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Date : 20050412

Dossier : IMM-2995-04

Référence : 2005 CF 491

Toronto (Ontario), le 12 avril 2005

En présence de Monsieur le juge von Finckenstein

ENTRE :

                                            ANTONIO LUIZ DE MELLO BORGES

ELIANA BARBOSA BORGES

KAYO BARBOSA DE MELLO BORGES

HANNAH BARBOSA DE MELLO BORGES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés oralement à l'audience puis rédigés par la suite pour plus de précision et de clarté)

[1]                Antonio Luiz de Mello Borges (le demandeur), qui est le demandeur principal, est un citoyen brésilien de 47 ans. Son épouse, Eliana Barbosa Borges, et leurs deux enfants, Kayo et Hannah Barbosa de Mello Borges, fondent leurs demandes d'asile sur les motifs de celle du demandeur principal.


[2]                Le demandeur a divorcé d'avec sa première épouse en 1986. Il affirme que la famille de celle-ci a commencé à le menacer et l'a empêché de voir son fils, tout cela parce que c'était le premier divorce que la famille ait jamais connu. Il dit qu'il a averti la police, mais que, comme l'oncle de sa femme en était le chef, il n'a pas obtenu de protection.

[3]                En 1989, le demandeur s'est remarié et, compte tenu des menaces subies en 1991, lui et sa nouvelle épouse ont décidé de s'installer à Miami. En 1996, ils ont vendu pour 74 000 dollars d'ordinateurs à M. Neves et à une certaine Mme Alves (dont le mari est membre du Congrès et très connu dans la sphère politique au Brésil), qui a payé par carte de crédit. Lorsque M. et Mme Alves ont entamé une procédure de divorce, la facture de 74 000 dollars portée au compte de la carte de crédit n'a pas été honorée. Le demandeur a cependant obtenu la preuve, auprès de la banque suisse dont la carte de crédit provenait, que M. Alves y avait un compte contenant 15 millions de dollars.

[4]                Lorsque le demandeur a cherché de l'aide pour récupérer son argent, le secrétaire personnel de M. Alves l'a appelé pour lui dire qu'il serait payé et lui demander de se tenir tranquille. M. Neves est venu voir le demandeur plusieurs fois à Miami et lui a dit que les choses iraient mal pour lui s'il parlait des 15 millions du compte en Suisse, car cela nuirait aux chances de M. Alves de se faire élire.

[5]                M. Alves s'est porté candidat à la vice-présidence du Brésil en 2002, mais les renseignements relatifs à son compte en Suisse ont été rendus publics, et il a retiré sa candidature. Il est cependant resté membre du Congrès. Le demandeur a continué à recevoir des menaces par téléphone et déclare qu'il craint pour sa vie et que le système politique et judiciaire du Brésil est corrompu. Il est arrivé au Canada le 15 août 2003 et a fait une demande d'asile le même jour.

[6]                La Commission a rejeté sa demande pour les principales raisons suivantes :

-      Le demandeur craint M. Alves, membre du Congrès, mais pas l'État du Brésil, et il n'y a donc pas de lien avec l'article 96 de la LIPR.

-      Il n'a pas demandé la protection de l'État au Brésil.

-      Il n'a pas réfuté la présomption de l'accès à la protection de l'État, et l'efficacité de celle-ci n'est donc pas en cause.

-      Il a vécu douze ans aux États-Unis sans y demander la protection de l'État.

[7]                La Commission a estimé que le demandeur était généralement digne de foi et qu'il a témoigné de façon ouverte et sincère, mais elle a conclu qu'il n'y avait pas de lien entre son récit et l'article 96 de la LIPR. Elle n'a pas été non plus convaincue qu'il est menacé au sens de l'article 97 de la LIPR ni que la protection de l'État ne lui était pas accessible. Par ailleurs, et à titre subsidiaire, la Commission a jugé parfaitement invraisemblable qu'il ne demande pas asile aux États-Unis pour la simple raison qu'il y avait été menacé.

[8]                Il n'y a rien de déraisonnable dans la conclusion de la Commission. C'est au demandeur qu'il incombe d'établir le bien-fondé de sa demande au regard de l'article 96 ou 97 de la LIPR. En l'espèce, il n'y a pas de lien avec l'article 96, et l'avocat du demandeur, à l'audience d'aujourd'hui, n'a invoqué que l'article 97. Cependant, pour établir le bien-fondé de sa demande au regard de cette disposition, le demandeur doit d'abord prouver l'existence d'une menace, puis l'absence de la protection de l'État (voir Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 3).

[9]                À supposer que le demandeur ait été menacé par le membre du Congrès ou ses partisans, il reste qu'il n'a pas demandé la protection de l'État, ni au Brésil ni aux États-Unis. La Commission n'a donc pas tiré de conclusion déraisonnable en estimant que son conflit matrimonial antérieur ne faisant pas preuve de l'absence de protection de l'État.

[10]            Les preuves documentaires produites par le demandeur sur les lacunes du système judiciaire brésilien (et que la Commission aurait, selon lui, ignorées) ne sont pas pertinentes en l'absence de toute tentative pour obtenir la protection de l'État ou en l'absence d'explications plausibles et crédibles de son renoncement à y recourir.

[11]            Enfin, le motif subsidiaire fourni par la Commission tranche la question. Le fait que le demandeur n'ait jamais demandé asile pendant les douze ans de son séjour aux États-Unis contredit radicalement l'assertion de la menace.

[12]            En conséquence, je ne vois pas de raison de modifier la décision de la Commission, et la présente demande est rejetée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

                                                                                                                        « K. von Finckenstein »        

                                                                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                    Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                            IMM-2995-04

INTITULÉ :                                           ANTONIO LUIZ DE MELLO BORGES

ELIANA BARBOSA BORGES

KAYO BARBOSA DE MELLO BORGES

HANNAH BARBOSA DE MELLO BORGES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   11 AVRIL 2005   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           Monsieur le juge von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                          12 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :                            

Mathew Jeffery                                         POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale                                          POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Mathew Jeffery

Avocat et notaire

Toronto (Ontario)                                     POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada           POUR LE DÉFENDEUR                                                     


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