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Date : 20000215


Dossier : IMM-1914-99


MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15 FÉVRIER 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


ENTRE :


EVANGELINA LALUNA


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




O R D O N N A N C E


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


« Danièle Tremblay-Lamer »

                                         JUGE





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.






Date : 20000215


Dossier : IMM-1914-99


ENTRE :


EVANGELINA LALUNA


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DE L'ORDONNANCE




LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration1, contre la décision dans laquelle un agent d'immigration a refusé la demande de résidence permanente que la demanderesse avait présentée en invoquant la catégorie des aides familiaux résidants au Canada (la CAFR).

[2]      La demanderesse est arrivée au Canada le 30 septembre 1995 et a reçu l'autorisation de travailler en tant qu'aide familial résidant. Cependant, à son arrivée chez l'employeur, la demanderesse a été avisée qu'on n'avait pas besoin d'elle avant le mois de mars 1996.

[3]      La demanderesse s'est donc trouvée un nouvel employeur, Ellen Coopersmith, qui a rempli les formulaires d'offre d'emploi nécessaires le 20 octobre 1995. Le Centre d'emploi du Canada (le CEC) les a reçus le 24 octobre 1995.

[4]      Le nouvel employeur de la demanderesse a ultérieurement reçu une lettre du CEC et du Ministère des Communautés culturelles et de l'immigration (le MCCI), datée du 9 janvier 1996, qui confirmait la validation de l'offre d'emploi.

[5]      Le 14 février 1996, la demanderesse a reçu un nouveau permis de travail.

[6]      Plus tard, soit le 13 juin 1997, la demanderesse a été avisée par son employeur qu'il n'avait plus besoin de ses services d'aide familial résidant.

[7]      La demanderesse a trouvé un nouvel employeur, Julia Reitman, en octobre 1997. L'employeur a rempli les formulaires d'emploi nécessaires et les a envoyés à Développement des ressources humaines Canada (DRHC), qui les a reçus le 27 novembre 1997 ou vers cette date.

[8]      En mars 1998, la demanderesse a reçu une lettre du Centre de traitement des données (le CTD) de Vegreville (Alberta) l'informant que sa demande de permis de travail avait été transférée au CIC de Montréal.

[9]      Par suite d'une entrevue qu'elle a eue en avril 1998 au Centre d'Immigration Canada de Montréal, la demanderesse a reçu un nouveau permis de travail.

[10]      Le 5 janvier 1999 ou vers cette date, la demanderesse a envoyé une demande visant à obtenir le droit de s'établir au Canada au CTD de Vegreville. Sa demande était accompagnée d'une lettre dans laquelle la demanderesse expliquait pourquoi elle n'avait accumulé que vingt-et-un mois d'expérience de travail au 30 septembre 1998 au lieu des vingt-quatre mois requis.

[11]      La demande de résidence permanente a été refusée au motif que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences prévues dans la Loi et le Règlement sur l'immigration2 (le Règlement) concernant la durée de son emploi à titre d'aide familial résidant depuis son admission au Canada.

[12]      L'objectif du Programme concernant les aides familiaux résidants a été décrit par le juge en chef adjoint Jerome dans la décision Turingan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration3, dans laquelle il a dit :

[...] il conviendrait de reconnaître que le but premier du Programme concernant les aides familiaux résidants est d'encourager des personnes à venir au Canada pour combler une lacune de notre marché du travail. En contrepartie de leur engagement à travailler dans le secteur des soins à domicile, les participants au programme sont pratiquement assurés d'obtenir le statut de résident permanent s'ils travaillent pendant la période obligatoire de vingt-quatre mois. L'agent d'immigration a, par conséquent, un pouvoir discrétionnaire limité en ce qui concerne le rejet d'une demande de résidence permanente une fois qu'il est établi que le participant a travaillé pendant la période requise. [Non souligné dans l'original.]



[13]      En l'espèce, contrairement à l'argument que la demanderesse a présenté, la décision Turingan4 n'étaye pas la prétention que l'agent d'immigration a un quelconque pouvoir discrétionnaire lorsque l'aide familial résidant ne satisfait pas à l'exigence de 24 mois. En fait, elle fait ressortir la nécessité de satisfaire à l'exigence prévue par la loi. Considérant la clarté des exigences prévues dans la Loi et le Règlement, je suis d'avis que l'agent a convenablement appliqué le Règlement.

[14]      La demanderesse soutient en outre que lorsque le retard a été causé par le défendeur, l'agent a le pouvoir discrétionnaire résiduel d'examiner l'affaire en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi. Je ne saurais accepter cet argument.

