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Date : 20010330

Dossier : IMM-5876-99

Référence neutre : 2001 CFPI 267

ENTRE :

SHAMIRA JANMOHAMED et SADRUDIN MUSA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]    La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision de l'agente des visas Helen Patricia Allison (l'agente des visas) de la Section de l'immigration du Haut-commissariat canadien à Nairobi, au Kenya. Cette décision, datée du 29 octobre 1999, rejetait la demande présentée par la demanderesse pour obtenir la résidence permanente au Canada.


LES FAITS

[2]    La demanderesse est une citoyenne du Kenya qui a reçu une offre d'emploi de son oncle, dans le cadre des offres d'emploi dans une entreprise familiale prévues à la Loi sur l'immigration et au Règlement y afférent. Son oncle est le propriétaire et le chef de la direction de CompuForms Inc., à Calgary. L'offre d'emploi dans l'entreprise familiale est arrivée au Haut-commissariat canadien à Nairobi le 16 mars 1999.

[3]    La demanderesse a présenté sa demande dans la catégorie des parents aidés et elle a fait état de trois professions visées au Canada, savoir : agente aux achats (CNP 1225.0), directrice des ventes (CNP 0611.1) et agente d'administration (CNP 1221). Le Haut-commissariat à Nairobi a reçu sa demande le 28 mars 1999.

[4]    La demanderesse a terminé sept années d'école primaire et quatre années d'études secondaires au Kenya. En 1983, elle a obtenu un diplôme en programmation informatique et en systèmes de gestion du Herzing Institute. En 1984, elle a obtenu un diplôme en design de la Kenya School of Hairdressing.


[5]                 En 1991, la demanderesse a travaillé à temps partiel pendant un peu moins de trois mois comme agente au trafic pour El-Al Israeli Airlines. Elle a aussi travaillé comme gestionnaire adjointe à l'aéroport pour Air India. De 1992 à 1995, elle a travaillé comme gestionnaire pour l'entreprise Aviation Security Consultant à Nairobi. Depuis 1995, elle travaille comme directrice des ventes pour Hair Tact Unisex Hair & Beauty Salon, un salon de coiffure de Nairobi dont elle est propriétaire conjointement avec son mari.

[6]                 Le 19 octobre 1999, la demanderesse a été reçue en entrevue par l'agente des visas, Helen Patricia Allison. Dans une lettre datée du 29 octobre 1999, la demanderesse était informée que sa demande de résidence permanente au Canada était rejetée.

[7]                 J'ai examiné avec soin le dossier et les documents déposés par les deux parties.

[8]                 Au vu de la preuve présentée à l'agente des visas, je suis convaincu que sa conclusion que la demanderesse ne pouvait travailler dans la profession de représentante des ventes n'est pas raisonnable.

[9]                 La profession de représentante des ventes (CNP 6411.0) est décrite comme suit dans la CNP :

Les représentants de ventes non techniques, vente en gros, vendent des biens et des services non techniques à des détaillants, des grossistes, des établissements commerciaux, industriels ou spécialisés. Ils travaillent pour des établissements pourvoyeurs de services et de produits dans les secteurs des produits du pétrole, des produits alimentaires et des boissons, du tabac, des vêtements et de la mercerie, des articles ménagers, des véhicules à moteur et des pièces détachées, de l'hôtellerie, des services commerciaux et des transports. Les représentants des ventes non techniques, vente en gros, qui occupent des postes de supervision sont compris dans ce groupe.

[...]


Les représentants des ventes non techniques, vente en gros, remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

faire la promotion auprès des clients;

déterminer les clients éventuels et les solliciter;

présenter aux clients un exposé ou une description des avantages et des utilisations des biens ou des services;

évaluer et établir les prix, les conditions de crédit, les garanties et les dates de livraison;

rédiger les contrats de vente ou en assurer la rédaction;

communiquer avec les clients, après la vente, pour résoudre les problèmes et assurer un suivi;

lire et suivre les renseignements concernant les innovations d'un produit, les concurrents et les conditions du marché;

superviser, s'il y a lieu, le travail d'autres représentants de commerce.

Conditions d'accès à la profession

Un diplôme d'études secondaires est exigé.

Un diplôme d'études universitaires ou collégiales peut être requis.

De l'expérience dans le domaine de la vente ou dans une profession reliée aux produits ou aux services vendus est habituellement exigée.

De l'expérience est exigée des superviseurs et des représentants de commerce cadres.

[10]            Comme la demanderesse l'indique, en tant que propriétaire d'entreprise pour son propre compte, elle doit nécessairement accomplir plusieurs des fonctions principales de la profession visée.


[11]            Il est clair qu'une telle personne doit être au courant des « innovations d'un produit, les concurrents et les conditions du marché...faire de la promotion auprès des clients...présenter aux clients un exposé ou une description des avantages et des utilisations des biens ou des services...déterminer les clients éventuels et les solliciter...[et] superviser, s'il y a lieu, le travail d'autres représentants de commerce... » .

[12]            L'agente des visas a aussi commis une erreur en accordant trois points pour la demande professionnelle alors qu'elle avait conclu que la demanderesse n'avait pas d'expérience et qu'elle ne répondait pas aux critères d'une représentante des ventes. Comme notre Cour l'a décidé dans Dauz c. Canada (M.C.I.), [1999] J.C.F. no 1307 (1re inst.) et dans Bhogal c. Canada (M.C.I.) [2000] J.C.F. no 1581 (1re inst.), c'est une erreur de n'accorder aucun point d'appréciation pour l'expérience lorsqu'on a accordé des points pour la demande professionnelle. Le facteur 4(1)a) exige qu'un demandeur réponde aux exigences sur le plan de l'expérience pour qu'on puisse accorder des points d'appréciation pour la demande professionnelle.

