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Date : 20050725

Dossier : T-1745-04

Référence : 2005 CF 1020

Ottawa (Ontario), le 25 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUC MARTINEAU

ENTRE :

                          JAMES DOBBIN, FINTAN DOBBIN, FINTAN RUMBOLT,

                               REG RUMBOLT, DEON LAVERS, BARRY BUCKLE

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                   LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les faits pertinents ayant donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire ne sont pas matière à controverse.

[2]                Les demandeurs résident depuis toujours dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils sont titulaires de permis de pêche du crabe des neiges qui sont en vigueur depuis les années 80.


[3]                Au début des années 1980, le défendeur, le ministère des Pêches et des Océans, a voulu exploiter la pêche commerciale au crabe dans le golfe du Saint-Laurent (le golfe) où il n'y en avait jamais eu. Pour ce faire, le défendeur a émis un certain nombre de permis de pêche au crabe des neiges dans le golfe. Chaque titulaire de permis assumait tous les risques financiers, et il lui incombait d'équiper les bateaux et de trouver les modalités de développement de cette nouvelle pêche.

[4]                Le quota initial pour chaque permis était de 100 000 livres de crabes des neiges. Les bateaux en question constituaient une flotte de 49 bateaux; 43 d'entre eux étaient exploités par des titulaires de permis résidant au Québec, et les 6 autres par des titulaires de permis résidant à Terre-Neuve-et-Labrador, qui sont les demandeurs en l'espèce (les demandeurs). Pendant plus de deux décennies, toute la flotte de 49 bateaux a pêché dans la zone de pêche du crabe (ZPC) 13. Il semble que tous les pêcheurs se soient fait accorder le même traitement. Avec le temps, cette pêche a été couronnée de succès et il semble que le défendeur a émis des permis et accordé des quotas à de nombreux autres pêcheurs, surtout à des pêcheurs côtiers exploitant de petits bateaux. Avec le temps, le quota initial accordé à chacun des 49 détenteurs de permis été réduit, de sorte qu'en 2002, pour chaque bateau, les prises étaient limitées à 26 000 livres de crabes des neiges.


[5]                Cela dit, en 2002, une nouvelle zone de pêche, la ZPC 16, a été ouverte à l'ouest de la ZPC 13. Des quotas de 20 000 livres de crabes des neiges ont été accordés pour la ZPC 16 aux 43 titulaires de permis résidant au Québec et aucun quota n'a été accordé aux 6 demandeurs. Dans une lettre du 22 mai 2003, le directeur général régional de Terre-Neuve-et-Labrador a expliqué, au nom du défendeur, le motif de cette décision en ces termes :

_TRADUCTION_

[...]

Comme vous le dites dans votre lettre, il a été accordé quelques possibilités de pêche dans la ZPC 16 aux pêcheurs basés au Québec. La pêche au crabe dans la ZPC 16 est gérée par la région du Québec. Le quota accordé en 2002 dans la ZPC 16 aux pêcheurs de la ZPC 13 basés au Québec a été déterminé par le ministère, en consultation avec l'industrie dans la région de Québec. Il n'y a pas eu d'accord visant à accorder la même possibilité aux pêcheurs basés à Terre-Neuve. En raison des quotas en baisse pour la ZPC 16, les pêcheurs de la ZPC 13 basés au Québec n'y auront pas accès en 2003.

La région de Terre-Neuve-et-Labrador a étudié les différentes possiblités d'aide aux pêcheurs de la ZPC 13 basés à Terre-Neuve. Cependant, avec la pêche au crabe qui est déjà à pleine capacité dans la partie 4R de la ZPC 12, il n'a pas été possible de leur donner accès à cette zone. À titre exploratoire, les pêcheurs basés à Terre-Neuve ont été autorisés à pêcher dans la partie nord de la ZPC 13. Malheureusement, cela n'a pas été couronné de succès.


[6]                En février 2004, à la suite du refus du défendeur d'accorder les mêmes possiblités de pêche dans la ZPC 16 aux pêcheurs de Terre-Neuve, les demandeurs ont déposé une plainte contre le défendeur devant la Commission canadienne des droits de la personne. Ils allèguent qu'il y a eu différence de traitement fondée sur l'origine nationale ou ethnique. Les demandeurs invoquent les articles 3 et 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), selon lesquels constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public, d'en priver un individu ou de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

[7]                En vertu de l'alinéa 41(1)c) de la Loi, le 26 août 2004, la Commission a conclu que la plainte des demandeurs était irrecevable. La décision contestée a été communiquée aux demandeurs par une lettre du secrétaire de la Commission déclarant que _TRADUCTION_ « la plainte est hors de la compétence de la Commission parce que les questions soulevées dans la plainte ne se rattachent à aucun des motifs de discrimination interdits par la Loi » . En l'espèce, la Commission a apparemment considéré que la plainte n'avait uniquement trait qu'à la question de résidence, et non pas à un motif énuméré, comme la nationalité ou l'origine ethnique.


