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Date : 20050802

Dossier : IMM-9767-04

Référence : 2005 CF 1053

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 2 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                                   ASIF KHAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire a trait à une décision rendue par un commissaire de la Section de l'immigration (le commissaire) en date du 4 novembre 2004. Le commissaire a décidé que le demandeur était interdit de territoire par l'action combinée des alinéas 34(1)f) et 34(1)c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]                Le demandeur, un citoyen du Pakistan âgé de 40 ans, a été membre de la faction Altaf du Mouvement Mohajir Quami (le MQM) de décembre 1991 à avril 1994. Il est arrivé au Canada en avril 1994 et a revendiqué le statut de réfugié. Sa revendication a été rejetée en juillet 1995. Il en a été de même, en mai 1996, de la demande qu'il a présentée en qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada. Le ministre a toutefois décidé, le 8 décembre 1998, qu'il existait des motifs d'ordre humanitaire suffisants pour qu'il fasse droit à la demande du demandeur, sous réserve des vérifications devant être effectuées en matière de criminalité, de santé et de sécurité. En décembre 2003, après que le demandeur eut déposé une demande de mandamus, le ministre a évoqué la possibilité que ce dernier soit interdit de territoire. L'enquête sur l'admissibilité du demandeur s'est étendue sur cinq jours entre juin et septembre 2004. Le ministre a conclu que le demandeur était interdit de territoire pour raison de sécurité, suivant l'alinéa 34(1)f) de la LIPR, parce qu'il était un étranger membre d'une organisation dont il y avait des motifs raisonnables de croire qu'elle se livrait, s'était livrée ou se livrerait au terrorisme. C'est cette décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

[3]                Les articles 33 et 34 de la LIPR prévoient :



INTERDICTIONS DE TERRITOIRE

Interprétation

33. Les faits -- actes ou omissions -- mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu'ils sont survenus, surviennent ou peuvent

survenir.

INADMISSIBILITY

Rules of interpretation

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.Sécurité

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

Security

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

a) être l'auteur d'actes d'espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s'entend au Canada;

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

b) être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

(d) being a danger to the security of Canada;

e) être l'auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d'autrui au Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

f) être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

Exception

(2) Ces faits n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

[Non souligné dans l'original]

Exception

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

[Emphasis added]



A. La décision faisant l'objet du contrôle

[4]                Dans la décision, le commissaire a tiré cinq conclusions fondamentales sur lesquelles porte principalement le présent contrôle. En premier lieu, le commissaire a conclu, dans l'extrait suivant, que seule la période pendant laquelle le demandeur avait été membre du MQM, soit de décembre 1991 à avril 1994, était pertinente aux fins de l'application de l'alinéa 34(1)f); cette conclusion n'est pas contestée en l'espèce :

En vertu du paragraphe 34(1), une personne peut être interdite de territoire pour avoir été membre dans le passé d'une organisation qui s'est livrée au terrorisme : cette personne ne serait pas dans ce cas dispensée de l'interdiction de territoire parce qu'elle n'est pas actuellement membre de l'organisation ou que la nature de celle-ci a changé. Il me semble toutefois que si une personne a cessé d'appartenir à une organisation à un moment dans le passé, on ne peut la tenir responsable de la conduite de cette organisation après le moment en question; en d'autres termes il faut, pour qu'une personne soit interdite de territoire, qu'elle ait été membre d'une organisation pendant que celle-ci se livrait au terrorisme.

[Non souligné dans l'original.]

(Dossier du demandeur (DD), page 9, paragraphe 9)

[5]                En deuxième lieu, le commissaire a écrit ce qui suit au sujet de la preuve qui, à ses yeux, était pertinente au regard des activités du MQM pendant la période en question lorsqu'il a examiné la conduite de l'organisation pendant les années 1990 :

L'onglet 5 est tiré d'un rapport d'Amnistie internationale, en date de décembre 1993, intitulé « Pakistan : Torture and deaths in custody » (Torture et décès en garde à vue). Voici ce qui est signalé, dans le sous-en-tête « Human rights violations reportedly perpetrated by the MQM » (violations des droits de la personne que le MQM aurait perpétrées) :

[traduction] En juin 1992, l'armée a annoncé la découverte de 23 chambres de torture à Karachi, où le MQM aurait torturé, et parfois tué des dissidents et des opposants politiques du MQM; selon des porte-parole militaires, les chambres se trouvaient dans des bureaux, écoles et hôpitaux du MQM.


