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Date : 20050603

Dossier : IMM-4886-04

Référence : 2005 CF 810

Toronto (Ontario), le 3 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                         BALASINGAM SINNIAH

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Dans la présente affaire, le demandeur, un Tamoul de cinquante-sept ans qui est citoyen du Sri Lanka, demande l'asile en se fondant sur sa crainte de persécution de la part des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET). Dans sa décision, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a accepté la prétention du demandeur concernant son retour à Jaffna, mais a également conclu qu'il avait une possibilité de refuge intérieur à Colombo.

[2]                La SPR a accepté que la persécution subie par le demandeur à Jaffna est le résultat direct du fait qu'il soit un mécanicien spécialisé. Les TLET ont forcé le demandeur à travailler moyennant une rémunération financière minime pendant des années; il construisait des compartiments secrets dans des véhicules et assumait bien d'autres tâche spécialisées. Il ressort implicitement de ces conclusions que le travail spécialisé du demandeur, fourni sous la contrainte, a aidé les TLET à cacher des articles interdits aux autorités gouvernementales.

[3]                Dans sa décision du 7 mai 2004, la SPR a dit ce qui suit à propos de la possibilité de refuge intérieur à Colombo :

De plus, à cinquante-sept ans, le demandeur ne fait pas partie des personnes qui intéressent habituellement les TLET et les autorités de Sri-lankaises.

Le demandeur possède des compétences polyvalentes et, même si les TLET sont présents à Colombo, la preuve documentaire ne donne pas à penser qu'il y ait un recrutement forcé de travailleurs ou que les TLET aient un parc automobile important à Colombo pour lequel ils auraient besoin de ses compétences.

(Décision de la SPR, p. 3 et 4)

[4]                À mon avis, les conclusions de la SPR sur la possibilité de refuge intérieur valable à Colombo ne correspond pas à la preuve présentée par le demandeur ou à l'argument avancé en son nom. Au cours de l'audience devant la SPR, le demandeur a témoigné que, s'il résidait à Colombo, il craindrait la vengeance des TLET parce qu'il a quitté Jaffna et, plus important encore, que les TLET lui demanderaient de travailler pour eux à Colombo, comme il l'a fait à Jaffna, et que s'il refusait, ils le tueraient (dossier du tribunal, p. 161). Au cours de sa plaidoirie devant la SPR, l'avocat du demandeur a fait l'observation suivante :


[TRADUCTION]

Le demandeur a dit qu'il avait identifié certaines personnes qui étaient membres des Tigres à Colombo, mais la preuve documentaire soutient également que les Tigres exercent leurs activités librement et ouvertement dans la capitale. En fait, les TLET ne sont plus un organisme interdit. Les Tigres peuvent ne plus avoir besoin de camoufler leurs membres, leur existence et peuvent se livrer à leurs activités librement dans tout le pays, et c'est exactement ce qu'ils font à l'heure actuelle. Il existe des restrictions sur le genre de conduite qu'ils peuvent adopter. Ils n'ont pas le droit de porter des armes. Ils n'ont pas le droit de se tirer les uns sur les autres ou de tirer sur d'autres personnes, mais ces restrictions, jusqu'à récemment, n'ont pas été très strictement respectées.

[Dossier du tribunal, p. 165]

[5]                Selon le dossier de la SPR, il y a beaucoup d'éléments qui prouvent le bien-fondé de l'argument formulé par l'avocat du demandeur que, à la date de la décision, les TLET possèdent des fusils à Colombo et les utilisent (dossier de demande du demandeur, p. 36, 39 et 53). Il ne peut y avoir de doute qu'en agissant de la sorte, les TLET cacheraient leurs armes. Par conséquent, des éléments de preuve montrent que, à Colombo, le demandeur subirait la même persécution qu'à Jaffna.

[6]                Je juge que la SPR ne s'est pas concentré sur la situation à Colombo à la date où elle a rendu sa décision, mais s'est plutôt fondée sur des considérations non pertinentes pour soutenir sa conclusion quant à la possibilité de refuge intérieur. Le fait qu'il n'y ait pas de recrutement forcé généralisé de travailleurs, ou que les TLEL aient ou n'aient pas une grande flotte de véhicules est hors de propos. Le manquement de la SPR de traiter la preuve précise relative aux activités des TLET à Colombo, et la manière dont ces activités peuvent affecter le défendeur fait en sorte, à mon avis, que la décision est manifestement déraisonnable.


                                        ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision de la SPR et renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Dans le cadre de ce nouvel examen, je donne au tribunal pour instructions, comme la SPR l'a conclu dans la décision visée par le contrôle judiciaire, de reconnaître que le demandeur a été victime de persécution à Jaffna.

                                                                      _ Douglas R. Campbell _                      

                                                                                                     Juge                                      

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4886-04

INTITULÉ :                                                    BALASINGAM SINNIAH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 1ER JUIN 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

Raoul Boulakia                                      POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Raoul Boulakia                                      POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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