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Date : 20060216

Dossier : IMM‑1695‑05

Référence : 2006 CF 158

Ottawa (Ontario), le 16 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

ENTRE :

SHEON CHANG LEE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

VUE D’ENSEMBLE

 

[1]               La nature discrétionnaire de la décision en cause donne lieu à la mise en balance d’intérêts différents, soit d’un côté la protection de la sécurité de la société canadienne et l’interdiction de territoire pour les criminels, et de l’autre les considérations liées au renvoi de résidents permanents de longue date. C’est au ministre qu’il revient exclusivement de décider du poids à accorder à ces intérêts respectifs. Le ministre est mieux placé que les tribunaux pour procéder à cette évaluation (Suresh)[1].

[2]               La nature du problème milite en faveur de la retenue judiciaire. La décision de déférer pour enquête l’affaire d’un résident permanent de longue date est largement contextuelle et tributaire des faits. Cette décision « demande principalement l’appréciation de faits relatifs au cas d’une personne, et ne porte pas sur l’application ni sur l’interprétation de règles de droit précises » (Baker, précité, au paragraphe 61). Cela justifie une grande retenue (Suresh, précité, au paragraphe 31).

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

 

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), visant la décision prise en mars 2005 par le représentant du ministre, en application du paragraphe 44(2) de la LIPR, de déférer l’affaire du demandeur pour enquête à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission).

 

CONTEXTE

 

[4]               Le demandeur, Sheon Chang Lee, est né et a vécu toute sa vie au Canada, sauf pendant une période d’environ quatre ans au cours de son enfance. Ses parents sont des citoyens de la Malaisie. M. Lee est né au Canada alors que son père travaillait comme directeur adjoint de la Malaysian Industrial Development Authority, un organisme créé par une loi indépendant du gouvernement de la Malaisie. Les membres de la famille du demandeur sont retournés en Malaisie alors que ce dernier était âgé de trois ans et ils sont revenus au Canada en 1987 à titre de résidents permanents alors qu’il avait atteint l’âge de sept ans. À l’époque, le Haut‑commissariat du Canada en Malaisie a indiqué au père du demandeur qu’il n’avait pas à inclure ce dernier dans la demande de résidence permanente, puisqu’on le croyait être un citoyen canadien. Le père a malgré tout inclus le demandeur dans la demande par mesure de prudence.

 

[5]               M. Lee a été arrêté en mars 1999. En mai 2000, il a plaidé coupable sous trois chefs d’accusation, soit ceux de complot en vue de commettre un acte criminel, de trafic d’héroïne et de possession d’une arme prohibée. On l’a condamné à une peine de six ans et neuf mois d’emprisonnement. Il a purgé treize mois et demi de sa peine dans un établissement fédéral à sécurité minimale, puis il a été mis en liberté selon la procédure d’examen expéditif puisqu’il n’était pas jugé être dangereux.

 

[6]               Entre le moment de son arrestation et de ses déclarations de culpabilité, M. Lee s’est vu imposer la détention à domicile pendant treize mois comme condition de sa mise en liberté sous caution. Il était toutefois autorisé à poursuivre ses études à l’Université York et a pu y terminer une année de ses études avant de se faire infliger sa peine. Pendant son emprisonnement, il a suivi des cours par correspondance et a donné à d’autres détenus des cours, par exemple de rudiments des mathématiques et de lecture, les préparant à la vie quotidienne.

 

[7]               M. Lee a obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et en affaires (avec distinction) de l’Université York, et il a été l’un parmi les seize seuls étudiants admis au programme de maîtrise en économie financière de l’Université de Toronto. En décembre 2004, il a obtenu sa maîtrise ainsi que le Master of Financial Economics Graduate Award. Il est actuellement inscrit comme étudiant de première année à la faculté de droit de l’Université de Toronto.

 

[8]               Les parents et deux frères de M. Lee vivent au Canada et y sont des résidents permanents. M. Lee est fiancé à une citoyenne canadienne qui a vécu toute sa vie au Canada. Aucun membre de sa famille immédiate ne vit en Malaisie et il ne parle pas le malais, la langue en usage dans ce pays.

 

DÉCISION À L’EXAMEN

 

[9]               Les autorités de l’immigration ont avisé M. Lee après sa mise en liberté le 26 juin 2001 qu’elles envisageaient d’établir un rapport en vue de son interdiction de territoire au Canada. Le 14 septembre 2004, un rapport a été établi à l’encontre du demandeur en application du paragraphe 44(1) de la LIPR. Le 5 décembre 2004, on a déféré l’affaire pour enquête aux termes du paragraphe 44(2), ce dont M. Lee a été avisé en mars 2005.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           Le représentant du ministre a‑t‑il enfreint des principes de justice naturelle?

