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Date : 20000505


Dossier : T-931-99

Ottawa (Ontario) le 5 mai 2000

EN PRÉSENCE DU JUGE JOHN A. O"KEEFE

ENTRE :


LONG SHONG PICTURES (H.K.) LTD. et

L.S. ENTERTAINMENT GROUP INC.,


Demanderesses,


- et -


NTC ENTERTAINMENT LTD. et

NORASIA TRADING CORPORATION et

MME et M. UNTEL ainsi que TOUTE AUTRE PERSONNE,

CONNUE OU INCONNUE DES DEMANDERESSES,

QUIVIOLE LES DROITS D"AUTEUR DANS LES FILMS,


Défendeurs.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE


[1]          La présente requête vise à répondre à l"ordonnance prononcée par le protonotaire Lafrenière le 18 octobre 1999 dans laquelle il enjoignait à Melody Min Lu de comparaître devant un juge :                     

         [TRADUCTION] [...] pour entendre la preuve de l"outrage au tribunal qui lui est reproché, à savoir qu"elle a sciemment désobéi, ou expressément ou implicitement autorisé Norasia Trading Corporation à ne pas respecter, ou qu"elle a fait preuve de négligence en ne s"assurant pas que Norasia Trading Corporation respecte, ou en omettant de prendre les mesures nécessaires pour s"assurer que Norasia Trading Corporation respecte l"ordonnance prononcée par le juge McKeown le 21 juin 1999, non-respect qui s"est traduit par la vente, le 4 juillet 1999, par Norasia Trading Corporation, de copies contrefaites de trois films "" Four Chefs and a Feast ", " Severely Rape "et "Where a Good Man Goes ""que le juge McKeown avait, dans son ordonnance, interdit à Norasia Trading Corporation de vendre.
         2. LA PRÉSENTE COUR ORDONNE à Melody Min Lu d"être prête, aux date, heure et lieu précisés, à présenter une défense à ces accusations.


Rappel des faits

[2]      L" affaire dont la Cour est saisie en l"espèce s"inscrit dans le cadre d"une action en violation du droit d"auteur, assortie d"une demande d"injonction permanente. La principale demanderesse en l"espèce, L.S. Entertainment Group Inc. (LS), est titulaire d"une licence, concédée par Long Shong Pictures (H.K.) Ltd., qui l"autorise à importer et à copier divers longs métrages de langues asiatiques. Le droit d"auteur est enregistré auprès de l"Office de la propriété intellectuelle du Canada. Long Shong Pictures (H.K.) Ltd. est constituée demanderesse parce que le paragraphe 36(2) de la Loi sur le droit d"auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, l"exige, mais elle ne participe pas autrement au présent litige. LS importe les films sur vidéodisques compacts (VDC) et les reproduit en VHS pour les vendre à des détaillants de vidéos au Canada.

[3]      La défenderesse, Norasia Trading Corporation (Norasia), exploite un club vidéo spécialisé dans les films de langues asiatiques. La demanderesse a découvert que des copies pirates des films dans lesquels elle revendique un droit d"auteur avaient été achetées et louées du club Norasia. Après l"avoir maintes fois mise en demeure, verbalement et par écrit, de cesser cette activité, la demanderesse a engagé la présente action.

[4]      Melody Min Lu est propriétaire à 50 % de Norasia; elle est administratrice de cette personne morale et sa gestionnaire principale en Ontario. Norasia est constituée en personne morale conformément aux lois de la province de la Colombie-Britannique et elle est autorisée à exercer ses activités en Ontario.

[5]      Dans une ordonnance rendue le 21 juin 1999, le juge McKeown enjoignait ce qui suit aux divers défendeurs :

         [TRADUCTION]
         32. LA PRÉSENTE COUR ORDONNE la délivrance d"une injonction provisoire interdisant aux défendeurs d"accomplir directement ou indirectement les actes suivants :
         a) violer le droit d"auteur dans les films,
         b) importer, acheter, reproduire, exposer ou distribuer, ou vendre, louer ou autrement aliéner, ou offrir en vente, louer ou aliéner l"un de ces films ou une copie de ceux-ci,
         c) ordonner, inciter, autoriser ou aider autrui à faire les actes décrits à l"alinéa 32b) de la présente ordonnance.

