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Date : 20020625

Dossier : T-1396-00

OTTAWA (ONTARIO), le 25 JUIN 2002

En présence de : M. LE JUGE NADON

ENTRE :

DAVID YINKAI CHAO

                                                                demandeur

ET :

SUPERCLIP CANADA INC.

EVERJOY ASIA LTD.

EDMUND WONG

                                                               défendeurs

                                ORDONNANCE

La requête en jugement sommaire des défendeurs Everjoy Asia Ltd. et Edmund Wong est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                                                           M. Nadon

ligne

                                                                              JUGE

Traduction certifiée conforme       

C. Bélanger, LL.L.


Date : 20020625

Dossier : T-1396-00

Référence neutre : 2002 CFPI 705

ENTRE :

DAVID YINKAI CHAO

                                                                demandeur

ET :

SUPERCLIP CANADA INC.

EVERJOY ASIA LTD.

EDMUND WONG

                                                               défendeurs

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 Je suis saisi d'une requête en jugement sommaire, présentée par les défendeurs Everjoy Asia Ltd. ( « Everjoy » ) et Edmund Wong ( « Wong » ), et par laquelle ils réclament le rejet de la déclaration du demandeur.


[2]                 Le demandeur David Yinkai Chao est le titulaire du brevet canadien no 2,235,798 ( « brevet 798 » ), intitulé « lunettes comportant une monture secondaire » . Dans sa déclaration, il allègue que les défendeurs ont, individuellement ou collectivement, contrefait les revendications 1 à 5 du brevet 798. En particulier, les paragraphes 11 et 13 de la déclaration amendée se lisent comme suit :

[traduction]

11.           Les défendeurs, individuellement ou collectivement, font, fabriquent, utilisent, importent, distribuent, offrent en vente ou vendent actuellement au Canada, des contre-verres solaires qui comportent les éléments du dispositif décrit et revendiqué dans les revendications du brevet.

[...]

13.           Les défendeurs, individuellement ou collectivement ont fait, fabriqué, utilisé, importé, distribué, offert en vente ou vendu des contre-verres solaires qui comportent les éléments décrits dans les revendications 1 à 5 du brevet sans le consentement du demandeur;

[3]                 Les défendeurs Everjoy et Wong, pour tenter d'obtenir le rejet de la déclaration du demandeur, allèguent qu'ils n'ont pas [traduction] « utilisé, fabriqué ou vendu de contre-verres au Canada » et qu'ils n'ont pas non plus incité un tiers à [traduction] « faire, utiliser ou vendre des contre-verres au Canada » . Les paragraphes 9 et 10 de leur défense se lisent comme suit :

[traduction]

9.             Le défendeur WONG n'a pas fait, fabriqué, utilisé, ni vendu de contre-verres au Canada. Le défendeur WONG n'a absolument aucun lien de droit avec le demandeur;


10.           La défenderesse SUPERCLIP CANADA INC. a importé les contre-verres pour les vendre au Canada et les a vendus au Canada sous la marque de commerce SUPERCLIP. La présente action porte sur le produit SUPERCLIP. Ce produit a été importé par SUPERCLIP CANADA INC. qui se le procurait auprès de EVERJOY ASIA LTD. La défenderesse EVERJOY ASIA LTD. est établie à Hong Kong. La défenderesse EVERJOY ASIA LTD. n'a pas fait, construit, utilisé ou vendu le produit SUPERCLIP, ni autrement fait de transaction avec ce produit, au Canada. La défenderesse EVERYJOY [sic] ASIA LTD. a toujours expédié les produits SUPERCLIP à la codéfenderesse, SUPERCLIP CANADA INC. FAB, à Hong Kong. La Cour n'a aucune compétence à l'égard de EVERJOY ASIA LTD.

[4]                 Dans les autres paragraphes de leur défense, les défendeurs allèguent que, de toute manière, leur produit ne contrefait pas le brevet 798.

[5]                 Dans l'arrêt Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853, madame le juge Tremblay-Lamer établit comme suit, aux pages 859 et 860, le critère applicable en matière de demande de jugement sommaire :

[8]           J'ai examiné toute la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et je résume les principes généraux en conséquence :

1.             ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.);

2.             il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone, J.C.A.semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3.             chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feaso);

4.             les règles de pratique provinciales (spécialement la règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feaso et Collie);

5.             saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick);


6.             le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears);

7.             lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes). [Renvois omis]

Le critère ci-dessus a été réitéré récemment par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd. (2001), 11 CPR (4th) 174.

[6]                 Comme madame le juge Tremblay-Lamer le dit avec raison dans l'arrêt Granville Shipping, précité, une requête en jugement sommaire vise à permettre à la Cour d'éliminer les affaires qui ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire. Ainsi, si une partie n'a aucune chance d'obtenir gain de cause au procès ou si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par la Cour, un jugement sommaire devrait être prononcé. Lorsque des questions sont soulevées au sujet de la crédibilité, l'affaire devrait être instruite par le tribunal, devant lequel les parties peuvent être contre-interrogées. Cependant, l'existence d'une apparente contradiction dans la preuve ne doit pas empêcher le tribunal de prononcer un jugement sommaire : dans tous les cas, la Cour doit étudier de très près le fond de l'affaire pour établir l'existence éventuelle de questions de crédibilité à trancher.