Les journaux pakistanais - dont les rédacteurs en chef ont constamment informé Amnistie internationale au fil des ans que des membres du MQM les intimidaient, les harcelaient et les agressaient - ont publié des photographies de ces chambres présumées, avec les éclaboussures de sang aux murs, les appareils électriques qui auraient servi d'instruments de torture, les cordes et les chaînes suspendues au plafond [¼] Les journaux ont aussi publié de longues entrevues avec des personnes se disant victimes de tortures par le MQM, y compris de viol, et avec des parents de personnes qui seraient mortes pendant leur détention par le MQM. « The News » et le « Dawn » du 25 juin 1992 nomment plusieurs femmes dont les fils ou le mari auraient été torturés à mort dans des chambres du MQM à Landhi, Karachi [¼] Une autre femme, Tahira Haider, a déclaré que le MQM avait enlevé son mari Haider Ali en 1991, pour ensuite le libérer après que la famille eut payé une rançon. Quelques jours plus tard, des membres du MQM l'enlevaient à nouveau. « Haider a été tué d'une balle à l'extérieur d'un magasin d'armes. Ils ont aussi essayé de mettre le feu à ma maison » , a déclaré Tahera Haider. Elle a nommément désigné les tueurs présumés de son mari, qui sont tous des dirigeants et des membres du MQM.

Des porte-parole du MQM ont nié toutes les accusations relatives à ces chambres de torture et prétendu que l'armée les avait fabriquées de toutes pièces pour écraser le parti et porter préjudice à ses membres; ils ont ajouté que les entrevues avec les présumées victimes de torture étaient des faux.

Il a été impossible à Amnistie internationale de procéder à une vérification indépendante des rapports sur les tortures pratiquées par le MQM; toutefois, elle a reçu plusieurs témoignages semblables de membres du PPP qui se déclarent victimes de torture par le MQM entre 1989 et 1991.

« Newsline » a fait observer, en juillet 1992, que « le simple fait de l'existence de ces chambres de torture en plein milieu d'endroits à forte densité de population est une triste indication de l'impunité dont a joui le MQM durant son règne de terreur » .

Un fait vient confirmer que le gouvernement n'a pas même jugé utile de donner suite à des accusations publiques de torture pratiquée par le MQM : un rapport de la commission des droits de la personne du Pakistan (CDPP), « Sindh inquiry : Summer 1990 » " (Enquête sindh, été 1990), qui recueillait des témoignages de torture par le MQM, ne semble pas avoir incité le gouvernement à lancer une enquête. Le rapport cite des témoins oculaires de torture, soit des militants et des dissidents du MQM qui ont confirmé que le MQM pratiquait couramment la torture [...] La CDPP était parvenue à la conclusion suivante concernant la pratique de la torture par le MQM : « Il est difficile de rejeter entièrement le témoignage de transfuges du MQM affirmant que l'organisation tient des chambres à cette fin » . Les centres de torture désignés par les dissidents étaient précisément aux mêmes lieux que ceux découverts par l'armée en juin 1992.

En septembre 1992, le gouvernement fédéral a publié une liste de 121 membres du MQM recherchés pour avoir créé et maintenu des chambres de torture. En novembre 1992, des mandats d'arrêt ont été lancés contre la haute direction; en mars 1993, 19 dirigeants du MQM (dont Altaf Hussain) [¼] ont été déclarés des contrevenants. D'autres mandats, lancés à la fin mai 1993 contre 12 dirigeants du MQM, les accusaient de possession illégale d'armes et d'exploitation d'une chambre de torture à Malir, Karachi.

