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Date : 20050815

Dossier : IMM-9308-04

Référence : 2005 CF 1105

Toronto (Ontario), le 15 août 2005

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

MOULAY YOUSSEF EL IDRISSI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 19 octobre 2004 par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section d'appel), qui a rejeté l'appel de M. Moulay Youssef El Idrissi (le demandeur) en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi) à l'encontre d'une mesure d'interdiction de séjour prise contre lui le 23 juin 2003 par un délégué du Ministre pour manquement à l'obligation de résidence.

FAITS PERTINENTS

[2]                 Le demandeur, d'origine marocaine, a obtenu la résidence permanente au Canada le 9 novembre 1991, ayant été parrainé par son épouse. En juillet 1999, le demandeur s'est séparé de son épouse et a donc déménagé de Sherbrooke à Montréal.

[3]                 En novembre 1999, le demandeur a quitté le Canada pour se rendre au Maroc pour visiter son père malade et pour diriger l'entreprise familiale. Une fois rendu au Maroc, il allègue avoir souffert de claustrophobie et de dépression nerveuse et n'a donc pu revenir au Canada que le 15 juin 2003.

[4]                 Étant visé par l'article 41 de la Loi, le 23 juin 2003, une mesure d'interdiction de séjour a été prise contre lui par la Ministre, conformément aux paragraphes 44(2) de la Loi et 228(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).

QUESTION EN LITIGE

[5]                La section d'appel, a-t-elle erré en reconnaissant la validité en droit de la décision prise par le délégué de la Ministre et en concluant à l'insuffisance de motifs d'ordre humanitaire?

ANALYSE

[6]                 Il est important de noter tout d'abord qu'au début de l'audience devant la section d'appel, le représentant du demandeur a concédé que la mesure de renvoi prise contre son client était valide juridiquement et que la seule question qu'il entendait débattre devant la section d'appel était l'existence de motifs humanitaires pour expliquer le manquement de son client à l'obligation de résidence.

Le commissaire : (...) Alors je comprends, euh, Me Lebrun que vous ne contestez pas la validité juridique de la mesure de renvoi mais vous voulez plutôt faire valoir euh, des motifs d'ordre humanitaire. C'est bien ça?

Le conseiller de l'appelant : Je vais vous répondre euh, comme le, euh. Je vais, je vais tenter de donner une réponse simple. (...) Alors euh, dans, dans ce contexte-là, euh, effectivement, si on regarde euh, ce qui, ce qui en est on comprend que la mesure d'interdiction puisse être réalisée et ce que l'on soumet aujourd'hui ce sont des motifs humanitaires au niveau de la section de l'appel pour expliquer le fait que euh, notre client n'a pas pu euh, répondre aux exigences de journées pour euh, pour la résidence.

Le commissaire : Ok, Mais je veux être clair (...) Donc vous pouvez pas me dire : oui je laisse ça ouvert puis je conteste puis euh. Alors il faut que ce soit clair là.

Le conseiller de l'appelant : Tout, tout ce que je vous dis, Monsieur, c'est que les lois fédérales euh, sont habituellement sanctionnées (...) Alors c'est, euh, notre prétention puis il y a toujours une ouverture qui peut-être faite au niveau de la contestation. Et on peut toujours forcer en Cour Supérieure de, les autorités qui ont sanctionnées la loi à faire ce qu'ils devaient faire.

Le commissaire : Alors est-ce que vous en faites un argument? Est-ce que c'est quelque chose que vous voulez qui soit débattu dans le cadre de cette audience-ci? Oui ou non?

Le conseiller de l'appelant : Non.

Le commissaire : Ah!

Le conseiller de l'appelant : Dans le cadre de cette audience-ci! Non.

Le commissaire : OK. Je voulais juste m'en assurer. Donc je comprends bien que euh, que l'appelant veut faire des motifs d'ordre humanitaire.

Le conseiller de l'appelant : C'est exact monsieur.