 

[11]           Le représentant du ministre a‑t‑il commis une erreur en passant outre les attentes légitimes de M. Lee quant au fait que sa situation serait mise en balance avec les intérêts de la société avant que son affaire soit déférée pour enquête en application de l’article 44?

 

[12]           La décision de déférer l’affaire pour enquête aux termes du paragraphe 44(2) enfreint‑elle les droits garantis à M. Lee par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) d’une manière constituant un déni de justice fondamentale?

 

ANALYSE

 

Le régime législatif

 

[13]           Le paragraphe 3(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, prévoit qui a qualité de citoyen canadien. Le paragraphe 3(2) établit une exception à cette règle.

3.     (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :

 

3.     (1) Subject to this Act, a person is a citizen if

 

a) née au Canada après le 14 février 1977;

 

(a) the person was born in Canada after February 14, 1977;

 

b) née à l’étranger après le 14 février 1977 d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance;

 

(b) the person was born outside Canada after February 14, 1977 and at the time of his birth one of his parents, other than a parent who adopted him, was a citizen;

 

c) ayant obtenu la citoyenneté – par attribution ou acquisition – sous le régime des articles 5 ou 11 et ayant, si elle était âgée d’au moins quatorze ans, prêté le serment de citoyenneté;

 

(c) the person has been granted or acquired citizenship pursuant to section 5 or 11and, in the case of a person who is fourteen years of age or over on the day that he is granted citizenship, he has taken the oath of citizenship;

 

d) ayant cette qualité au 14 février 1977;

 

(d) the person was a citizen immediately before February 15, 1977; or

 

e) habile, au 14 février 1977, à devenir citoyen aux termes de l’alinéa 5(1)b) de l’ancienne loi.

 

(e) the person was entitled, immediately before February 15, 1977, to become a citizen under paragraph 5(1)(b) of the former Act.

 

(2)     L’alinéa (1)a) ne s’applique pas à la personne dont, au moment de la naissance, les parents n’avaient qualité ni de citoyens ni de résidents permanents et dont le père ou la mère était :

 

(2)     Paragraph 1(a) does not apply to a person if, at the time of their birth, neither of his parents was a citizen or lawfully admitted to Canada for permanent residence and either of his parents was

 

a) agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger;

 

(a) a diplomatic or consular officer or other representative or employee in Canada of a foreign government;

 

b) au service d’une personne mentionnée à l’alinéa a);

 

(b) an employee in the service of a person referred to in paragraph (a); or

 

c) fonctionnaire ou au service, au Canada, d’une organisation internationale – notamment d’une institution spécialisée des Nations Unies – bénéficiant sous le régime d’une loi fédérale de privilèges et immunités diplomatiques que le ministre des Affaires étrangères certifie être équivalents à ceux dont jouissent les personnes visées à l’alinéa a).

(c) an officer or employee in Canada of a specialized agency of the United Nations or an officer or employee in Canada of any other international organization to whom there are granted, by or under any Act of Parliament, diplomatic privileges and immunities certified by the Minister of Foreign Affairs to be equivalent to those granted to a person or persons referred to in paragraph (a).

 

 

[14]           L’article 36 de la LIPR traite de l’interdiction de territoire pour criminalité. L’alinéa 36(1)a) prévoit qu’emporte interdiction de territoire la déclaration de culpabilité d’un résident permanent pour une grave infraction criminelle au Canada.

36.     (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

36.     (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

 

[15]           L’article 44 de la LIPR prévoit pour sa part ce qui suit :

44.     (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

 

44.     (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

 

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par le règlement, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well‑founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national.  In those cases, the Minister may make a removal order.

 

 

[16]           L’article 45 de la LIPR énonce quelles décisions la Section de l’immigration peut rendre après avoir procédé à une enquête.

45.     Après avoir procédé à une enquête, la Section de l’immigration rend telle des décisions suivantes :

 

45.     The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

 

a) reconnaître le droit d’entrer au Canada au citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté, à la personne inscrite comme Indien au sens de la Loi sur les Indiens et au résident permanent;

 

(a) recognize the right to enter Canada of a Canadian citizen within the meaning of the Citizenship Act, a person registered as an Indian under the Indian Act or a permanent resident;

 

b) octroyer à l’étranger le statut de résident permanent ou temporaire sur preuve qu’il se conforme à la présente loi;

 

(b) grant permanent resident status or temporary resident status to a foreign national if it is satisfied that the foreign national meets the requirements of this Act;

 

c) autoriser le résident permanent ou l’étranger à entrer, avec ou sans conditions, au Canada pour contrôle complémentaire;

 

(c) authorize a permanent resident or a foreign national, with or without conditions, to enter Canada for further examination; or

 

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l’étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n’est pas prouvé qu’il n’est pas interdit de territoire, ou contre l’étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu’il est interdit de territoire.

