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Date : 20000201


Dossier : T-1604-95


ENTRE :


     ILLVA SARONNO S.p.A.


     demanderesse


     et


     PRIVILEGIATA FABBRICA MARASCHINO

     " EXCELSIOR " GIROLAMO LUXARDO S.p.A.,

     GIROLAMO LUXARDO MARASCHINO CANADA

     LTD., SAVERIO SCHIRALLI AGENCIES LIMITED

     et VANRICK CORPORATION LIMITED


     défenderesses


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE :

[1]      Il s"agit d"un appel que les défenderesses ont interjeté, en vertu de l"art. 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) , contre une ordonnance rendue par le protonotaire, M. Roger R. Lafrenière, le 14 décembre 1999. Le protonotaire avait rendu l"ordonnance ci-après énoncée :

[TRADUCTION]
1.      Conformément à la règle 107(1), les questions se rapportant à l"étendue de la violation d"un droit, les questions se rapportant aux dommages découlant de la violation d"un droit, les questions se rapportant aux profits résultant de la violation d"un droit et les questions se rapportant à la répartition (collectivement appelées les "questions différées"), sauf la question de l"achalandage, seront jugées séparément, une fois que les autres questions soulevées dans la présente action auront été instruites, s"il semble alors que les questions différées doivent être réglées.
2.      Conformément aux règles 107(2) et 247b), il n"y aura pas d"autre communication supplémentaire orale ou documentaire au sujet des questions différées tant que les autres questions n"auront pas été instruites; pareille communication reprendra après ladite instruction, s"il semble alors que les questions différées doivent être réglées.
3.      Si les questions différées sont jugées séparément une fois que les autres questions auront été instruites, la demanderesse aura droit à la communication de documents et à des interrogatoires préalables oraux à l"égard des questions en litige visées par la décision distincte avant d"avoir à déterminer si elle doit solliciter des dommages-intérêts ou une reddition de compte, à condition que toute communication effectuée avant la date de la présente ordonnance fasse partie du dossier en ce qui concerne ladite communication supplémentaire et que la communication supplémentaire commence là où la communication antérieure a pris fin.
4.      Sans limiter le caractère général des obligations d"une partie en ce qui concerne la communication, chaque partie obtiendra et conservera pour production dans la présente instance les documents ci-après énumérés qui sont à l"heure actuelle ou qui seront dans l"avenir en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde :
     a)      les état financiers annuels;
     b)      les grands livres;
     c)      les déclarations de revenus, notamment les annexes y afférentes;
     d)      les bons de commandes reçus de clients canadiens à l"égard de l"amaretto de la partie ici en cause;
     e)      les notes de crédit et documents dans lesquels les commissions sont calculées, indiquant les commissions versées aux représentants canadiens à l"égard de l"amaretto de la partie ici en cause;
     f)      les situaziones et mastrinos se rapportant aux marchés conclus avec les clients canadiens de la partie à l"égard de l"amaretto ici en cause et les représentants canadiens de la partie;
     g)      les documents indiquant la nature, le montant et la date des dépenses effectuées par chaque défenderesse, qu"elle veut faire déduire dans la reddition de compte;
     h)      tous les dossiers ACCPAC et toutes les bases de données tenus par les défenderesses Saverio Schiralli Agencies Limited (SSAL) et Vanrick Corporation Limited (Vanrick);
     cette obligation existera tant que la présente action n"aura pas été complètement et définitivement menée à terme, tant que l"instruction n"aura pas pris fin ou tant qu"une décision distincte n"aura pas été rendue au sujet des questions différées, selon l"événement qui se produit en premier lieu.
5.      Les dépens de la présente requête sont adjugés à la demanderesse, quelle que soit l"issue de la cause.
6.      La conférence de gestion de l"instance est ajournée jusqu"à la date qui sera fixée par l"administrateur judiciaire.

[2]      Dans la déclaration, il est allégué que la demanderesse est constituée en vertu des lois de la République italienne et qu"elle s"occupe de fabriquer, d"emballer, de commercialiser et de vendre des boissons alcoolisées.

