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     T-58-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 MAI 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     requérant,

     - et -

     SATISH CHANDER,

     NARENDRA NATH JOSHI et

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimés.

     ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada, conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 et ses modifications, afin d'obtenir une ordonnance annulant la décision du tribunal des droits de la personnes (le tribunal) rendue le 13 décembre 1995 relativement à une plainte déposée par les intimés Satish Chander et Narendra Nath Joshi, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (et ses modifications) (la LCDP).


     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

                                     F.C. Muldoon
    
                                     Juge
Traduction certifiée conforme     
                                 Laurier Parenteau

     T-957-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 MAI 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     requérant,

     - et -

     SATISH CHANDER,

     NARENDRA NATH JOSHI et

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimés.

     ORDONNANCE

         VU la demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada, conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 et ses modifications, afin d'obtenir une ordonnance annulant la décision rendue le 28 mars 1996 par le tribunal des droits de la personnes (le tribunal) sur les dommages-intérêts accordés par suite de la décision rendue relativement à une plainte déposée par les intimés Satish Chander et Narendra Nath Joshi, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (et ses modifications) (la LCDP), une demande de contrôle judiciaire de cette décision du tribunal en date du 13 décembre 1995 ayant été déposée auprès de la présente Cour le 10 janvier 1996.

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

                                     F.C. Muldoon
                    
                                     Juge
Traduction certifiée conforme     
                                 Laurier Parenteau

     T-58-96

     T-957-96

ENTRE :

     MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     requérant,

     - et -

     SATISH CHANDER,

     NARENDRA NATH JOSHI et

     COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

     Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de deux décisions rendues relativement à des plaintes de discrimination déposées auprès de la Commission des droits de la personne (la Commission ou la CCDP) par M. Satish Chander et M. Narendra Nath Joshi et formulées contre le ministère de la Santé nationale (le Ministère). La décision contestée dans le dossier T-58-96 a été rendue à la majorité le 13 décembre 1995, par un tribunal des droits de la personne (le tribunal) formé de trois membres, qui a conclu que MM. Chander et Joshi avaient tous deux été victimes de discrimination, contrairement à l'article 7 de la Loi sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, laquelle loi condamne la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou nationale et la religion. M. Chander se plaint d'avoir été victime de discrimination fondée sur la religion. Le dossier T-957-96 porte sur les mesures de réparation et les dommages-intérêts que le tribunal a accordés aux deux plaignants dans sa décision du 28 mars 1996. Le 23 juillet 1996, le juge Denault a ordonné que les deux demandes de contrôle judiciaire soient entendues en même temps. L'audience a eu lieu le 13 mai 1997, à Ottawa.

     L'article 7 de la Loi est ainsi rédigé :

         7. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :        
         a) de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu;        
         b) de le défavoriser en cours d'emploi.        

     Les faits suivants sont à l'origine des deux décisions. M. Chander est né dans ce qui s'appelle maintenant le Pakistan. Il a obtenu un doctorat en médecine vétérinaire à une université de la République fédérale d'Allemagne et un deuxième doctorat en sciences biomédicales au Ontario Veterinary College en 1968. Après avoir terminé son éducation formelle, il a travaillé comme chercheur à Agriculture Canada pendant dix ans avant de se joindre au ministère de la Santé et du Bien-être social en 1983, en qualité de biologiste de niveau BI-02 au Bureau des instruments médicaux. Il a commencé à travailler comme employé nommé pour une période déterminée, puis il est devenu permanent. Il a été détaché à la division Infection et Immunologie du Bureau des médicaments humains prescrits du Ministère en février 1988 (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2035).

     M. Joshi est né en Inde et est arrivé au Canada en 1959. Il a obtenu une maîtrise ès sciences en microbiologie et un doctorat en virologie vétérinaire à l'Université McGill en 1964. M. Joshi a également obtenu une bourse de recherche post-doctorale d'un an en immunologie avec le Conseil de recherches médicales du Canada au Ontario Veterinary College (dossier de la demande, volume II, à la page 97). Après avoir été chercheur et consultant pour l'entreprise privée pendant de nombreuses années, en avril 1988, il a été engagé par le Ministère pour travailler à la Division en qualité de biologiste de niveau 2 (BI-02) pour une durée déterminée de six mois. La durée de son emploi a été prolongée à deux reprises (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2036 et 2037).

     Les emplois des deux intimés incluaient l'examen et l'évaluation de présentations de drogue nouvelle de recherche, de présentations de drogue nouvelle et de présentations supplémentaires de drogue nouvelle, qui étaient soumises à la division Infection et Immunologie pour évaluation (M. Chander, à partir d'août 1988 et M. Joshi, à partir d'avril 1988; dossier de la demande, volume XIII, à la page 2037). Les présentations de drogue confiées à la division Infection et Immunologie étaient attribuées à des évaluateurs individuels relevant du chef de division. Celles qui étaient particulièrement importantes pouvaient faire l'objet d'une deuxième et même d'une troisième évaluation. Ce processus devait conduire à une appréciation de sûreté et à un avis sur les avantages par rapport aux risques (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2037).

     Le chef par intérim de la division Infection et Immunologie, entre août 1987 et le 31 mars 1989, était M. Joseph Valadares . À cette période, la Division faisait face à un arriéré de présentations. Pour remédier à cette situation, M. Valadares a recruté du personnel pour se joindre à la Division, surtout des virologistes, en prévision de l'intérêt croissant du public pour le VIH et le SIDA et de l'afflux de présentations se rapportant à ceux-ci (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2038). M. Valadares a indiqué à M. Joshi, que s'il obtenait la cote " très satisfaisant ", il ne voyait aucune raison pour laquelle il ne pourrait pas être intégré à l'équipe de virologistes au sein de la Division (dossier de la demande, volume VII, aux pages 1066 à 1077; volume II, aux pages 105 à 107). En fait, les deux membres majoritaires du tribunal ont conclu que " M. Valadares était très satisfait de l'apport de chacun des plaignants au sein de sa Division. La preuve indique que le travail de M. Chander et de M. Joshi a fait l'objet d'éloges de la part de leur chef et d'autres personnes " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2038).

     Le 13 octobre 1988, le superviseur de M. Chander, M. Khan a fait parvenir à M. Valadares une note de service concernant l'évaluation du rendement de son subordonné. La note, dans son ensemble, était favorable à M. Chander. Bien qu"il ait trouvé que ce dernier était incapable de communiquer précisément ses idées par écrit et qu'il avait besoin d'améliorer ses connaissances scientifiques par des lectures plus approfondies des publications, M. Khan, dans son évaluation du rendement, recommandait M. Chander. Il écrit (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2039; volume XVI, onglet 7, pièce HR-2) :

         [TRADUCTION] En dernière analyse, le jugement professionnel de M. Chander et sa productivité ne sont peut-être pas comparables à celles de quelques membres d'élite de notre Division; ils sont nettement équivalents ou même supérieurs à ceux de bon nombre d'autres. Je recommande que vous envisagiez sérieusement de retenir la candidature de M. Chander pour un emploi d'une durée indéterminée au sein de notre Division.        