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

 

 

[17]           Le paragraphe 64(1) de la LIPR précise que la personne interdite de territoire pour motif de grande criminalité ne peut interjeter appel de cette décision. Selon le paragraphe 64(2), la grande criminalité vise l’infraction punie par un emprisonnement d’au moins deux ans.

64.     (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

 

64.     (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

 

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins deux ans.

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

 

 

[18]           L’interdiction d’interjeter appel prévue à l’article 64 de la LIPR ne peut être assimilée à un refus de prendre en compte tout élément de preuve quant au risque que pourrait courir l’intéressé en cas de renvoi. Avant qu’une personne frappée d’une mesure de renvoi puisse être renvoyée du Canada, elle doit être avisée qu’elle peut présenter une demande de protection, ce qu’on désigne aussi sous le nom d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Il y a sursis d’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que le processus d’ERAR soit mené à bien[2].

 

[19]           En outre, tout étranger interdit de territoire peut demander au ministre que soit prise une mesure spéciale pour considérations humanitaires (demande CH). Le ministre peut par ce mécanisme exercer son pouvoir discrétionnaire et empêcher que soit expulsée une personne frappée d’une mesure légitime d’expulsion sur demande de celle‑ci. Une demande CH peut être présentée à tout moment.

 

La norme de contrôle judiciaire

 

[20]           La norme de contrôle applicable à la décision du représentant du ministre est la décision manifestement déraisonnable (Lasin)[3].

 

[21]           Dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[4], une affaire mettant en cause la décision du ministre portant qu’un réfugié constituait une menace pour la sécurité du Canada, la Cour suprême du Canada a statué que le tribunal de révision devait faire preuve de retenue à l’égard d’une telle décision. Cette décision discrétionnaire du ministre ne peut ainsi être annulée que si elle est manifestement déraisonnable en ce qu’elle aurait été prise arbitrairement ou de mauvaise foi, qu’elle n’est pas étayée par la preuve ou que le ministre a omis de tenir compte des facteurs pertinents. Le tribunal ne doit pas soupeser à nouveau ces facteurs, ni intervenir simplement parce qu’il serait arrivé à une conclusion différente.

 

[22]           En définitive, il s’agit toujours de dégager l’intention du législateur. En l’espèce comme dans Suresh, le libellé du paragraphe 44(2) de la LIPR – soit que le ministre doit « estime[r] » le rapport bien fondé – incite à la retenue. Il en est de même pour les autres facteurs à prendre en compte : (1) la présence ou l’absence d’une clause excluant le droit d’appel, (2) l’expertise relative du décideur, (3) l’objet de la disposition en cause et de la loi dans son ensemble et (4) la nature du problème (Suresh, précité, au paragraphe 30).

 

[23]           Le premier et le deuxième facteur vont en l’espèce dans le même sens que dans Suresh. Le premier facteur indique que le législateur n’entendait accorder qu’un droit d’appel restreint. Bien que la décision ne soit pas protégée par une clause privative, elle n’est susceptible de contrôle judiciaire que sur autorisation de la Cour. Le deuxième facteur – savoir l’expertise relative du décideur – milite également en faveur de la retenue, tout comme dans Suresh et pour la même raison. Le fait que, officiellement, le décideur soit le ministre est un facteur militant en faveur de la retenue. Le ministre a accès à des sources d’information et d’expertise particulières en matière de grande criminalité et de sécurité nationale (Suresh, précité, au paragraphe 31, et Baker[5]).

 

[24]           La nature discrétionnaire de la décision en cause permet la mise en balance d’intérêts différents, soit d’un côté la protection de la sécurité de la société canadienne et l’interdiction de territoire pour les criminels, et de l’autre les considérations liées au renvoi de résidents permanents de longue date. C’est au ministre qu’il revient exclusivement de décider du poids à accorder à ces intérêts respectifs. Le ministre est mieux placé que les tribunaux pour procéder à cette évaluation (Suresh, précité, au paragraphe 31).

 

[25]           Enfin, la nature du problème favorise elle aussi la retenue. La décision de déférer pour enquête l’affaire d’un résident permanent de longue date est largement contextuelle et tributaire des faits. Cette décision « demande principalement l’appréciation de faits relatifs au cas d’une personne, et ne porte pas sur l’application ni sur l’interprétation de règles de droit précises » (Baker, précité, au paragraphe 61). Cela justifie une grande retenue (Suresh, précité, au paragraphe 31).

