Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20000717

Dossier : IMM-2294-96

IMM-2296-96

IMM-2297-96

ENTRE :

           ATLANTIC PRUDENCE FUND CORPORATION,

   ATLANTIC GROWTH FUND CORPORATION LIMITED,

                           AB CAPITAL CORPORATION,

                KLC CAPITAL CORPORATION LIMITED,

              MOUNT ROYAL CAPITAL CORPORATION,

                    PEI GROWTH FUND CORPORATION,

ATLANTIC PRUDENCE MANAGEMENT CORPORATION,

                   GRT MANAGEMENT CORPORATION,

                   ABT MANAGEMENT CORPORATION,

KLC MANAGEMENT LTD., MTR MANAGEMENT CORPORATION

et PEI GROWTH MANAGEMENT CORPORATION LTD.,

                                                                                 demanderesses,

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                     

                                                                                          défendeur.

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1] Les demanderesses ont sollicité, pour plusieurs raisons, notamment pour motif illégitime et partialité, le contrôle judiciaire de certaines décisions du ministre suspendant l'approbation accordée à leurs fonds dans le cadre du Programme d'immigration des investisseurs. Dans ce contexte, elles saisissent maintenant la Cour, conformément à la règle 369, d'une requête écrite en vue d'obtenir deux réparations d'ordre procédural :      


a) une ordonnance obligeant le défendeur à reconnaître ou à nier, comme le prévoit la règle 255, l'authenticité d'un document qu'elles ont signifié en même temps qu'un avis demandant d'admettre le document,

b) une déclaration selon laquelle la règle 317 oblige le défendeur à produire certains documents.

[2] Les règles invoquées prévoient ce qui suit :


Rule 255: A party may, after pleadings have been closed, request that another party admit a fact or the authenticity of a document by serving a request to admit, in Form 255, on that party.

Rule 317.(1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.


Règle 255: Une partie peut, après clôture des actes de procédure, demander à une autre partie de reconnaître la véracité d'un fait ou l'authenticité d'un document en lui signifiant une demande à cet effet selon la formule 255.

Règle 317. (1) Une partie peut demander que des documents ou éléments matériels pertinents à la demande qui sont en la possession de l'office fédéral dont l'ordonnance fait l'objet de la demande lui soient transmis en signifiant à l'office fédéral et en déposant une demande de transmission de documents qui indique de façon précise les documents ou éléments matériels demandés.

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.


[3]         Le défendeur conteste les deux parties de la requête : la première, au motif que la Cour n'a pas la compétence de prononcer une telle ordonnance et la deuxième, parce qu'il affirme que, selon la règle 318(3), la Cour est tenue de donner des directives sur la procédure à suivre avant de pouvoir véritablement trancher cette question.


[4]         Je conclus que les deux arguments avancés par le défendeur ne sont pas fondés.

[5]         La question de savoir si la règle 255 s'applique ou non à la présente instance (que ce soit directement ou, comme le soutiennent les demanderesses, par le biais de la « règle des lacunes » ) est une pure question d'interprétation et n'a rien à voir avec la compétence de la Cour. Il ne s'agit pas, en l'espèce, de se demander si la Cour peut ou non prononcer l'ordonnance sollicitée, mais bien si elle devrait le faire. Il est possible que la Cour, en rendant l'ordonnance en question, commette une erreur de droit ou une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais l'ordonnance elle-même restera sans conteste une ordonnance que la Cour a la compétence de prononcer. Il ne sert à rien de qualifier une question de juridictionnelle quand il s'agit de tout autre chose.

[6]         De même, en ce qui concerne la deuxième question, la règle 318(3) confère manifestement à la Cour un pouvoir d'appréciation et elle n'est aucunement tenue de donner des directives lorsqu'elle est convaincue que toutes les parties ont eu la possibilité de présenter leurs observations. C'est le cas en l'espèce : la requête des demanderesses avise clairement le défendeur de ce que les demanderesses veulent obtenir et si ce dernier décide de ne pas profiter de l'occasion de faire connaître son point de vue, c'est son problème. En l'espèce, il s'agit d'une instance à gestion spéciale et je ne peux reprocher aux demanderesses d'avoir directement présenté une requête pour obtenir ce qu'elles voulaient plutôt que d'attendre des directives de la Cour.

