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Date : 20051108

Dossier : IMM-1494-05

Référence : 2005 CF 1515

Toronto (Ontario), le 8 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

NIMBER ABU EL HOF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience et subséquemment consignés par écrit pour plus de clarté et de précision)

[1]                Le demandeur est un Arabe palestinien qui possède la citoyenneté israélienne. Il est né dans le village de Deer Hana, en Israël, au sein d'une famille musulmane conservatrice. Il soutient qu'il a maintes fois été harcelé par des particuliers et par des policiers du fait qu'il était un musulman vivant dans une communauté en grande partie juive. Il allègue éprouver une crainte fondée de persécution du fait de sa nationalité (arabe), de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social (celui des jeunes hommes ciblés par les Services israéliens de sécurité pour devenir des indicateurs). Il prétend aussi qu'il serait personnellement exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d'être soumis à la torture.

[2]                La Commission a rejeté sa demande, mais a reconnu qu'à titre d'Arabe israélien, le demandeur est confronté à de la discrimination dans de nombreux domaines de la vie en Israël. Toutefois, la Commission n'a pas souscrit à l'argument du demandeur selon lequel l'effet cumulatif de cette discrimination équivaut à de la persécution. À son avis, les épisodes de détention et les interrogatoires que le demandeur a subis ne constituent pas de la persécution dans le contexte des mesures de sécurité accrues mises en place en Israël à la suite d'attentats suicides à la bombe. Le tribunal a en outre conclu que le témoignage du demandeur n'était pas crédible, parce qu'il recelait diverses contradictions en ce qui concerne les motifs de son départ, le nombre de manifestations auxquelles il a pris part et le rôle qu'il y a joué.

[3]                Le demandeur fait valoir que pour décider si la discrimination équivaut à de la persécution, la Commission doit examiner soigneusement toute la preuve. Il s'appuie à cet égard sur les décisions Sampu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.), 2001 CFPI 756, Ahangaron c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 168 F.T.R. 315, et Erdos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 955. Il soutient que la Commission a omis de tenir compte d'incidents comportant des agressions physiques, une blessure aux mains et une hospitalisation et qu'elle a fait abstraction du déracinement d'arbres fruitiers à la ferme familiale.

[4]                Quant à la distinction entre la discrimination et la persécution, la Cour d'appel a déclaré ce qui suit, au paragraphe 3 de l'arrêt Sagharichi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1993), 182 N.R. 398 :

Il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination ou le harcèlement est difficile à tracer, d'autant plus que, dans le contexte du droit des réfugiés, il a été conclu que la discrimination peut fort bien être considérée comme équivalant à la persécution. Il est également vrai que la question de l'existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n'est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause. Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable.

[5]                En l'espèce, la Commission avait conscience que la question principale consistait à juger si le cumul de la discrimination subie équivalait à persécution. Elle a examiné la preuve et évalué la crédibilité du demandeur, puis elle a conclu, globalement :

De même, j'estime que les deux détentions de courte durée et l'interrogatoire correspondent à de la discrimination, pas à de la persécution. On a interrogé le demandeur d'asile quant à sa présence dans une « région juive » . Le demandeur d'asile s'est fait gifler pendant l'une de ses détentions et il a aussi été arrêté et fouillé à plusieurs autres reprises. Compte tenu de la sécurité accrue attribuable à l'intifada (depuis 2000) et aux attentats suicides à la bombe en Israël, j'estime que les interrogatoires et les détentions, bien qu'ils soient humiliants, peuvent être perçus comme étant des mesures de sécurité nécessaires. Les démêlés que le demandeur d'asile a eus avec la police n'ont pas dégénéré au point de comprendre un préjudice qui pourrait être interprété comme de la persécution, une menace à sa vie, des traitements ou peines cruels et inusités ou un risque d'être soumis à la torture. Je ne suis pas convaincue que d'être giflé une fois correspond à de la persécution.

[6]                J'estime que la Commission a bien examiné l'ensemble de la preuve. Elle s'est concentrée sur la question principale et, après avoir apprécié la preuve, elle a pris une décision ainsi que le prescrit l'arrêt Sagharichi, précité. Elle n'a pas mentionné, dans ses motifs, chacun des incidents allégués, mais je ne crois pas qu'elle ait eu à le faire, pour autant qu'il apparaisse clairement des motifs qu'elle a analysé les événements essentiels en ce qui a trait à la distinction entre discrimination et poursuites judiciaires et qu'elle est arrivée à une conclusion raisonnable.

[7]                Le fait que la Commission n'a pas mentionné les incidents relevés par le demandeur (événements mettant en cause des bagarres, des agressions à coups de couteau, une hospitalisation et le déracinement d'arbres fruitiers) ne prouve pas que la Commission n'a pas examiné l'ensemble de la preuve, ni que sa conclusion, pour reprendre les termes de l'arrêt Sagharichi, précité, est arbitraire ou déraisonnable.

[8]                En conséquence, la Cour ne peut faire droit à la présente demande.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1494-05

INTITULÉ :                                        NIMER ABU EL HOF

                                                                                                demandeur

                                                            et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 7 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :                         

C. Julian Jubenville                                 POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

David Tyndale                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

C. Julian Jubenville

Toronto (Ontario)                                  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada        POUR LE DÉFENDEUR

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