 

[26]           Le troisième facteur – l’objet de la loi – milite lui aussi en faveur de la retenue. L’un des objets de la LIPR est clairement de faciliter le renvoi des grands criminels (Medovarski; Chiarelli)[6].

 

[27]           Dans l’ancienne loi, la disposition équivalente au paragraphe 44(2) de la LIPR était le paragraphe 27(3). Tout comme le prévoit le paragraphe 44(2) de la LIPR, la décision de déférer l’affaire pour enquête avait un caractère discrétionnaire dans l’ancienne loi. On a décrit comme suit la nature de cette question dans Moreno c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[7] :

À cet égard, le demandeur soutient que celui‑ci n’est pas habilité à annuler ou à rapporter l’ordre puisque, une fois cet ordre donné, il est dessaisi. Je n’accepte pas cet argument. En premier lieu, il faut noter que l’ordre d’enquête participe directement du pouvoir discrétionnaire du sous‑ministre. Aux termes de l’alinéa 27(3)b), il « peut ordonner à l’agent principal de faire tenir une enquête ». Il s’ensuit que, de même, il peut choisir de ne pas ordonner la tenue de cette enquête. Les deux possibilités coexistent logiquement et se complètent dans les limites du pouvoir discrétionnaire du sous‑ministre.

 

[28]           En vertu de l’ancienne loi, une grande retenue était de mise relativement à la décision d’ordonner une enquête. La Cour ne pouvait en fait intervenir que si la preuve démontrait que la décision avait été prise de mauvaise foi. On faisait preuve d’une aussi grande retenue en raison de la nature du problème. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans Kindler c. MacDonald [8] :

[...] Selon moi, que l’on considère la décision du sous‑ministre d’adresser une directive prévoyant la tenue d’une enquête à un agent d’immigration supérieur conformément au paragraphe 27(3), ou la décision subséquente prise par un agent d’immigration supérieur conformément au paragraphe 27(4) de faire tenir cette enquête, ou la décision parallèle prise par un tel agent conformément à l’article 28 de faire tenir une enquête, la décision examinée a un caractère purement administratif. L’agent d’immigration supérieur n’a même pas à réfléchir au sujet de la question en jeu; il est simplement l’intermédiaire qui, selon la Loi, déclenche la tenue de l’enquête. Le sous‑ministre a seulement à décider que la tenue d’une enquête s’impose, ce qu’il peut faire sur le fondement d’une preuve prima facie. Sa décision est analogue à celle d’un procureur de la poursuite concluant qu’il poursuivra une accusation devant les tribunaux.

 

[29]           Le pouvoir de déférer une affaire à la Section de l’immigration en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR est énoncé en termes subjectifs. Une fois encore, le critère applicable n’est pas de savoir si le rapport en cause est ou non bien fondé, mais si le ministre « estime » ou non le rapport bien fondé. Une abondante jurisprudence indique que, faute d’indication contraire du texte législatif dans son ensemble, par exemple si un droit d’appel illimité est accordé, on peut uniquement faire valoir comme motifs de contrôle judiciaire de décisions subjectives que le décideur a agi de mauvaise foi, qu’il a commis une erreur de droit ou qu’il a pris en compte des facteurs non pertinents. En outre, lorsqu’elle examine le dossier soumis au décideur et qu’il n’y a pas de preuve contraire, la Cour doit présumer que le décideur a agi de bonne foi compte tenu du dossier dont il disposait (Suresh, précité, au paragraphe 30; Purcell; Williams)[9].

 

Le représentant du ministre a‑t‑il enfreint des principes de justice naturelle?

 

[30]           Dans Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[10], la juge Judith Snider a statué :

Dans l’arrêt Kindler c. MacDonald, [1987] 3 C.F. 34, (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a examiné la nature des décisions analogues rendues sous le régime de l’ancienne loi. Le défendeur défend la pertinence de cet arrêt, mais le demandeur prétend qu’il n’est pas applicable en l’espèce. Dans l’affaire Correia comme dans l’affaire Leong, les juges se sont appuyés sur l’arrêt Kindler pour conclure que les décisions rendues en application des paragraphes 44(1) et 44(2) étaient de nature administrative. Je partage leur avis […]

 

[31]           La juge Snider s’est penchée sur la question de l’obligation d’équité envers un demandeur au titre des paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR et a conclu qu’il s’agit d’une obligation d’équité dans une certaine mesure « moins stricte » :