(Voir les pages 38-41 du dossier du demandeur - procès-verbal du 25 août 2004.)

[7]                 Ceci étant dit, la seule question sur laquelle la section d'appel devait se pencher était d'examiner s'il existait oui ou non des motifs d'ordre humanitaire qui justifieraient une exemption à l'obligation de résidence.

[8]                 Or, l'existence de motifs humanitaires est un fardeau de preuve détenu par le demandeur. C'est d'ailleurs ce qui lui fut précisé dans le formulaire IMM 5511 qu'il a signé le 23 juin 2003, au paragraphe 19 :

19. Si le nombre total de jours indiqués aux questions 15, 16, 17 et 18 ci-dessus est inférieur à 730 jours,

    

a.        Veuillez indiquer s'il existe des circonstances d'ordre humanitaire qui justifieraient le maintien de votre statut de résident permanent et rendraient sans effet toute inobservation de l'obligation de résidence.

b.        Veuillez indiquer les circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché par une décision concernant votre résidence permanente au Canada.

(Voir la page 158 du dossier du demandeur - Formulaire IMM 5511 signé le 23 juin 2003.)

[9]                 Le délégué du Ministre a rencontré le demandeur le 23 juin 2003 afin de déterminer s'il existait des motifs humanitaires. Or, le demandeur n'a aucunement fait allusion à sa famille au Canada. Il a simplement indiqué qu'il devait prendre soin de son père malade, et qu'il avait souffert de graves dépressions et qu'il souffrait aussi de claustrophobie.

[10]            Bien que le demandeur allègue aujourd'hui une proche amitié avec son cousin et sa femme, il n'a présenté aucune preuve pour soutenir ceci devant la section d'appel. Il me présente un affidavit signé par sa femme après la date de décision de la section d'appel, donc, une nouvelle preuve qui n'était pas devant la section d'appel. Je ne peux prendre en considération ce qui n'était pas devant la section d'appel et indiquerai simplement que la section d'appel n'a pas erré en déterminant que le demandeur avait très peu de lien avec sa femme, considérant son témoignage :

Le Commissaire : Est-ce que vous avez d'autres plans autre que de créer une société? Par exemple votre femme, dont vous séparé légalement. Qu'est-ce que vous vous attendez de faire? Vous désirez entamer des procédures officielles de divorce ou vous allez laisser la situation?

Le demandeur : Éventuellement...

Le Commissaire : Comme ça. C'est quoi...

Le demandeur : Éventuellement, votre honneur, il faut clarifier les intentions, il faut que j'essai de la voir pour essayer de voir ce que l'on peut ...

Le Commissaire : Mais quand vous dites clarifier les intentions vous, de votre côté, c'est quoi votre intention par rapport à votre femme? Qu'est-ce que vous voulez faire?

Le demandeur : C'était une personne avec qui je me suis marié par amour, avec qui j'ai eu de très bon moment. Et à cause de, on a eu certains pépins comme dans tous les couples euh. Je suis rentré, euh, je sais euh, que maintenant elle est avec une autre personne, euh, si elle se sent bien je ne vais quand même pas venir lui gâcher la vie alors que moi j'étais pas là à coté d'elle pendant un certain temps, pendant que je ne pouvais pas être au Canada.

Le Commissaire : Selon vos informations, elle est avec une autre personne depuis quand?

Le demandeur : Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas vous répondre.

Le Commissaire : Est-ce que ça fait quelques années quelle est (inaudible) sans nécessairement...

Le demandeur : Ça fait deux ans.

(Voir les pages 96-98 du dossier du demandeur - procès-verbal du 25 août 2004.)

[11]            Il est donc évident que le demandeur n'a pas gardé un contact rapproché avec sa femme, vu le fait qu'elle vivait une relation avec un homme depuis deux ans et que le demandeur n'en savait pas plus que ça en ce qui concerne sa femme. De toute façon, le simple fait d'avoir une épouse au Canada n'est pas suffisant pour que cet état de fait soit considéré comme un motif humanitaire militant pour la prise d'une mesure spéciale dans ce dossier. (Voir l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358, [2002] A.C.F. no 457 (C.A.)).

