR commet une erreur si elle rend une décision fondée sur des éléments hors de propos. Il défend aussi cette proposition en invoquant le jugement Wei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 285, où la Cour avait réprimandé une formation de la SSR pour avoir tiré, en matière de crédibilité, des conclusions fondées sur des matières sans rapport avec le fond d'une revendication.

[34]            Il est bien établi que la Cour ne doit pas substituer les conclusions de fait qu'elle aurait pu tirer aux conclusions que la SSR a elle-même tirées. Au niveau de la Cour d'appel fédérale, le juge Décary avait tenu les propos suivants dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. [Non souligné dans le texte]

[35]            Dans la présente affaire, le dossier est rempli de contradictions qui intéressent directement les activités du demandeur et la nature de son association avec ceux qui l'ont entraîné dans ces activités. On peut difficilement admettre qu'il s'agit là d'éléments hors de propos. Dans la mesure où l'on affirme avoir passé beaucoup de temps en compagnie de certaines personnes, on pourra difficilement prétendre qu'on ne les connaît pas. Et puis, si on joue un rôle dans des activités qui ont fait l'objet d'importants préparatifs et d'une certaine publicité après coup, il sera difficile de prétendre ne pas connaître certaines choses, par exemple la date à laquelle les événements ont eu lieu et les noms des responsables.


[36]            De plus, contrairement à l'affaire Shaheen, précitée, dans laquelle la revendicatrice avait donné des explications valides pour les contradictions entre ce qui apparaissait dans son FRP et ce qu'elle avait relaté aux commissaires durant l'audience, les explications données par le demandeur dans le cas présent ont consisté surtout à contredire les avocats ou les commissaires quand il était confronté à des déclarations qu'il avait faites auparavant durant l'audience et qui ne s'accordaient pas avec ce qu'il venait tout juste de dire. Par exemple, à la page 91 du dossier du tribunal, le demandeur affirme qu' « ils » voulaient savoir pourquoi l'université avait été l'objet d'une incursion. Les propos suivants ont été échangés :

[Traduction]

Président de l'audience :         ... de quels responsables parlons-nous? De responsables étudiants ou de responsables nationaux?

[Requérant] :                           Nous parlons de responsables nationaux.

[37]            Puis il y a eu l'échange suivant, repris à la page 92 :

[Traduction]

Membre :                                  Quels responsables? De quels responsables parlez-vous?

[Requérant] :                           Par exemple, le chef du conseil municipal... Ou certains professeurs d'université...

Avocat :                   Donc plusieurs personnes connues affirment qu'il y avait des agents du régime derrière ces incursions et ils veulent savoir qui ils sont.

[Requérant] :                           Non, j'ai dit que les étudiants voulaient savoir. Je n'ai pas dit les responsables.

Avocat :                   Monsieur, vous avez d'abord parlé des responsables et, lorsqu'on vous a demandé à qui vous faisiez référence, vous avez dit les responsables nationaux. Puis vous avez dit des gens comme le chef du conseil municipal et les professeurs.

[Requérant] :                              Les choses sont très embrouillées.

[38]            J'ai le regret de dire que ces contradictions sont très pertinentes et ne sont nullement négligeables. Si le tribunal avait voulu aller au fond des choses, il aurait pu se pencher sur d'autres contradictions apparaissant dans les renseignements fournis par le demandeur lors de l'entrevue au point d'entrée, ainsi que dans son FRP et durant l'audience. Le demandeur s'est contredit d'une manière flagrante lorsqu'il a dit qu'il était venu au Canada en raison de sa participation à des manifestations et que son cousin avait été arrêté parce que le demandeur lui-même était recherché par les autorités, pour affirmer ensuite à l'audience qu'il n'avait pas été interrogé sur ces aspects. Le tribunal avait parfaitement le droit de soulever ces contradictions.

[39]            Dans l'arrêt Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.F.), le juge Robertson écrivait, à la page 315 :

[...] Cette Cour a à maintes reprises conclu que, si la crédibilité du demandeur est en cause, la Commission est tenue de motiver sa conclusion dans des termes clairs et nets; [...]