Après examen de tous ces facteurs, j’estime qu’ils indiquent une obligation d’équité moins stricte, analogue à celle qui a été décrite dans l’arrêt Baker. À mon avis, l’obligation d’équité implicitement assumée par CIC en ce qui concerne le rapport prévu au paragraphe 44(1) est adéquate. Bien qu’elles soient de nature administrative (et non quasi‑judiciaire) et que les intéressés disposent de recours pour demeurer au Canada, il s’agit de décisions graves ayant des incidences sur leurs droits. CIC, dont le choix en matière de procédure doit être respecté, a décidé de donner aux intéressés le droit de présenter des observations, oralement ou par écrit, et d’obtenir copie du rapport. L’obtention du rapport permet à l’intéressé de décider s’il demandera le contrôle judiciaire du rapport de l’agent d’immigration. Je conclus que, relativement au rapport de l’agent d’immigration, il s’agit là de l’obligation d’équité que CIC assume envers le demandeur et les autres personnes se trouvant dans sa situation (Hernandez, précitée, au paragraphe 70).

 

 

[32]           La juge Snider a également statué que l’obligation d’équité ne rendait pas nécessaire de communiquer au demandeur le rapport visé au paragraphe 44(1) avant le renvoi pour enquête prévu au paragraphe 44(2), non plus que de lui faire passer une entrevue par un agent d’immigration (Hernandez, précitée, au paragraphe 72).

 

[33]           Lorsqu’un agent d’immigration fait passer une entrevue, toutefois, l’obligation d’équité le contraint à informer le demandeur de l’objet de l’entrevue de façon qu’il puisse valablement exercer son droit de présenter des observations, et à transmettre au demandeur tout renseignement dont il dispose que le demandeur n’a vraisemblablement pas en sa possession. Il faut également offrir au demandeur la possibilité d’être assisté d’un conseil lors de l’entrevue (Hernandez, précitée, au paragraphe 71).

 

[34]           En l’espèce, il ressort clairement du dossier de M. Lee que celui‑ci a pu valablement exercer son droit de présenter des observations quant à savoir s’il fallait ou non déférer son affaire pour enquête. En outre, on a fait passer une entrevue à M. Lee et celui‑ci a alors pu communiquer à l’agent d’immigration tous les renseignements pertinents.

 

[35]           M. Lee soutient que l’information en provenance du consulat de Malaisie, confirmant que son père avait été vice‑consul au Canada et disposé d’une carte de diplomate, constituait une preuve extrinsèque qu’on aurait dû lui divulguer.

 

[36]           La Cour a statué qu’il fallait transmettre au demandeur « tout renseignement […] [qu’il] n’a vraisemblablement pas en sa possession » (Hernandez, précitée, au paragraphe 71).

 

[37]           M. Lee admet que son père a été diplomate au Canada. Il est donc absurde de laisser entendre qu’objectivement, M. Lee n’avait vraisemblablement pas en sa possession comme renseignement que son propre père avait été diplomate. La preuve révèle, tout au mieux, que M. Lee avait fait une hypothèse erronée quant au statut de son père et par conséquent quant au sien propre.

 

[38]           Il est toujours possible, quoique l’agent d’immigration ait jugé cela très peu plausible, que M. Lee et son père se soit fondés sur une hypothèse erronée. Cela ne change cependant rien au fait qu’objectivement, M. Lee devait vraisemblablement savoir quelle était la véritable situation.

 

[39]           Il n’est pas requis de fournir des motifs écrits étant donné le caractère peu contraignant de l’obligation d’équité procédurale applicable aux décisions prises en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR et étant donné la nature administrative de ces décisions. Quoi qu’il en soit, le compte rendu établi par l’agent d’immigration et la recommandation qu’il a faite au ministre de déférer l’affaire de M. Lee pour enquête suffisent pour satisfaire aux exigences en matière de motifs.

 

[40]           Lorsque la présente demande a été introduite, le décideur a précisé [traduction] qu’« aucun motif » n’avait été donné pour la décision, en réponse à la demande formulée par la Cour en vertu de l’article 9 des Règles de la Cour fédérale en matière d’immigration, DORS/2002‑232. La lettre de réponse en lien avec l’article 9 est exacte en un sens – le représentant du ministre n’a pas donné de motifs écrits pour sa décision.

 

[41]           En octobre 2005, en réponse à la requête de M. Lee pour suspension de l’enquête, le ministre a produit les notes d’un agent d’immigration où étaient consignés son compte rendu ainsi qu’une recommandation finalement présentée au ministre. Ce dernier a déclaré qu’il considérait ces notes comme des motifs de la décision. Il importe ici de mentionner le caractère exhaustif de ces notes, qui constituent en fait un rapport, et les longues explications sur la situation de M. Lee figurant dans la recommandation de l’agent d’immigration doivent quant à elles être examinées avec soin en raison de leur caractère détaillé.

