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Date : 20050204

Dossier : IMM-2428-04

Référence : 2005 CF 196

ENTRE :

                                            MANGAIYAKARASI PONNAMPALAM

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                            défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant une décision défavorable relative à une évaluation des risques avant le renvoi (ERAR) en date du 6 février 2004 (la décision).


[2]                La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka âgée de 64 ans qui a présenté deux revendications du statut de réfugié au Canada. La première revendication s'est soldée par une décision négative le 12 mars 1999. Par la suite, la demande de contrôle judiciaire a été rejetée. Après un séjour de trois mois aux États-Unis, la demanderesse est revenue au Canada et, bien qu'elle n'ait eu aucun nouvel élément de preuve à fournir, elle a de nouveau revendiqué le statut de réfugié. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR) a rendu une seconde décision négative le 11 mars 2003. Ses conclusions étaient fondées sur le fait que la demanderesse n'a pas présenté de revendication du statut de réfugié aux États-Unis et sur le fait que la situation a changé au Sri Lanka. L'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été refusée par le juge O'Reilly le 11 août 2003.

[3]                L'avocat de la demanderesse prétend que sa cliente n'a qu'une seule crainte pour ce qui est du Sri Lanka. Elle craint de se faire extorquer par l'armée du Sri Lanka ou par les LTTE. Parce qu'elle a des parents qui vivent à l'extérieur du Sri Lanka, la demanderesse dit qu'elle serait perçue comme ayant de l'argent. Il n'y a pas d'autre raison qui pourrait la faire voir comme une femme riche.

[4]                La SPR a analysé cette préoccupation et elle est parvenue à la conclusion suivante dans sa décision du 11 mars 2003, à la page 6 :

[TRADUCTION]

La requérante a également déclaré qu'elle craint que les LTTE lui demandent de l'argent parce que ses six enfants ont tous quitté le Sri Lanka. Trois d'entre eux vivent au Canada et sont devenus des citoyens canadiens. Les trois autres sont en Suisse, en Allemagne et en France. En outre, son mari, qui avait vécu en Inde, est maintenant au Canada et a déposé une demande d'asile. Bien que la requérante prétende craindre de se faire extorquer par les LTTE, elle n'a pas de nouvel élément de preuve pour étayer sa revendication. Quoi qu'il en soit, la preuve documentaire indique ce qui suit :

Les deux parties ont accepté de se conformer au droit international et de s'abstenir de commettre des actes hostiles contre la population civile, notamment la torture, l'intimidation, l'enlèvement, l'extorsion et le harcèlement.


On a informé la requérante que la route menant à Jaffna avait été rouverte et que des milliers de personnes déplacées étaient rentrées chez elles dans le nord et avaient repris leur vie normale.

[5]                La prétention de la demanderesse fondée sur l'ERAR était datée du 17 décembre 2003 et a été préparée par un avocat. Elle se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les documents ci-joints qui sont ultérieurs à l'audience et datent de moins de 30 jours indiquent qu'il y a à l'heure actuelle un état d'urgence au Sri Lanka. Les documents décrivent un conflit entre le président et le premier ministre du pays, ce qui a mené à la déclaration d'un état d'urgence au Sri Lanka, comme en fait foi la manchette d'un article daté du 5 novembre 2003, et le fait que le Sri Lanka est plongé dans le chaos, comme en fait foi la manchette du 4 novembre 2003.

Nous faisons donc valoir que la preuve documentaire sur laquelle la formation s'est appuyée pour refuser cette revendication ne peut être considérée comme étant applicable à l'heure actuelle et que la demanderesse a toujours une crainte fondée de retourner au Sri Lanka.

[6]                L'une des pièces jointes était le texte d'un rapport de BBC News (édition mondiale) daté du 8 novembre 2003. Ce rapport décrit une crise grave causée par une lutte de pouvoir que se livrent le président du Sri Lanka et son premier ministre sur la démarche à adopter dans les négociations de paix avec les Tigres tamouls (la crise politique). Il se termine par l'observation suivante :

[TRADUCTION]

Rien n'a changé sur place et nous avons des assurances des deux côtés que l'accord de cessez-le-feu sera respecté, nous dit Agnes Bragadottir du Sri Lanka Monitoring Mission.

