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Date : 20040323

Dossier : IMM-1965-03

Référence : 2004 CF 433

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                      AHMAD YAMA BAKTASH

                                                     (alias Ahmad Young Baktash)

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Ahmed Yama Baktash est arrivé au Canada en provenance d'Afghanistan en août 2001. Il affirme qu'il travaillait comme libraire à Kabul. Il a revendiqué le statut de réfugié surtout parce qu'il craignait d'être maltraité par les Talibans qui, selon lui, l'ont battu lui et son père lorsqu'ils ont découvert qu'il vendait des publications en langue anglaise dans lesquelles il était entre autre question de christianisme. M. Baktash a également prétendu craindre d'être conscrit dans les forces talibanes ou les forces dirigées par des chefs de guerre indépendants.


[2]                Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de statut de réfugié de M. Baktash. La Commission a conclu que son récit des événements était invraisemblable et n'était étayé par aucune preuve documentaire. Elle a également conclu que M. Baktash n'avait plus rien à craindre car la situation en Afghanistan s'était suffisamment améliorée. M. Baktash prétend que la Commission a commis de graves erreurs en arrivant à sa conclusion et demande la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué.

[3]                J'accueillerai la demande de contrôle judiciaire de M. Baktash. La Commission semble soit avoir rejeté trop facilement la preuve de M. Baktash, soit avoir omis d'expliquer d'une façon adéquate pourquoi elle a avait conclu que sa version des faits était à ce point saugrenue, qu'elle était complètement invraisemblable.

I. Les questions en litige

[4]                M. Baktash a soulevé deux questions principales :

1.          La conclusion de la Commission selon laquelle l'histoire de M. Baktash était invraisemblable était-elle étayée par la preuve?


2.          La conclusion de la Commission selon laquelle la situation en Afghanistan s'était grandement améliorée était-elle justifiée?

[5]                Comme j'ai conclu, quant à la première question, que la tenue d'une nouvelle audience était nécessaire, je ne trancherai pas la deuxième.

II. L'analyse

1. La conclusion de la Commission selon laquelle l'histoire de M. Baktash était invraisemblable était-elle étayée par la preuve?

[6]                La Commission a jugé invraisemblable :

·            que les travailleurs d'un hôpital voisin vendent à M. Baktash des publications dans lesquelles on faisait allusion à la chrétienté et qu'il consente à les vendre dans sa « petite boîte » ;

·            que M. Baktash conservait les magazines dans l'arrière­­-boutique alors qu'il voulait les vendre;

·            qu'il existait un marché quelconque pour les magazines dans la population musulmane locale;


·            que les Talibans n'iraient pas chez lui s'ils voulaient l'arrêter et l'accuser de vendre des publications chrétiennes.

[7]                Ces « invraisemblances » ont incité la Commission à rejeter complètement la demande de M. Baktash, même si elle avait conclu que son témoignage était cohérent. Elle a conclu que M. Baktash n'avait jamais était propriétaire d'une librairie, n'avait jamais été agressé par les Talibans et ne se trouvait même pas en Afghanistan à cette époque. Elle a fait remarquer que la cohérence ne rend pas nécessairement crédible un témoignage qui est intrinsèquement invraisemblable.

[8]                Toutefois, selon moi, la conclusion d'invraisemblance tirée par la Commission ne cadre pas avec la preuve qui lui a été soumise. M. Baktash a témoigné que sa boutique était en fait un petit kiosque ou une petite remise, et non pas une « petite boîte » . Il avait convenu de tenter de vendre des publications en langue anglaise parce qu'il avait besoin d'argent. Il existait un petit marché pour ces publications, alors il les a conservées à l'arrière­­-boutique, hors de vue des Talibans qui passaient parfois par là. Il les montrait à des clients qui savaient lire l'anglais et qui, selon lui, n'appartenaient pas aux Talibans. Des Talibans se sont rendus chez lui après qu'ils eurent reçu des informations quant aux publications.


[9]                Lorsque la Commission conclut qu'un scénario présenté par un revendicateur est tout simplement invraisemblable, la Cour peut examiner cette conclusion d'une manière plus approfondie que dans le cas des autres conclusions en matière de crédibilité. La Cour est souvent aussi capable que la Commission de décider si une série d'événements ou un scénario particulier décrit par le revendicateur a pu raisonnablement se produire : Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 653, [2002] A.C.F. no 875 (QL) (1re inst.).

[10]            En l'espèce, je conclus que les conclusions d'invraisemblance tirées par la Commission ne sont pas étayées par la preuve ou ont été mal expliquées. Pour cette raison, j'accueillerai le présent contrôle judiciaire et ordonnerai la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué. Aucune des parties n'a proposé que soit certifiée une question de portée générale et aucune n'est soulevée.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

1.          La demande de contrôle judiciaire soit accueillie;

2.          Une nouvelle audience soit tenue devant un tribunal différemment constitué;

3.          Aucune question de portée générale ne soit soulevée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »               

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1965-03

INTITULÉ :                                                    AHMAD YAMA BAKTASH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 3 MARS 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                           LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Harvey Savage                                                 POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harvey Savage

Avocat                                      POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la justice           

Toronto (Ontario)


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