M. Chander a réussi à obtenir une telle évaluation malgré les conditions stressantes dans lesquelles il travaillait (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2039).

     M. Johnson est devenu directeur du Bureau en décembre 1988. Il a proposé de réduire l'arriéré du Bureau en autorisant les meilleurs évaluateurs à faire des heures supplémentaires. Le 1er février 1989, M. Johnson a choisi M. Kapitany et M. Joshi de la division Infection et Immunologie pour faire des heures supplémentaires (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2039; volume XIV, pièce HR-3; volume II, aux pages 116 à 124).

     MM. Chander et Joshi ont tous deux obtenu un bon " Examen du rendement et évaluation de l'employé " (évaluation du rendement) pour la période comprise entre avril 1988 et le 31 mars 1989. Après des remarques élogieuses, ces évaluations attribuaient, à MM. Chander et Joshi, une cote " entièrement satisfaisant ". Ces deux évaluations ont été faites par le chef par intérim, M. Valadares (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2040).

     Par voie d'affichage, le ministère de la Santé et du Bien-être social a ouvert un concours visant à combler quatre postes d'évaluateur de niveau BI-04 d'une durée indéterminée. La date limite de présentation des candidatures à l'interne était le 31 janvier 1989. MM. Joshi et Chander étaient les seuls candidats à l'interne. Le tribunal a conclu que " [à] un certain moment, l'intimé a décidé d'inviter des personnes de l'extérieur à poser leur candidature et c'est peut-être pour cette raison que les entrevues pour ce concours n'ont pas eu lieu avant mai 1989 " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2040).

     Ensuite, la situation s'est gâtée. En octobre et novembre 1988, le directeur général de la Direction des médicaments a fait circuler deux notes de service dans lesquelles il insistait pour que les médicaments contre le SIDA fassent l'objet d'un processus d'approbation accéléré. Si un médicament avait été approuvé aux États-Unis, sa présentation devait être acceptée sans modification. Il fallait mettre tout spécialement l'accent sur les présentations relatives au fluconazole (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2064 à 2066). MM. Chander et Joshi étaient tous deux au courant de la politique de traitement accéléré mise en vigueur par la Direction générale (dossier de la demande, volume III, à la page 275; volume XIII, à la page 2042; volume XVI, onglet 7, pièce HR-2).

     La division Infection et Immunologie était fort occupée à cette époque. Il fallait avoir terminé au plus tard le 3 avril 1989 dix protocoles cliniques relatifs à la présentation d'une nouvelle drogue de recherche soumise le 2 février 1989 au sujet du fluconazole (dossier de la demande, volume III, aux pages 277 à 279; volume XIII, à la page 2042). Lors d'une réunion tenue dans la matinée du 23 mars 1989, MM. Chander et Joshi ont d'abord soulevé treize points qui les préoccupaient au sujet des protocoles du fluconazole. Parmi les personnes qui se trouvaient à la réunion, il y avait M. Chander, M. Joshi, M. Khan et M. Gadd. Les protocoles en question n"en étaient encore qu"au stade de la discussion, non à ce lui de l'examen (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2042 et 2043).

     Au cours de l'après-midi, MM. Joshi et Chander étaient dans le bureau de ce dernier à examiner les points en question, lorsque MM. Gadd et Khan sont arrivés. Dans leur décision, les membres majoritaires décrivent de la façon suivante ce qui s'est passé ensuite (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2043) :

         Selon M. Joshi, MM. Gadd et Khan ne voulaient rien entendre au sujet des points soulevés et le harcelaient au sujet de sa liste. Monsieur Joshi a dit que ni M. Gadd ni M. Khan n'avaient indiqué lors de la réunion de la matinée qu'ils n'étaient pas d'accord avec les réticences exprimées par M. Joshi au sujet du fluconazole. Quand il a déclaré qu'il avait été harcelé, M. Joshi voulait dire que lorsqu'il a invoqué certains éléments de preuve scientifiques, il a senti que MM. Gadd et Khan n'écoutaient pas et faisaient presque des efforts pour ne pas comprendre. Messieurs Gadd et Khan sont partis brusquement pour se rendre au bureau de M. Johnson.        

     En ce qui concerne la validité des réticences exprimées par les intimés, les deux membres majoritaires précisent (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2043) :

         Le contre-interrogatoire de M. Joshi au sujet du fluconazole portait en grande partie sur les connaissances en cause dans les points soulevés. Monsieur Joshi y a admis que MM. Gadd et Khan avaient reçu relativement à l'un des protocoles un avis médical et avaient des renseignements pour lui. Il a souligné qu'étant donné qu'il ne savait pas clairement quels renseignements MM. Khan et Gadd avaient fournis à l'expert médical, il n'a pas été immédiatement convaincu. L'intimé n'a pas fourni la preuve de connaissances qui réfutaient directement les points soulevés. Un bon nombre des points qui figuraient dans la liste n'ont pas été abordés lors du contre-interrogatoire. Chacun des plaignants a répondu avec vigueur aux questions d'ordre scientifique qui leur ont été posées lors du contre-interrogatoire.        

Après la réunion du 23 mars 1989, MM. Chander et Joshi n'ont plus participé à l'évaluation du fluconazole et il n'a plus été question des points qu'ils avaient soulevés.

     Le 1er avril 1989, M. Valadares a été remplacé par M. Gadd à titre de chef par intérim de la Division (dossier de la demande, volume XIII, à la p. 2043).

     Avant le concours, M. Johnson, qui devait apparemment signer les évaluations du rendement, a confirmé que M. Chander obtenait la cote " entièrement satisfaisant ", mais a fait passer celle de M. Joshi à " satisfaisant " parce qu'il [TRADUCTION] " avait des raisons de mettre en doute la pertinence clinique de certains de ses commentaires sur les DNR " (drogue nouvelle de recherche) (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2044). D"après la note que M. Joshi a écrite dans la partie réservée aux remarques de l"employé, la seule drogue nouvelle de recherche dont il se soit occupée et dont M. Johnson ait eu connaissance était le fluconazole. M. Joshi a ajouté qu"il n"avait fait aucun commentaire clinique au sujet de cette drogue (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2044).

     M. Joshi a rencontré M. Johnson et M. Brill-Edwards le 12 mai 1989, afin de discuter de son évaluation du rendement. Il a tenté d'éclaircir la situation en affirmant que ses réticences étaient fondées du point de vue scientifique, mais cet argument a été écarté pace que, lui a-t-on dit, [TRADUCTION] " ces gens vont mourir de toute façon " (dossier de la demande, volume XIII, p. 2044). Il a aussi abordé avec M. Johnson la question du concours de recrutement. Ce dernier lui a signalé que la personne qui obtiendrait la promotion serait celle qui pourrait le mieux travailler avec M. Gadd (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2044).