 

[42]           La Cour suprême du Canada a clairement déclaré que le ministre peut considérer ce type de document de recommandation comme des motifs de décision. La Cour, par ailleurs, tient couramment pour des motifs, dans divers contextes, ce type de document de recommandation (Baker, précité; Hernandez, précitée; Leong[11]).

 

[43]           On a informé M. Lee en octobre 2005 que le ministre considérait les notes comme les motifs de la décision. Il n’y a aucune raison pour que la Cour traite ces notes différemment de la façon dont les notes et les documents de recommandation sont traités dans de nombreuses autres affaires.

 

Le représentant du ministre a‑t‑il commis une erreur en passant outre les attentes légitimes de M. Lee quant au fait que sa situation serait mise en balance avec les intérêts de la société avant que son affaire soit déférée pour enquête en application de l’article 44?

 

[44]           Lorsqu’ils décident de recommander qu’une affaire soit déférée pour enquête, les agents d’immigration et les représentants du ministre ont le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte les facteurs énoncés dans les guides ENF 5 et ENF 6 du ministère de l’Immigration (Hernandez, précitée, aux paragraphes 20‑24).

 

[45]           On précise dans les notes de l’agent d’immigration, considérées comme des motifs, que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte avant que l’affaire de M. Lee soit déférée pour enquête. L’agent d’immigration a notamment pris en compte le fait que M. Lee réside et est établi au Canada et qu’il y a fait et compte y poursuivre des études.

 

[46]           M. Lee met en question dans son argumentation le poids accordé par le représentant du ministre à divers facteurs mentionnés dans les notes de l’agent d’immigration. Or, il est bien établi en droit que mettre en question le poids accordé à divers facteurs ne suffit pas pour démontrer le caractère déraisonnable, et encore moins le caractère manifestement déraisonnable, d’une décision :

Ici, le point de savoir si la norme est celle de la décision raisonnable simpliciter ou celle de la décision manifestement déraisonnable ne sera pas déterminant pour l’octroi du contrôle judiciaire. Selon la preuve, il semblerait que la décision de soumettre le rapport à la section de l’immigration était raisonnable […]

 

J’admets que la décision de renvoyer l’affaire à la section de l’immigration était raisonnable. Elle est fondée sur le rapport lui‑même, qui insiste sur la gravité de l’infraction et sur la durée de la peine. Un autre décideur aurait pu s’émouvoir à la lecture des lettres envoyées par la famille et aurait pu décider de ne pas soumettre le rapport à la section de l’immigration. Cependant, il y a certainement des motifs raisonnables pour appuyer la décision en cause. Encore une fois, selon la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, une décision raisonnable ne signifie pas que la juridiction de contrôle serait nécessairement arrivée au même résultat, mais uniquement qu’il existe des motifs suffisants qui justifient la décision. Ainsi, même si l’on accepte la norme proposée par le demandeur, la décision résisterait au critère de la décision raisonnable simpliciter.

 

Il ne s’agit pas de savoir si la représentante du ministre a bien appliqué les lignes directrices ou a accordé un poids suffisant aux facteurs pertinents, mais si l’on peut établir que Mme Hill n’a pas tenu compte des bons facteurs.

 

Il n’est pas établi que la représentante du ministre ait commis une erreur sujette à révision et que la Cour soit de ce fait fondée à intervenir (Poonawalla)[12].

 

 

[47]           M. Lee a eu l’occasion de présenter des observations quant à savoir s’il fallait ou non déférer son affaire pour enquête. On lui a en outre fait passer une entrevue, de sorte qu’il a pu communiquer à l’agent d’immigration tous les renseignements pertinents.

 

[48]           L’agent d’immigration a conclu qu’il était très peu plausible que M. Lee ait ignoré son statut de citoyen de la Malaisie. Les conclusions de fait de l’agent d’immigration se fondent sur une interprétation toute simple du dossier, et notamment sur le fait que la propre famille de M. Lee avait déclaré aux autorités de l’immigration que ce dernier était citoyen de la Malaisie et sur le fait que M. Lee avait demandé et obtenu un passeport de la Malaisie peu après avoir demandé la délivrance d’un passeport canadien.

 

[49]           Selon M. Lee, on aurait dû prendre en compte en sa faveur la totalité des considérations humanitaires. Il laisse également entendre que la décision a pour lui d’importantes conséquences puisqu’il s’agit de la seule partie du processus où son cas fait l’objet d’un examen pour des motifs d’équité.

 

[50]           Il ressort clairement de la jurisprudence que le représentant du ministre peut tenir compte des divers facteurs énoncés dans le Guide de l’immigration. Il est également clair qu’il ne s’agit pas là d’un véritable examen des considérations humanitaires (Hernandez, précitée; Correia[13]).