[3]      Dans sa déclaration, la demanderesse allègue que les défenderesses ont violé les droits qu"elle possède en vertu de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13, par suite de la fabrication, de l"importation, de la commercialisation et de la distribution au Canada d"une liqueur dont le nom et la présentation créent de la confusion avec son propre produit.

[4]      Les défenderesses ont été assujetties à de longs interrogatoires préalables, mais ces interrogatoires ne sont pas encore terminés.

[5]      La demanderesse n"a pas encore fait l"objet d"un interrogatoire préalable.

[6]      Les deux parties semblent avoir en leur possession des documents qui n"ont pas encore été produits.

Les dispositions législatives applicables

[7]      La demande qui a été présentée devant le protonotaire était fondée sur la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui est ainsi libellée :

107. (1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.

107. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

(2) In an order under subsection (1), the Court may give directions regarding the procedures to be followed, including those applicable to examinations for discovery and the discovery of documents.

(2) La Cour peut assortir l'ordonnance visée au paragraphe (1) de directives concernant les procédures à suivre, notamment pour la tenue d'un interrogatoire préalable et la communication de documents.


[8]      Il est généralement reconnu que pour obtenir une ordonnance en vertu de l"art. 107, la norme énoncée par le juge Evans dans la décision Oleva Saronno c. Privilegiata Fabbrica Maraschino " Excelsior "1 à la page 6, doit être satisfaite :
Par conséquent, compte tenu des décisions qui ont été rendues et des modifications qui ont été apportées par les Règles de 1998, je formulerais le critère à appliquer en vertu de l"article 107 des Règles comme suit : dans le cadre d"une requête présentée en vertu de l"article 107 des Règles , la Cour peut ordonner l"ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l"instruction concernant la question de la responsabilité n"auront pas eu lieu, si elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l"affaire (y compris la nature de la demande, le déroulement de l"instance, les questions en litige et les redressements demandés), la disjonction permettra fort probablement d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[9]      La jurisprudence se rapportant aux appels d"une décision discrétionnaire rendue par le protonotaire a été énoncée par la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.2, à la p. 454 :

Je conviens avec l"avocat de l"appelante que la norme de révision des ordonnances discrétionnaires des protonotaires de cette Cour doit être la même que celle qu"a instituée la décision Stoicevski pour les protonotaires de l"Ontario. J"estime que ces ordonnances ne doivent être révisées en appel que dans les deux cas suivants :
a) elles sont manifestement erronées, en ce sens que l"exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire a été fondé sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits,
b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.

[10]      J"ai examiné la décision du protonotaire et je conclus qu"il a appliqué la norme qu"il convient d"appliquer pour qu"une décision distincte soit rendue en vertu de la règle 107. Voici ce que le protonotaire a dit à la page 2 de son ordonnance :

[TRADUCTION]
La demanderesse a établi selon la prépondérance des probabilités qu"il est suffisamment probable que des économies d"argent et de temps soient réalisées pour justifier une dérogation au principe général selon lequel toutes les questions soulevées dans une instance doivent être examinées ensemble.
Compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l"affaire, je suis convaincu que la disjonction permettra fort probablement d"apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[11]      Les défenderesses soutiennent que les questions de responsabilité et de réparation ne devraient pas être séparées étant donné que la demande qu"elles ont déjà elles-mêmes présentée en vue de les séparer a été rejetée. L"examen de la décision rendue par le juge Evans lors de l"appel de cette ordonnance du protonotaire montre que l"appel a été rejeté parce qu"il n"existait pas suffisamment d"éléments de preuve pour satisfaire au critère énoncé dans cette affaire-là.