     M. Joshi a affirmé, dans son témoignage, qu'avant cette rencontre M. Kapitany (un collègue de M. Chander et de M. Joshi) lui avait dit que M. Gadd avait tenu les propos suivants : [TRADUCTION] " ces deux bronzés ne seront pas reçus " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2045). M. Joshi a rencontré M. Michael Ryan, le représentant syndical, pour discuter avec lui de la baisse de sa cote et du concours à venir. Ce dernier lui a conseillé de se présenter à l'entrevue et de formuler un grief ensuite pour contester la baisse de sa cote (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2045).

     M. Joshi a répété à M. Chander la remarque que M. Gadd aurait faite. Auparavant, M. Kapitany lui avait aussi dit qu'il (Kapitany) avait parlé à M. Gadd, et qu'il " ne croyait pas que M. Chander avait de bonnes chances " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2045).

     À l'audience, M. Kapitany a reconnu qu'il avait effectivement eu une brève conversation avec M. Gadd au sujet des professionnels qui composaient la division Infection et Immunologie et il se rappelait que M. Gadd lui avait demandé : [TRADUCTION] " est-ce bien là le genre de personnes que nous voulons avoir dans la Division? " M. Kapitany a présumé que M. Gadd faisait allusion à MM. Joshi et Chander. Selon M. Kapitany, M. Gadd faisait allusion à la composition de la Division, c"est-à-dire qu"il se demandait s'il fallait la modifier pour inclure des infectiologues, des médecins qualifiés et des pédiatres. M. Kapitany ne se rappelait pas avoir dit à M. Joshi que M. Gadd avait déclaré : [TRADUCTION] " ces deux bronzés ne seront pas reçus ". Il ne parvenait pas à se rappeler, mais n"a pas nié, avoir dit à M. Joshi que [TRADUCTION] " vous deux, vous ne serez pas reçus " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2046).

     Les membres majoritaires ont conclu : " Nous ne croyons pas que MM. Gadd et Kapitany ont discuté de la composition de la division Infection et Immunologie sans parler du concours imminent. Nous ne croyons pas non plus que M. Gadd a parlé avec M. Kapitany de modifier la composition de la Division de manière que celle-ci soit composée de personnes possédant des qualifications que n'avaient pas M. Kapitany " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2046). Les motifs qui ont incité la majorité à conclure en ce sens sont que M. Valadares (qui n'était plus directeur par intérim à cette époque) avait embauché les deux titulaires d'un doctorat intimés, tous deux virologistes, seulement un an auparavant et que, dans le concours, il n"était pas question de médecins (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2046). L'extrait suivant tiré de la décision des membres majoritaires révèle un autre motif justifiant cette conclusion (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2047) :

         La Commission et l'intimé ont fait grand cas de la partie du témoignage de M. Kapitany où il est question des deux déclarations qu'il aurait répétées à M. Joshi. L'intimé a soutenu que sans corroboration des propos où le mot [TRADUCTION] " bronzés " aurait été utilisé, rien ne permettait de lier ces plaintes à la race. La Commission a fait valoir que M. Kapitany n'avait nié aucune de ces déclarations et que cela prouvait, en quelque sorte, que M. Gadd avait fait l'une de ces déclarations ou les deux.        
         L'intimé a soutenu qu'on ne peut pas croire le témoignage de M. Joshi parce que M. Kapitany ne se rappelait pas lui avoir dit [TRADUCTION] " ces deux bronzés ne seront pas reçus ". L'intimé a aussi fait valoir que M. Joshi n'avait pas répété exactement ces propos à Michael Ryan ou à l'enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne. Monsieur Joshi a dit qu'il avait répété exactement ces propos et à l'enquêteur et à Michael Ryan. Nous concluons que chacun des plaignants avait entendu dire avant l'entrevue d'emploi qu'il ne réussirait pas le concours .        

     [Non souligné dans l'original.]

(Lorsque le tribunal parle de " la Commission ", il s"agit de la CCDP, qui a comparu par avocat devant lui.)

Le deux membres ont conclu ceci : les intimés savaient avant l'entrevue qu'ils ne réussiraient pas le concours.

     Les entrevues de concours ont eu lieu le 30 mai 1989, dans une suite d'un hôtel de la région. Le comité d'entrevue se composait de MM. Johnson, Gadd, Khan et Krupa. M. Chander est passé le premier. Il a remarqué que le seul membre du comité à prendre des notes était M. Johnson et que ce dernier avait quitté la pièce, à un certain moment, pour répondre à un appel téléphonique. M. Chander a appris par une lettre datée du jour même, soit le 30 mai 1989, et signée par M. Dan Demers qu'aucun des candidats (ils n'étaient que deux : lui et M. Joshi) ne s'était qualifié pour le poste (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2048).

     L'entrevue de M. Joshi a immédiatement suivi celle de M. Chander. Il a remarqué, lui aussi, que M. Johnson était le seul membre du comité à prendre des notes. Au milieu de l'entrevue, M. Dan Demers a été admis dans la pièce. Après l'entrevue (qui s'est terminée vers 12 h 20), M. Joshi est retourné à son bureau. Il a constaté que tous les examinateurs étaient de retour au travail à 13 h 30. Le tribunal a conclu que le comité d'entrevue avait délibéré pendant à peu près trente minutes au total pour les deux entrevues. M. Joshi a reçu une lettre identique à celle reçue par M. Chander, elle aussi datée du 30 mai 1989.

     Le 6 juin 1989, M. Ryan, le représentant du syndical, a informé le Ministère que MM. Chander et Joshi devraient obtenir des postes permanents parce qu'il était possible de croire que la procédure était entachée de racisme. Le 8 juin 1989, M. Johnson a avisé M. Joshi que son emploi prenait fin juste deux jours plus tard, soit le 10 juin 1989. En juillet 1989, M. Johnson a mis fin au détachement de M. Chander au sein de la division Infection et Immunologie. Le 9 juin 1989, M. Joshi a déposé un grief contre la baisse de son évaluation du rendement. Il a eu gain de cause. Le 13 juin 1989, il a fait une déclaration devant la Commission et, le 15 juin 1989, les deux titulaires de doctorat ont envoyé une lettre conjointe à la Commission de la fonction publique pour demander la tenue d'une enquête visant à établir s'ils n'avaient pas tous deux été victimes d'une discrimination raciale subtile (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2050).