 

[51]           Il est bien vrai qu’en vertu de la LIPR, l’affaire de M. Lee ne sera pas examinée de la même manière et avec le même degré de formalisme qu’elle ne l’aurait été si la Section d’appel de l’immigration en avait été saisie. C’est là clairement l’effet de la loi et cela est conforme à son objet. Il est plus difficile pour les grands criminels d’échapper au renvoi du Canada sous le régime de la LIPR. L’argument de M. Lee semble fondé sur l’hypothèse selon laquelle, parce que l’ancienne loi prévoyait une certaine possibilité, comme nous l’avons déjà dit, il doit nécessairement y avoir une disposition équivalente dans la LIPR. Or, le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans Medovarski, précité, vient manifestement réfuter cet argument.

 

[52]           En outre, comme la Cour l’a déjà reconnu, le régime de la LIPR fournit à M. Lee d’autres occasions de faire valoir des arguments d’équité fondés sur des considérations humanitaires.

 

[53]           M. Lee est un résident permanent qui a commis des crimes graves. L’agent d’immigration a pris en compte les facteurs appropriés lorsqu’il a déféré l’affaire à la Section de l’immigration en application du paragraphe 44(2) de la LIPR. Sa décision prend en compte tous les facteurs pertinents et est largement étayée par la preuve.

 

La décision de déférer l’affaire pour enquête aux termes du paragraphe 44(2) enfreint‑elle les droits garantis à M. Lee par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) d’une manière constituant un déni de justice fondamentale?

 

[54]           La décision du représentant du ministre ne met pas en cause les droits garantis à M. Lee par la Charte. La Cour suprême du Canada a confirmé dans Medovarski, précité, que l’expulsion des grands criminels ne met pas la Charte en jeu. La question soulevée dans Medovarski (précité, aux paragraphes 46 et 47) concernait le retrait d’un droit d’appel pour les grands criminels :

Le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non‑citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer ou de demeurer au Canada : Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, p. 733. À elle seule, l’expulsion d’un non‑citoyen ne peut mettre en cause les droits à la liberté et à la sécurité garantis par l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

Même si la liberté et la sécurité de la personne étaient en jeu, l’iniquité ne suffit pas pour qu’il y ait manquement aux principes de justice fondamentale. Les motifs d’ordre humanitaire évoqués par Mme Medovarski sont pris en compte, en vertu du par. 25(1) LIPR, pour décider s’il y a lieu d’admettre un non‑citoyen au Canada. La Charte garantit le caractère équitable de cette décision : voir, par exemple, l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. De plus, la Cour a statué, dans l’arrêt Chiarelli, que les principes de justice fondamentale mentionnés à l’art. 7 n’exigent pas d’accorder la possibilité d’un appel, fondé sur des motifs de compassion, contre la décision d’expulser un résident permanent pour grande criminalité. Il faut s’attendre à ce que la loi change à l’occasion, et le ministre n’a pas amené Mme Medovarski à croire à tort que son droit d’appel survivrait à tout changement de la loi. Ainsi, pour ces motifs et ceux mentionnés précédemment, toute iniquité découlant du passage à la nouvelle loi ne constitue pas une violation de la Charte.

 

[55]           On a fait preuve d’équité procédurale à l’endroit de M. Lee. Les facteurs que ce dernier demande à la Cour de prendre en compte l’ont tous été par le représentant du ministre avant qu’il ne décide de déférer l’affaire pour enquête. Et même si l’on supposait que la Charte entre en jeu, on a traité l’affaire de M. Lee en conformité avec les principes de la justice fondamentale.

 

CONCLUSION

 

[56]           Il n’y a pas eu violation des principes de justice naturelle ou d’équité procédurale. On a fourni l’occasion à M. Lee de présenter sa preuve à l’agent d’immigration avant que la décision ne soit rendue. On l’a informé de l’objet de l’entrevue et de la possibilité que l’affaire soit déférée à la Commission pour enquête; M. Lee a donc pu présenter valablement sa preuve à l’agent d’immigration. En outre, tous les facteurs pertinents ont été pris en compte avant que la décision ne soit rendue, et celle‑ci était raisonnable au vu de la preuve et des dispositions législatives en cause.

 

[57]           Ayant conclu qu’il n’y a aucune raison pour renvoyer l’affaire au représentant du ministre pour nouvel examen, la Cour estime que rien ne justifie son intervention et que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         L’avocat du demandeur a proposé à la Cour de certifier les questions suivantes :

 

a)         Quelle est la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’immigration lorsqu’il décide, en application du paragraphe 44(1) de la LIPR, d’établir ou non un rapport à l’intention du ministre, et du pouvoir discrétionnaire du représentant du ministre lorsqu’il décide, en application du paragraphe 44(2) de la Loi, de déférer ou non l’affaire pour enquête à la Section de l’immigration?

