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Date : 20010216

Dossier : IMM-2114-00

Référence neutre : 2001 CFPI 93

ENTRE :

DAVID FRANCIS

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]    M. David Francis (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans sa décision datée du 3 avril 2000, la Commission a statué que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS


[2]    Le demandeur est un Tamoul âgé de 42 ans, citoyen du Sri Lanka. Il est né à Colombo, mais il a fait ses études à Kodikamamm, dans le Nord du Sri Lanka. Après s'être marié, le revendicateur est retourné à Colombo où il a travaillé jusqu'en 1991. Lors de son témoignage devant la Commission, le demandeur a affirmé qu'après une flambée de violence à Colombo en juin 1991, il a quitté la ville avec sa famille. Il a dit qu'au cours de cette période de violence, sa femme a été violée, son locateur a été assassiné et sa maison a été incendiée.

[3]    Il est parti avec sa famille pour le Nord du pays et s'est installé à Kodikamamm.

[4]    Le demandeur a affirmé que, pendant son séjour à Kodikamamm, il a été constamment harcelé par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET). Il a dit avoir été contraint d'effectuer des travaux forcés, avoir été victime d'extorsion et s'être fait arracher des produits.

[5]    Après la prise de Kodikamamm par l'armée sri lankaise (l'ASL) en octobre 1996, le demandeur s'est enfui à Oddisudan avec sa famille en avril 1999. Il a continué à cultiver la terre là-bas et il a prétendu avoir été arbitrairement arrêté par l'armée en avril 1994 pendant qu'il travaillait sur une ferme. Il dit qu'après son arrestation, il a été détenu au camp de l'armée à Vavuniya pendant trois jours, a été faussement accusé d'être membre des TLET et a été torturé et interrogé.


[6]                Il prétend avoir été transféré après trois jours de ce camp à un autre camp situé à Anuradhapura où il a encore une fois été interrogé, molesté et contraint à des travaux forcés. Il affirme avoir été libéré après qu'un oncle eut versé un pot-de-vin. Il soutient s'être ensuite rendu à Colombo en compagnie de son oncle où il a encore une fois été détenu et arbitrairement arrêté à son arrivée à la gare ferroviaire Maradana. Il dit que la police l'a détenu et qu'une fois libéré, il est resté à Colombo pendant environ deux semaines pendant lesquelles il a dû se présenter régulièrement au poste de police.

[7]                La Commission a rejeté la plus grande partie du témoignage du demandeur. En particulier, elle n'a pas cru qu'il avait été arrêté par l'armée ou par la police. Elle n'a pas cru qu'il habitait dans la partie septentrionale du Sri Lanka vu l'absence de tout document d'identité le liant à cette partie du pays. Enfin, la Commission n'a pas cru que le demandeur craignait avec raison d'être persécuté parce qu'il ne correspondait pas au profil des hommes tamouls qui sont vulnérables au Sri Lanka.

[8]                Le demandeur a soulevé deux questions dans la présente demande de contrôle judiciaire :

1. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que des parties du témoignage du demandeur n'étaient pas crédibles;

2. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en statuant que le revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


Les arguments du demandeur

[9]                Le demandeur soutient que la Commission a scruté son témoignage à la loupe, y cherchant délibérément des incohérences et des contradictions. Il dit que cette attitude inappropriée est démontrée par le fait que la Commission a tiré une conclusion défavorable sur sa crédibilité en se fondant sur les incohérences entre les réponses qu'il avait données à l'entrevue au point d'entrée et son témoignage à l'audience devant la Commission.

[10]            Le demandeur soutient en outre que la Commission a commis une erreur en relatant son témoignage qui n'a pas été contredit. Il dit que cela ressort des motifs de la Commission où elle rappelle que le demandeur et sa femme sont partis à Colombo alors qu'il était accompagné de son oncle. De même, le demandeur soutient que la Commission a exposé les faits d'une manière inexacte lorsqu'elle a conclu que le demandeur [Traduction] « avait accepté » de se présenter au poste de police après l'incident à la gare ferroviaire Maradana.

[11]            Le demandeur affirme que ces inexactitudes quant à la preuve minent l'intégrité des conclusions tirées par la Commission quant à la crédibilité.