[7]                 Pour les motifs énoncés ci-dessous, je suis d'avis que la présente affaire devrait être instruite par le tribunal. Des éléments de preuve appuient la position du demandeur selon laquelle les défendeurs Everjoy et Wong peuvent avoir contrefait le brevet 798. Edmund Wong, président et membre du conseil d'administration de Everjoy, dont l'affidavit, en date du 24 mai 2001, a été déposé par les défendeurs à l'appui de leur requête, a été interrogé sur son affidavit le 1er octobre 2001. Aux pages 57 et 58 de la transcription de cet interrogatoire, M. Wong déclare que des échantillons des contre-verres, qui constituent, selon le demandeur, des contrefaçons du brevet 798, ont été expédiés à la défenderesse Superclip Canada Inc. ( « Superclip » ) à Montréal. Plus loin dans son témoignage, aux pages 77 et 78, M. Wong admet qu'il pourrait avoir apporté lui-même les échantillons à Montréal au cours de l'un de ses voyages.

[8]                 Dans son affidavit, au paragraphe 18, M. Wong déclare qu'avant la vente des contre-verres, qui sont vendus au Canada sous la marque de commerce SUPERCLIP, à la défenderesse Superclip, le produit n'avait jamais été vendu au Canada par Everjoy, ni par lui-même. Cependant, au cours de son interrogatoire, il a modifié cette déclaration en disant qu'avant que le produit ne soit vendu à la défenderesse Superclip, il avait été vendu à une compagnie de Montréal appelée Aspects. Ces points et, plus particulièrement, le fait que le défendeur Wong ait apporté des échantillons au Canada, sont, à mon avis, suffisants pour justifier un procès. Il existe toutefois d'autres aspects qui, à mon avis, militent en faveur de la tenue d'un procès.

[9]                 M. Wong a déclaré que, depuis 1998 environ, il possède environ 25 % de la défenderesse Everjoy. Avant 1998, il en possédait quelque 33 %. Cependant, dans une convention de licence et de fabrication intervenue le 15 novembre 1999 entre les défenderesses Superclip et Everjoy, M. Wong est décrit comme le seul actionnaire de la défenderesse Everjoy, qui est elle-même décrite comme le fabricant d'un contre-verre solaire, désigné généralement par le fabricant comme le « SUPERCLIP » .

[10]            Au cours de son contre-interrogatoire, M. Wong a expliqué qu'Everjoy était une compagnie de Hong Kong qui vendait des marchandises partout dans le monde. Il a expliqué qu'en fait Everjoy ne fabriquait pas les contre-verres, mais que ceux-ci étaient fabriqués par une compagnie chinoise appartenant à Everjoy. La compagnie chinoise, appelée Wing Hang, fabrique le produit, et la défenderesse Everjoy le vend. Une fois que les articles sont prêts, ils sont envoyés à Everjoy à Hong Kong avant d'être expédiés aux clients, où qu'ils puissent se trouver.


[11]            M. Wong a déclaré dans son affidavit que les expéditions d'Everjoy vers le Canada se faisaient FAB à Hong-Hong et il a témoigné à cet effet. En conséquence, les défendeurs Everjoy et Wong allèguent que le titre de propriété passait à Superclip au moment de l'envoi à Hong-Kong. À ce stade, je ne suis pas prêt à reconnaître que les envois de Superclip aient été effectivement faits selon des conditions franco à bord. Je dois dire qu'après avoir examiné attentivement la preuve, tant orale qu'écrite, de M. Wong, je conclus que celle-ci n'est pas convaincante. Puisque la présente affaire fera l'objet d'un procès, je n'en dirai pas plus sur cette question.

[12]            De plus, je note que les paragraphes 5.1, 5.2, 5.3, 5.4, 5.5 et 5.6 de la convention de licence et de fabrication du 15 novembre 1999, sauf en ce qui concerne les titres, ont été supprimés. Les paragraphes 5.1 - Conditions applicables, 5.3 - Modalités de paiement, et 5.4 - Conditions d'expédition, présentent un intérêt particulier. Pourquoi ces paragraphes ont-ils été supprimés? Je l'ignore et ne comprends pas pourquoi cela serait nécessaire. Dans son affidavit, au paragraphe 4, M. Wong déclare de façon vague que ces paragraphes [traduction] « n'ont aucun rapport avec la présente cause ... » . Je ne peux pas être de cet avis, puisqu'il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que les modalités de paiement et les conditions d'expédition du produit sont cruciales pour déterminer s'il a été vendu à la défenderesse Superclip et lui a vraiment été expédié FAB. En conséquence, je ne suis pas disposé à conclure que le titre de propriété du produit censément contrefait est passé à la défenderesse Superclip à Hong-Kong. Ainsi, à mon avis, il y a une question sérieuse à instruire, savoir si les défendeurs Everjoy et Wong étaient les propriétaires du produit quand celui-ci entrait au Canada.


[13]            J'ai examiné de très près tous les aspects de l'affaire et je suis tout à fait convaincu qu'elle devrait faire l'objet d'un procès. Il existe des questions de crédibilité que le juge de première instance aura certainement à résoudre, en plus de déterminer si les défendeurs Everjoy et Wong étaient les propriétaires du produit quand celui-ci entrait au Canada.

[14]            Pour ces motifs, la requête en jugement sommaire des défendeurs Everjoy et Wong est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

  

                                                                                                   M. Nadon

ligne

                                                                                                           JUGE

  

O T T A W A (Ontario)

Le 25 juin 2002

   

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-1396-00

INTITULÉ :             

DAVID YINKAI CHAO

-et-

SUPERCLIP CANADA INC.

EVERJOY ASIA LTD.

EDMUND WONG

LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 29 JANVIER 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                         MONSIEUR LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                     LE 25 JUIN 2002

COMPARUTIONS :

Me DANIEL A. ARTOLA                                               POUR LE DEMANDEUR

Me BOB H. SOTIRIADAS                                              POUR LES DÉFENDEURS

Me ALEXANDRA STEELE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MCCARTHY TÉTRAULT                                              POUR LE DEMANDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

LÉGER ROBIC RICHARD                                             POUR LES DÉFENDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)

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