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Date : 20040308

Dossiers : IMM-2754-03

IMM-4503-03

Référence : 2004 CF 344

ENTRE :

                                                 SAMUEL JEYAKUMAR JOSEPH

ANGELINE RANJIT JOSEPH

SHARON CHRISTINA JOSEPH

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN


1.                   Le dossier de la Cour n ° IMM-2754-03 concerne une demande de contrôle judiciaire visant la décision, du 9 avril 2003, par laquelle l'agent d'immigration J. Knight (l'agent) a rejeté la demande des demandeurs de résidence permanente sans avoir à quitter le Canada pour des considérations humanitaires (CH). Cette demande a été instruite en même temps qu'une demande (dossier de la Cour n ° IMM-4503-03) visant le contrôle judiciaire de la décision du 21 février 2003 de Charline Bourque, agente d'examen des risques avant renvoi (l'agente d'ERAR), portant que les demandeurs ne courraient pas de risque s'ils devaient retourner au Sri Lanka. Les deux demandes concernent les mêmes parties et se fondent sur les mêmes faits.

LES FAITS

2.                   Les demandeurs sont des citoyens du Sri Lanka. Samuel Jeyakumaran Joseph, le demandeur principal, est né le 17 février 1957 à Inuvil, Jaffna, au Sri Lanka. Son épouse Angeline Ranjit Joseph est née le 8 février 1960 à Manipay, Jaffna, au Sri Lanka. Leur fille Sharon est née le 7 septembre 1994.

3.                   De nombreuses étapes, qu'on peut résumer comme suit, ont jalonné la présente demande.

-           Les demandeurs sont arrivés au Canada le 13 février 1999. Ils ont revendiqué le statut de réfugié au motif qu'ils sont des Tamouls du nord du Sri Lanka persécutés par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) et par le gouvernement du Sri Lanka.

-           Par une décision du 11 janvier 2000, la SSR a rejeté les revendications des demandeurs. Notre Cour a rejeté leur demande de contrôle judiciaire.

-           Les demandeurs ont ensuite demandé, en juillet 2000, à obtenir la résidence permanente pour CH et à faire l'objet d'un examen des risques avant renvoi (ERAR).

-           Par décision datée du 20 mars 2003, on a rejeté leur demande d'ERAR.

-           Par décision datée du 9 avril 2003, on a rejeté leur demande pour CH.


-           En août 2003, on a enjoint aux demandeurs de se présenter en vue d'être renvoyés du Canada.

-            La requête qu'ils ont présentée à la Cour en vue du sursis d'exécution de la mesure d'expulsion a été rejetée le 12 août 2003.

-           Les demandeurs ont cherché refuge dans leur église; ils ne se sont pas présentés pour leur renvoi ni ne se sont conformés à l'ordonnance de la Cour.

-           Les demandeurs ont obtenu l'autorisation de demander le contrôle judiciaire à l'égard de deux refus, et ces demandes sont maintenant instruites conjointement.

LA DEMANDE POUR CH

4.                   Par leur demande pour CH, les demandeurs ont cherché à être dispensés de l'obligation habituellement imposée par la loi à toutes les personnes qui désirent obtenir la résidence permanente au Canada, soit celle de présenter leur demande à l'extérieur du Canada. Ils ont fait valoir ce qui suit pour qu'on leur accorde cette dispense :

(i)          ils subiraient un tort, en raison du climat politique, s'ils devaient être renvoyés au Sri Lanka;

(ii)         le demandeur principal perdrait l'emploi qu'il occupe depuis trois ans en cas de renvoi;

(iii)        les demandeurs seraient éloignés des membres de leur famille et de leur collectivité en cas de renvoi.

Ils ont produit ce qui suit à l'appui de leur demande :

-           des documents sur la situation dans le pays (88 pages) laissant voir qu'ils feraient l'objet de persécution et de violations des droits de la personne au Sri Lanka;


-           diverses lettres d'appui, dont une lettre de l'employeur du demandeur principal, la Banque Laurentienne, des certificats de perfectionnement scolaire pour les demandeurs adultes, des attestations de réussite pour la demanderesse mineure et des lettres d'appui provenant de membres de l'Église des demandeurs, de membres de leur famille et d'amis au Canada;

-           des preuves de propriété de biens, dont des meubles de ménage, des économies sous forme de REER et une automobile;

-           des lettres d'appui de membres de leur famille au Canada et des documents démontrant qu'ils font du bénévolat, notamment pour leur Église.

