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Date : 20010817

Dossier : IMM-3906-00

Référence neutre :2001 CFPI 912

ENTRE :

CHANGCHUAN YE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

[1]    Il s'agit du contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas. Le demandeur avait demandé l'établissement au Canada à titre de chef cuisinier à son compte. Il s'est vu accorder 50 points d'appréciation. Comme moins de 70 points lui ont été accordés, sa demande a été rejetée.

[2]    Le demandeur déclare que l'agent des visas a erré à un certain nombre d'égards.


1.         Rejet de l'actif

[3]    Le demandeur soutient qu'il possède plus de 70 000 $US d'actif. L'agent des visas n'était pas convaincu qu'il était le « seul propriétaire » de ces fonds. Ses gains annuels n'excédaient pas 30 000 $US, mais il avait cependant un certain nombre important de dépôts pour un total de plus de 50 000 $US dans son compte en banque du 22 octobre au 23 décembre 1999. L'agent des visas n'a pas été convaincu par l'explication donnée, à savoir que ses dépôts étaient des remboursements de prêts qu'il avait faits.

[4]    Le demandeur a déclaré qu'il n'était pas tenu de montrer l'origine de ses biens. Toutefois, l'agent des visas n'était pas tenu d'accepter la preuve que des fonds de plus de 70 000 $US étaient à lui quand elle savait que le demandeur gagnait moins de 30 000 $US et qu'il avait un certain nombre de dépôts dans son compte bancaire pendant une période de deux mois qui totalisaient 50 000 $US ou plus. L'agent des visas n'a pas rendu une décision déraisonnable en n'acceptant pas que le demandeur est le propriétaire véritable de ces fonds et qu'ils seraient disponibles pour un investissement dans une affaire de restaurant au Canada.


[5]                 Le demandeur déclare que l'agent des visas lui a refusé l'occasion de montrer qu'il pouvait transférer les fonds dans son compte bancaire en dollars américains au Canada. Toutefois, même si les fonds peuvent être transférés au Canada, cela ne prouve pas que le demandeur en est le propriétaire bénéficiaire, et c'est ce qui inquiétait l'agent des visas. Je ne mêlerai pas de la décision de l'agent des visas de ne pas tenir compte de l'actif du demandeur.

2. Évaluation de l'anglais

[6]                 L'agent des visas a évalué la capacité de parler, d'écrire et de lire la langue anglaise du demandeur. Elle en a conclu qu'il pouvait le faire « difficilement » et non pas « bien » . Elle ne lui a pas donné de points à cet égard. L'agent des visas est experte dans l'évaluation des points, conformément à l'annexe 1 du Règlement de l'immigration, et sa décision doit faire l'objet de retenue judiciaire selon la norme du caractère raisonnable. Bien qu'un autre agent des visas ait très bien pu conclure à une bonne capacité de la part du demandeur d'écrire la langue anglaise, je ne peux pas, d'après la preuve qui m'est présentée, déclarer que l'évaluation faite par l'agent des visas dans cette affaire ait été déraisonnable. Je ne modifierai pas sa conclusion.

                                                         

3. Personnalité


[7]                 Le demandeur s'est vu accorder un point d'appréciation pour la personnalité. Le défendeur concède que l'agent des visas a erré quand elle a évalué la personnalité sur la base de la catégorie par rapport à laquelle le demandeur a fait sa demande au lieu de celle de la personne elle-même. Toutefois, le défendeur déclare qu'au plus, le demandeur aurait se voir accorder cinq ou six points supplémentaires et lorsqu'on les ajoute aux 50 points qu'il avait reçus, il aurait été largement au-dessous du nombre normalement exigé de 70 points. Même en donnant le maximum de 10 points au demandeur, son évaluation totale ne serait toutefois que de 59 points, ce qui le place largement au-dessous du minimum fixé. Cette erreur n'était pas importante dans la conclusion formulée par l'agent des visas. Voir les affaires Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 A.C.F. no 663, au par. 13 et Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 1998, 44 Imm. L.R. (2nd) 176, au par. 14.

[8]                 Le demandeur s'est appuyé sur l'affaire Hameed c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2001 A.C.F. no 10. Toutefois, je ne vois pas dans cette affaire que lorsqu'une erreur n'est pas importante, la décision doit malgré tout être annulée. De fait, dans l'affaire Hameed, la correction de l'erreur pourrait avoir entraîné l'attribution de 69 points au demandeur. La Cour avait alors conclu que si le demandeur s'était vu créditer le nombre approprié de points, l'agent des visas aurait pu trouver un point supplémentaire dans la catégorie de la personnalité ou exercer un pouvoir discrétionnaire de façon affirmative. Tel n'est pas le cas en espèce, même si l'on présuppose 10 points supplémentaires pour la personnalité, car le demandeur n'aurait encore qu'un maximum de 59 points.


4. Évaluation de l'emploi autonome

[9]                 L'agent des visas n'a pas été convaincue que le demandeur ait démontré qu'il pouvait établir ou acheter une entreprise au Canada qui créerait une possibilité d'emploi pour lui-même et qu'il contribuerait de façon significative à la vie économique ou culturelle ou artistique du Canada. Le demandeur déclare que l'agent des visas a erré dans son évaluation de ses estimations de fonctionnement, a déraisonnablement exigé une recherche du marché avant son arrivée effective au Canada et a insisté de façon déraisonnable sur son manque d'expérience commerciale antérieure.