     Pendant les quelques mois qui ont suivi, M. Ryan et les plaignants ont fait des recherches au sujet de la plainte. Les membres majoritaires ont estimé que M. Ryan s'était montré " direct et sincère " et qu'il avait été " un témoin important pour la Commission parce qu'il a confirmé que la réponse de l'intimé aux plaignants et à la contestation par le représentant du syndicat a été, au mieux, évasive " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2050). M. Ryan a demandé au Ministère qu'il lui communique les notes qui avaient été prises au cours de la rencontre. Ne les ayant pas obtenues, il a organisé une rencontre avec le Ministère, à laquelle assistaient MM. Chander, Khan et Johnson. Il a été informé que quatre séries de notes avaient été prises lors de l'entrevue et avaient été versées au dossier, mais que c'était M. Krupa qui les avait et qu"il était, alors, provisoirement à l'étranger. M. Ryan a indiqué, dans son témoignage que ces réponses avaient été confirmées par lettre. Il a aussi confirmé que M. Krupa avait pris des mesures pour faire dactylographier une fiche d'évaluation du candidat fondée sur l"opinion générale du comité d'entrevue. En fin de compte, les seules notes qu'il a obtenues, et ce, après une demande d'accès à l'information, sont celles de M. Johnson. La membres majoritaires ont finalement conclu que seul M. Johnson avait pris des notes (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2051).

     À l'audience du tribunal, l'intimé (qui est le requérant devant la présente Cour) n'a présenté aucune preuve. À titre de requérant en l'espèce, il soulève huit questions. Chacune d'elles sera tranchée à tour de rôle.

     Dans les affaires de droits de la personne soumises à un tribunal, il incombe au plaignant de prouver, de façon suffisante, jusqu'à preuve du contraire qu"il y a discrimination. Cette preuve faite, il revient à l'intimé de réfuter l'allégation. Pour ce faire, il doit fournir une explication au moins aussi cohérente que la preuve établie en premier lieu. Si l'intimé y parvient, alors le plaignant doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'un motif de distinction illicite a été appliqué (Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd. , [1985] 2 R.C.S. 536, à la page 558).

     La norme de contrôle qui s"applique aux décisions des tribunaux des droits de la personne sur des questions de droit est celle de la justesse. Les cours saisies du contrôle judiciaire s"inclineront en matière d"appréciation des faits. C"est ce qu"indique la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Mossop , [1993] 1 R.C.S. 554, lorsque le juge LaForest écrit, à la page 585 :

         L'expertise supérieure d'un tribunal des droits de la personne porte sur l'appréciation des faits et sur les décisions dans un contexte de droits de la personne. Cette expertise ne s'étend pas aux questions générales de droit comme celle qui est soulevée en l'espèce. Ces questions relèvent de la compétence des cours de justice et font appel à des concepts d'interprétation des lois et à un raisonnement juridique général, qui sont censés relever de la compétence des cours de justice. Ces dernières ne peuvent renoncer à ce rôle en faveur du tribunal administratif. Elles doivent donc examiner les décisions du tribunal sur des questions de ce genre du point de vue de leur justesse et non en fonction de leur caractère raisonnable.        

Ce principe, la Cour suprême l"a confirmé dans l'arrêt Gould c. Yukon Order Pioneers , [1996] 1 R.C.S. 571, et dans l'arrêt Ross c. Conseil scolaire du district No 15 du Nouveau-Brunswick [1996] 1 R.C.S. 825.


     Le point capital de l'argumentation du gouvernement est le suivant : ce n"est pas pour une question de racisme que MM. Chander et Joshi n'ont pas obtenu de promotion, mais en raison d'un conflit de personnalités survenu au cours de l'" incident du fluconazole ".

     La première question, telle que formulée par le requérant, consiste à savoir si les deux membres majoritaires ont commis une erreur dans la manière dont ils ont appliqué les critères relatifs à la preuve suffisante à première vue et au fardeau de la preuve, et s'ils ont négligé d'établir que les intimés s'étaient acquittés du fardeau qui leur incombait. Comme la discrimination raciale est un acte répréhensible, le requérant soutient que la norme de preuve devrait être supérieure à la prépondérance des probabilités, qui s'applique dans les cas ordinaires de discrimination [Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke (1982), 3 C.H.R.R. D/781; O.H.R.C. v. Jeffery House et al. (520-93), 8 novembre 1993 (C. div. Ont.)]. Dans l'affaire Jeffery House, une formation de trois juges de la Cour divisionnaire de l'Ontario a précisé :

         [TRADUCTION] Toute discrimination raciale porte atteinte aux fondements même d'une société pluraliste et démocratique. Il est en effet d'une extrême gravité que cette forme de discrimination existe ou ait existé dans une institution publique importante comme un grand hôpital. Une conclusion négative rendue par la commission d'enquête pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour les intimés du fait qu'elle peut entacher sérieusement leur réputation.        

     Très bien. L'erreur que le requérant reproche aux membres majoritaires d"avoir commise serait d'avoir négligé d'essayer de [TRADUCTION] " déterminer si le différend et la colère qu'a entraîné l'incident du fluconazole constituaient une autre explication de l'événement " (dossier de la demande, volume XVII, à la page 2346). L'omission de vérifier s'il existait une autre explication constitue une erreur de droit. Toutefois, le tribunal a bel et bien cherché à savoir si le requérant offrait une autre explication valable et a conclu qu'il n'en avait pas : " L'intimé n'a fourni aucune explication raisonnable. Les explications données sont incompatibles avec la preuve. Les plaignants ont établi l'existence d'une preuve prima facie qui n'a pas été réfutée par l'intimé " (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2059 et 2060). Il s'agit d'une conclusion de fait et, bien qu"il soit possible pour la présente Cour d"en arriver à une conclusion totalement différente (comme l'a fait le président du tribunal), elle s'inclinera devant la décision sur une question de fait rendue par le tribunal.

     La deuxième question que soulève le requérant consiste à savoir si la majorité a commis une erreur en ne donnant pas à la preuve mise en évidence par le contre-interrogatoire le sens qui lui revenait et en ne réalisant pas que la preuve mise en évidence par le contre-interrogatoire constitue une preuve, même si le requérant n'a appelé aucun témoin. Cet argument repose sur la conclusion de la majorité selon laquelle le requérant " a opposé une dénégation pure et simple, sans avoir recours à des témoins pour fournir une explication ou une version différente des faits " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2051). Le requérant soutient qu'il s'agit d'une erreur de droit parce que les deux membres n'ont pas reconnu que le contre-interrogatoire avait fourni les réponses recherchées, et d'une erreur de fait parce que le fait d"avoir négligé cette preuve a entraîné une conclusion abusive ou arbitraire qui ne tient pas compte de la preuve présentée.

     La majorité était consciente que le contre-interrogatoire représentait la preuve du Ministère, et son point de vue. Le contexte complet de la phrase mentionnée précédemment est le suivant :

         À la fin de l'exposé de la preuve de la Commission, l'intimé a fait part de son intention de ne pas assigner de témoins parce qu'il estimait qu'il n'y avait aucune preuve à réfuter. Du début à la fin de l'audience, l'intimé a répondu vivement aux plaintes en produisant des arguments par l'intermédiaire de son avocat. L'intimé a opposé une dénégation pure et simple, sans avoir recours à des témoins pour fournir une explication ou une version différente des faits. (Dossier de la demande, volume XIII, à la page 2051.)        

