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Date : 20000707


Dossier : IMM-4364-99



OTTAWA (Ontario), le vendredi 7 juillet 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED



ENTRE :

     ANDREA WEISS,

     demanderesse,


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     ORDONNANCE


     APRÈS avoir entendu la demande de contrôle judiciaire à Calgary (Alberta), le mardi 27 juin 2000;

     ET pour les motifs prononcés ce jour.



     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La demande est rejetée.


     « B. Reed »

                                         Juge

Traduction certifiée conforme




Suzanne Bolduc, LL.B.





Date : 20000707


Dossier : IMM-4364-99



ENTRE :


     ANDREA WEISS,


     demanderesse,


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE REED



[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue de vive voix le 18 août 1999 et signée le 15 septembre 1999. La Commission a statué que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.


[2]      La demanderesse a fondé sa revendication sur sa crainte d'être persécutée en Israël du fait de son origine ethnique parce qu'elle n'est pas juive et du fait qu'avant de venir au Canada, elle était membre de l'année israélienne et a déserté. Elle a invoqué comme motifs dans son FRP l'appartenance à un groupe social savoir celui [TRADUCTION] « des objecteurs de conscience et des parents d'une personne persécutée » .


[3]      La demanderesse invoque les motifs suivants dans sa demande de contrôle judiciaire : la conduite de l'audience par le tribunal a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité; le tribunal a tiré une conclusion arbitraire lorsqu'il a conclu que le traitement infligé à la demanderesse en Israël était du harcèlement ou de la discrimination, mais non de la persécution; le tribunal a commis une erreur en ne tenant pas compte comme il l'aurait dû du traitement qui, selon la demanderesse, lui sera infligée parce qu'elle a déserté.


Crainte raisonnable de partialité

[4]      L'avocat de la demanderesse soutient qu'il n'était non seulement pas indiqué pour les commissaires de poser des questions au cours de l'interrogatoire principal de la demanderesse, mais que cela a créé une crainte raisonnable de partialité. La demanderesse dit dans son affidavit :

     [TRADUCTION] Le tribunal n'a pas bénéficié à l'audience de l'assistance d'un agent chargé de la revendication et dès le début de l'audience, les commissaires se sont montrés hostiles et agressifs à mon égard. Pendant toute la durée de l'interrogatoire, pour chaque question que mon avocat me posait, l'un ou l'autre des commissaires l'interrompait en posant trois ou quatre autres questions. J'ai trouvé leur attitude intimidante et abusive, et en raison de leurs interruptions constantes, il m'a été très difficile de suivre le cheminement des questions de mon avocat, ce qui a jeté beaucoup de confusion dans mon esprit. En raison de ces problèmes, j'ai eu l'impression que ma cause n'avait pas été jugée équitablement et, en conséquence, leur décision défavorable n'a pas constitué une véritable surprise pour moi. [Note de bas de page omise.]

[5]      L'avocat de la demanderesse invoque les décisions Zheng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1994), 28 Imm.L.R. (2d) 191; Del Castillo c. M.E.I. (1994), 79 F.T.R. 207, et Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 135 N.R. 300.

[6]      Il ressort d'un examen de la transcription que les commissaires ont bel et bien posé de nombreuses questions mais qu'en général, ils cherchaient à obtenir des précisions sur le témoignage de la demanderesse; ils n'ont pas usurpé le rôle de l'avocat; ils n'ont pas empêché la demanderesse et son avocat de présenter l'affaire comme ils le souhaitaient; ils n'ont pas fait de remarques blessantes ou impolies.

[7]      Les parties pertinentes de la transcription sont citées :

         [TRADUCTION]
             . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      J'aimerais aussi que la revendicatrice aborde la question de sa citoyenneté.

         M. DARWENT [le conseil de la demanderesse] :      Oui.
         Mme DE ROUSSEAU [commissaire] :      Elle a aussi indiqué en réponse à la question 13 de son formulaire de renseignements personnels qu'elle fait valoir une revendication contre l'Ukraine.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      C'est pourquoi nous avons besoin de son témoignage. Nous n'avons que des éléments de preuve documentaire, et nous évaluerons à la fois la preuve documentaire et le témoignage oral pour trancher cette question.

     . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      C'est-à-dire en 1991?
         LA REVENDICATRICE :          1991.

     . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      ... Il y avait trois questions. Je pense que le conseil devrait les examiner une par une..