[6]      Le 26 juin 1999, l"ordonnance a été exécutée à l"établissement commercial de Norasia et 145 copies de films visés par l"ordonnance ont été saisies et retirées. Un interprète a expliqué en cantonnais au responsable de l"établissement, Philip Chung, les modalités de l"ordonnance. À ce moment-là, M. Chung a aussi parlé à un avocat, en anglais. Par ailleurs, un coup de téléphone a été donné à MmeLu.

[7]      Le 4 juillet 1999, le mandataire de la demanderesse, Donald Bruce McBean, un détective privé, est allé au club vidéo de Norasia et a acheté trois des films visés par l"ordonnance du juge McKeown. Les titres étaient " Where a Good Man Goes ", " Severely Rape "et " Four Chefs and a Feast ". Dans son témoignage, M. McBean a indiqué qu"il n"a pas vérifié les douze titres au total qui se trouvaient au club Norasia à cette date pour voir s"ils se trouvaient tous sur la liste des films visés par l"interdiction. Ce sont ses associés qui s"en sont chargés. Il s"est contenté d"en vérifier quatre et il s"est aperçu que l"un d"eux n"en faisait pas partie.

[8]      Le 5 juillet 1999, Madame le juge Reed de la présente Cour a ordonné le maintien en vigueur des parties de l"ordonnance du juge McKeown qui se rapportent à la présente requête.

[9]      Le 14 août 1999, M. McBean est retourné au club vidéo Norasia et a acheté un vidéo inscrit sur la liste des films visés par l"interdiction et dont le titre était " Your Place or Mine ".

[10]      Le 27 juin 1999, au cours d"une inspection occasionnelle, Alice Cheng s"est aussi rendue au club vidéo Norasia et elle y avait vu certains titres qui se trouvent sur la liste des films dont la vente était interdite par l"ordonnance en question.

[11]      Le 18 octobre 1999, la demanderesse a déposé la présente requête en vue de la tenue d"une audience, enjoignant à Melody Lin Lu de comparaître pour expliquer pourquoi elle ne devrait pas être déclarée coupable d"outrage au tribunal.

La question en litige

[12]      Melody Min Lu est-elle, en sa qualité d"administratrice ou de gestionnaire de Norasia, coupable d"outrage au tribunal?

Le droit applicable

[13]      La requête pour outrage au tribunal a été présentée conformément à la Règle 466b) des Règles de la Cour fédérale (1998) :

Contempt

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who


(a) at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;



(b) disobeys a process or order of the Court;


Outrage

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d"outrage au tribunal quiconque :

a) étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l"instance;

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;


[14]      Les Règles 467, 469, 470 et 472 concernent également les audiences d"outrage au

tribunal. Elles sont ainsi rédigées :

Right to a hearing

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

Ex parte motion

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.


Burden of proof

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

Service of contempt order

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

Burden of proof

469. A finding of contempt shall be based on proof beyond a reasonable doubt.


Evidence to be oral

470. (1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.


Testimony not compellable

(2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

Penalty

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;


(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

(c) the person pay a fine;

(d) the person do or refrain from doing any act;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

(f) the person pay costs.

Droit à une audience

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu"une personne puisse être reconnue coupable d"outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d"une personne ayant un intérêt dans l"instance ou sur l"initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

b) d"être prête à entendre la preuve de l"acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

c) d"être prête à présenter une défense.

Requête ex parte

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l"ordonnance visée au paragraphe (1).

Fardeau de preuve

(3) La Cour peut rendre l"ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d"avis qu"il existe une preuve prima facie de l"outrage reproché.

Signification de l"ordonnance

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l"ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l"appui sont signifiés à personne.


Fardeau de preuve

469. La déclaration de culpabilité dans le cas d"outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable.

Témoignages oraux

470. (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d"une requête pour une ordonnance d"outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

Témoignage facultatif

(2) La personne à qui l"outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

Peine

472. Lorsqu"une personne est reconnue coupable d"outrage au tribunal, le juge peut ordonner:

a) qu"elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu"à ce qu"elle se conforme à l"ordonnance;

b) qu"elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l"ordonnance;

c) qu"elle paie une amende;

d) qu"elle accomplisse un acte ou s"abstienne de l'accomplir;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

f) qu"elle soit condamnée aux dépens.