[40]            Le texte de la décision renferme divers exemples qui montrent que le tribunal s'est clairement acquitté de cette obligation. Au départ, le demandeur ne savait pas pourquoi les deux étudiants, Saman et Hamid, participaient aux séances auxquelles le demandeur participait, puis il a été en mesure de donner des détails sur le rôle de Saman. Il a rencontré les étudiants le samedi du week-end au cours duquel les manifestations devaient avoir lieu, puis il a dit que les manifestations avaient eu lieu deux jours plus tard, le dimanche, ce qui dans son esprit voulait dire en réalité deux jours : dimanche et lundi.

[41]            Il est inutile de revoir tous les exemples soulevés par le tribunal. Le demandeur a sans doute raison de penser que n'importe laquelle de ces incohérences ne franchirait pas, à elle seule, le seuil d'insignifiance pour devenir une considération pertinente dans une conclusion touchant la crédibilité. Cependant, le tribunal a examiné une diversité de facteurs liés aux allégations du demandeur à propos de la manifestation, de l'arrestation de certains de ses proches, de la manière dont il était traité par sa femme et sa famille, enfin de sa tardiveté à quitter l'Iran, avant de conclure à une absence de crédibilité. Manifestement, ce n'est pas là une décision dans laquelle la Cour a le loisir d'intervenir.

[42]            La Cour a reconnu que la SSR a le pouvoir discrétionnaire requis pour évaluer la crédibilité des témoignages des revendicateurs du statut de réfugié. C'est ce qui ressort du jugement rendu par le juge Teitelbaum dans l'affaire Antonipillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (IMM-2724-98, 22 mars 1999); [1999] A.C.F. no 382, au par. 9 (1re inst.) (QL) :

Il ne fait aucun doute que la Commission du statut de réfugié a toute la discrétion nécessaire pour évaluer la crédibilité du témoignage des personnes qui revendiquent le statut de réfugié et qu'elle peut tenir compte d'une multitude de facteurs pour ce faire. La Commission peut fonder ses conclusions sur des contradictions internes, des incohérences et des déclarations évasives qui sont le « fondement même du pouvoir discrétionnaire du juge des faits » , ainsi que sur d'autres éléments extrinsèques tels que la raison, le sens commun et la connaissance d'office, mais ces conclusions ne doivent pas être tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont dispose la Commission : Sbitty c. Canada (M.C.I.), (IMM-4668-96, 12 décembre 1997), Shahamati c. M.E.I., (C.A.F.) (A-388-92, 24 mars 1994).

[43]            La norme de contrôle qui s'applique à ces conclusions de fait est la norme de la décision manifestement déraisonnable, et je ne puis dire que lesdites conclusions étaient manifestement déraisonnables. Elles ne seront donc pas modifiées.

Absence de prise en compte d'un motif de persécution

[44]            Le demandeur conteste la décision du tribunal parce qu'il ne s'est pas exprimé sur la crédibilité du demandeur en ce qui a trait à la persécution qu'il craignait aux mains de la famille de son épouse. En fait, le tribunal a bien indiqué, à la page 3 de sa décision, que la famille de l'épouse du revendicateur avait fait savoir que le demandeur devrait être puni de mort pour avoir combattu l'Islam. Puis le tribunal a repris les propos qu'avait tenus le demandeur pour expliquer comment il avait appris cela, et il a mis en doute la véracité de son affirmation selon laquelle c'est son voisin commerçant qui lui racontait tout. On ne saurait donc affirmer que le tribunal n'a pas tenu compte de ce motif de persécution; il l'a étudié et il s'est prononcé en conséquence sur la crédibilité du demandeur.

[45]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les avocats n'ont pas proposé de question grave de portée générale, et aucune question n'est donc certifiée en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                    Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                    « Michel Beaudry »            

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                                                         IMM-1981-02

INTITULÉ :                                                     MORTEZA SOHRABI et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 1er octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                    le 24 octobre 2002

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                     POUR LE DEMANDEUR

Deborah Drukarsh

Ministère de la Justice                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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