(DD, page 15, paragraphe 24)

[6]                En troisième lieu, le commissaire a jugé crédibles les éléments de preuve contenus à l'onglet 5 :

Tous les documents présentés par le ministre [y compris ceux de l'onglet 5] semblent provenir de sources dignes de foi, à la seule exception [sans importance] indiquée ci-dessous; en tout état de cause, le conseil ne les a pas mis en doute. À mon avis, la présentation d'informations et d'incidents semblables dans des publications différentes est un gage de la fiabilité des documents.


[Non souligné dans l'original]

(DD, page 18, paragraphe 31)

[7]                En quatrième lieu, le commissaire a jugé que la définition du terrorisme qui s'appliquait était celle de l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. :

La LIPR ne donne pas de définition du « terrorisme » . L'imprécision de ce terme a été contestée pour inconstitutionnalité, dans deux causes portées devant la Cour suprême du Canada : Ahani c. MCI (2002 C.S.C. 72) et Suresh c. MCI (2002 C.S.C. 1). La Cour a jugé que le terme est suffisamment certain pour permettre aux tribunaux de rendre des décisions. Voici comment elle s'est exprimée dans l'arrêt Suresh :

À notre avis, on peut conclure sans risque d'erreur, suivant la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que le terme « terrorisme » employé à l'art. 19 de la Loi [l'ancienne Loi sur l'immigration] inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque » . Cette définition traduit bien ce que l'on entend essentiellement par « terrorisme » à l'échelle internationale. Des situations particulières, à la limite de l'activité terroriste, susciteront inévitablement des désaccords. Le législateur peut toujours adopter une définition différente ou plus détaillée du terrorisme.

Pour sa part, le Parlement en a donné une définition plus détaillée ou différente dans le Code criminel. La définition du terrorisme n'a suscité aucun désaccord à l'audience en l'espèce. À mon avis, la définition de l'arrêt Suresh est suffisante aux fins de la présente affaire, à savoir des éléments de preuve crédibles et dignes de foi établissant l'accomplissement d'un acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

[Non souligné dans l'original.]

[8]                Enfin, dans la partie la plus importante de la décision, le commissaire a conclu que les éléments de preuve contenus à l'onglet 5 fournissaient des motifs raisonnables de tirer la conclusion indiquée à l'alinéa 34(1)f) :


38. Les documents du ministre font état d'une quasi-guérilla urbaine à Karachi tout au long des années 1990. Bien que M. Khan ait quitté le Pakistan et mis fin à son association avec le MQM en avril 1994, la plupart des documents analysés ci-dessus portent sur la fin de 1994, et les années 1995 et 1996, qui ont vu une intensification considérable de la violence sectaire à Karachi. En fait, certains des documents se rapportent à des incidents précis, comme le meurtre en décembre 1994 du rédacteur en chef d'une publication très critique à l'égard du MQM, tandis que d'autres dressent un état général du recours du MQM à la violence pour atteindre ses objectifs politiques. Le document le plus important, pour la présente espèce, est l'onglet 5 de la pièce C3, dont j'ai cité de longs extraits ci-dessus, et qui est le seul présenté par le ministre spécifiquement sur le MQM durant la période où M. Khan y était associé. Amnistie internationale signale dans ce document que le MQM aurait utilisé des chambres de torture. Elle présente les deux côtés des allégations, soit les accusations de l'armée et les comptes rendus dans la presse locale, et d'autre part les démentis du MQM. Amnistie internationale parvient aux conclusions suivantes, dans son résumé à la page 26 :

[traduction] Résumé : le MQM, avant et pendant la durée de son mandat comme partenaire de coalition du gouvernement au Sindh, aurait maintenu des chambres de torture dans lesquelles il a, illégalement, détenu, torturé et parfois exécuté des membres dissidents et des adversaires politiques du MQM.