         M. DARWENT :                  Je les examinerai une par une.

     . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Veuillez examiner les éléments de preuve contradictoires que l'on trouve dans le FRP pour expliquer pourquoi elle y aurait inscrit ce qu'elle y a inscrit.
         . . .
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Vous pouvez peut-être simplement lui montrer la question. Commencez par la question 13.
         M. DARWENT :                  La 13?
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Oui -- ou la 12, désolé. Commencez par la 12.
         . . .
         LA REVENDICATRICE :          Oh, c'est parce que je suis née là, je suppose donc que je suis aussi citoyenne de l'Ukraine. Mais je n'ai pas de passeport.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Avez-vous jamais répudié votre citoyenneté?

         LA REVENDICATRICE :          Non.

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Ainsi, d'une part, vous croyez être citoyenne de l'Ukraine et, d'autre part --
         LA REVENDICATRICE :          Oui et non.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Donc, en fait, vous ne savez pas?
         LA REVENDICATRICE :          En fait, je ne sais pas. Pas vraiment.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord, vous avez la preuve documentaire qui montre qu'une personne possédant la citoyenneté israélienne qui désire obtenir la citoyenneté ukrainienne doit répudier sa citoyenneté israélienne. Et nous avons des renseignements qui indiquent que l'Ukraine n'accorde pas la double citoyenneté. Il me semble donc qu'il y a des éléments de preuve indiquant qu'une fois que vous avez reçu votre citoyenneté israélienne, votre citoyenneté ukrainienne a été révoquée. Est-ce possible? Le savez-vous? Avez-vous -- vous n'aviez aucun indice que ce soit?
         LA REVENDICATRICE :          Je n'en ai aucune idée. Je ne connais pas les lois.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. Avez-vous des questions sur ce point?
         Mme DE ROUSSEAU :              Quel âge aviez-vous lorsque vous êtes arrivée en Israël?
         LA REVENDICATRICE :          12 ou 13 ans.
         Mme DE ROUSSEAU :              Aviez-vous votre propre passeport ou étiez-vous inscrite sur le passeport de vos parents?
         LA REVENDICATRICE :          Non, sur le passeport de mes parents.
         Mme DE ROUSSEAU :              Et la documentation qui vous a permis de venir en Israël, y avait-il des documents distincts pour vous ou étiez-vous inscrite comme faisant partie --
         LA REVENDICATRICE :          Non, je faisais partie de la famille, il n'y avait pas de documents distincts. C'est ce que mes parents m'ont dit. J'avais des documents distincts.
         Mme DE ROUSSEAU :              Je n'ai rien d'autre à ajouter.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Très bien.
         M. DARWENT :                  Merci. Je peux donc considérer que cette question est maintenant résolue? Nous parlons seulement d'Israël?
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      À moins que vous n'ayez des observations à faire à cet égard.

     . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Je suis désolé, vous ne saviez pas quoi?
         LA REVENDICATRICE :          J'ignore s'il y avait des non-juifs dans mon école.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Désolé de vous interrompre, mais monsieur le conseil, pourriez-vous préciser l'âge? Vous avez dit 12 ans.
         LA REVENDICATRICE :          12 ou 13 ans. Je suis née en 78, de sorte que...
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      C'est que sur le document de CIC rempli par la revendicatrice, il est écrit 13 ans.
         LA REVENDICATRICE :          Oui, 12 ou 13. Je n'avais pas 13 ans. Mon anniversaire est en mars, nous sommes arrivés là en décembre. J'étais donc sur le point d'avoir 13 ans.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. Merci.

     . . .

