Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050726

Dossier : T-106-05

Référence : 2005 CF 1031

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                                                                  HAO CHANG

                                                                                                                                                   intimé

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Hao Chang est arrivé au Canada avec son épouse et ses deux fils le 13 janvier 2000. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 23 juillet 2003 et une juge de la citoyenneté la lui a accordée.

[2]                Le ministre a fait appel de la décision de la juge de la citoyenneté, alléguant qu'elle a conclu à tort que M. Chang avait, pour obtenir la citoyenneté, rempli la condition de résidence prévue par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. Je reconnais avec lui que la juge de la citoyenneté a commis une erreur et j'accueillerai donc cet appel.


I. Point litigieux

1. La conclusion de la juge de la citoyenneté selon laquelle M. Chang avait rempli la condition de résidence était-elle raisonnable?

II. Analyse

[3]                M. Chang est pilote à la China Airlines. Son travail l'oblige souvent à s'absenter du pays. Selon la Loi sur la citoyenneté, une personne doit résider au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre années qui précèdent la date de sa demande. Dans le cas de M. Chang, il s'est absenté du Canada durant 745 jours entre le 13 janvier 2000 et le 23 juillet 2003, soit au cours de la période pertinente. M. Chang peut-il prétendre avoir résidé au Canada durant trois ans (1 095 jours) alors qu'il y a été physiquement présent durant seulement 540 jours?


[4]                La loi autorise une certaine souplesse dans l'application de la condition de résidence, en reconnaissant qu'une personne qui a fermement établi son lien avec le Canada peut encore être considérée comme un résident durant ses périodes d'absence. Les juges de la citoyenneté doivent tenir compte d'un grand nombre de facteurs et de critères lorsqu'ils décident si un candidat à la citoyenneté a maintenu son lieu de résidence au Canada malgré de fréquentes absences : voir par exemple les décisions Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.) et Woo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1808 (1re inst.) (QL).

[5]                Ici, la juge de la citoyenneté a tenu compte de plusieurs des facteurs pertinents lorsqu'elle est arrivée à la conclusion que M. Chang avait résidé au Canada au cours d'une période suffisamment longue. Toutefois, elle n'a pas précisé à quel moment M. Chang avait effectivement établi son lieu de résidence au Canada. Comme je l'ai dit, c'est seulement lorsque le lien de l'intéressé avec le Canada est fermement établi que les périodes d'absence peuvent être comptées dans le calcul des trois ans de résidence. La juge de la citoyenneté a estimé que M. Chang avait établi son lieu de résidence au Canada lorsque lui et sa famille sont arrivés ici le 13 janvier 2000. Toutefois, elle n'a pas expliqué comment ce lien s'est constitué. Selon le dossier, M. Chang a quitté le Canada dix jours seulement après y être arrivé, un délai trop court pour qu'il ait pu devenir un résident. Il est impossible de dire que M. Chang a conservé son lieu de résidence, malgré ses absences, tant qu'il ne l'a pas effectivement établi.


[6]                La juge de la citoyenneté a relevé certains « indices passifs » du lieu de résidence de M. Chang, notamment son permis de conduire, sa carte d'assurance sociale, le titre de propriété de son domicile, une ligne de crédit, des cotisations fiscales et une lettre de recommandation. Elle a aussi évoqué le fait qu'il a acheté une maison au Canada (bien qu'il soit également propriétaire d'un appartement à Taïwan) et qu'il joue un rôle actif dans des activités récréatives et dans la scolarité de ses enfants. C'est là une bonne indication que M. Chang et sa famille ont peut-être établi leur lieu de résidence au Canada au fil du temps. Mais cela ne prouve pas que M. Chang l'avait fait au 13 janvier 2000. Si l'on ne connaît pas la date à laquelle il a établi sa résidence au Canada, il est impossible de calculer le nombre de jours à son crédit. Par conséquent, je suis d'avis que la décision de la juge de la citoyenneté doit être annulée.

                                                                   JUGEMENT

LE JUGEMENT DE LA COUR EST LE SUIVANT :

1.          L'appel est accueilli.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »                   

                                                                                                                                                     Juge                                

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                                        Annexe


Loi sur la citoyenneté, L.R.C. ch. C-29

Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

                                             [...]

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

                                               ...

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;



COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-106-05

INTITULÉ :                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

HAO CHANG

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 19 JUILLET 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                           LE 26 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Jonathan Shapiro                                      POUR L'APPELANT

Hao Chang                                               INTIMÉ / EN SON PROPRE NOM

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                     POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Hao Chang                                               INTIMÉ / EN SON PROPRE NOM

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.