Analyse

[15]      Dans la présente requête, ce n"est pas à la personne désignée dans l"injonction ou dans l"ordonnance de la Cour (Norasia) que l"on reproche un outrage au tribunal, mais à l"administratrice et l"âme dirigeante de Norasia "Mme Lu. Les tribunaux, dont la présente Cour, ont déjà statué que des personnes comme Mme Lu peuvent être déclarées coupables d"outrage au tribunal relativement à une ordonnance de la Cour dans laquelle elles ne sont pas nommées. Dans l"arrêt MacMillan Blodel Ltd. c. Simpson , [1996] 2 R.C.S 1048, la juge McLachlin (tel était alors son titre) a dit ceci à la page 1064 :

         Il est donc possible d"affirmer avec confiance que la jurisprudence tant anglaise que canadienne appuie le point de vue que les injonctions sont opposables aux tiers: si des tiers violent une injonction, ils s"exposent à une condamnation et à une peine pour outrage au tribunal. Les tribunaux ont compétence pour accorder des injonctions provisoires que tous, sous peine de condamnation pour outrage, doivent respecter. La seule question -- qui a préoccupé [...]

[16]      Dans l"affaire dont je suis saisi, il ne fait aucun doute que l"ordonnance délivrée par le juge McKeown le 21 juin 1999, transformée en injonction interlocutoire par Madame le juge Reed le 5 juillet 1999, est opposable à Mme Lu.

[17]      Il n"a pas été contesté devant moi qu"à l"époque en cause, Mme Luavait été informée des ordonnances.

[18]      Dans les affaires d"outrage au tribunal, une déclaration de culpabilité doit se fonder sur une preuve hors de tout doute raisonnable (voir la Règle 469 des Règles de la Cour fédérale (1998)). Cela n"est guère surprenant étant donné la gravité de l"allégation d"outrage au tribunal. Dans l"arrêt Bhatnager c. Canada (M.E.I.), [1990] 2 R.C.S. 217, à la page 224, le juge Sopinka précise :

     Tout d"abord, il convient de se rappeler qu"une allégation d"outrage au tribunal a une dimension criminelle (ou du moins quasi criminelle) : voir Poje v. Attorney General for British Columbia , [1953] 1 R.C.S. 516, le juge Kellock, aux pp. 517 et 518; et In re Bramblevale Ltd., [1970] Ch. 128 (C.A.), le maître des rôles, lord Denning, à la p. 137. En l"espèce, une déclaration de culpabilité aurait pu assujettir les appelants à une amende d"au plus 5 000 $ et à la possibilité d"une peine d"emprisonnement maximale d"un an: voir la règle 355(2). Par conséquent, il est nécessaire que les éléments constitutifs de l"outrage soient démontrés contre les appelants et soient prouvés hors de tout doute raisonnable.

La norme de preuve est la même que celle qui s"applique en matière criminelle.

[19]      Par ailleurs, le fardeau de prouver tous les éléments constitutifs de l"outrage incombe à la partie requérante.

[20]      Une Cour peut condamner quelqu"un pour outrage au tribunal seulement si elle est convaincue que :

         1.      Les modalités de l"ordonnance sont claires;
         2.      La personne (la partie défenderesse) a été régulièrement informée des modalités de l"ordonnance;
         3.      La preuve de la violation des modalités de l"ordonnance a été établie hors de tout doute raisonnable.

Dans le cadre de la présente requête, la Cour n"est appelée à se prononcer que sur le point 3.

[21]      En ce qui concerne l"intention requise pour contrevenir à une ordonnance, le juge Denault s"est exprimé comme suit dans l"affaire Nintendo of America Inc. c. 798824 Ontario Inc. (1991) 34 C.P.R. (3d) 559 (C.F. 1reinst.), à la page 562 :

