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     Date: 19990429

     Dossier: IMM-2579-98

Entre :

     Ana Maria VILLA

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 15 avril 1998 par la Section du statut de réfugié (la Section du statut) statuant que la requérante n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      Il s'agit, en l'espèce, de déterminer si la Section du statut a eu tort de juger que la requérante n'a pas réussi à repousser la présomption que l'Argentine était capable de la protéger. À cet égard, le tribunal a exprimé ce qui suit:

         . . . Rappelons que madame a témoigné ne pouvoir identifier ses agresseurs mais "penser que ce soit des membres des forces de sécurité". Enfin, jamais elle n'a cherché protection auprès des autorités après 1989 ni ne témoigne avoir dénoncé auprès d'organismes de droits humains les menaces et surveillances dont elle fut l'objet. De tels organismes sont nombreux et présents en Argentine et leurs investigations ne font l'objet d'aucune contrainte gouvernementale. [Renvoi omis.]                 
             Selon le tribunal, cette abstention que nous qualifions de fondamentale va à l'encontre de l'obligation qu'elle avait de réclamer protection d'abord auprès des autorités de son pays. Enfin la preuve n'a pas établi de façon convaincante qu'en Argentine, elle ne pourrait obtenir une protection adéquate. [Renvoi omis.]                 
                         (C'est moi qui souligne.)                 

[3]      Depuis l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, il est établi qu'il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens et qu'un revendicateur du statut de réfugié doit démontrer, par une preuve claire et convaincante, que l'État dont il est le ressortissant est incapable de le protéger. C'est ce qu'exprime le juge La Forest, d'abord à la page 725:

         . . . En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.                 

et à la page 726:

             Bref, je conclus que la complicité de l'État n'est pas un élément nécessaire de la persécution, que ce soit sous le volet "ne veut" ou sous le volet "ne peut" de la définition. Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée. Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténué par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. . . .                 

[4]      Dans le présent cas, la décision attaquée m'apparaît fondée à la fois sur le témoignage de la requérante et sur de la preuve documentaire à laquelle, d'ailleurs, celle-ci a été confrontée. S'agissant fondamentalement d'une question d'appréciation des faits, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal spécialisé que constitue la Section du statut lorsque, comme ici, la requérante fait défaut de prouver que la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale). L'ensemble de la preuve ne me permet donc pas de conclure que la décision attaquée est déraisonnable (voir Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.F., Appel)).

    

[5]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 avril 1999


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