[7]         Malgré l'inutilité des observations du défendeur, je conclus quand même qu'il n'y a lieu d'accueillir aucune des deux parties de la requête.


[8]         Tout d'abord, en ce qui concerne l'avis demandant de reconnaître l'authenticité d'un document, il est bien établi que, par ses termes, la règle 255, qui se trouve à la Partie 4, intitulée « Actions » , ne s'applique pas directement aux demandes, qui sont traitées séparément à la Partie 5. Les demanderesses soutiennent que l'omission a été faite par inadvertance, mais je n'en suis pas convaincu. Les demandes ont été conçues pour être réglées rapidement et efficacement et pour être exemptes, autant que possible, du fardeau que représentent les mesures interlocutoires. Lorsque la procédure par voie de demande est jugée inadéquate et que l'affaire exige l'application de dispositions plus élaborées, par exemple, au moyen d'interrogatoires préalables, la Cour est habilitée à la transformer en action. Dans le cadre d'une demande, la preuve se fait au moyen d'affidavit et la partie qui conteste une décision administrative doit, dès qu'elle engage la procédure, connaître et énoncer les motifs de cette contestation ainsi que la preuve qui l'étaye. Il ne suffit pas simplement d'espérer obtenir des aveux ou, comme dans la deuxième partie de la présente requête, de penser trouver des renseignements utiles dans le dossier de l'office fédéral.


[9]         Je n'exclus pas qu'il puisse arriver, dans une affaire donnée, que la Cour soit persuadée que les intérêts supérieurs de la justice exigent qu'elle oblige une partie à une demande à admettre ou à nier un document qui ne pourrait autrement être soumis à l'auteur de l'affidavit de document de la partie adverse au moment du contre-interrogatoire, ni que le pouvoir de rendre une telle ordonnance puisse exister, soit en tant qu'accessoire au droit inhérent de la Cour de contrôler sa procédure, soit aux termes de la règle 385, dans le cas d'une instance à gestion spéciale comme celle qui nous occupe, mais je ne crois pas que ce soit le cas en l'espèce. Manifestement, les demanderesses possèdent une copie du document qu'elles veulent faire admettre par le défendeur. Apparemment, elles l'ont obtenue par le biais d'une demande d'accès à l'information de sorte que la preuve de sa provenance ne devrait pas leur poser de problème. Cela étant, et compte tenu de la nature évidente du document, à savoir une communication qu'adresse une sous-ministre à un haut fonctionnaire de son ministère, la production du document en tant que partie du dossier des demanderesses aura comme effet pratique d'obliger la Couronne à en établir la fausseté ou à l'expliquer. Et même si ce n'était pas le cas, aucun motif n'a été avancé pour indiquer pourquoi l'auteur de l'affidavit de document du défendeur ne pourrait pas être contre-interrogé sur celui-ci afin que l'aveu nécessaire puisse être obtenu.

[10]       En ce qui concerne l'avis prévu par la règle 317, il est clair, selon moi, qu'il ne permettra pas d'atteindre l'objectif visé parce qu'il n'est pas suffisamment précis. Il suffit de lire la « demande de transmission de document » pour le constater :

[TRADUCTION] LES DEMANDERESSES SOLLICITENT PAR LA PRÉSENTE les documents qui sont en la possession du défendeur et qui sont pertinents aux questions soulevées dans l'avis de demande (dont la portée a été élargie par l'ordonnance rendue par le juge Dawson le 31 mars 2000).

Ces documents devraient comprendre notamment tous les documents semblables ou liés à la preuve et à l'objet de la demande ou qui ont une influence sur ceux-ci : [Suivent ici un affidavit et des pièces à l'appui que les demanderesses ont produits dans le cadre d'une requête présentée plus tôt dans la présente instance ainsi qu'une ordonnance rendue en conséquence.]