[13]            Selon moi, et au vu des conclusions susmentionnées, la conclusion de l'agente des visas qui porte que la demanderesse n'avait pas d'expérience ou de qualification dans la profession visée est déraisonnable.


[14]            Quant au facteur études, la demanderesse soutient que l'agente des visas a commis une autre erreur en concluant qu'elle ne pouvait lui accorder cinq points à ce titre, étant donné que le Herzing Institute n'est pas reconnu comme institution autorisée à délivrer des diplômes par le ministère de l'Éducation de l'Ontario.

[15]            La demanderesse soutient que cette exigence n'apparaît pas dans le Règlement de 1978 sur l'immigration. L'agente des visas n'avait pas le mandat d'évaluer l'équivalence de ses diplômes au vu des normes canadiennes.

[16]            Dans sa lettre de rejet, l'agente des visas écrit ceci :

[traduction]

En vous accordant des points d'appréciation pour les études, je constate que vous avez terminé vos études secondaires, mais que vos qualifications ne vous rendent pas admissible à des études universitaires, et que votre diplôme du Herzing Institute ne satisfait pas à nos exigences de reconnaissance professionnelle.

[17]            Voici comment l'agente des visas s'explique dans son affidavit :

[traduction]

J'ai accordé 5 points pour les études. La demanderesse n'a pas terminé ses études secondaires et ne s'est pas présentée au certificat d'études au niveau A, qui rend admissible à des études universitaires. Le Herzing Institute n'est pas reconnu comme institution autorisée à délivrer des diplômes par le ministère de l'Éducation de l'Ontario.

[18]            Voici les dispositions pertinentes de l'annexe I :

1. Études (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant :

a) lorsqu'un diplôme d'études secondaires n'a pas été obtenu, aucun point;


b) lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

(i) si le diplôme ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 5 points,

(ii) si le diplôme rend le titulaire admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu, 10 points,

(iii) si le diplôme confère une qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 10 points;

c) lorsqu'un diplôme ou un certificat d'apprentissage d'un collège, d'une école de métiers ou de tout autre établissement postsecondaire, qui comporte au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

(i) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé aux sous-alinéas b)(i) ou (iii), 10 points,

(ii) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé au sous-alinéa b)(ii), 13 points;

[19]            La preuve présentée à l'agente des visas indique que la demanderesse a suivi des cours au Herzing Institute de 13 h à 18 h cinq jours chaque semaine, pendant une année. Par conséquent, je crois que la demanderesse satisfait aux exigences prévues à l'alinéa (1)c)(i) du facteur études.

[20]            Le défendeur n'a présenté aucune explication pour justifier l'exigence imposée par l'agente des visas que l'institution soit reconnue comme étant autorisée à délivrer des diplômes par le ministère de l'Éducation de l'Ontario. Rien dans la preuve n'indique que cette exigence provienne de la Loi sur l'immigration ou du Règlement y afférent.


[21]            La politique que l'on trouve dans le Manuel Traitement des demandes à l'étranger est le seul document qui pourrait expliquer pourquoi l'agente des visas croyait être autorisée à imposer cette exigence. La politique indique que :

o) Les bureaux des visas continueront de vérifier si les diplômes et certificats soumis par les demandeurs sont authentiques et s'ils ont été délivrés conformément aux normes et pratiques du pays où se trouve l'établissement d'enseignement qui les a délivrés.

[22]            Toutefois, je ne suis pas convaincu que la politique accorde à l'agente des visas la compétence requise pour imposer une telle exigence.

[23]            Que je sache, il n'y a aucune obligation qui s'imposait à la demanderesse d'apporter à l'entrevue avec l'agente des visas une preuve que l'institution qu'elle avait fréquentée délivre des diplômes reconnus par le ministère de l'Éducation de l'Ontario. De plus, le défendeur n'a pas expliqué comment l'agente des visas pouvait imposer l'exigence que le Herzing Institute soit une institution autorisée à délivrer des diplômes par le ministère de l'Éducation de l'Ontario.

[24]            Étant donné que l'agente des visas ne m'a pas présenté cette preuve, je ne suis pas disposé à spéculer quant à savoir si elle avait la compétence requise pour imposer cette exigence. Si elle l'avait, elle aurait dû déposer ce fait en preuve.

[25]            Par conséquent, je considère que la demanderesse avait droit de recevoir 10 points d'appréciation au facteur études.


[26]            Je crois que l'agente des visas a fait trois erreurs différentes, erreurs qui peuvent avoir eu un impact sérieux sur sa décision.

[27]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas est annulée et la question est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen et décision en conformité de mes motifs.

[28]            Aucun des avocats n'a présenté de question à certifier.

« Pierre Blais »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                             IMM-5876-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Shamira Janmohamed et Sadrudin Musa

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 6 mars 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                     le 30 mars 2001

ONT COMPARU

M. Max Chaudhary                                              POUR LES DEMANDEURS

Mme Marrissa Bielski                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Chaudhary Law Office                                        POUR LES DEMANDEURS

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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