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Date : 19971209


Dossiers : T-1430-96

T-1431-96

ENTRE


CHARLES B. DAVISON,


requérant,


et


LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,


intimés.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés oralement à l'audience à Edmonton (Alberta)

le mercredi 8 octobre 1997, dans leur forme révisée)

LE JUGE CAMPBELL

[1]      Voici les motifs que je prononce à l'égard des objections préliminaires soulevées par la Couronne dans les dossiers T-1430-96 et T-1431-96. En ce qui concerne le dossier T-1430-96, qui se rapporte aux objections soulevées par M. Davison à l'égard de l'environnement physique dans lequel une visite s'est déroulée le 30 mai 1996, il importe d'examiner les dispositions du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

[2]      En vertu de cette disposition, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par "quiconque est directement touché par l'objet de la demande".

[3]      En ce qui concerne les mots "quiconque est directement touché", M. Davison pourrait en pratique être directement touché par la décision rendue en l'espèce, mais il s'agit de savoir si cela suffit pour qu'il ait la capacité juridique voulue pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

[4]      En ce qui concerne les mots "par l'objet de la demande", je conclus que dans le contexte de l'espèce, l'objet de la demande doit se rapporter à la violation illégitime d'un droit ou d'un privilège de visite.

[5]      En vertu de l'article 90 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le droit en cause est clairement le droit personnel à des visites que possède un détenu particulier et non celui d'un visiteur, et ce, quelles que soient les titres de compétences de ce dernier. Par conséquent, avant qu'un contrôle judiciaire puisse être demandé par suite de la violation de pareil droit, le détenu concerné doit tout au moins, à mon avis, s'opposer clairement à la mesure administrative qui est prise. Il le fait normalement en soulevant l'objection et peut-être en présentant un grief ou, de fait, en déposant un avis de requête introductive d'instance en vue de contester la décision en cause.

[6]      Dans un cas comme celui-ci, pour que quelqu'un d'autre soulève une objection en sa qualité de personne "directement touchée", il faut néanmoins, pour que cette personne ait qualité pour agir, que le détenu concerné se soit clairement opposé à la mesure. Étant donné que ce n'est pas ce qui s'est produit dans ce cas-ci, je conclus que M. Davison n'a pas qualité pour présenter la demande. Même si M. Davison avait qualité pour agir en l'espèce, il reste encore à savoir si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour accorder le redressement demandé.

[7]      M. Davison a présenté la demande en vue de donner suite à l'avertissement qu'il avait donné aux autorités pénitentiaires, à savoir que, s'il ne pouvait pas en venir à une entente qui lui convenait au sujet des droits et privilèges de visite, il s'adresserait aux tribunaux pour obtenir une décision destinée à renseigner tous les intéressés sur leurs droits et obligations.

[8]      À mon avis, il s'agit d'un recours inapproprié au contrôle judiciaire à moins que la demande ne soit présentée dans le contexte de la violation des droits d'un détenu particulier à laquelle ce dernier s'oppose.

[9]      Je ne crois pas que la Cour ait des pouvoirs de supervision si ce n'est pour statuer sur cette question de droit. La question ici en cause se rapporte à l'environnement physique dans lequel une visite s'est déroulée le 30 mai 1996. La visite demandée par M. Davison a eu lieu, ce dernier ne s'opposant qu'aux circonstances matérielles dans lesquelles elle a été effectuée.

[10]      La décision contestée a été prise il y a plus d'un an et demi et, puisque rien ne montre que les conditions dans lesquelles les visites sont effectuées font encore l'objet d'une controverse, la question n'a selon moi aucun intérêt pratique. À mon avis, on ne devrait pas avoir recours au contrôle judiciaire pour régler un problème de relations entre le Barreau et un établissement en ce qui concerne les droits et privilèges de visite. À mon avis, c'est au moyen de la négociation, plutôt que d'un litige, qu'il convient de régler un conflit comme celui-ci.

[11]      La demande est donc rejetée. Aucune ordonnance n'est rendue à l'égard des dépens.

[12]      En ce qui concerne le dossier T-1431-96, la demande se rapporte à une question que le directeur adjoint a posée à M. Davison le 23 mai 1996, à savoir si les détenus que ce dernier voulait rencontrer étaient ses clients. Je conclus que les objections qui ont été soulevées dans le dossier T-1430-96 au sujet de la qualité pour agir s'appliquent également ici, c'est-à-dire que le détenu doit s'opposer à la décision qui a été prise. Or, aucun des détenus que M. Davison avait l'intention de voir ne s'est opposé à cette décision.

[13]      Comme il en est fait mention dans l'avis de requête introductive d'instance, la requête vise à l'obtention d'une déclaration portant que les intimés [TRADUCTION] "n'ont pas le droit de connaître le rapport juridique ou les questions sur lesquelles doit porter une entrevue privée entre l'avocat et les détenus qui a lieu à l'intérieur d'un établissement de correction". Étant donné qu'aucun détenu ne s'est opposé à la chose, je conclus que M. Davison n'a pas qualité pour agir dans la présente demande.

[14]      En l'espèce, la question de savoir si une seule décision est en cause se pose également. Selon l'avis de requête introductive d'instance, la décision était la suivante :

         [TRADUCTION]                 
         On ne voulait pas permettre au requérant d'entrer dans l'établissement de Bowden à moins qu'il ne fournisse des renseignements confidentiels.                 

[15]      Il n'existe aucune preuve à ce sujet. Le directeur adjoint a demandé à M. Davison des renseignements, c'est-à-dire qu'il lui a posé une question; il n'a pas pris de décision.

[16]      En ce qui concerne la séance de consultation que les représentants de l'établissement ont eue avec les détenus avant d'autoriser la visite, je conclus que, si le directeur adjoint a bien dit que si les détenus étaient prêts à déclarer par écrit que M. Davison était leur avocat, ce dernier serait autorisé à entrer dans l'établissement le lendemain, il ne s'agissait que d'une déclaration d'intention et non d'une décision. De plus, je conclus qu'en consultant les détenus, on leur posait une question; on ne prenait pas de décision.

[17]      Il est utile de poser aux détenus pareille question et l'on fait ainsi preuve de considération à leur égard. Dans le contexte correctionnel, il s'agit d'une question importante parce que l'article 90 du Règlement reconnaît au détenu des privilèges spéciaux à l'égard des circonstances dans lesquelles s'effectuent les visites de son avocat. Rien ne montre quelle a été la réponse donnée par les détenus le cas échéant. De fait, on a autorisé M. Davison à entrer dans l'établissement le lendemain sans s'y opposer le moindrement.

[18]      Je conclus qu'il n'existe aucune décision susceptible de révision et, par conséquent, la demande est rejetée. Dans ce dossier également, je ne rends aucune ordonnance au sujet des dépens.

                         Douglas R. Campbell                                  Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 9 décembre 1997.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-1430-96 et T-1431-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CHARLES B. DAVISON

     c.

     LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :      EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 8 OCTOBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Campbell en date du 9 décembre 1997

ONT COMPARU :

GWILYM J. DAVIES      POUR LE REQUÉRANT

LARRY HUCULAK      POUR LES INTIMÉS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

GWILYM J. DAVIES      POUR LE REQUÉRANT

EDMONTON (ALBERTA)

GEORGE THOMSON      POUR LES INTIMÉS

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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