[12]            Le demandeur fait ensuite valoir que la Commission a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la preuve documentaire qui étayait sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Il soutient que les motifs de la Commission montrent qu'elle n'a pas tenu compte des informations les plus récentes disponibles sur la situation au Sri Lanka et que si elle l'avait fait, elle aurait été au courant d'éléments de preuve objectifs qui étayaient sa prétention qu'il craint d'être persécuté par les TLET, l'ASL et la police au Sri Lanka.

Les arguments du défendeur

[13]            Le défendeur fait valoir que les conclusions tirées sur la crédibilité par la Commission sont étayées par la preuve dont elle avait été saisie. Comme les conclusions sur la crédibilité sont au coeur même de l'exercice par la Commission de sa compétence, notre Cour ne peut pas les modifier lorsqu'elles sont étayées par la preuve.

[14]            Le défendeur s'oppose à l'argument selon lequel la Commission n'a pas évalué la preuve documentaire dont elle avait été saisie et a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Il soutient que la Commission n'est pas tenue de se reporter à chacun des éléments de preuve documentaire qu'elle a examinés et qu'en l'absence d'une preuve qu'elle n'a pas examiné la preuve documentaire produite, rien ne permet de conclure qu'elle a commis une erreur de droit dans son examen de cette preuve.


ANALYSE

[15]            Même si le demandeur a soulevé deux questions dans la présente demande de contrôle judiciaire, à mon avis, il n'y a qu'une seule question en litige et il s'agit de l'appréciation qu'a faite la Commission de la preuve, y compris la preuve documentaire, pour conclure que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[16]            Lorsqu'une personne revendique le statut de réfugié au sens de la Convention, la Commission doit déterminer si cette personne craint avec raison d'être persécutée pour l'un des motifs énumérés; voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. L'existence d'une « crainte fondée » dépend de la preuve présentée. C'est le rôle de la Commission d'évaluer cette preuve et de tirer des conclusions quant à la crédibilité.

[17]            La Cour ne modifiera pas les conclusions sur la crédibilité tirées par la Commission lorsque ces conclusions sont raisonnablement étayées par la preuve dont elle a été saisie. Voir Dhindsa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. 2011, où le juge Lemieux a dit ce qui suit au paragraphe 43 :


[traduction] La Cour n'annulera pas les conclusions tirées quant à la crédibilité par le tribunal sauf s'il est évident qu'elles ne tiennent aucun compte de la preuve (Rajaratham c. Canada (Ministère de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 135 N.R. 300 C.A.F.). Cela signifie que le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance de la preuve, l'existence d'une erreur dominante et manifeste qui a influencé l'appréciation des faits. La norme de révision applicable aux conclusions de fait d'un tribunal administratif en est une de déférence, Ville de Montréal, précité. En d'autres mots, il faut démontrer que la preuve, appréciée raisonnablement, ne peut pas étayer la conclusion de fait du tribunal (qui est de même nature qu'une conclusion sur la crédibilité) Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487.

[18]            En l'espèce, il était loisible à la Commission de tirer les conclusions auxquelles elle en est arrivée compte tenu de la preuve dont elle avait été saisie, notamment les notes prises au point d'entrée, le témoignage du demandeur à l'audience devant elle et la preuve documentaire qui lui a été présentée.

[19]            Comme l'a conclu le juge Rothstein dans Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] F.C.J. No. 1199, la Commission n'est pas tenue de mentionner ou d'indiquer au bas des pages chacun des éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée :

Même s'il aurait été préférable que le tribunal indique ses références au bas des pages ou renvoie expressément aux documents sur lesquels il s'est fondé, son omission de le faire ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

[20]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[21]            Même si l'avocat du demandeur a demandé qu'une question soit certifiée, la présente demande ne soulève pas à mon avis une question grave de portée générale et c'est pourquoi aucune question ne sera certifiée.

                                                                                   « E. Heneghan »                   

                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

16 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-2114-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                David Francis c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   17 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de madame le juge Heneghan en date du 16 février 2001

ONT COMPARU :

Robert I. Blanshay                                 POUR LE DEMANDEUR

Marissa Bielski                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert I. Blanshay                                 POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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