Cet extrait de la décision montre que la majorité s'est bien rendu compte que le Ministère avait produit une preuve. Elle a conclu que la stratégie de l'intimé (le requérant en l'espèce) avait pris la forme d'une dénégation pure et simple. Ainsi, il n'y a pas d'erreur de droit. De plus, comme il a été mentionné précédemment, la majorité n"a pas conclu que la preuve produite par le requérant au moyen du contre-interrogatoire avait réussi à réfuter la preuve suffisante à première vue de discrimination.

     La troisième question soulevée consiste à savoir si les deux membres majoritaires se sont trompés en appliquant les éléments, qui, selon eux, étaient requis par la loi pour établir une preuve suffisante à première vue. En matière d'emploi, il existe deux critères, fort similaires, pour décider s"il y a une preuve suffisante à première vue de discrimination. La majorité a cité ces critères. Le premier est tiré de la décision Shakes v. Rex Pak Ltd. (1982) 3 C.H.R.R. D/1001 et décrit un cas de discrimination apparemment fondé de la manière suivante :

     a) le plaignant avait les compétences requises pour l'emploi;

     b) le plaignant n'a pas été engagé; et

     c) une personne qui n'était pas mieux qualifiée mais qui ne possédait pas la caractéristique dont il est question dans le principal chef d'accusation de la plainte déposée en matière des droits de la personne a obtenu le poste.

     Le deuxième a été exposé dans la décision Israeli c. Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la Fonction publique (1983), 4 C.H.R.R. D/1616 :

     [le plaignant doit démontrer]

     a) qu'il appartient à l'un des groupes susceptibles d'être victimes de discrimination aux termes de la Loi, du fait, par exemple, de sa religion, d'une déficience physique ou de sa race;
     b) qu'il s'est porté candidat à un poste que l'employeur désirait combler et qu'il possédait les compétences voulues;
     c) que sa candidature a été rejetée en dépit du fait qu'il était qualifié; et
     d) que, par la suite, l'employeur a continué d'étudier les demandes de candidats possédant les mêmes qualifications que le plaignant.

     Ces deux critères s'appliquent à des situations différentes. Celui de l'affaire Shakes vise les cas où quelqu'un d'autre que le plaignant est engagé. Celui de l'affaire Israeli, les cas où l'employeur n'a pas engagé le plaignant, mais continue ensuite de chercher des employés. Le requérant soutient que les deux membres majoritaires ont commis une erreur parce qu'ils ont estimé qu'aucune preuve n'avait produite concernant le troisième élément du critère prévu dans l'affaire Shakes, tout en concluant quand même qu'une preuve suffisante à première vue avait été établie.

     Les membres de la majorité n'ont pas commis une telle erreur. Ils ont appliqué le critère de la manière suivante (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2058) :

         D'après la preuve, il n'y avait pas d'autres candidats avec lesquels il était possible de comparer MM. Joshi et Chander. Ces derniers ont participé tous les deux au concours interne ou restreint, et ils étaient les deux seuls candidats pour les postes offerts. Les plaignants avaient les compétences requises pour le poste en cause et, après les avoir informés dans une lettre datée du jour de l'entrevue qu'ils n'avaient pas les compétences requises, l'intimé a fait passer des entrevues à des candidats possédant les mêmes qualifications que les plaignants dans le cadre d'un cours externe ou public. Messieurs Joshi et Chander n'ont pas été comparés avec les candidats du concours public.        

     Selon le requérant, il importe peu que le poste ait été comblé ou non : [TRADUCTION] " la véritable question est de savoir qui a été choisi pour combler ce poste " (dossier de la demande, volume XVII, à la page 2357). Il déclare ensuite que les éléments énumérés dans l'affaire Shakes n'ont pas été prouvés. Voilà qui élude la question. Le tribunal a conclu que les deux intimés n'avaient pas été comparés aux candidats du concours externe ou public. Par conséquent, la seule époque en cause pour l'évaluation est le concours restreint ou interne. Donc, c'est le critère formulé dans l'affaire Israeli qui s'applique.

     Comme l'illustre les extraits mentionnés précédemment, la majorité a saisi cette nuance. Dans sa conclusion, elle a appliqué le critère formulé dans l'affaire Israeli : " Nous concluons que les éléments de preuve fournis suffisent pour établir l'existence d'un cas prima facie de discrimination. Chacun des plaignants possédait les compétences requises pour l'emploi mais aucun n'a été engagé. L'intimé a continué à chercher des candidats possédant les compétences qu'avaient les plaignants " (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2059).

     Il est vrai qu'à la page 2058 du dossier de la demande les membres majoritaires déclarent qu'aucune preuve n"a été avancée pour indiquer qui avait finalement été engagé. Ce renseignement n'était pas nécessaire étant donné qu'ils avaient auparavant conclu que MM. Joshi et Chander n'avaient pas été comparés avec les candidats du concours public. Il n'y a aucune erreur dans l'application des éléments requis pour faire une preuve suffisante à première vue de discrimination.

     La quatrième question en litige consiste à savoir si les membres de la majorité ont compris la portée de l'incident du fluconazole. Le requérant soutient qu'ils ont commis une erreur en croyant que le requérant essayait de prouver que les inquiétudes scientifiques de l'intimé étaient hors de propos. Le requérant soutient que la majorité auraient dû chercher à savoir, comme l'a fait le membre dissident, si l'incident avait provoqué un changement d'attitude à l'égard des intimés.

     Les membres majoritaires ont conclu que l'attitude de l'employeur face à l'incident du fluconazole pouvait s'interpréter de trois manières : soit, premièrement, que les inquiétudes des intimés étaient ridicules d'un point de vue scientifique, soit, deuxièmement, que ces inquiétudes étaient déraisonnables face à l'urgence d'approuver la présentation, soit, troisièmement que " des divergences d'opinion sur des questions scientifiques n'étaient pas permises. [...] Rien dans la preuve n'indiquait que les divergences d'opinion au sujet de la présentation relative au fluconazole pouvait retarder les essais cliniques de cette drogue importante " (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2052 et 2053). Selon le membre dissident, l'incident du fluconazole expliquait pourquoi les deux titulaires de doctorat n'avaient pas été promus : leur conduite avait contrarié les autres membres de la division Infection et Immunologie, qui l"ont perçue comme une cause inutile de retard. (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2064 à 2066).

     Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, il s'agit de savoir s'il faut infirmer une conclusion de fait qui repose sur une déduction raisonnable. Les deux opinions montrent qu'il est possible d"interpréter cet incident de deux manières. Il est possible de tirer des conclusions des circonstances dans lesquelles se sont retrouvés les plaignants. Il s'agit bien plus d'une question de fait que d'une question de droit, et la présente Cour s'inclinera devant les conclusions des membres majoritaires. La Cour fait également remarquer que le requérant a pris un risque en n'appelant aucun témoin et trouve que s'il en avait appelé ne serait-ce qu'un pour attester du climat tendu sur le plan professionnel et non racial au sein de la division Infection et Immunologie, son point de vue aurait pu ressortir beaucoup plus facilement.

