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Dossier : T-1132-03

Référence : 2004 CF 437

ENTRE :

                  LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                                               ANNE MITCHELL

                                                                                                                                        défenderesse

Que la transcription certifiée conforme ci-jointe des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 mars 2004, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                                                                                                         « Eleanor R. Dawson »           

                                                                                                                                                     Juge                         

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 23 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                                                                                 Date : 20040323

                                                                                                                           Dossier : T-1132-03

Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                  LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                               ANNE MITCHELL

                                                                                                                                        défenderesse

P. DIAR                        POUR LE DEMANDEUR

A. MITCHELL             POUR SON PROPRE COMPTE


                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                                                           (Prononcés à l'audience)

LA JUGE DAWSON

Le 4 juin 2003, le tribunal de révision en matière de sécurité de la vieillesse (le tribunal de révision) a conclu qu'en avril 1997, Anne Mitchell avait reçu un avis erroné de la part d'un employé de Développement des Ressources humaines Canada (DRHC). Selon le tribunal de révision, cet employé avait dit à Mlle Mitchell qu'aucune personne propriétaire de sa propre résidence ne pouvait recevoir un supplément de revenu garanti (le SRG). Le tribunal de révision a également conclu qu'à cause de cet avis erroné, Mlle Mitchell n'avait pas demandé le SRG avant 2002 lorsque DRHC l'avait invitée à le faire dans le cadre d'une campagne nationale qui ciblait les retraités qui avaient peut-être droit au supplément mais qui ne le recevaient pas.

En 2002, quand Mlle Mitchell a demandé le supplément, sa demande a été acceptée et elle a obtenu le SRG établi selon les revenus de Mlle Mitchell en 1999 et 2000. Le supplément lui a été accordé à compter du mois de mars 2001 puisque la loi n'autorise le paiement rétroactif du SRG que pour une période maximale de onze mois de la date de la demande.

Le tribunal de révision a donc conclu qu'à cause de l'avis erroné, Mlle Mitchell n'avait pas obtenu le SRG auquel elle avait droit entre avril 1998 et février 2001. À cause de ses revenus, Mlle Mitchell avait le droit de toucher le SRG depuis le mois d'avril 1998.

Compte tenu de ses conclusions, le tribunal de révision a décidé que la réparation opportune était celle autorisée par l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la Loi). Aux termes de cette disposition :


S'il est convaincu qu'une personne s'est vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit par suite d'un avis erroné ou d'une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu'il juge de nature à replacer l'intéressé dans la situation où il serait s'il n'y avait pas eu faute de l'administration.

En fin de compte, le tribunal de révision a décidé que le ministre devait exercer le pouvoir que lui confère la loi en faveur de Mlle Mitchell.

Le ministre de Développement des Ressources humaines du Canada (le ministre) a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal de révision au motif que ce tribunal n'avait pas compétence pour entendre l'appel relatif à l'exercice du pouvoir discrétionnaire que confère au ministre l'article 32 de la Loi.

Le ministre invoque, à l'appui de sa demande, la décision de la Cour d'appel fédérale du Canada, Ministre du Développement des Ressources humaines c. Tucker, 2003 CAF 278. La décision Tucker a été rendue le 23 juin 2003, un peu moins de trois semaines après la décision du tribunal de révision. Dans Tucker, la Cour d'appel fédérale a annulé la décision de la Cour selon laquelle le tribunal de révision avait compétence pour contrôler une décision du ministre prise en vertu de l'article 32 de la Loi.

Le juge Décary, qui a rédigé la décision unanime de la Cour d'appel, a dit, aux paragraphes 11 et 12 de Tucker :

À mon avis, le raisonnement tenu dans l'arrêt Pincombe s'applique à l'égard d'une décision prise aux termes de l'article 32 de la Loi. Le même raisonnement doit également s'appliquer aux décisions prises aux termes de l'alinéa 37(4)d). Ces dispositions accordent un redressement à la personne qui a reçu à tort une prestation, en raison d'un avis erroné ou d'une erreur administrative. La décision de ne pas exiger le remboursement d'un versement excédentaire (ou de ne pas verser un montant qui aurait dû l'être) effectué à la suite d'un avis erroné n'est pas une décision « de refus ou de liquidation de la prestation » au sens du paragraphe 27.1(1). La Loi (tout comme le Régime de pensions à l'époque de l'arrêt Pincombe) ne prévoit aucun autre droit d'appel pour ce genre de décision. Par conséquent, le juge de première instance a commis une erreur lorsqu'il a refusé d'appliquer l'arrêt Pincombe.


Je ferais donc droit à l'appel pour le motif que le tribunal de révision n'avait pas le pouvoir d'entendre l'appel de la décision du ministre interjeté aux termes de l'alinéa 37(4)d), ni celui de procéder au remboursement, total ou partiel, des versements excédentaires.

La décision de la Cour d'appel fédérale lie la Cour et je ne puis différencier la présente affaire de l'affaire Tucker. Par voie de conséquence, la décision du tribunal de révision doit être annulée au motif qu'il n'avait pas le pouvoir d'accorder le redressement visé à l'article 32 de la Loi.

La personne à qui le redressement en vertu de l'article 32 de la Loi a été refusé doit déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre directement à la Cour.