[11]       Je répète qu'il est évident que les demanderesses ont en leur possession des copies des documents mentionnés dans leur demande de transmission de documents et qu'elles les ont obtenues grâce à la procédure d'accès à l'information. La règle 317 ne vise pas à remplacer cette procédure ni à constituer un moyen facile de détourner les dispositions que la loi met en place pour protéger les intérêts publics et les intérêts privés. Si les demanderesses estiment que les documents mentionnés dans leur avis sont pertinents à la présente affaire, elles peuvent les produire. Si elles croient qu'il existe d'autres documents [TRADUCTION] « semblables ou liés » à ces documents ou [TRADUCTION] « qui ont une influence » sur ceux-ci, elles peuvent les solliciter de la même manière. Bien que la Couronne soit sans aucun doute un « office fédéral » aux fins des Règles, elle n'est pas un organisme juridictionnel au sens traditionnel du terme, qui posséderait un « dossier » distinct et identifiable. Par contre elle est le défendeur dans le vrai sens du terme et ses intérêts s'opposent à ceux des demanderesses. La règle 317 n'a pas le même fondement théorique et ne produit pas les mêmes résultats que la communication de documents. Elle n'exige pas (contrairement à ce qui se produit pour un défendeur dans une action) que l'office se lance dans une recherche étendue et exhaustive d'éléments matériels dont la pertinence peut, au mieux, être négligeable et dont le choix nécessite absolument d'exercer son jugement. Je répète que les demanderesses doivent connaître les faits qu'elles se proposent d'invoquer pour soutenir que la Cour devrait annuler les décisions contestées et il ne suffit pas simplement d'espérer qu'il y aura quelque chose de pertinent dans l'ensemble des archives du gouvernement du Canada.

[12]       À moins que les demanderesses ne réussissent à mieux préciser ce qu'elles veulent obtenir, elles devront se contenter de ce qu'elles ont obtenu.

[13]       Le défendeur n'a pas demandé les dépens. De toute façon, je ne les lui aurais pas adjugés compte tenu de l'inutilité totale de ses observations.


                                        ORDONNANCE

La requête est rejetée sans dépens.

          « James K. Hugessen »

                                                                                                                                                                                  

                                                                                                     Juge                           

Toronto (Ontario)

Le 17 juillet 2000

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Avocats et avocats inscrits au dossier

N º DU DOSSIER :                                          IMM-2294-96

IMM-2296-96

IMM-2297-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :               ATLANTIC PRUDENCE FUND CORPORATION, ATLANTIC GROWTH FUND CORPORATION LIMITED, AB CAPITAL CORPORATION, KLC CAPITAL CORPORATION LIMITED, MOUNT ROYAL CAPITAL CORPORATION, PEI GROWTH FUND CORPORATION, ATLANTIC PRUDENCE MANAGEMENT CORPORATION, GRT MANAGEMENT CORPORATION, ABT MANAGEMENT CORPORATION, KLC MANAGEMENT LTD., MTR MANAGEMENT CORPORATION et PEI GROWTH MANAGEMENT CORPORATION LTD.,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

REQUÊTE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HUGESSEN, LE LUNDI 17 JUILLET 2000

OBSERVATIONS ÉCRITES DE :             Edward L. Greenspan,

David Stratas et

Peter Brady

Pour les demanderesses

Geoffrey S. Lester

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:     Greenspan, Henein & White

Avocats

144, rue King Est

Toronto (Ontario)

M5C 1G8

Pour les demanderesses


Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Avocats

30e étage

Tour Toronto Dominion

B.P. 371

Toronto (Ontario)

M5K 1K8

Pour les demanderesses

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                     Date : 20000717

                                                                                      Dossier : IMM-2294-96

IMM-2296-96

IMM-2297-96

ENTRE :

ATLANTIC PRUDENCE FUND CORPORATION

ATLANTIC GROWTH FUND CORPORATION LIMITED

AB CAPITAL CORPORATION KLC

CAPITAL CORPORATION LIMITED

MOUNT ROYAL CAPITAL CORPORATION

PEI GROWTH FUND CORPORATION

ATLANTIC PRUDENCE MANAGEMENT CORPORATION

GRT MANAGEMENT CORPORATION

ABT MANAGEMENT CORPORATION

KLC MANAGEMENT LTD.

MTR MANAGEMENT CORPORATION

PEI GROWTH MANAGEMENT CORPORATION LTD.

Demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ    

ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                      


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.