Les Tigres tamouls ont accepté de faire preuve de patience pendant le bouleversement politique.

[7]                Dans sa décision, l'agent qui a effectué l'ERAR a énuméré les sources qu'il a consultées. L'une d'entre elles est un rapport du département d'État des États-Unis sur le Sri Lanka pour 2002 (le rapport du DOS). Toutefois, bien que ce rapport soit indiqué comme source, il n'en est pas fait mention dans le corps de la décision.

[8]                L'agent chargé de l'ERAR a également consulté le site Internet du Sri Lankan Monitoring Missions (www.slmm.lk/). À la page 3, on peut y lire que, en 2003, il a reçu 40 plaintes de tentatives d'extorsion par les LTTE, et il a été conclu que onze d'entre elles étaient des violations des obligations de cessez-le-feu acceptées par les LTTE.

LA QUESTION EN LITIGE

[9]                Dans ce contexte, l'avocat de la demanderesse prétend que, parce que la demanderesse craint de se faire extorquer, il était manifestement déraisonnable pour l'agent chargé de l'ERAR d'avoir omis de faire spécifiquement référence au rapport du DOS. Il dit ceci à la page 2 :

[TRADUCTION]

Les LTTE continuent de commettre de graves violations des droits de la personne. Ils auraient commis plusieurs meurtres, et sont responsables de disparitions, de torture, d'arrestations arbitraires, de détention et d'extorsion.


[10]            Dans l'arrêt Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1646, 2001 CAF 331, dossier A-60400, la Cour d'appel fédérale a traité d'une situation comparable où il était allégué que des motifs inadéquats avaient été fournis quand elle a examiné l'omission d'une agente de révision des revendications refusées d'examiner de nouveaux éléments de preuve.

[11]            En réglant cette question, la Cour a examiné la totalité des documents dont l'agent était saisi et a déclaré ceci aux paragraphes 9 à 11 :

[9]                  Quant au second point, qui était fondé sur l'insuffisance des motifs, si l'agente de révision était tenue par le devoir d'équité de motiver sa décision, elle a exposé des motifs suffisants pour s'acquitter de ce devoir. Un décideur n'est pas tenu d'expliquer, pour chaque preuve produite, les raisons pour lesquelles il n'a pas accepté telle ou telle d'entre elles. Il faut considérer l'importance relative de cette preuve par rapport aux autres éléments sur lesquels est fondée la décision : voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35.

[10]                 Lorsqu'une preuve en particulier n'est pas expressément examinée dans les motifs d'une décision, la juridiction de contrôle n'en déduira pas nécessairement qu'elle a dû échapper au décideur, si la preuve en question confère peu de valeur probante aux faits qu'elle était censée établir, ou si elle se rapporte à des faits qui sont d'une importance mineure pour la décision ultime, étant donné les autres éléments qui soutiennent la décision.

[11]                 En l'espèce, la preuve nouvelle n'était pas d'une importance suffisante ou d'une valeur probante au point que le devoir d'équité obligeait l'agente de révision à en disposer expressément dans ses motifs.

[12]            En appliquant ces principes à l'espèce, je conclus qu'il n'était pas manifestement déraisonnable pour l'agent chargé de l'ERAR de ne pas faire référence au rapport du DOS parce que la preuve démontre que, depuis le cessez-le-feu, les tentatives d'extorsion par les LTTE sont relativement peu nombreuses. En outre, il est clair que le changement de situation dans le pays causé par la crise politique n'a pas modifié l'obligation des LTTE de s'abstenir de faire de l'extorsion aux termes de l'accord de cessez-le-feu.

[13]            Pour ces raisons, la demande est rejetée.

                                                                          « Sandra J. Simpson »             

                                                                                                     Juge                          

Ottawa (Ontario)

le 8 février 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-2428-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                  MANGAIYAKARASI PONNAMPALAM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 19 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                        LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                                            LE 8 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Jegan Mohan                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Allison Phillips                           POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mohan & Mohan                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Scarborough (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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