LA DÉCISION POUR CH

5.                   L'agent a conclu qu'il n'y avait pas de motifs suffisants justifiant que les demandeurs présentent une demande sans avoir à quitter le Canada en conformité avec le paragraphe 25(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), lequel prévoit ce qui suit :


Séjour pour motif d'ordre humanitaire

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

Humanitarian and compassionate considerations

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations. [emphasis added]


6.                   L'agent a énoncé les motifs spécifiques suivants, à la page 6 :

[traduction]

Les intéressés sont au Canada depuis février 1999, soit depuis quatre ans, ce que je ne considère pas être une longue période.


Ils n'ont fourni aucune preuve documentaire de perfectionnement scolaire, en ce qui les concerne et en ce qui concerne leur enfant.

Les intéressés n'ont fourni aucune preuve documentaire relativement à des biens ou des économies au Canada.

Ils ont fourni la preuve qu'ils effectuaient du bénévolat, mais ils ne semblent pas en avoir fait à long terme.

[...]

J'ai étudié avec soin l'avis défavorable quant au risque et je l'estime raisonnable.

[...]

Je ne suis pas convaincu que les intéressés subiraient un préjudice indu ou disproportionné s'ils devaient présenter une demande de résidence permanente par l'entremise d'un agent des visas, tel que le requièrent la loi et les règlements.

LA DÉCISION DE L'AGENTE D'ERAR

7.                   L'agente a conclu que les demandeurs n'étaient pas des personnes décrites aux articles 96 et 97 de la LIPR, parce qu'il n'y avait pas davantage qu'une simple possibilité qu'ils feraient l'objet de persécution au Sri Lanka et qu'il n'y avait pas de motifs sérieux de croire qu'ils y seraient exposés à une menace à leur vie ou au risque de peines cruelles et inusitées. L'article 96 de la LIPR prévoit notamment ce qui suit :


Définition de « _réfugié_ »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

[...]

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

[...]



Voici maintenant les alinéas 97(1)a) et 97(1)b) de la LIPR :


Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée_:

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant_:

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

[...]

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

[...]


8.                   La conclusion de l'agente s'appuyait sur les motifs spécifiques suivants (page 10) :

[traduction]

La situation a changé au Sri Lanka depuis 2002, le gouvernement et les TLET ont convenu d'un cessez-le-feu. On mentionne dans la preuve documentaire qu' « en février 2002, soit la première fois depuis sept ans, le gouvernement du Sri Lanka et les TLET ont signé un accord officiel de cessez-le-feu » . Depuis lors, la situation s'est encore améliorée. « Deux séries de pourparlers engagés plus tôt en Thaïlande ont eu un succès inespéré, les rebelles disant qu'ils sont disposés à coopérer avec le gouvernement en vue d'en arriver à un règlement politique de la guerre civile. [...] »

[...]                          

Les demandeurs allèguent également, je dois le reconnaître, que la situation était meilleure pour les Tamouls avant le cessez-le-feu en termes de droits de la personne, puisqu'on s'inquiète davantage de préserver le cessez-le-feu que de s'assurer du respect de la démocratie, du pluralisme et de l'ordre public dans le nord-est du pays. Je reconnais qu'il y a toujours des violations des droits de la personne au Sri Lanka, bien qu'Amnistie Internationale ait déclaré que « l'accord de cessez-le-feu a eu pour effet de réduire considérablement les violations des droits de la personne au Sri Lanka. Le respect de ces droits doit cependant figurer en bonne place au programme.


En raison de l'amélioration de la situation au Sri Lanka et du cessez-le-feu non perturbé semble-t-il depuis plus d'un an, je ne suis pas convaincue que les demandeurs risqueraient d'être persécutés s'ils devaient retourner dans ce pays.

                                                                                          [Non souligné dans l'original.]

9.                   On ajoute ce qui suit, aux pages 11 et 12 de la décision :

[traduction]

Je ne suis pas convaincue que les demandeurs seraient exposés au risque d'être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités, ou à une menace à leur vie, puisque « la proscription visant les Tigres de libération de l'Eelam tamoul décrétée au Sri Lanka n'a plus cours depuis mercredi [le 4 septembre 2002] à minuit. [...] »

[...]