         Mme DE ROUSSEAU :              Et lorsque vous avez eu cette entrevue, c'était dans l'armée ou à l'extérieur de l'armée?
         LA REVENDICATRICE :          Ça fait partie de l'armée. Avant de joindre pour de vrai l'armée, ils vous donnent un aperçu de ce qu'est l'armée et ils vous font passer des entrevues et des examens médicaux.
         Mme DE ROUSSEAU :              Ainsi, si vous demandez à être dispensée du service, vous devez vous adresser à l'armée ou aux autorités militaires?
         LA REVENDICATRICE :          Oui.
     PAR M. DARWENT :
         Q.      Et ils ont dit non, vous deviez y aller?
         R.      Oui. Ils ont dit non.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Êtes-vous au courant de l'existence du International Movement of Conscientious War Resistance en Israël?
         LA REVENDICATRICE :      Qu'est-ce que cela signifie?
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      C'est un groupe qui conseille les personnes qui tentent d'obtenir des dispenses.
         LA REVENDICATRICE :      Non.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Non. D'accord, ainsi vous n'avez parlé à quelqu'un que lorsqu'ils vous ont recrutée?
         LA REVENDICATRICE :      Bien, j'ai écrit des lettres, oui.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. Passons aux détails. Peut-être que le conseil peut vous les demander.
         . . .
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Leur avez-vous dit pourquoi vous ne vouliez pas vous enrôler dans l'armée?
         LA REVENDICATRICE :      Oui.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Et que leur avez-vous dit?
         LA REVENDICATRICE :      Je leur ai dit que j'avais peur parce que je ne suis pas juive, parce que je sais comment les gens m'ont traitée lorsque j'étais à l'école secondaire, si l'armée est vraiment différente de l'école secondaire.
         . . .
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Monsieur le conseil, je ne sais pas s'il s'agit de la preuve. Je pense - je vous avertis simplement de ne pas diriger le témoin.
         M. DARWENT :      Bien, la preuve indique qu'elle a quitté l'armée.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Oui.
             . . .
         Mme DE ROUSSEAU :      Répétez ce que vous venez de dire.
         LA REVENDICATRICE :      C'est arrivé environ deux mois plus tard lorsque j'ai failli être violée.
         Mme DE ROUSSEAU :      Savez-vous à quelle date ou -- j'essaie simplement de comprendre quand cela s'est produit parce que nous ignorons --
         LA REVENDICATRICE :      C'était pendant l'été, quelque chose comme ça.
         Mme DE ROUSSEAU :      L'été, en quelle année?
         LA REVENDICATRICE :      Je suis entrée dans l'armée en 97 -- non, en 96. Je suppose que c'était en 97, au cours de l'été. Je ne me rappelle pas les dates. Je ne me souviens pas de ce genre de choses.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Ainsi, vous croyez que cela s'est produit au cours de l'été 97?
         LA REVENDICATRICE :      Oui, je le pense. Au cours des premiers mois de l'été, oui. Je ne me souviens pas. Ne me demandez pas de m'en rappeler.

     . . .

         Mme DE ROUSSEAU :      Je ne l'ai pas entendu dire qu'elle avait demandé une permission, et c'est à ce sujet que je ne comprends rien.

         LA REVENDICATRICE :      Oui, j'ai bel et bien demandé une permission.
         M. DARWENT :      Bien sûr qu'elle l'a fait.
         LA REVENDICATRICE :      Et j'ai encore le document de --
         M. DARWENT :      C'est pourquoi elle est allée à l'autre base, pour présenter une demande.
         Mme DE ROUSSEAU :      Et s'agissait-il d'une permission ordinaire pour un congé ou vous a-t-on donné une sorte de permission spéciale vous permettant de partir?
         LA REVENDICATRICE :      Non, c'est -- Vous prenez ce mois de congé et vous devez le terminer lorsque vous revenez de l'armée.
         Mme DE ROUSSEAU :      Est-ce que tous les soldats obtiennent du temps libre pendant leur service?
         LA REVENDICATRICE :      Ils en ont, mais pas un mois.
         Mme DE ROUSSEAU :      Donc, ce que vous avez demandé était spécial?
         LA REVENDICATRICE :      Oui.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Et vous avez dit que vous n'avez pas eu à fournir de raisons, que ce temps vous a été tout simplement accordé?
         LA REVENDICATRICE :      Oui. S'ils vous aiment, ils vous accorderont la permission. Sinon --
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Quelle était donc selon vous la raison pour laquelle vous avez obtenu la permission?
         LA REVENDICATRICE :      Parce qu'ils voulaient que je sorte du pays. Je ne sais pas.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Vous ne savez pas. Quoi qu'il en soit, vous avez obtenu la permission sans problème?
         LA REVENDICATRICE :      En fait, je l'ai obtenu longtemps après en avoir fait la demande.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Donc, quand avez-vous fait la demande, à un moment donné au cours de l'été 97, croyez-vous?
         LA REVENDICATRICE :      Non, j'ai présenté une demande en septembre, je pense, dans -- dans les quatre mois.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Vous avez donc dû attendre la réponse ou vous ont-ils répondu tout de suite?
         LA REVENDICATRICE :      Non, j'ai dû attendre.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Avez-vous dit à quel moment vous souhaitiez prendre cette permission d'un mois?
         LA REVENDICATRICE :      Non, ils vous l'accordent seulement lorsque cela semble --
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. Ils vous l'ont donc accordée --
         LA REVENDICATRICE :      En décembre.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Décembre.
         LA REVENDICATRICE :      Oui.
         Mme DE ROUSSEAU :      Pour plus de précision, vous avez eu la permission de quitter l'armée et la permission de quitter le pays?
         LA REVENDICATRICE :      Oui, c'est ça.
         M. DARWENT :      Non, elle n'a pas eu la permission de quitter l'armée.
         LA REVENDICATRICE :      Je veux dire quitter l'armée pour un mois, pour un mois complet.
         Mme DE ROUSSEAU :      Oui, oui, c'est ce que je voulais dire.
         LA REVENDICATRICE :      Non pas pour toute la période.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Et il a été entendu que vous reprendriez ce mois à la fin?
         LA REVENDICATRICE :      Oui.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Savez-vous combien il restait de mois avant la fin de votre service?
         LA REVENDICATRICE :      Et bien, c'est deux ans ou deux ans et demi pour toutes les filles.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Deux ans et demi?
         LA REVENDICATRICE :      Oui, deux --
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Ou deux ans et demi?
         LA REVENDICATRICE :      Oui, cela dépend d'eux, peut-être qu'ils peuvent prolonger votre séjour.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord.