[12]      Les défenderesses soutiennent également que le protonotaire a commis une erreur de droit en concluant que les questions d"achalandage et de dommages sont des éléments nécessaires du délit de " passing off ". La lecture du premier paragraphe de l"ordonnance du protonotaire permet de constater qu"il a exclu l"achalandage et qu"il a permis que des questions soient posées au sujet de l"achalandage. En ce qui concerne le fait que les dommages constituent un élément nécessaire du délit de " passing off ", j"adopterais la position qui a été prise dans Hughes on Trade Marks3 , au paragraphe 76 :

[TRADUCTION]
La Cour suprême du Canada a réduit le nombre d"éléments à trois, à savoir :
     1.      un achalandage ou une réputation liés aux marchandises ou aux services de la demanderesse, dans l"esprit du public, le nom en question étant tel qu"on l"identifie aux marchandises ou services de la demanderesse;
     2.      une fausse déclaration de la part de la défenderesse (intentionnelle ou non) amenant le public ou susceptible d"amener le public à croire que les marchandises ou services sont ceux de la demanderesse ou sont autorisés par cette dernière;
     3.      la demanderesse a subi ou risque de subir un préjudice.
Une fois que les premier et deuxième éléments susmentionnés ont été établis, le dommage est présumé; l"intention de la défenderesse importe peu, même si cette intention peut influer dans une certaine mesure sur les dommages.

Par conséquent, la demanderesse n"est pas tenue de prouver des dommages afin d"avoir gain de cause dans une action fondée sur le " passing off " étant donné que les dommages sont présumés si les deux premiers éléments existent.

[13]      Je suis convaincu que le protonotaire a tenu compte des facteurs dont il convient de tenir compte lorsqu"une ordonnance est accordée conformément au par. 107(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) et qu"en vertu de l"art. 107, il était autorisé à donner les autres directives qui figuraient dans son ordonnance.

[14]      Puisque j"ai tiré les conclusions ci-dessus énoncées, j"estime que le présent appel ne devrait pas être accueilli. L"ordonnance du protonotaire ne sera donc pas infirmée.

[15]      Je tire cette conclusion étant donné que l"ordonnance du protonotaire n"est pas manifestement erronée, en ce sens que l"exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire n"était pas fondé sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits. En rendant son ordonnance, le protonotaire n"a pas non plus mal exercé son pouvoir discrétionnaire sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.

[16]      Par conséquent, je rejette la demande que les défenderesses ont faite en vue d"obtenir une ordonnance enjoignant aux parties de procéder à l"instruction en présentant des éléments de preuve sur toutes les questions en litige.

[17]      Les demanderesses auront droit aux dépens de la présente requête, les parties devant s"entendre sur le montant y afférent, à défaut de quoi les dépens pourront être taxés.





                                 John A. O'Keefe"
                                         J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

Le 2 février 2000


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-1604-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :          ILLVA SARONNO S.p.A.
                         et
                         PRIVILEGIATA FABBRICA MARASCHINO " EXCELSIOR " GIROLAMO LUXARDO S.p.A., GIROLAMO LUXARDO MARASCHINO CANADA LTD., SAVERIO SCHIRALLI AGENCIES LIMITED et VANRICK CORPORATION LIMITED
DATE DE L"AUDIENCE :          LE LUNDI 31 JANVIER 2000
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE O"KEEFE EN DATE DU 2 FÉVRIER 2000.

ONT COMPARU :                  Steven G. Mason
                              pour la demanderesse
                         Newton Wong
                             pour les défenderesses
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      McCarthy Tétrault
                         Avocats
                         Bureau 4700
                         Toronto Dominion Bank Tower
                         Toronto-Dominion Centre
                         Toronto (Ontario)
                         M5K 1E6
                             pour la demanderesse
                         Newton Wong & Associates
                         Avocats
                         1033, rue Bay
                         Toronto (Ontario)
                         M5S 3A5
                             pour les défenderesses

COUR FÉDÉRALE DU CANADA




Date : 20000202

Dossier : T-1604-95



ENTRE :



ILLVA SARONNO S.p.A.


demanderesse



et



PRIVILEGIATA FABBRICA MARASCHINO

" EXCELSIOR " GIROLAMO LUXARDO S.p.A.,

GIROLAMO LUXARDO MARASCHINO CANADA

LTD., SAVERIO SCHIRALLI AGENCIES LIMITED

et VANRICK CORPORATION LIMITED



défenderesses


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

__________________

1      (1998) 84 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.).

2 [1993] 2 F.C. 425 (C.A.F.).

3      Roger T. Hughes, c.r., Hughes on Trade Marks , Markham, Ontario, Butterworths Canada Ltd., 1984.

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