Je reconnais qu'il y a toujours des violations des droits de la personne au Sri Lanka. Toutefois, « ces dernières années, le gouvernement a pris certaines mesures pour s'attaquer au problème. En 2000, le gouvernement a nommé un nouveau président et cinq nouveaux commissaires à la Commission nationale des droits de la personne (National Human Rights Commission). Le Comité d'enquête sur les arrestations abusives et le harcèlement (Committee to Inquire into Undue Arrest and Harassment) continue d'aider les présumées victimes de violence de la part de la police et de l'armée. [...] Le gouvernement a mis sur pied au même moment l'Unité des poursuites contre les tortionnaires (Prosecution of Torture Perpetrators Unit), qui relève directement du procureur général. L'enquête sur les charniers de Chemmani, qui a débuté en 2000, se poursuit. »

QUESTIONS EN LITIGE

10.               Relativement à la décision pour CH, le demandeur soulève les questions de savoir

(i)          si l'agent a mal interprété la preuve ou n'a pas tenu compte de certains de ses éléments;

(ii)        si l'agent a fait abstraction de l'intérêt supérieur de la demanderesse mineure;

(iii)       si l'agent a évalué erronément le risque qu'occasionnerait le retour des demandeurs au Sri Lanka;


(iv)       si l'agent a pris en compte des éléments non pertinents.

11.               Relativement à la décision de l'agente d'ERAR, le demandeur soulève les questions de savoir

(i)          si l'agente a appliqué erronément le critère du changement dans la situation du pays;

(ii)         si l'agente a mal interprété la preuve ou n'a pas tenu compte de certains de ses éléments.

NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

12.               La Cour suprême du Canada a énoncé dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 quelle était la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent d'immigration relative à une demande fondée sur des CH, soit celle de la décision raisonnable simpliciter. Pour ce qui est de la décision de l'agente d'ERAR, la Cour d'appel fédérale a statué dans Yusuf c. Canada (MEI) (1995), 179 N.R. 11 que la question du « changement de situation » est une question de fait (paragraphe 2 des motifs du juge Hugessen) :


Nous ajouterions que la question du « changement de situation » risque, semble-t-il, d'être élevée, erronément à notre avis, au rang de question de droit, alors qu'elle est, au fond, simplement une question de fait. Un changement dans la situation politique du pays d'origine du demandeur n'est pertinent que dans la mesure où il peut aider à déterminer s'il y a, au moment de l'audience, une possibilité raisonnable et objectivement prévisible que le demandeur soit persécuté dans l'éventualité de son retour au pays. Il s'agit donc d'établir les faits, et il n'existe aucun « critère » juridique distinct permettant de jauger les allégations de changement de situation. L'emploi de termes comme « important » , « réel » et « durable » n'est utile que si l'on garde bien à l'esprit que la seule question à résoudre, et par conséquent le seul critère à appliquer, est celle qui découle de la définition de réfugié au sens de la Convention donnée par l'art. 2 de la Loi : le demandeur du statut a-t-il actuellement raison de craindre d'être persécuté?

La norme appropriée à l'égard de la décision pour CH est donc celle de la décision raisonnable simpliciter, tandis que pour la décision de l'agente d'ERAR c'est celle de la décision manifestement déraisonnable.

La position du demandeur

La décision pour CH


13.               Les demandeurs soutiennent qu'en rendant cette décision, l'agent soit a commis des erreurs de fait, soit n'a aucunement tenu compte des éléments dont il disposait. Les demandeurs soutiennent particulièrement que l'agent a fait abstraction des éléments de preuve relatifs au perfectionnement scolaire ainsi qu'à leurs biens ou économies au Canada. Ils soutiennent également que l'agent n'a pas tenu compte des explications raisonnables qu'ils ont données quant au fait qu'ils n'ont pas poussé plus loin encore leur perfectionnement scolaire ni accumulé davantage de biens. Les demandeurs prétendent aussi que l'agent a mal jaugé leur intégration dans la collectivité. Ils prétendent en outre que l'agent n'a pas, tel que le paragraphe 25(1) de la LIPR le prescrit, tenu compte de l'intérêt supérieur de la demanderesse mineure. Selon les demandeurs, l'agent a commis une erreur en prenant en considération des facteurs non pertinents, comme leur revendication du statut de réfugié rejetée et le fait qu'ils n'exerçaient pas des professions recherchées. Les demandeurs soutiennent que ni la LIPR ni les lignes directrices applicables ne prévoient l'obligation pour des demandeurs de démontrer qu'ils s'adonnent à une profession recherchée. Il n'y a aucun doute, d'ailleurs, quant à la capacité du demandeur principal de travailler, d'être autonome sur le plan financier et de subvenir aux besoins de sa famille.