     La cinquième question soulevée consiste à savoir si la majorité a eu tort de se fier à la preuve apportée par M. Kapitany. Cette preuve a trait aux deux déclarations qu'il aurait faites, savoir a) " ces deux bronzés ne seront pas reçus " (propos qui auraient été tenus par M. Gadd et rapportés à M. Joshi par M. Kapitany) et b) que MM. Chander et Joshi ne réussiraient pas le concours.

     Le requérant s'est donné beaucoup de mal pour essayer de démontrer que les membres majoritaires se sont trompés en se fiant à la déclaration de M. Kapitany et a présenté, par écrit, des observations énergiques sur les circonstances dans lesquelles ce dernier avait témoigné. Il n'en reste pas moins que la situation est la suivante : la majorité a conclu que M. Joshi était digne de foi. Par conséquent, elle a cru M. Joshi. Par ailleurs, elle a conclu que M. Kapitany ne pouvait ni se rappeler, ni nier, avoir fait ces déclarations. Elle écrit (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2046) :

         Monsieur Kapitany ne se rappelait pas avoir indiqué à M. Joshi que M. Gadd avait dit : [TRADUCTION] " ces deux bronzés ne seront pas reçus ". Il ne se souvenait pas non plus avoir dit : [TRADUCTION] " vous deux, vous ne serez pas reçus "; il ne pouvait toutefois pas nier avoir fait une telle déclaration.        

     Le requérant semble presser la Cour de conclure, soit que le fait que M. Kapitany ne puisse pas se rappeler avoir fait cette déclaration, sans pouvoir le nier, devrait avoir la même force probante que le témoignage de M. Joshi, soit que la majorité a commis une erreur en tirant une conclusion sur la teneur de la conversation entre M. Kapitany et M. Gadd à propos de la composition de la division Infection et Immunologie. La majorité n'a pas commis une telle erreur. Elle s'est fiée au témoignage digne de foi de M. Joshi. Elle a rejeté la version donnée par M. Kapitany de la conversation au sujet de la composition de la division Infection et Immunologie. Il s'agit d'une conclusion quant à la crédibilité, une question qui ressortit entièrement au tribunal. La majorité savait parfaitement dans quelles circonstances M. Kapitany avait témoigné. À titre d'exemple, la transcription révèle l'échange suivant, qui a eu lieu, à l'audience, entre l'avocat de la Commission et M. Kapitany :

         [TRADUCTION] Q. Vous souvenez-vous m'avoir répondu : " Je ne peux dire ça. Vous essayez de me faire dire des choses qui ne sont pas vraies. Je ne mentirai pas pour vous. Vous m'insultez. " Vous souvenez-vous avoir dit cela?        
         R. Non, maître, mais je me rappelle que vous m'avez dit que si je ne vous donnais pas la réponse que vous attendiez, je pouvais être condamné à une amende de 5 000 $ ou être envoyé en prison, et je vous ai répondu que, malgré vos menaces, je ne répondrais aux questions que le plus franchement possible.        
         [...]        
         Q. Et vous souvenez-vous avoir répondu : " Je vous ai dit que je ne savais pas. Je ne mentirai pas pour vous, même si je suis un ami de Chander. " Vous souvenez-vous m'avoir fait cette réponse?        
         R. Je me rappelle vous avoir répété cela, maître, mais, autant que je me souvienne, ce ne sont pas les réponses que j'ai données aux questions que vous m'avez posées au cours de cet échange. C"était pour répondre à d'autres questions au cours d'autres échanges qui ont fait suite à une attaque où vous vous êtes montré extrêmement agressif et insultant à mon endroit, maître, et au cours de laquelle vous m'avez menacé, menacé d'une amende, menacé de m'envoyer en prison --        
         [...]        
         Q. Après que vous m'avez répondu : " J'ai dit bien des choses à bien du monde ", est-ce que je vous ai dit : " Vous ne m'aidez pas beaucoup, M. Kapitany "?        
         R. Oui je me souviens que vous m'ayez fait une remarque de ce genre. Oui. Vous ne m'avez pas dit : " Vous ne m'aidez pas beaucoup, M. Kapitany ". Je crois, maître, que vous étiez très énervé, vous étiez tout rouge, vous avez pratiquement hurlé : " Vous ne m'aidez pas beaucoup, M. Kapitany ". Vous ne me lâchiez pas.        
         Au cours de cette discussion, vous tapiez un livre du doigt en disant que si je refusais de collaborer avec vous, j"irais en prison, j"aurais une amende de 5 000 $, et ceci après que j'ai subi, lorsque j'ai pénétré dans la pièce, une incroyable agression de la part de Me Diar, qui a mis en doute ma religion, comment je pouvais être fidèle à ma religion si je ne répondais pas aux questions - il me disait : " Parlez-moi de vos principes religieux. Comment pouvez-vous affirmer que vous observez vos principes religieux? " Je ne me rappelle pas de ce qu'il me rabâchait. En plus de tout cela, maître, j'ai été insulté comme jamais je ne l'avais été de ma vie (dossier de la demande, volume IX, aux pages 1359 à 1361).        

Il ressort donc que les avocats de la CCDP étaient émotivement très pris par leur tâche. Toutefois, c"est entièrement au tribunal qu"il revenait d'apprécier cette situation, à l'égard de M. Kapitany, au moins. La crédibilité de M. Joshi ne s'en trouve pas amoindrie.

Par rapport à cet échange, la présente Cour attire l"attention sur les propos tenus par la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'affaire Jeffery House :

         [TRADUCTION] La Cour estime également, bien qu'il ne soit pas nécessaire de se prononcer sur cette question aux fins de la présente décision, que le rôle de l'avocat de la Commission est analogue à celui du ministère public en matière criminelle.        
             On ne saurait trop répéter que les poursuites criminelles n'ont pas pour but d'obtenir une condamnation, mais de présenter au jury ce que la Couronne considère comme une preuve digne de foi relativement à ce que l'on allègue être un crime.                
             R. c. Stinchcombe, p. 333.                
             D'une manière générale, les substituts du procureur général au Canada se sont montrés traditionnellement très soucieux de jouer leur rôle de " ministres de la justice " plutôt que celui d'adversaires.                
             R. c. Stinchcombe, p. 341.                

Il ressort des pages 2046 et 2047 du dossier de la demande que la majorité était au courant de la situation. Il n'appartient pas à la présente Cour de s'immiscer dans la conclusion tirée par la majorité sur une question de crédibilité. Par conséquent, les membres majoritaires du tribunal n'ont pas commis d'erreur en traitant le témoignage de M. Kapitany comme ils l'ont fait.