39. La présentation équilibrée dans ce rapport des accusations portées contre le MQM et la précision des lieux, dates et témoins lui confèrent beaucoup de véracité. La seule preuve contradictoire est le témoignage de M. Khan, dans lequel il nie avoir eu connaissance d'une quelconque violence à Karachi quand il y résidait. Dans son FRP, par contre, il semble se prétendre lui-même victime de violence sectaire et de répression gouvernementale; il s'y dit pourchassé par la police et par l'armée, soumis par deux fois à la torture, et poursuivi et battu par différentes factions rivales. Si nous prenons acte qu'il s'en tient aux raisons exposées dans le FRP pour expliquer pourquoi il a fui le Pakistan, il a contredit ce récit dans sa déposition orale quand il nie toute connaissance des violences à Karachi. Même en tenant compte du temps écoulé et des limitations de M. Khan en tant que témoin, j'estime que son témoignage n'est pas digne de foi parce qu'il va à l'encontre de la preuve documentaire, très convaincante, et qu'il contredit ses propres déclarations antérieures dans le FRP.

40. Il existe à mon avis des motifs raisonnables d'ajouter foi aux faits avancés dans le résumé ci-dessus préparé par Amnistie internationale. L'onglet 5 fournit des éléments de preuve crédibles et dignes de foi d'activités destinées à provoquer la mort ou à blesser grièvement (torture ou exécution) des civils (opposants politiques) non engagés activement dans des hostilités à l'occasion d'un conflit armé (violence sectaire), lorsque la nature et le contexte d'un acte démontrent que son but est d'intimider une population ou de contraindre un gouvernement à exécuter un acte ou à s'abstenir de l'exécuter (les objectifs politiques du MQMA). Sur ce fondement, je suis convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le MQMA se livrait au terrorisme à l'époque où M. Khan y était associé.

(DD, pages 21 et 22, paragraphes 38 à 40)


B. Les questions en litige et l'analyse

1.          Le commissaire a-t-il eu tort d'utiliser la définition d' « activité terroriste » élaborée dans l'arrêt Suresh plutôt que celle établie par le législateur au paragraphe 83.01(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46?

[9]                Le demandeur soutient que le commissaire a commis une erreur en considérant que la définition tirée de l'arrêt Suresh était « suffisante aux fins de la présente affaire » , pour les raisons suivantes :

[traduction] La définition d' « activité terroriste » établie par le législateur se substitue à celle élaborée dans Suresh, en particulier parce que : a) elle n'a fait l'objet d'aucune contestation constitutionnelle devant la Cour; b) elle est plus complète et de portée plus limitée; c) elle a été adoptée après examen de l'arrêt Suresh.

(DD, page 49, paragraphe 45)

Le demandeur se fonde à cet égard sur la déclaration tirée de l'arrêt Suresh qui a été citée précédemment, selon laquelle « [l]e législateur peut toujours adopter une définition différente ou plus détaillée du terrorisme » .


[10]            À mon avis, il est important de noter que le conseil du demandeur n'a pas contesté la définition utilisée par le commissaire à l'audience devant ce dernier. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse critique des deux dispositions, et ce, pour deux raisons : premièrement, l'avocat du demandeur n'a pas été en mesure, à l'audience, de faire une distinction claire entre la définition élaborée dans Suresh et celle prévue par le Code criminel, les deux exigeant une intention et un motif politique qui, selon la preuve contenue à l'onglet 5, constituent des caractéristiques des activités du MQM pendant la période en question; deuxièmement, la Cour a déjà décidé qu'il convenait d'appliquer la définition élaborée dans l'arrêt Suresh (voir les décisions Fuentes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 4 C.F. 249 (1re inst.); Zarrin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 323 (1re inst.), et Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 1 R.C.F. 485 (1re inst.).

[11]            Aussi, il faut répondre par la négative à la première question.

2.          Y avait-il des éléments de preuve crédibles suffisants fournissant des motifs raisonnables de conclure que le MQM se livrait à des activités terroristes à l'époque pertinente?

[12]            L'avocat du demandeur a fait accessoirement valoir dans ses observations écrites que la décision faisant l'objet du présent contrôle était viciée par le fait que le commissaire avait fait l'historique des activités du MQM au lieu de s'attarder simplement à la période en question. Il n'a cependant pas insisté sur ce point lors de l'audition de la demande. Pour plus de clarté, j'estime que la description faite par le commissaire du contexte factuel des activités menées par le MQM à l'extérieur de la période en question est utile parce qu'elle montre la nature du MQM en tant qu'organisation. De plus, il ressort clairement de la décision que le contexte n'a pas été utilisé comme preuve des activités du MQM à l'époque où le demandeur en faisait partie. Par conséquent, je suis d'avis que la description du contexte n'a eu aucune incidence sur la décision qui a été rendue.