La décision de l'agente d'ERAR

14.               Selon le demandeur, le critère approprié pour évaluer le changement dans la situation du pays c'est que le « changement doit être assez profond et durable pour éliminer le doute d'un danger possible de persécution » . Le demandeur se fonde à cet égard sur Youssef c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. n ° 413 (1re inst.) (QL), Ahmed c. Canada (MEI) (1993), 156 N.R. 221 (C.A.F.) et Cuadra c. Canada (Solliciteur général) (1993), 157 N.R. 390 (C.A.F.).

La position du défendeur

La décision pour CH


15.               Le défendeur soutient qu'il n'y a pas lieu de modifier la décision de l'agent parce qu'elle s'appuie sur des motifs convaincants et qu'elle est conforme à la LIPR et aux lignes directrices communiquées aux agents pour trancher les demandes pour CH. Selon le défendeur, le pouvoir discrétionnaire conféré pour CH vise à accorder la marge de manoeuvre requise pour approuver les demandes valables hors des cas prévus par la loi. Le défendeur soutient que cela ne doit pas constituer « [traduction] une porte dérobée à utiliser lorsqu'on ne peut entrer en vertu du droit canadien - une fois épuisés tous les recours juridiques - par la porte principale » . Le défendeur soutient que la Cour ne peut intervenir à l'égard du poids accordé par l'agent aux divers facteurs, même si elle leur eut attribué elle-même un poids différent. Le défendeur soutient que l'agent a pris en compte tous les éléments de preuve pertinents et que, même s'il en avait omis certains, l'issue de la demande ne s'en était pas trouvée affectée.

La décision de l'agente d'ERAR

16.               Le défendeur soutient qu'il faut faire preuve d'une grande retenue face à la décision de l'agente d'ERAR, et que rien n'indique que l'agente a mal interprété la preuve ou n'a pas tenu compte de certains de ses éléments. Le défendeur prétend qu'en introduisant sa demande, le demandeur ne fait que convier la Cour à apprécier de nouveau la preuve.

ANALYSE

La décision pour CH

17.               Il est bien vrai que la Cour ne doit pas intervenir à la légère face à une décision de nature discrétionnaire telle que celle sous étude. Après examen attentif de cette décision et de la preuve au dossier, toutefois, je conclus pour deux motifs qu'il y a lieu d'écarter cette décision de l'agent. Je suis d'avis, en premier lieu, que l'agent soit n'a pas tenu compte d'éléments de preuve, soit a commis des erreurs de fait.


18.               Le dossier fait voir que les éléments de preuve suivants ont été fournis quant au perfectionnement scolaire de chacun des trois demandeurs :

1.         attestation de réussite pour MS Office 97 de A.C.C.E.S. décernée à Angeline Joseph;

2.          attestation de réussite pour MS Office 97 de A.C.C.E.S. décernée à Samuel Joseph;

3.         Career Step Program Certificate attribué à Samuel Joseph par les Catholic Cross-Cultural Services pour un programme à temps plein de 12 semaines;

4.         document de la Australian Computer Society attestant que Samuel Joseph a réussi à deux examens sur les notions élémentaires de la technologie de l'information;

5.         livret d'étape de maternelle pour Sharon Joseph provenant du conseil scolaire de Toronto;

6.         bulletins scolaires provinciaux de première année pour Sharon Joseph provenant du conseil scolaire de Toronto;

7.         bulletins scolaires provinciaux de deuxième année pour Sharon Joseph provenant du conseil scolaire de Toronto;

8.        quatre attestations de réussite et prix décernés à Sharon Joseph par la Wexford Public School.

19.               Selon la preuve au dossier, également, les demandeurs possédaient une automobile, des meubles de ménage et deux comptes de REER, l'un de 1 106,45 $ et l'autre de 1 294,09 $. La valeur de ces biens est sans doute modeste mais elle n'est pas nulle. La situation aurait pu être différente si l'agent avait examiné la preuve susmentionnée relative au perfectionnement scolaire et à des biens puis l'avait déclarée inacceptable. Cependant, l'agent n'a plutôt mentionné que ce qui suit dans la décision pour CH :

[traduction]

Ils n'ont fourni aucune preuve documentaire de perfectionnement scolaire, en ce qui les concerne et ce qui concerne leur enfant.