Toutefois, à mon avis, le ministre n'a jamais eu l'intention de prendre une décision en vertu de l'article 32 de la Loi concernant la situation de Mlle Mitchell. Quand Mlle Mitchell a été mise au courant, pour la première fois, de la décision selon laquelle sa demande de SRG avait été approuvée et qu'elle recevrait onze mois de prestations rétroactives, elle a également été avisée, et je cite une partie de la lettre du 18 avril 2002 qui lui a été envoyée : [traduction] « Si vous n'êtes pas satisfaite de la décision concernant les prestations auxquelles vous avez droit, vous pouvez demander une révision. Pour ce faire, écrivez-nous à l'adresse indiquée dans la présente lettre. Vous devez écrire cette lettre dans les 90 jours de réception du présent avis » .

La lettre semble proposer une demande de révision en vertu de l'article 27.1 de la Loi. C'est ce que je crois puisqu'il y est mentionné une « révision » et un délai de 90 jours. Les demandes relatives à une décision prise en vertu de l'article 32 de la Loi ne sont pas assujetties à un délai alors que l'article 27.1 précise un délai de 90 jours.


Mlle Mitchell avait demandé ce qu'elle a elle-même qualifié [traduction] « d'examen supplémentaire » et en réponse, elle a reçu une lettre datée du 13 juin 2002 de DRHC qui mentionnait que [traduction] « le nouvel examen » avait été effectué et qui précisait la période maximale de prestations rétroactives autorisée par la Loi. Il est important de dire que la lettre ne mentionnait aucunement « l'avis erroné » qui est au coeur d'une décision en vertu de l'article 32. Selon la lettre du 13 juin 2002, Mlle Mitchell pouvait interjeter appel de la décision devant le tribunal de révision.

L'avocat du ministre a dit à la Cour qu'il aviserait son client de la question que j'ai soulevée et qu'il recommanderait la révision ou une révision supplémentaire du dossier de Mlle Mitchell, selon le cas, en vertu de l'article 32 de la Loi.

Subsidiairement, il donne régulièrement avis qu'il demandera qu'on l'autorise à consentir à une prolongation du délai si Mlle Mitchell souhaite contester la décision du 13 juin 2002 puisque le délai n'a pas été causé par Mlle Mitchell, la loi ayant été modifiée après l'audition de sa cause devant le tribunal de révision à qui DRHC lui avait demandé d'adresser sa demande.

Si cela est nécessaire, c'est-à-dire s'il faut une requête en vue de la prolongation du délai, il faudra déposer cette requête qui devrait m'être renvoyée pour décision puisque je connais les faits et les circonstances et que cela est conforme à l'économie judiciaire.

Compte tenu des circonstances, pour les motifs énoncés aux présentes, je vais rendre une ordonnance annulant la décision du tribunal de révision au motif qu'il n'avait pas le pouvoir d'accorder la réparation visée à l'article 32 de la Loi et que c'est ce qu'il a voulu faire.


Le ministre, encore une fois régulièrement selon moi, ne sollicite pas les dépens. Puisque la loi a été modifiée alors que Mlle Mitchell avait obtenu gain de cause devant le tribunal de révision, je suis convaincue qu'il faut lui rembourser ses menues dépenses relatives à la présente procédure, dépenses que j'établis à cinquante dollars (50 $).

Enfin, l'avocat du ministre a demandé à Mlle Mitchell d'entrer en contact avec lui très bientôt pour qu'il puisse communiquer ses observations ou sa position relatives à une demande en vertu de l'article 32 et j'encourage Mlle Mitchell à le faire.

Voilà ma décision qui sera transcrite par le sténographe judiciaire et certifiée comme étant mes motifs en conformité avec la Loi sur la Cour fédérale, lesquels motifs seront remis aux parties.

Les parties ont-elles des questions concernant la présente décision?

M. DIAR :    Non, merci, votre Seigneurie.

LA COUR :    Mlle Mitchell?

Mlle MITCHELL :    Votre Seigneurie, au début, vous avez mentionné que quand j'ai reçu - maintenant, j'ai perdu le fil de mes idées. En février 2002, quand j'ai reçu la lettre qui laissait à entendre que j'aurais peut-être droit à plus d'argent, je pense que vous avez dit que la lettre provenait de DRHC. Je pense que c'est le gouvernement fédéral qui m'a fait parvenir cette lettre lorsque j'ai envoyé ma déclaration d'impôt sur le revenu.

LA COUR :    C'est bien possible. À mon avis, ce n'est pas important. Ce qui importe c'est qu'on vous ait invitée à déposer une demande et c'est ce qui vous a amené à déposer une demande. Mais je vous remercie d'avoir attiré mon attention sur ce point.


Très bien, je crois que c'est tout pour aujourd'hui alors je vous remercie de vos observations.

M. DIAR :    Merci, votre Seigneurie.

(L'AUDIENCE A PRIS FIN À 10 h 48)

LE SOUSSIGNÉ ATTESTE QUE CE QUI PRÉCÈDE est une transcription exacte et précise de la procédure au meilleur de mes capacités et connaissances.

                                                                                                                                    « G. Latowski »           

                                                                                                               G. Latowski,       Sténographe

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1132-03

INTITULÉ :                                                    LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

c.

ANNE MITCHELL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 23 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Prakash Diar                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Anne Mitchell                                                                POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Anne Mitchell                                                                POUR SON PROPRE COMPTE

Vancouver (Colombie-Britannique)


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