[12]            De plus, il demeure néanmoins plusieurs faits non contestés sur lesquels la section d'appel s'est basée pour rendre sa décision. Entre autres, la section d'appel mentionne que :

·          Le demandeur avait déclaré à l'agent d'immigration qu'il avait quitté le Canada en 1999 pour ne plus y revenir;

·          Le demandeur est revenu au Canada le 15 juin 2003 avec un billet d'avion aller/retour entre Montréal et Casablanca et que la date de retour était le 23 juin 2003;

·          Le demandeur n'avait aucun enfant au Canada;

·          Le demandeur n'a pas fait preuve de contact avec son cousin qui vit au Canada. D'ailleurs, les membres de sa famille demeurent tous au Maroc;

·          Les projets futurs d'investissement par le demandeur sont vagues.

[13]            Le demandeur conteste présentement la conclusion de la section d'appel qui a déterminé qu'il n'avait jamais travaillé au Canada. Il allègue qu'il aidait sa femme à la garderie et qu'il avait présentement des futurs plans pour établir une compagnie d'exportation. Je ne peux tout de même pas trouver d'erreur dans la conclusion de la section d'appel, vu les réponses du demandeur à ce sujet :

Le conseiller de l'intimé : OK. Est-ce que vous avez travaillé?

Le demandeur : Non monsieur.

Le conseiller de l'intimé : Comment est-ce que vous subveniez à vos besoins?

Le demandeur : Je recevais de l'argent du Maroc chaque fois que quelqu'un venait il me ramenait de l'argent.

(Voir la page 68 du dossier du demandeur - procès-verbal du 25 août 2004.)

[14]            Pour ce qui est de ses projets d'investissements, il était loisible à la section d'appel de considérer que les projets du demandeur étaient vagues et que ceci n'était pas un élément important pour justifier ultimement la prise d'une mesure spéciale dans son cas, vu le fait que le demandeur a témoigné quant à son désir d'investir depuis qu'il était résident permanent, donc, en 1991 mais que rien ne s'était concrétisé.

[15]            Finalement, le demandeur soumet que la section d'appel a erré en déterminant que les certificats médicaux déposés étaient vagues et peu précis sur plusieurs éléments importants pour démontrer pourquoi le demandeur n'avait pu, avant le 15 juin 2003, revenir au Canada. Bien que le demandeur soit en désaccord avec ces conclusions, et après avoir relu les certificats médicaux, je ne peux conclure que les conclusions tirées de la preuve par la section d'appel sont manifestement déraisonnables.

[16]            Ceci est d'autant plus vrai considérant que le demandeur n'a pu expliquer comment il pouvait s'occuper des affaires de l'entreprise familiale alors qu'il était soi-disant en pleine dépression nerveuse, qu'il souffrait de claustrophobie et devait visiter plusieurs fois par semaine un psychiatre au Maroc. Par contre, le demandeur refusait de donner cette charge à son frère qui était titulaire d'un diplôme universitaire en économie et qui était en bonne santé.

[17]            Je suis donc d'avis que la section d'appel n'a commis aucune faute en reconnaissant la validité en droit de la décision prise par le délégué de la Ministre et en concluant à l'insuffisance de motifs d'ordre humanitaire.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.       La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.       Aucune question sérieuse ne sera certifiée.

* Pierre Blais +

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-9308-04

INTITULÉ :                                        Moulay Youssef El Idrissi c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               09 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :             JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      15 août 2005

COMPARUTIONS:

Me Michel Lebrun

POUR DEMANDEUR

Me Sherry Rai Far

POUR DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Michel Lebrun

La Salle (Québec)

POUR DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR DÉFENDEUR

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