     . . .

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Désolé. Pourriez-vous clarifier ce que signifie la mention de 45 jours.
         M. DARWENT :      Elle a obtenu une permission de 45 jours. Elle a été absente pendant plus de 45 jours.

         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. J'avais compris qu'il s'agissait d'un mois.

         M. DARWENT :      Elle est maintenant absente --
         LA REVENDICATRICE :      Oui, du 15 décembre au 12 janvier, quelque chose comme ça.
         M. DARWENT :      Je pensais que j'avais vu 45 jours quelque part.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      D'accord. J'aimerais simplement clarifier ce point. On vous a accordé une permission du 15 décembre au 12 janvier?
         LA REVENDICATRICE :      Oui.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : D'accord.

     . . .


[8]      À la fin de l'interrogatoire de la demanderesse par son avocat, les commissaires ont posé des questions additionnelles, comme ils le font habituellement. Aucune de celles-ci ne semble avoir été posée en termes hostiles ou agressifs.

[9]      L'avocat signale aussi les réponses du président à l'ouverture de l'audience lorsque les commissaires ont demandé à sa cliente si elle préférait prêter serment sur un livre saint ou faire une affirmation.

     [TRADUCTION]

         . . .

         Mme Weiss, vous devrez témoigner sous serment. Souhaitez-vous prêter serment sur un livre saint ou faire une affirmation solennelle?
         LA REVENDICATRICE :      Cela n'a pas d'importance. Je vais -- laquelle préférez-vous?
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Ce n'est pas notre décision. C'est votre décision. Et je me serais attendu à ce que le conseil ait examiné cette question avec vous avant l'audience puisqu'il s'agit d'une question de procédure.
         LA REVENDICATRICE :      D'accord, vous voulez que je dise que j'ai dit que j'allais dire la vérité.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :      Vous pouvez peut-être en discuter avec votre conseil.
         . . .

[10]      L'avocat a peut-être raison d'affirmer qu'il aurait été préférable de répondre à la demanderesse, qui ignorait si elle devait prêter serment sur un livre saint ou faire une affirmation solennelle, qu'elle devait choisir la méthode la plus susceptible d'engager sa conscience. Par ailleurs, le commissaire n'a pas tort de signaler que le conseil ou l'avocat explique habituellement d'avance à ses clients la procédure d'assermentation. Je peux comprendre qu'un commissaire soit plutôt surpris qu'une personne lui demande quelle méthode d'assermentation il préfère qu'elle utilise. La réponse du commissaire en l'espèce n'est pas une preuve de partialité.