[15]      La demanderesse paraît avoir confondu les divers recours que prévoit la Loi. Dans les circonstances, la Loi prévoit deux mécanismes distincts pour faciliter l'obtention du droit d'établissement au Canada. Premièrement, conformément à l'alinéa 114(1)e) de la Loi, la personne qui satisfait aux exigences applicables à la catégorie des aides familiaux résidants au Canada peut obtenir le droit de s'établir au Canada. Deuxièmement, le paragraphe 114(2) de la Loi prévoit un mécanisme distinct de dépôt de demande de résidence permanente qui peut être traitée sans que la personne en cause soit tenue de quitter le Canada. Il s'agit de la disposition qui confère un pouvoir discrétionnaire à l'agent d'immigration qui apprécie les considérations humanitaires d'un cas.

[16]      En outre, l'agent en l'espèce remplissait une obligation ministérielle et, partant, il n'avait pas de pouvoir discrétionnaire. Cette fonction ministérielle peut être caractérisée, sur le plan de la doctrine, comme [TRADUCTION] « une obligation, qui doit être remplie sans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ou d'un jugement indépendant » 5. Il est donc clair que l'agent en l'espèce n'avait pas le pouvoir d'apprécier les considérations que la demanderesse lui a présentées.

[17]      Bien entendu, la demanderesse peut présenter une demande fondée sur des considérations humanitaires et, de fait, une telle demande doit être accompagnée du prix prévu à l'article 2 du Règlement sur les prix à payer -- Loi sur l'immigration. Ce paiement constitue une condition sina qua non du Règlement. Le juge Joyal a bien résumé cela dans la décision Bula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)6 :

Pour sa part, l'intimé prétend qu'une demande ne peut être étudiée sans être accompagnée des frais requis. Cette interprétation est fondée sur la décision dans l'affaire Maharas c. M.C.I., dossier de la Cour no IMM-4768-94 (décision non raportée), où Monsieur le juge Teitelbaum traite de l'article 3 du Règlement sur les droits exigibles - Loi sur l'immigration, DORS/86-64, qui dit bien que les frais sont exigibles au moment où la demande est faite. Ce principle est soutenu aussi dans les alinéas 3.1(1), 4(1), 5(1), 6(1), 7(1), 8(1) et 9(1) du même Règlement.
La règle est aussi répétée dans une brochure publiée par l'intimé qui dit bien "les droits de traitement doivent être payés sur présentation de la demande".
On peut alors conclure que le paiement des frais de la demande est une condition sine qua non et ne permet pas d'exception. C'est une condition que plusieurs trouveraient sévère sinon punitive. Le texte de la loi, cependant, ne semble pas ouvrir la porte à une interprétation plus libérale ou plus avantageuse au requérant.
J'ajoute que la règle ne crée pas une anomalie. C'est une règle qui est explicite dans chacun des alinéas cités plus haut, et qui impose l'obligation de payer les droits sur présentation de la demande.

[18]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[19]      L'avocat de la demanderesse a demandé que la question suivante soit certifiée :

L'agent d'immigration saisi d'une demande de droit d'établissement présentée par une personne qui est venue au Canada en tant qu'aide familial résidant a-t-il le pouvoir discrétionnaire d'examiner la demande conformément au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, sans autre avis ni frais de traitement, lorsque le demandeur n'est pas visé par la définition technique de « personne appartenant à la catégorie des aides familiaux résidants » ?

[20]      La Cour n'est pas convaincue qu'il s'agit d'une question grave de portée générale. En conséquence, la Cour ne certifie pas la question.



                             « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE


MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 15 février 2000.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-1914-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              EVANGELINA LALUNA

                         C.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION


LIEU DE L'AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 15 FÉVRIER 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                  15 FÉVRIER 2000


ONT COMPARU :

M. Vonnie Rochester                          POUR LA DEMANDERESSE

M. Michel Pépin                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VONNIE ROCHESTER                      POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureuer général du Canada

Ottawa (Ontario)

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 20000215


Dossier : IMM-1914-99


ENTRE :


EVANGELINA LALUNA


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur






MOTIFS D'ORDONNANCE




__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      DORS/78-172, paragraphe 2(1).

3      (1993) 72 F.T.R. 316.

4      Supra, note 3.

5      de Smith, Woolf & Jowell, Judicial Review of Administrative Action (London: Sweet & Maxwell, 1995), à la p. 1004.

6      (1997) 130 F.T.R. 81.

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