                                                                                          [Non souligné dans l'original.]


Les intéressés n'ont fourni aucune preuve documentaire relativement à des biens ou des économies au Canada.

                                                                                          [Non souligné dans l'original.]

Eu égard à la preuve au dossier, il était manifestement déraisonnable pour l'agent de tirer les conclusions ci-dessus.

20.               Même si l'agent avait évalué et apprécié correctement les facteurs du perfectionnement scolaire et des biens, un autre motif milite en défaveur du maintien de la décision pour CH. Le paragraphe 25(1) de la LIPR prévoit en effet que l'examen des circonstances d'ordre humanitaire doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché. Or, absolument rien ne laisse croire dans les motifs énoncés que l'agent a suivi cette prescription. La décision ne fait nulle mention de l'intérêt supérieur de l'enfant; on y déclare simplement ceci :

[traduction]

Les demandeurs n'ont rien présenté relativement aux liens de leur enfant avec le Canada.

J'estime que cette déclaration constitue également une erreur de fait, puisqu'il y a au dossier des éléments de preuve relativement à des liens familiaux et aux liens de l'enfant à l'école - elle a fait quatre années d'études.

21.               La décision pour CH ne compte qu'une demi-page. En plus d'être entachée d'erreurs de fait manifestement déraisonnables, la décision ne comporte pas une analyse minutieuse ou appropriée des critères pertinents. La décision est déficiente et conduit la Cour à conclure qu'elle ne saurait résister à un examen approfondi. La décision doit donc être annulée parce qu'elle est déraisonnable et renvoyée à un autre agent CH.


La décision de l'agente d'ERAR

22.               Dans la décision en matière d'ERAR, on a examiné avec soin et en profondeur les changements dans la situation au Sri Lanka et conclu que les demandeurs pouvaient retourner à Colombo, sans être des personnes à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR. La décision ne renferme, eu égard à la norme de contrôle applicable, aucune conclusion de fait manifestement déraisonnable.

23.               Dans Owusu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CAF 38, décision du 26 janvier 2004 du juge Evans, au paragraphe 4, la Cour d'appel fédérale a statué que, si les demandeurs ne font pas valoir l'incidence possible de l'expulsion sur l'intérêt supérieur de l'enfant, l'agent CH n'est pas tenu d'aborder spécifiquement cette question. En l'espèce, l'enfant est âgée de huit ans et les demandeurs n'ont pas invoqué sa situation. Par conséquent, l'agent CH n'a pas commis d'erreur en ne traitant pas de l'intérêt supérieur de l'enfant. En tout état de cause, on ne m'a renvoyé à aucune preuve documentaire révélant qu'un enfant de cet âge est une personne à protéger, que ce soit à Colombo ou au nord du pays. Pour ce motif, il n'y avait pas d'erreur à cet égard dans la décision de l'agente d'ERAR.

DÉCISION

24.               Pour ces motifs, la demande IMM-2754-03 relative à la décision pour CH sera accueillie, et la demande IMM-4503-03 relative à la décision de l'agente d'ERAR sera rejetée.


25.               Ni l'une ni l'autre partie n'estime que la présente affaire soulève une question susceptible de certification. La Cour convient qu'aucune question ne devrait être certifiée.

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _              

                                                                                                                                                     Juge                          

OTTAWA (Ontario)

Le 8 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

Avocats inscrits au dossier

DOSSIERS :                                                   IMM-2754-03 et IMM-4503-03

INTITULÉ :                                                    SAMUEL JEYAKUMARAN ET AL. c. MCI

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 3 mars 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE KELEN

DATE DE L'ORDONNANCE :                    Le 8 mars 2004

COMPARUTIONS :

Matthew Jeffery                                                 Pour les demandeurs

Catherine Vasilaros                                            Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Jeffery                                                 Pour les demandeurs

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

Date : 20040308

Dossiers : IMM-2754-03

IMM-4503-03

ENTRE :

SAMUEL JEYAKUMAR JOSEPH

ANGELINE RANJIT JOSEPH

SHARON CHRISTINA JOSEPH

                                                                demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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