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                                                                                                                                             Date: 20021031

                                                                                                                               Dossier : IMM-5686-01

                                                                                                             Référence neutre : 2002 CFPI 1126

Ottawa (Ontario), le jeudi 31 octobre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                                GUO WEI ZHANG et

GUI QIU MIN

                                                                                                                                                     demandeurs

                                                                              - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         La Cour est saisie d'une demande contrôle judiciaire d'une décision en date du 15 novembre 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]         Les demandeurs sont un couple marié provenant de la République populaire de Chine. Ils ont quitté la Chine en juin 1999 pour rendre visite à leurs enfants en Amérique du Nord. Alors qu'ils se trouvaient au Canada, ils ont appris qu'ils étaient recherchés en Chine par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) en raison de leur appartenance au mouvement Falun Gong. Ils ont tous les deux revendiqué le statut de réfugié le 2 octobre 1999.

DÉCISION DE LA SSR

[3]         La SSR a tenu trois séances distinctes pour instruire la cause des demandeurs le 28 août 2000, le 26 octobre 2000 et le 16 août 2001. Dans sa décision datée du 20 novembre 2001, la SSR a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention. La SSR a jugé que les demandeurs n'étaient pas crédibles et elle a conclu qu'ils « ont choisi de venir au Canada afin d'y revendiquer le statut de réfugié pour passer devant les autres plutôt que de demander le statut de résident permanent en suivant la procédure d'immigration normale » . La SSR a rejeté la revendication des demandeurs au motif qu'ils n'avaient pas raison de craindre d'être persécutés. Les demandeurs ont introduit une instance en contrôle judiciaire de la décision de la SSR.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]         La question en litige est celle de savoir si la SSR a commis une erreur en se fondant sur des conclusions de fait erronées pour conclure que les demandeurs n'étaient pas crédibles.


NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[5]         Les demandeurs affirment que la SSR a commis une erreur en faisant reposer sa décision sur des conclusions de fait erronées. La norme de contrôle à appliquer dans le cas du contrôle judiciaire d'une présumée erreur de fait commise par la SSR est énoncée à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale. Il s'agit de savoir si la SSR a « rendu une décision fondée sur des conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait » . La thèse des demandeurs tourne essentiellement autour de la conclusion de la SSR suivant laquelle ils n'étaient pas crédibles. Lorsqu'elle révise l'appréciation que la SSR a faite de la crédibilité d'un revendicateur déterminé, la Cour doit se rappeler que la SSR est un tribunal spécialisé devant lequel le revendicateur a témoigné de vive voix et que, pour cette raison, c'est elle qui est la mieux placée pour apprécier la crédibilité du revendicateur. La norme appliquée par notre Cour lorsqu'elle examine les conclusions tirées par la SSR au sujet de la crédibilité est par conséquent celle de la décision manifestement déraisonnable (voir l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

ANALYSE


[6]         La SSR a exprimé un avis défavorable au sujet de la crédibilité des demandeurs en grande partie à cause de ce qu'elle a appelé leur « histoire compliquée » au sujet de l'absence de photographies montrant les demandeurs en train de pratiquer le Falun Gong en Chine. Or, la Cour estime que la SSR a agi de manière déraisonnable en qualifiant le récit des demandeurs d'histoire compliquée. Cette partie du témoignage des demandeurs a souffert de problèmes de traduction et le tribunal n'a pas fait preuve de beaucoup de patience face à ces difficultés. Qui plus est, la SSR a commis plusieurs erreurs dans ses motifs lorsqu'elle a traité de cette question. Mentionnons notamment les erreurs suivantes :

(i)                    La SSR a affirmé que le revendicateur avait eu l'idée d'apporter avec eux des photos au Canada, mais qu'il les avait oubliées. Or, rien ne permet de conclure, à la lecture du procès-verbal de l'audience, que le demandeur ait jamais dit qu'il avait oublié les photos. Lorsqu'il a été interrogé la première fois lors de la séance du 28 août 2000 sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas demandé à son cousin, qui s'occupait de l'appartement, de leur envoyer les photos, le revendicateur a répondu qu'elles étaient conservées sous clé dans une bibliothèque. Lorsqu'on lui a demandé où se trouvait la clé, il a répondu : [TRADUCTION] « La clé est chez moi à Shanghai. J'ai fermé la bibliothèque à clé. »

(ii)                  Interrogée au sujet de la clé de la bibliothèque lors de l'audience du 28 août 2000, la revendicatrice a répondu : [TRADUCTION] « Nous avons plusieurs pièces et plusieurs bibliothèques. Nos clés, nous les avons mises dans une bibliothèque verrouillée et nous avons apporté une clé avec nous en Amérique du Nord » . La SSR en est arrivée à la conclusion que le revendicateur et la revendicatrice se contredisaient sur ce point, étant donné que le revendicateur affirmait que la clé était à Shanghai, alors que sa femme soutenait que la clé n'avait pas été laissée en Chine. Les réponses des deux demandeurs ne me paraissent pas contradictoires sur ce point.


(iii)                 La SSR a affirmé que la revendicatrice avait « donné une version entièrement différente de la situation en ce qui concerne les clés » à l'audience du 26 octobre 2000 lorsqu'elle a été confrontée aux contradictions de la preuve. La revendicatrice a répondu en précisant qu'elle et son mari avaient dix bibliothèques et qu'ils les avaient verrouillées avant leur départ. Elle a témoigné qu'ils avaient verrouillé neuf de ces bibliothèques, qu'ils avaient déposé les clés de ces neuf bibliothèques dans la dixième et qu'ils avaient apporté la clé de la dixième bibliothèque avec eux. En comparant ce témoignage à son témoignage antérieur, je ne suis pas convaincu qu'il était raisonnable de conclure que la revendicatrice avait changé sa version des faits.

(iv)              Lorsque l'avocate des demandeurs l'a interrogé lors de l'audience du 26 octobre 2000, le demandeur a témoigné qu'il avait envoyé la clé à son cousin pour qu'il puisse ouvrir la bibliothèque principale et récupérer la clé de la bibliothèque dans laquelle se trouvaient les photos. Le témoignage du demandeur concorde manifestement tant avec le témoignage de la demanderesse qu'avec son propre témoignage antérieur sur la question.

[7]         Qui plus est, lecture faite de la transcription, j'en arrive à la conclusion que plusieurs incidents ont perturbé le déroulement de cette audience de sorte que les demandeurs ont droit à une nouvelle audience.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR :

ACCUEILLE la présente demande de contrôle judiciaire et RENVOIE l'affaire à une autre formation de la SSR pour qu'elle rende une nouvelle décision. Les avocats n'ont pas recommandé la certification d'une question grave de portée générale. Aucune question n'est donc certifiée.

    

     Micheal A. Kelen       

                       Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            IMM-5686-01

INTITULÉ :                                           GUO WEI ZHANG ET AL.

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE MERCREDI 23 OCTOBRE 2002   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                           JEUDI 31 OCTOBRE 2002

  

COMPARUTIONS :

Mary Boyce                                                                  pour le demandeur

Pamala Larmondim                                                         pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                

Mary Boyce

Avocate

69, rue Elm

Toronto (Ontario)

M5G 1H2                                                                       pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                               pour le défendeur

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