     La norme de preuve applicable à la commission d"un outrage au tribunal est la violation hors de tout doute raisonnable de l"ordonnance de la Cour par la partie contre laquelle l"ordonnance a été rendue. La norme d"intention applicable à la violation de l"ordonnance est la connaissance des motifs de l"ordonnance et la violation de l"ordonnance : Canada Metal Co. v. Canadian Broadcasting Corp. (No. 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641, 19 C.C.C. (2d) 218, 4 O.R. (2d) 585 (H.C.J.); conf. par 65 D.L.R. (3d) 231, 29 C.C.C. (2d) 325, 11 O.R. (2d) 167 (C.A.). Il n"est pas nécessaire de prouver l"intention directe de désobéir à l"ordonnance et " une compagnie ne peut opposer comme moyen de défense que ses représentants ignoraient les modalités d"une ordonnance ou qu"ils ne se sont pas rendus compte qu"ils violaient l"ordonnance ". Baxter Travenol Laboratories of Canada, Ltd. c. Cutter (Canada) Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 433 à la page 441, 14 D.L.R. (4th) 641, [1986] 1 C.F, 497, à la page 509.

La Cour a adopté à peu près la même position dans la décision Penthouse International Ltd. c. 163564 Canada Inc. (1995) 63 C.P.R. (3d) 328 (C.F. 1reinst.).

[22]      Dans l"affaire dont la Cour est saisie, aucune preuve n"établit que Mme Lua elle-même fait quoi que ce soit pour contrevenir à l"ordonnance de la Cour. Ainsi les demanderesses se fondent sur le fait qu"elle est la seule dirigeante et administratrice de Norasia en Ontario et qu"elle est désignée comme étant la propriétaire. Par conséquent, elle serait coupable d"outrage à l"ordonnance pour avoir aidé et incité une partie à désobéir à cette ordonnance, ou subsidiairement, pour avoir fait preuve de négligence et d"insouciance dans les mesures qu"elle a prises pour s"assurer que Norasia respectait cette ordonnance.

[23]      Le juge O"Leary résume le droit applicable lorsqu"il s"agit de déclarer les dirigeants et les administrateurs d"une personne morale coupables d"outrage dans la décision qu"il a prononcée dans l"affaire Canada Metal Co. Ltd. et al v. Canadian Broadcasting Corp. et al (No. 2) (1975) 4 O.R. (2d) 585, aux pages 604 et 605 (H.C.J. Ont.) :

     Les requérants ont prétendu que lorsqu"une compagnie enfreint une injonction, on peut décider que les administrateurs et les dirigeants de la compagnie ont fait un outrage au tribunal et peuvent être arrêtés ou autrement punis pour cet outrage, en l"absence de toute preuve que ces administrateurs ou dirigeants ont commis, ou se sont abstenus de commettre, les actes engageant leur responsabilité pour ladite infraction. Je ne peux accepter ce point de vue. Je ne dis pas qu"avant de pouvoir incarcérer un dirigeant ou un administrateur pour outrage commis par la compagnie, on doive démontrer que ledit dirigeant s"est fait complice de l"outrage. Il se peut fort bien que l"on décide que l"administrateur ou le dirigeant a commis un outrage même si son rôle dans l"affaire a été purement passif : voir Biba Ltd. v. Stratford Investments Ltd., [1972] 3 All E.R. 1041, et Glazer v. Union Contractors Ltd. and Thornton (1961), 129 C.C.C. 150, 26 D.L.R. (2d) 349. En outre, la violation de l"injonction peut constituer, dans certains cas, la présomption que l"administrateur ou le dirigeant a agi ou s"est abstenu d"agir et a provoqué ladite violation, présomption qu"il appartiendra à l"administrateur ou au dirigeant de réfuter. Toutefois, lorsqu"il ressort clairement de la preuve que l"administrateur ou le dirigeant ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour que l"injonction soit respectée et lorsqu"il y a eu violation sans faute de la part de l"administrateur ou du dirigeant, je ne vois pas comment on peut infliger une sanction à cet administrateur ou dirigeant pour outrage au tribunal.

[24]      Lors de son témoignage, Melody Lin Lu a affirmé avoir dit à Philip Chung, gérant du club Norasia, de ne pas vendre les titres visés par l"interdiction et de s"assurer qu"aucune erreur ne se glisse. Elle lui aurait fait cette mise en garde le 26 juin 1999. En ce qui concerne la présence et la vente de titres visés par l"interdiction au club Norasia, elle a expliqué qu"il devait y avoir eu des retours ayant échappé à l"attention de M. Chung. Elle a ajouté qu"elle était en colère contre ce dernier lorsqu"elle a appris que les titres prohibés se trouvaient en magasin et que certains avaient été vendus.