 

            b)         En quoi consiste l’obligation d’agir équitablement relativement a) à la décision de l’agent d’immigration d’établir ou non un rapport en application du paragraphe 44(1) de la Loi et b) à la décision du représentant du ministre de déférer ou non l’affaire à la Section de l’immigration en application du paragraphe 44(2) de la Loi?

 

c)         Étant donné l’intérêt en jeu, l’obligation d’agir équitablement est‑elle de plus large portée dans le cas des résidents permanents de longue date dont le cas doit être déféré à l’administration centrale à Ottawa afin qu’une décision soit prise quant à une directive à donner en application du paragraphe 44(2)?

 

3.         Après examen, il ne convient pas de certifier les questions dont la certification a été proposée par l’avocat du demandeur vu qu’ont été tirées les conclusions suivantes :

 

a)         La décision de la Cour à l’égard du demandeur a apporté réponse à chaque question pour laquelle une réponse était requise en l’espèce (en tenant compte de la jurisprudence applicable de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême du Canada précitée ci‑dessus, ainsi que de Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n° 368, 2004 CAF 89, aux paragraphes 11 et 12[14]).

 

b)         Bien que l’avocat du demandeur ait proposé des questions d’importance, jugées aussi de telle nature par l’avocat du défendeur, ce n’est pas à la Cour qu’il revient d’en traiter, mais plutôt à l’organe compétent du gouvernement dans l’examen de ses politiques. Ainsi, s’il convient de traiter un résident de longue date différemment d’un autre qui est au Canada depuis moins longtemps (les dispositions législatives actuelles n’établissant pas de distinctions en fonction de la durée de la résidence), c’est à l’organe législatif qu’il reviendrait d’apporter une telle modification.

 

c)         Si un nouvel équilibre est requis, c’est au législateur qu’il convient de le mettre en place.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1695-05

 

 

INTITULÉ :                                                   SHEON CHANG LEE

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 1er FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                               LE 16 FÉVRIER 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman                                                POUR LE DEMANDEUR

 

David Tyndale                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-ministre de la justice et

sous-procureur général



[1] [2002] 1 R.C.S. 3; [2002] A.C.S. n° 3; 2002 CSC 1, au paragraphe 31.

[2] Article 112 de la LIPR; articles 160 et 232 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

[3] Lasin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. n° 1655, 2005 CF 1356, au paragraphe 19.

[4] [2002] 1 R.C.S. 3; [2002] A.C.S. n° 3; 2002 CSC 1, au paragraphe 29.

[5] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; [1999] A.C.S. n° 39, au paragraphe 59.

[6] Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.S. n° 31, 2005 CSC 51, aux paragraphes 9 à 13; Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711, [1992] A.C.S. n° 27, aux pages 733 et 734.

[7] [1998] A.C.F. n° 1427, au paragraphe 14.

[8] [1987] 3 C.F. 34 (C.A.F.), [1987] A.C.F. n° 507, au paragraphe 9.

[9] Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 C.F. 644 (C.A.F.), [1995] A.C.F. n° 1730, à la page 661; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.F.), [1997] A.C.F. n° 393, au paragraphe 17, autorisation d’appel à la CSC rejetée [1997] S.C.C.A. n° 332.

[10] 2005 CF 429, au paragraphe 50.

[11] Leong c. Canada (Solliciteur général), [2004] A.C.F. n° 1369 (C.F. 1re inst.), 2004 CF 1126, au paragraphe 11.

[12] Poonawalla c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2004] A.C.F. n° 447, 2004 CF 371, aux paragraphes 13 à 16.

[13] Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n° 964, 2004 CF 782, au paragraphe 28.

[14] Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n° 368, 2004 CAF 89, aux paragraphes 11 et 12 :

                […] Y a-t-il une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel? Ce principe est bien établi dans la jurisprudence de la Cour fédérale elle‑même. Voir Bath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 1207 (juge Reed), paragraphe 15; Di Biance c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. n° 1220 (juge Blanchard), paragraphe 22; Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. n° 352 (juge Kelen), paragraphe 35.

Le corollaire de la proposition selon laquelle une question doit permettre de régler l’appel est qu’il doit s’agir d’une question qui a été soulevée et qui a été examinée dans la décision d’instance inférieure. Autrement, la certification de la question constitue en fait un renvoi à la Cour fédérale. Si une question se pose eu égard aux faits d’une affaire dont un juge qui a entendu la demande est saisi, il incombe au juge de l’examiner. Si la question ne se pose pas, ou si le juge décide qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question, il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de certifier.

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