[10]            Toutefois, l'agent des visas n'a pas été convaincue que le demandeur avait les fonds suffisants pour investir dans une affaire de restaurant. Qui plus est, il y avait des incohérences entre son plan d'affaires écrit et son témoignage de vive voix. De plus, le demandeur n'avait pas d'expérience commerciale antérieure. Bien que l'expérience antérieure ne soit pas une exigence, il s'agit là d'un élément important quand un demandeur propose un projet économique comme un restaurant. Voir les affaires Lobzov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1998, 152 F.T.R. 214, aux par. 9 et 10 et Du c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 1998, 146 F.T.R. 37, au par. 5.


[11]            Le demandeur allègue que l'agent des visas n'avait rien dans la preuve qui lui ait permis de dire que le secteur des restaurants chinois à Toronto était saturé et concurrentiel. Toutefois, l'agent des visas a questionné le demandeur sur ses attentes commerciales selon la perception du marché de Toronto qu'elle avait, et il était loisible au demandeur, s'il estimait que l'évaluation de l'agent des visas du marché était incorrecte, de le dire à ce moment-là. Or, il n'a pas contesté son évaluation. En ce qui concerne son manque de fonds, les incohérences dans son plan d'affaires et son manque d'expérience commerciale antérieure, la conclusion de l'agent des visas selon laquelle le demandeur n'avait pas la capacité d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada qui créerait un emploi pour lui, n'était pas déraisonnable.   

5. Paragraphe 2(1) du Règlement

[12]            L'agent des visas a déclaré qu'elle n'avait pas accordé au demandeur une gratification de 30 points pour les travailleurs autonomes parce que celui-ci ne répondait pas à la définition de travailleur autonome, c'est-à-dire qu'il devait avoir, à la fois, la capacité d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, ce qui créerait un emploi pour lui, et de contribuer de façon significative à la vie économique ou culturelle ou artistique du Canada.


[13]            Le demandeur déclare que le paragraphe 2(1) du Règlement est ultra vires du fait que la loi ne prescrit aucunement que, dans la définition, il soit exigé que l'entreprise contribue de façon significative à la vie économique ou culturelle ou artistique du Canada. En l'espèce, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'avait pas montré qu'il était capable d'exploiter une entreprise avec succès. Le demandeur n'a pas dit que cette partie de la définition est ultra vires. La question de savoir si la dernière partie du paragraphe 2(1) est ultra vires n'est pas importante pour les faits de l'espèce. Je fais cependant remarquer qu'une disposition semblable en ce qui concerne les demandeurs entrepreneurs dans le Règlement sur l'immigration a été jugée comme n'étant pas ultra vires dans l'affaire Chan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) 1994, 79 F.T.R. 263, aux par. 18 à 23.

[14]            Le demandeur semble soutenir qu'en concluant qu'il ne remplissait pas les critères de la personne autonome, lesquels réfèrent seulement à l'établissement ou à l'achat d'une entreprise au Canada, l'agent des visas a erré du fait qu'elle aurait dû l'évaluer en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement qui fait référence à une profession ou à une entreprise qui serait établie avec succès. De façon plus précise, l'argument est qu'il aurait dû être évalué d'après sa profession à titre de chef autonome et non pas d'après l'achat ou l'établissement d'une entreprise. On ne voit pas très bien clairement comment une personne pourrait être un chef de cuisine à son compte, à moins d'exploiter son propre restaurant ou une entreprise de services alimentaires. Toutefois, même si une personne peut être un chef de cuisine à son compte sans posséder une entreprise, ce n'est pas ce qu'établit la preuve ici. En l'espèce, la proposition du demandeur était d'ouvrir un restaurant chinois. L'agent des visas n'a donc pas commis d'erreur lorsqu'elle a évalué sa capacité d'établir ou d'acheter une entreprise.


6. Obligation d'évaluer avec un esprit ouvert

[15]            Le demandeur déclare que l'agent des visas n'a pas évalué sa demande avec un esprit ouvert, mais je ne trouve rien dans la preuve qui permette d'appuyer une telle allégation.

7. Conclusion

[16]            La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

« Marshall Rothstein »

                                                                                                             Juge                           

Toronto (Ontario)

Le 17 août 2001

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

NO DE DOSSIER :                                             IMM-3906-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                              CHANGCHUAN YE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE LUNDI 13 AOÛT 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE ROTHSTEIN

DATE DES MOTIFS :                           LE VENDREDI 17 AOÛT 2001

ONT COMPARU :                                            M. Leahy

pour le demandeur

M. Loncar

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Immigration North America Inc.            

Avocats

408-5075, rue Yonge

Toronto (Ontario)

M2N 6C6        

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    

pour le défendeur


Date : 20010817

Dossier : IMM-3906-00

ENTRE :

CHANGCHUAN YE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION                                          

défendeur

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                          


Date: 20010817

Dossier : IMM-3906-00

Toronto (Ontario), le vendredi 17 août 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rothstein

                                                                                                                                                    

ENTRE :

CHANGCHUAN YE

                                                                                                                                  demandeur

                                                                        et

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                     défendeur

ORDONNANCE

Le contrôle judiciaire est rejeté.

         « Marshall Rothstein »

                                                                                                                                             Juge                             

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.

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