[25]      Voici un extrait du témoignage de MmeLu, tel qu"il est rapporté à la page 174 de la transcription officielle de l"audience :

     [TRADUCTION]
         Q. Qu"avez-vous fait lorsque l"ordonnance Anton Piller a été signifiée à Norasia le 26 juin?
     R. J"ai reçu cette ordonnance ce jour-là et j"ai pris connaissance de la liste. Puis, je me suis rendue dans tous mes clubs pour en discuter avec certains membres du personnel de Norasia et pour leur parler de la vente irrégulière des copies de ces films se trouvant sur nos tablettes. J"ai dit au personnel de ne plus vendre ces copies.
     Q. Bon. Maintenant, avez-vous trouvé certaines de ces copies à ce moment-là? Lorsque vous êtes allée leur dire qu"ils ne pouvaient plus vendre ces copies dans le magasin, étaient-elles toutes parties?
     R. Il n"y en avait plus.
     Q. D"accord. Pouvez-vous nous préciser qui travaille au magasin du 550, Highway 7? Qui était responsable de ce magasin?
     R. Philip Chung.
     Q. Lui avez-vous dit la même chose à lui?
     R. Oui.
     Q. D"accord. Et lui avez-vous remis quoi que ce soit?
     R. Oui. La liste et je l"ai laissé jeter un coup d"oeil et je pense qu"il a compris ce que cela signifiait.

À la page 177 de la transcription :

     [TRADUCTION]
         Q. Pour en revenir à Philip Chung, était-il le seul employé de ce club aux dates concernées, le 4 juillet et le 14 août?
     R. Oui. Et voulez-vous savoir quelles étaient ses fonctions?
     Q. C"était ma prochaine question, en fait. Quelles étaient ses fonctions? Que faisait-il dans les clubs?
     R. Bien, ses fonctions étaient de répondre aux clients, de remettre l"inventaire sur les tablettes et s"occuper des ventes quotidiennes.

Aux pages 178 et 179 de la transcription :

     [TRADUCTION]
         Q. D"accord, d"accord. L"ordonnance Anton Piller, vous en aviez une copie?
     R. Oui.
     Q. D"accord. Ce que je veux savoir c"est si vous en avez discuté en détail?
     R. Oui. Je lui ai dit de ne plus vendre ces copies.
     Q. D"accord.
     R. Oui.
     Q. C"est bon.
     R. Et je lui ai dit de faire très attention et de s"assurer qu"il n"y ait pas de copies, qui pourraient échapper à sa vigilance ou qui seraient sur place pour toute autre raison, je ne sais pas.
     Q. D"accord. Quelle a été sa réponse? Qu"a-t-il dit quand vous lui avez dit de ne plus en vendre? Que vous a-t-il répondu?
     R. Il a dit d"accord, qu"il ferait ce que j"avais dit.

Et aux pages 195 et 196 de la transcription :

     [TRADUCTION]
         Q. Lorsque vous lui avez parlé par la suite après avoir reçu ces ordonnances et que vous vous êtes aperçue que quatre de ces copies lui avaient échappé, quelle a été sa réaction?
     R. Et bien, j"ai vraiment eu une violente discussion avec lui et je lui ai dit : " Pourquoi ça arrive. Je vous l"ai dit si souvent. Pourquoi ne pas avoir fait attention? "Et il m"a répondu qu"il était désolé.
     Q. D"accord. Après que vous avez reçu les ordonnances indiquant que ces quatre titres avaient été vendus à M. McBean ou à qui que ce soit d"autre, avez-vous pris des mesures à ce moment-là, en plus de parler à M. Chung et d"avoir une conversation avec lui? Ces ordonnances vous ont-elles amenée à faire de plus amples recherches dans votre club?
     R. Oui. Je suis allée au Norasia et j"ai vérifié dans tous les recoins et j"ai vérifié partout et je n"ai rien trouvé.
     Q. D"accord. Ainsi, avez-vous fait des recherches dans votre club Norasia "
     R. Oui.
     Q. "pour vérifier s"il y avait, disons, l"un de ces titres "
     R. Oui.
     Q. "et vous en avez trouvés?
     R. (Elle hoche la tête)
     Q. Et qu"avez-vous trouvé?