[11]      L'avocat renvoie à la réaction du commissaire à sa plainte selon laquelle les ACR devraient être tenus de communiquer, avant l'audience devant la Commission, les documents qu'ils ont l'intention d'invoquer, comme doivent le faire les demandeurs :

     [TRADUCTION]

     ... Mais je considère inadmissible que la Commission exige que je produise tous mes documents 20 jours avant l'audience et que l'employé de la Commission puisse tout simplement déposer les documents sur ce bureau dans l'espoir que je les y trouverai le jour même de l'audience. Les règles sont les règles et devraient s'appliquer également à la Commission --
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : Monsieur, ce n'est pas l'endroit pour discuter de la politique de la Commission selon laquelle la communication des documents par le conseil doit être faite 20 jours avant l'audience et aucune obligation analogue ne s'applique en matière de communication à l'ACR. Je suis d'accord avec vous dans la mesure où vous avez droit à votre opinion, mais je suis désolé, ce n'est pas l'endroit où vous pouvez exprimer votre mécontentement au sujet de cette politique. Je vous suggère de communiquer avec le membre coordonnateur de la région et de lui soumettre ce problème.
         M. DARWENT : Je le ferai très certainement.
         LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : C'est bien. [Italique ajouté.]

     . . .

[12]      Encore une fois, il ne s'agit pas là d'une preuve de partialité. En fait, le président de l'audience semble avoir été d'accord avec la position de l'avocat.

Discrimination/Persécution

[13]      L'avocat soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle le traitement qu'a reçu la demanderesse en Israël était du harcèlement, mais non de la persécution, est arbitraire. La Commission a conclu que la demanderesse était un témoin digne de foi, et la demanderesse a dit que, lorsqu'elle était écolière, elle se faisait lancer des pierres quotidiennement :

     [TRADUCTION]

     Q.      Ailleurs qu'à l'école, aviez-vous des problèmes?
     R.      Oui. Il y a toujours des enfants qui vous embêtent et qui vous lancent des pierres. Et...
     Q.      Les enfants vous lançaient-ils souvent des pierres?
     R.      Presque tous les jours.
     Q.      Et cela se produisait lorsque vous étiez -- cela se produisait-il seulement lorsque vous étiez à l'école ou pendant les week-ends, par exemple, si vous alliez faire des courses ou quelque chose comme ça?
     R.      Les week-ends aussi.
     Q.      D'accord. Avez-vous déjà été atteinte par des pierres?
     R.      Non. Pas gravement. J'en ai déjà reçues, mais je ne suis jamais allée à l'hôpital.
     Q.      D'accord, mais vous avez été atteinte par des pierres?
     R.      Oui.
     Q.      Sans être blessée assez gravement pour aller à l'hôpital?
     R.      Oui.

     . . .

    

[14]      La décision de la Commission contient ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     . . .

     La preuve indique qu'à son arrivée en Israël en 1991, la revendicatrice a commencé à fréquenter l'école et qu'elle a terminé ses études secondaires en 1996. La revendicatrice prétend qu'au cours de cette période, elle a été continuellement harcelée par d'autres élèves. Elle a dit qu'elle n'avait pas beaucoup d'amis à l'école parce qu'elle n'était pas juive. Elle a été impliquée une fois dans une bataille et elle a tenté de se défendre. Elle ne s'est pas plainte aux enseignants pensant que personne ne l'aiderait vu qu'elle n'était pas juive. Elle a dit que d'autres élèves lui lançaient des pierres. Cela se produisait à l'école et ailleurs. Elle a dit que cela se produisait tous les jours, mais qu'elle n'a jamais été blessée gravement ni hospitalisée, et qu'elle ne s'est jamais plainte de ce traitement aux enseignants.
     Le tribunal conclut que ce traitement infligé par les autres élèves était cruel et désagréable, et que le préjudice subi constitue de la discrimination mais n'est pas assimilable à de la persécution, même si on l'examine cumulativement.

     . . .

[15]      Il n'y a aucune définition de la persécution dans la Convention relative au statut des réfugiés. Le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié publié par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés prévoit ce qui suit :

     51. Il n'y a pas de définition universellement acceptée de la « persécution » et les diverses tentatives de définition ont rencontré peu de succès. De l'article 33 de la Convention de 1951, on peut déduire que des menaces à la vie ou à la liberté pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d'opinions politiques ou d'appartenance à un certain groupe social sont toujours des persécutions. D'autres violations graves des droits de l'homme - pour les mêmes raisons - constitueraient également des persécutions.
         . . .
     54. Dans de nombreuses sociétés humaines, les divers groupes qui les composent font l'objet de différences de traitement plus ou moins marquées. Les personnes qui, de ce fait, jouissent d'un traitement moins favorable ne sont pas nécessairement victimes de persécutions. Ce n'est que dans des circonstances particulières que la discrimination équivaudra à des persécutions. Il en sera ainsi lorsque les mesures discriminatoires auront des conséquences gravement préjudiciables pour la personne affectée, par exemple de sérieuses restrictions du droit d'exercer un métier, de pratiquer sa religion ou d'avoir accès aux établissements d'enseignement normalement ouverts à tous.