[13]            L'avocat du demandeur soutient principalement que le rapport d'Amnistie Internationale sur lequel le commissaire s'est appuyé ne constituait pas une preuve suffisante, car il ne s'agissait pas d'une évaluation indépendante des activités du MQM. Le demandeur prétend ce qui suit à cet égard :

[traduction]

71. Tous ces « rapports » et ces « allégations » sont du ouï-dire et ne sont pas crédibles. En fait, Amnistie Internationale a mis en doute la crédibilité de son propre rapport en déclarant : « Il a été impossible à Amnistie internationale de procéder à une vérification indépendante des rapports sur les tortures pratiquées par le MQM. »

72. En d'autres termes, la crédibilité de cet unique document traitant de la question dont le commissaire était saisi est très discutable.

[Souligné dans l'original.]

(DD, pages 54 et 55, paragraphes 71 et 72)

[14]            À cet égard, je suis d'avis qu'une lecture complète du rapport (DD, page 37) ne corrobore pas cette prétention. Le rapport indique bien qu'Amnistie Internationale n'a pas été en mesure d'effectuer une vérification indépendante des rapports sur les actes de torture, mais il mentionne également que les renseignements proviennent de différentes sources, dont des membres des autres partis politiques, les médias, l'armée et des [traduction] « observateurs » . Je ne vois pas en quoi le commissaire a commis une erreur en donnant de la valeur au rapport parce que « la présentation d'informations et d'incidents semblables dans des publications différentes est un gage de la fiabilité des documents » (DD, page 19, paragraphe 31).

[15]            Par conséquent, je souscris sans la moindre hésitation à la prétention de l'avocat du défendeur selon laquelle les éléments de preuve contenus à l'onglet 5 ne constituent peut-être pas une preuve selon la prépondérance des probabilités, mais il ne s'agit pas simplement de vagues soupçons. J'estime donc que ces éléments de preuve satisfont à la norme des « motifs raisonnables de croire » dont il est question à l'alinéa 34(1)f). En conséquence, il faut répondre affirmativement à la deuxième question.

3.          Le commissaire aurait-il dû examiner la question de savoir si le demandeur était visé par l'exception prévue au paragraphe 34(2) de la LIPR?

[16]            Le demandeur soutient que :

[traduction] [...] le paragraphe 34(2) de la LIPR impose au ministre ou au commissaire l'obligation d'au moins déterminer si une personne jugée interdite de territoire suivant le paragraphe 34(1) est visée au paragraphe 34(2) lorsqu'elle produit des éléments de preuve relativement à cette question.

[Souligné dans l'original.]

(DD, pages 50 et 51, paragraphe 51)

[17]            Ainsi que je l'ai mentionné à l'audience, le paragraphe 34(2) exige qu'une demande soit présentée au ministre pour que ce dernier ait l'obligation de répondre. Or, comme la preuve n'indique pas qu'une telle demande a été faite relativement à la conduite de l'audience devant le commissaire, je dois rejeter cette prétention du demandeur.


C. La conclusion

[18]            Pour les motifs exposés ci-dessus, j'arrive à la conclusion que la décision du commissaire ne renferme aucune erreur susceptible de révision.

                                        ORDONNANCE

Par conséquent, la demande est rejetée.

Au cours de l'audience, l'avocat du demandeur a indiqué que, si la demande était rejetée, une question certifiée devrait être soumise à la Cour d'appel relativement à la définition du terrorisme. Compte tenu des conclusions que j'ai tirées, je ne pense pas que la définition du terrorisme soit une question déterminante en l'espèce. Par conséquent, il n'y a aucune question à certifier.

                                                                      _ Douglas R. Campbell _                   

                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-9767-04

INTITULÉ :                                                            ASIF KHAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 28 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                           LE 2 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Phillip C. Rankin                                                        POUR LE DEMANDEUR

Gabriel Chand

Keith Reimer                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rankin & Bond                                                         POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice - Vancouver


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