     La septième question dont la Cour est saisie consiste à savoir si les deux membres majoritaires ont commis une erreur en ne se fiant pas aux notes prises par le jury de sélection, qui indiquaient que les intimés n'avaient pas obtenu de bons résultats à l'entrevue. L"idée maîtresse de cet argument semble être que la preuve n'étaye pas la conclusion de la majorité selon laquelle les intimés étaient qualifiés pour le poste et, donc, qu'il manquait un élément pour établir une preuve suffisante à première vue de discrimination. La majorité a conclu que les deux plaignants étaient qualifiés parce que leur évaluation du rendement leur accordait une cote " entièrement satisfaisant ". Même si la présente Cour peut ne pas souscrire à une telle conclusion de fait, elle doit s'incliner devant elle. Elle n'est ni abusive, ni arbitraire.

     La deuxième partie des observations du requérant relativement à cette question porte sur la conclusion du tribunal selon laquelle les représentants du Ministère " ont menti " et ont répondu évasivement aux demandes formulées par le représentant syndical des plaignants (dossier de la demande, volume XIII, aux pages 2051 et 2059). Le Ministère prétend que cette conclusion se base sur le témoignage de M. Ryan, qui a affirmé que le Ministère lui avait indiqué que les membres du jury de sélection avaient pris beaucoup de notes (quatre séries), et que cette affirmation est incompatible avec la conclusion de la majorité selon laquelle seul M. Johnson aurait pris des notes durant l'entrevue (dossier de la demande, volume XIII, à la page 2051). Il n'est sûrement pas incohérent pour la majorité de conclure que le Ministère avait menti à M. Ryan, tandis qu'elle estime, en fait, qu"il n'y avait eu qu'une seule série de notes. Toutefois, cette conclusion justifiée n'a pas eu de conséquence sur l'issue du litige. Aucune preuve ne laisse croire non plus que cette conclusion a, dans une certaine mesure, prévenu les membres de la majorité contre le Ministère.

     La huitième et dernière question en l'espèce consiste à déterminer si les membres de la majorité ont commis une erreur en concluant que les plaignants ne s'étaient pas montrés évasifs et n'avaient pas avancé des allégations imprécises ou exagérées de racisme. Le requérant soutient que [TRADUCTION] " le dossier est plein de réponses évasives et d'allégations exagérées et imprécises formulées par les deux intimés ".

     L'avocat du requérant se plaint de l'appréciation de la preuve et plus particulièrement des conclusions que la majorité a tirées en matière de crédibilité (ou d'absence de crédibilité) en appréciant le témoignage du plaignant M. Joshi et celui du témoin M. Kapitany, lequel témoignage a été qualifié de ouï-dire double. Il pourrait tout aussi bien adresser sa plainte au Parlement parce que la majorité n'a tiré aucune conclusion qui lui était interdite par la loi.

         50.(2) Pour la tenue de ses audiences, le tribunal a le pouvoir :        

     [...]

         c) de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale [...] sous serment ou par tout autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire.        

     En adoptant une telle disposition législative, le Parlement a lui-même rejeté la sagesse acquise avec le temps et la connaissance la nature humaine concrétisée dans les règles de preuve que les cours de justice appliquent, et a exempté les tribunaux des droits de la personne de leurs contraintes. Bien que la preuve sur laquelle repose principalement la conclusion de discrimination tirée par le tribunal soit mince, il existe, effectivement, une certaine preuve. M. Joshi, reconnu digne de foi, a affirmé que M. Kapitany lui avait rapporté que M. Gadd avait prédit que les " bronzés " ne seraient pas promus. M. Kapitany a prétendu qu'il était incapable de s'en rappeler, non que cela ne s'était jamais produit. M. Gadd n'a pas témoigné. Ainsi, bien qu"elle soit mince, il reste une certaine preuve, recevable et valable, selon la volonté du Parlement telle qu'elle a été concrétisée dans l"extrait de loi cité précédemment.

     La majorité a raisonnablement déduit que la conversation rapportée par M. Kapitany ne voulait pas dire que les " bronzés " ne remplissaient pas les conditions requises parce qu'ils n'étaient, et ne sont, pas des médecins dont ils avaient un grand besoin, et ce, parce qu'il n'était simplement pas question de médecins dans les particularités des postes en question. Il était raisonnablement possible de déduire que les " bronzés " étaient les plaignants.

     L'idée maîtresse de l'argument du requérant est que la majorité n'aurait pas conclu comme elle l'a fait sur la question de la crédibilité des plaignants si elle avait tenu compte des exemples que le requérant cite. Encore une fois, se rendre à cet argument obligerait la Cour à annuler des conclusions de fait et de crédibilité tirées par le tribunal, un domaine qui relève de sa spécialité. Autant la Section du statut de réfugié est spécialisée dans l'évaluation des faits et de la crédibilité (Aguebor v. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315), autant l"est un tribunal des droits de la personne. Même s"il était possible pour la Cour de juger la crédibilité des intimés d'une façon fort différente, compte tenu de certains exemples cités par le requérant, elle n'a pas entendu tous les témoignages et elle s'inclinera devant l'évaluation des faits et de la crédibilité faite par le tribunal. La preuve d'une discrimination raciale est souvent difficile à découvrir. Après tout, M. Gadd et ses collègues ne sont pas d'impudents Zündel, Keegstra ou McAleer. La décision de la majorité n'est pas " manifestement déraisonnable ".

     Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du dossier T-58-96 est rejetée.

     La question en litige dans la demande connexe T-957-96 vise l'autre décision rendue par le tribunal, à l'unanimité cette fois-ci, sur la question des dommages-intérêts et des mesures de réparation accordés le 2 mars 1996. Le requérant a formulé de la manière suivante les questions dont il saisit la Cour [dossier de la demande (T-957-96), volume II, à la page 35] :

         [TRADUCTION]
         (i) Le tribunal a commis une erreur en statuant " que la preuve appuyait sans équivoque la conclusion voulant que chacun des deux plaignants soient qualifiés pour occuper un poste de niveau BI-04 " et, par conséquent, a commis une erreur et a outrepassé sa compétence en ordonnant que les plaignants " soi[en]t nommé[s] pour une période indéterminée à un poste approprié de niveau BI-04 ". Compte tenu de la preuve qui lui était présentée, notamment du fait que les collègues des plaignants et leurs supérieurs ont mis en doute ces qualifications, le tribunal a commis une erreur en ne renvoyant pas la question de savoir si les plaignants étaient qualifiés pour un poste BI-04 à un nouveau jury de sélection composé d'au moins une personne possédant les connaissances scientifiques nécessaires, avec des directives visant à s'assurer d'une évaluation juste, avertie et impartiale de cette question.        
         (ii) Le tribunal a commis une erreur en ordonnant le versement, à M. Joshi, de l'indemnité maximale de 5 000 $.        

S'il n'a pas gain de cause sur ces points, le requérant ne poursuivra pas les moyens soulevés dans l'avis de requête introductive d'instance qui contestait l'attribution par le tribunal d'indemnités représentant une année de perte de revenu au niveau BI-04.