[16]      Dans la jurisprudence canadienne, la persécution est décrite comme des menaces et des mauvais traitements infligés de façon persistante ou systémique et comportant un élément de répétition et d'acharnement (voir Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.); Stephan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 390 (C.A.). Dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la persécution est définie comme une « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l'absence de protection de l'État » .

[17]      Pour conclure que le traitement subi par la demanderesse était discriminatoire, la Commission a tenu compte du témoignage de la demanderesse, notamment lorsqu'elle a dit qu'elle n'avait jamais été gravement blessée et ne s'était jamais plainte de ce traitement à des personnes en autorité. Comme l'a fait remarquer la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sagharichi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 182 N.R. 398, même s'il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination est difficile à tracer, il n'en demeure pas moins qu'il incombe à la Commission de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable. Je ne peux pas conclure que la conclusion de la Commission était arbitraire ou déraisonnable compte tenu du témoignage de la demanderesse.

Désertion

[18]      La décision de la Commission contient ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     . . .

     La revendicatrice a commencé son service militaire le 31 octobre 1996 et a poursuivi celui-ci jusqu'au 13 décembre 1997. Elle a obtenu l'autorisation des autorités militaires de quitter le pays du 15 décembre 1997 au 12 janvier 1998. Elle n'est pas retournée au pays et, par conséquent, elle allègue aussi qu'elle craint avec raison d'être persécutée parce qu'elle a déserté. Elle a déclaré qu'elle se verrait vraisemblablement infliger une peine d'emprisonnement d'environ un an parce qu'elle n'est pas retournée dans les rangs de l'armée.
     Le tribunal a examiné la preuve documentaire qui confirme que la peine d'emprisonnement serait vraisemblablement infligée. S'appuyant sur la preuve documentaire ainsi que sur le témoignage de la revendicatrice, le tribunal conclut que la preuve est insuffisante pour établir que la peine serait disproportionnée ou serait plus sévère parce que la revendicatrice n'est pas juive. Il conclut qu'il n'existe aucune crainte fondée de persécution pour ce motif et que la peine n'est pas assez sévère pour constituer en soi de la persécution.
     Bien qu'il existe certains éléments de preuve indiquant que des violations des droits de la personne sont commises dans les prisons militaires israéliennes, la preuve est insuffisante en l'espèce pour établir qu'il existe une possibilité sérieuse que la revendicatrice subisse dans une prison militaire un préjudice assimilable à de la persécution parce qu'elle n'est pas juive ou parce qu'elle a déserté.
         . . .

[19]      L'avocat de la demanderesse prétend que la conclusion de la Commission est arbitraire parce qu'elle a cru le témoignage de la demanderesse quant au traitement qu'elle a reçu en sa qualité de non-juive. Il affirme qu'il était arbitraire pour la Commission de conclure que le traitement que la demanderesse subirait par suite de sa désertion ne serait pas pire que celui qui est infligé aux autres déserteurs, alors qu'elle l'a crue lorsqu'elle a dit qu'on lui lançait des pierres. Cet argument repose largement sur le fait que l'avocat a considéré que le harcèlement que la demanderesse a décrit constituait de la persécution et non de la discrimination. L'assimilation par la Commission de ce traitement à de la discrimination ou du harcèlement, mais non à de la persécution, est étayée et par la preuve dont elle a été saisie et par le droit. La conclusion de la Commission selon laquelle la preuve est insuffisante pour étayer la prétention de la demanderesse qui affirme qu'elle serait persécutée plutôt que harcelée en prison n'est pas erronée. Cette prétention repose sur des hypothèses et n'est pas étayée par les faits. Je ne peux pas conclure que la Commission a rendu une décision erronée.

[20]      Par ces motifs, la demande est rejetée.




    

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 juillet 2000


Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-4364-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ANDREA WEISS c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :          27 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de madame le juge Reed en date du 7 juillet 2000




ONT COMPARU :

Charles R. Darwent              POUR LA DEMANDERESSE
Tracy King                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Darwent Law Office              POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)


Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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