[8]                Je conclus que la décision de la Commission de déclarer la plainte des demandeurs irrecevable en vertu de l'alinéa 41(1)c) de la Loi n'est pas entachée d'erreur susceptible de contrôle. Comme le lieu de résidence d'une personne ne constitue pas un motif énuméré de discrimination, il s'ensuit que la Commission n'est pas compétente pour connaître d'une différence de traitement dont seraient victimes les pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador, en comparaison avec les pêcheurs d'autres provinces, en raison des quotas institués par le défendeur. Les distinctions fondées sur le lieu de résidence ne constituent pas un motif de discrimination prohibé par la Loi. Il est clair qu'elle ne confère pas à la Commission le pouvoir d'enquêter sur la manière dont les résidents ou groupes de résidents d'une province ou d'un territoire peuvent être traités par un ministère ou par une société relevant de la compétence fédérale par rapport au traitement accordé aux résidents ou groupes de résidents d'une autre province ou d'un autre territoire.

[9]                Il y a de nombreux cas où des personnes ont été traitées différemment en raison de leur « lieu de résidence » . Cela ne constitue normalement pas un motif de discrimination ou une distinction interdits par la législation en matière de droits de la personne. Par exemple, dans la décision Nova Scotia Confederation of University Faculty Assn. c. Nova Scotia (Human Rights Commission), [1995] N.S.J. no 296 (C.S.N.-É.) (QL), la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a examiné une décision de la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse, qui avait rejeté une plainte fondée sur le « lieu de résidence » . Dans cette affaire, le motif de discrimination était constitué par l'imposition de frais de scolarité supplémentaires aux étudiants étrangers par les universités de la Nouvelle-Écosse. La cour a confirmé la décision de la Commission, qui avait conclu que la plainte ne relevait pas de sa compétence parce que la différence de traitement était fondée sur le « lieu de résidence » . Voir aussi Simon Fraser University International Students c. Simon Fraser University, [1996] B.C.C.H.R.D. no 13 (Commission des droit de la personne de la C.-B.) (QL).


[10]            En outre, la plainte des demandeurs ne fait état d'aucun fait donnant à penser que la décision du défendeur de refuser d'accorder les mêmes possibilités de pêche dans la ZPC 16 aux pêcheurs basés à Terre-Neuve a été motivée, en tout ou en partie, par le fait que les demandeurs, en qualité de Terre-Neuviens, sont différents sur le plan ethnique ou constituent un groupe distinct des pêcheurs basés dans d'autres provinces en raison de leur origine nationale. Le fait est que la ZPC 16 est gérée par la région du Québec. Il semble que le quota accordé en 2002 pour la ZPC 16 aux pêcheurs de la ZPC 13 basés au Québec ait été décidé par le défendeur en consultation avec les milieux de l'industrie de la pêche dans la région du Québec. Si le défendeur a favorisé les pêcheurs basés au Québec lorsqu'il a attribué les quotas en litige, la différence de traitement est manifestement fondée sur leur lieu de résidence et non pas sur une origine ethnique ou nationale particulière.

[11]            Je conclus que la plainte des demandeurs n'est pas fondée sur l'un des motifs énumérés à l'article 3 de la Loi, et qu'elle n'est donc pas visée par l'article 5 de la Loi. Par conséquent, la Commission a correctement décidé qu'elle n'était pas compétente pour connaître de l'affaire.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                                 « Luc Martineau »            

                                                                                                                                                     Juge                   

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                         T-1745-04

INTITULÉ :                                        JAMES DOBBIN ET AL.

c.

LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

LIEU DE L'AUDIENCE :                  SAINT JOHN'S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 14 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                       LE 25 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :                            

T. James Bennett                                                        POUR LES DEMANDEURS

Melissa R. Cameron                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :               

Cabinet Bennett                                                          POUR LES DEMANDEURS

Daniel's Harbour (T.-N.)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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