     Dans l'arrêt O'Malley, précité, la Cour suprême a formulé la remarque suivante, à la page 547, au sujet des recours s'appliquant aux affaires de droits de la personne : " Le Code vise la suppression de la discrimination. C'est là l'évidence. Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l'auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination. "

     Les mesures de réparation sont prévues à l'article 53 de la Loi. En voici le libellé :

         53.(1) À l'issue de son enquête, le tribunal rejette la plainte qu'il juge non fondée.        
         (2) À l'issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire :        
             a) de mettre fin à l'acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment :                
                 (i) d'adopter un programme, plan ou arrangement visé au paragraphe 16(1),                        
                 (ii) de présenter une demande d'approbation et de mettre en oeuvre un programme prévus à l'article 17;                        
             b) d'accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont, de l'avis du tribunal, l'acte l'a privée;                
             c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;                
             d) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte.                
         (3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le tribunal peut ordonner à l'auteur d'un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de cinq mille dollars, s'il en vient à la conclusion selon le cas :        
             a) que l'acte a été délibéré ou inconsidéré;                
             b) que la victime en a souffert un préjudice moral.                

     Le tribunal a rejeté la prétention du requérant voulant qu'il y avait lieu de former un nouveau jury de sélection et de refaire le concours. Le tribunal écrit (dossier de la demande, volume II, à la page 24) :

         Avant de rendre une ordonnance en l'espèce, le Tribunal tient à déclarer qu'il est unanime sur un point : dans la décision rendue le 13 décembre 1995, tant la majorité que le membre dissident ont estimé en des termes clairs, sinon exprès, que la preuve appuyait sans équivoque la conclusion voulant que chacun des deux plaignants soient qualifiés pour occuper un poste de niveau BI-04.        
         Au surplus, aucune preuve n'a été présentée par l'intimée pour réfuter une telle conclusion.        
         Le Tribunal estime qu'il ne conviendrait pas d'ordonner la constitution d'un autre jury de sélection pour trancher la question.        

Le tribunal a poursuivi en ordonnant, en application de l'alinéa 53(2)b) de la Loi canadienne des droits de la personne, que M. Joshi soit réintégré pour une période indéterminée à un poste approprié de niveau BI-04. Le tribunal lui a aussi accordé une indemnité de 63 588,44 $ pour les pertes de salaire et, en application de l'alinéa 53(3)b) de la Loi, des dommages-intérêts de 5 000 $ pour préjudice moral. Pour ce qui est de M. Chander, qui travaillait encore pour le requérant comme biologiste de niveau BI-03, le tribunal a ordonné qu'il soit nommé pour une période indéterminée à un poste de niveau BI-04, que le requérant lui verse 40 601,25 $ pour les pertes de salaire et 1 000 $ pour préjudice moral. Tous deux devaient obtenir leurs nouveaux postes dès que ce serait raisonnablement possible.

     Comme la Cour l'a mentionné précédemment le tribunal, tant dans sa décision sur les mesures de réparation que dans sa discussion sur la question de savoir si une preuve suffisante à première vue de discrimination avait été établie, a conclu, à l'unanimité, qu"il était un fait que les plaignants étaient tous deux qualifiés pour le poste. Le requérant demande à la présente Cour d'infirmer une conclusion de fait fondée sur une preuve, qui, bien que n'étant pas nécessairement la plus solide, ne révèle pas une conclusion de fait abusive et arbitraire. En outre, il serait contraire au sens commun pour la présente Cour de décider que le tribunal a correctement conclu que les intimés ont établi une preuve suffisante à première vue d'une discrimination, dont la qualification représentait un élément, et d'ordonner ensuite la tenue d'un nouveau concours pour établir si les candidats étaient valablement qualifiés. Le tribunal n'a commis aucune erreur de droit ou de fait en rejetant cette prétention. Les mêmes commentaires s'appliquent à l'indemnité accordée à M. Joshi.

     Par ailleurs, le tribunal était également fondé, en droit, d'ordonner la réintégration de M. Joshi et le M. Chander " dès que les circonstances le permettent ". Une telle mesure concorde avec les dispositions législatives et avec la décision du juge Rothstein dans l'affaire Canada c. Uzoaba , [1995] 2 C.F. 569. Le rétablissement s'applique aussi à la promotion. Dans l'affaire Uzoaba, le juge Rothstein a conclu, à la page 579 :

         [...] en ce qui concerne le rétablissement de l'employé, il s'agit plutôt d'une question de suffisance de la preuve. Si M. Uzoaba avait été rétabli à un poste de niveau supérieur en l'absence d'éléments de preuve indiquant que la promotion était raisonnablement prévisible, le Tribunal aurait alors commis une erreur. Mais ce n'est pas le cas en l'espèce. Certains éléments de preuve indiquaient qu'il existait une possibilité sérieuse que M. Uzoaba aurait atteint le niveau WP-5 au moment de la décision du Tribunal. Pour le critère de la " possibilité sérieuse ", voir l'arrêt Canada (Procureur général) c. Morgan , [1992] 2 C.F. 401 (C.A.), à la page 411, le juge Marceau.        

Le tribunal disposait, selon les mots utilisés par le juge Rothstein, de " certains éléments de preuve " qui, une fois de plus, font que la " Cour ne peut intervenir " (page 579). Cette décision, il faut le répéter, n'est pas manifestement déraisonnable, mais bien, en fait, raisonnable.

     Le tribunal a également invoqué l'affaire Morgan (également publiée à [1992] C.F. 401) au sujet des dommages-intérêts et a adopté le critère de la prévisibilité raisonnable. Il n'a commis aucune erreur dans l'évaluation des dommages-intérêts parce que la preuve de la perte de revenu dont il disposait était complète. La demande de contrôle judiciaire (certiorari) du dossier T-957-96 est, elle aussi, rejetée.

     Par ces motifs, la Cour rejette les deux demandes de contrôle judiciaire. La règle 1618 s'applique de la manière habituelle.

                                     F.C. Muldoon
                    
                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 mai 1997

Traduction certifiée conforme     
                                 Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NOS DU GREFFE :              T-58-96; T-957-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ministère de la Santé nationale et du
                         Bien-être social,
                                         requérant,
                         - et -
                         Satish Chander, et al.,
                                         intimés.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 13 mai 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

en date du 21 mai 1997

ONT COMPARU :

Me Arnold Fradkin                  POUR LE REQUÉRANT
Me Prakash Diar                  POUR L'INTIMÉE LA
                             COMMISSION CANADIENNE DES
                             DROITS DE LA PERSONNE
Satish Chander                  POUR SON PROPRE COMPTE
Narendra Nath Joshi                  POUR SON PROPRE COMPTE

PROCUREUR INSCRIT AU DOSSIER :

Me George Thompson              POUR LE REQUÉRANT

Sous-procureur général du Canada

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