En ce qui concerne l"hypothèse selon laquelle les titres en question trouvés sur les tablettes proviendraient de retours, Mme Lu a sincèrement reconnu, dans son témoignage, qu"elle avait oublié d"attirer particulièrement l"attention de M. Chung sur les retours. Elle a admis avoir oublié de lui préciser de veiller à ce que les films retournés ne soient pas remis dans l"inventaire.

[26]      J"ai observé le comportement de Mme Lu pendant qu"elle témoignait et j"ai trouvé qu"elle était un témoin crédible.

[27]      La preuve soumise établit clairement qu"il ne s"agit pas d"un cas où un administrateur ou un dirigeant ne prend aucune mesure lorsqu"une ordonnance est signifiée à la société dont il est responsable. Au contraire, Mme Lu est allée voir Philip Chung, la personne responsable du club Norasia, et lui a dit de ne plus vendre de copies des films visés par l"interdiction : que pouvait-elle faire de plus? Les règles de droit en matière d"outrage n"exigent pas que les administrateurs soient des assureurs ni qu"ils surveillent constamment chaque employé et qu"ils exercent une supervision lorsque l"employé en question est le responsable d"un établissement. La violation de l"ordonnance s"est produite parce que Philip Chung, contrairement aux directives de Mme Lu, a vendu des films visés par l"interdiction. Je ne considère pas que le défaut de celle-ci d"avertir M. Chung de faire particulièrement attention aux retours soit capital "elle lui a clairement expliqué l"ordonnance et l"importance de s"y conformer. Dans les circonstances, elle ne peut être déclarée coupable d"outrage à l"ordonnance du juge McKeown. Rien dans la preuve qui m"a été soumise n"indique qu"elle était au courant de ces ventes avant de recevoir l"ordonnance relative à l"audience de justification provenant de la présente Cour.

[28]      Dans les circonstances de l"espèce, je ne suis pas convaincu hors de tout doute raisonnable que Mme Lu a enfreint l"ordonnance du juge McKeown du 21 juin 1999. Aucune preuve ne me convainc hors de tout doute raisonnable que Mme Lu a :

         [TRADUCTION] [...] sciemment désobéi, ou expressément ou implicitement autorisé Norasia Trading Corporation à ne pas respecter, ou qu"elle a fait preuve de négligence en ne s"assurant pas que Norasia Trading Corporation respecte, ou en omettant de prendre les mesures nécessaires pour s"assurer que Norasia Trading Corporation respecte l"ordonnance prononcée par le juge McKeown le 21 juin 1999 [...]

En fait, il ressort de la preuve que Mme Lua donné comme consigne à Philip Chung de ne rien faire pour désobéir à l"ordonnance.

[29]      Il y a lieu de souligner que même si la preuve qui m"a été soumise porte sur des activités qui se sont déroulées à d"autres dates que le 4 juillet 1999, la seule activité à laquelle l"ordonnance du protonotaire Lafrenière demande à Mme Lu de répondre est la vente qui a eu lieu le 4 juillet 1999.

[30]      Melody Min Lu a droit à ses dépens pour la présente requête.

ORDONNANCE

[31]      LA COUR STATUE que Melody Min Lu n"est pas coupable d"outrage au tribunal.

[32]      LA COUR ORDONNE que Melody Min Lu a droit à ses dépens pour la présente requête.


                                     " John A. O"Keefe "

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

5 mai 2000

Traduction certifiée conforme



C. Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




N" DE GREFFE :              T-931-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Long Shong Pictures (H.K.) Ltd. et al. C. NTC Entertainment Ltd. et al.

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 29 novembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE O"KEEFE en date du 5 mai 2000




ONT COMPARU :

Gary J. McCallum              POUR LES DEMANDERESSES
Barry Reese              POUR LA DÉFENDERESSE

                     MELODY MIN LU



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Gary J. McCallum

Toronto (Ontario)              POUR LES DEMANDERESSES

Byrnes, Chan & Associates

Toronto (Ontario)              POUR LA DÉFENDERESSE

                     MELODY MIN LU

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