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     Date : 19990217

     Dossier : IMM-5694-98

ENTRE :

     ZOLMAY ZOLFIQAR,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS

     (En vertu de la règle 397(2) des Règles de la Cour fédérale (1998))

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une requête présentée par le requérant afin d'obtenir un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion dont il fait l'objet. Cette mesure devait être exécutée le 14 novembre 1998.

LA QUESTION EN LITIGE

[2]      Le requérant a-t-il respecté les trois éléments du critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt RJR - MacDonald Inc. c. Canada (P. G.), [1994] 1 R.C.S. 311, à la p. 334, en vue de l'octroi d'un sursis d'exécution?

     a) l'existence d'une question sérieuse;

     b) la preuve d'un préjudice irréparable;

     c) la prépondérance des inconvénients qui favorise le requérant.

a) La question sérieuse

[3]      Le requérant affirme qu'il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu'en ce qui concerne la question sérieuse, les tribunaux ont conclu que pour obtenir un sursis d'exécution, il suffit de prouver que la demande soumise à la Cour n'est ni futile ni vexatoire.

[4]      Il est indéniable que les agents chargés des renvois ont le pouvoir discrétionnaire de différer un renvoi et qu'ils ont exercé ce pouvoir dans des circonstances semblables à celles de l'espèce.

[5]      L'avocat du requérant s'est également référé à l'affaire Saini c. M.C.I., IMM-1712-97, C.F. 1re inst., 29 juin 1998, décidée par le juge Gibson. J'ai lu attentivement les remarques du juge Gibson et je crois comprendre qu'il est arrivé à la conclusion que l'agent chargé du renvoi n'avait pas examiné la question de savoir s'il devait ou non exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l'article 48 de la Loi sur l'immigration et que cette omission " constitue une erreur susceptible de contrôle de la nature d'une négligence ou d'un refus d'exercer sa compétence ".

[6]      Le requérant soutient que, ainsi que le juge Gibson le déclare dans l'affaire Saini, l'agent n'a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en refusant même d'examiner la preuve relative au risque auquel le requérant pourrait être exposé s'il était renvoyé en Afghanistan.

[7]      Dans le cadre du présent litige, je suis disposé à supposer, sans me prononcer, que le requérant a soulevé une question sérieuse à juger.

b) Le préjudice irréparable

[8]      L'avocat du requérant a déposé plusieurs documents faisant état de la situation en Afghanistan et a tenté de prouver que le requérant subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé en Afghanistan.

[9]      Pour sa part, l'avocate de l'intimé a prétendu que la crainte présumée du requérant de subir un préjudice irréparable est conjecturale et n'est pas crédible. Elle a également mentionné qu'[traduction]" il n'existe aucune preuve convaincante que le gouvernement afghan cherche à nuire au requérant ".

[10]      J'ai également lu les documents qui ont été déposés et soumis à l'agent chargé du renvoi. Il ressort de la lecture de ces documents que la guerre civile et l'instabilité politique continuent d'affliger l'Afghanistan.

[11]      Selon l'avocat du requérant, même si le requérant a les mêmes croyances religieuses que les Talibans, il sera exposé à un risque aussitôt qu'il débarquera à Kaboul comme il est censé le faire, et sa vie sera en danger; il pourrait être torturé ou avoir d'autres ennuis selon des rapports voulant que des membres de minorités comme les Tadjiks et les Hazaras sont maltraités pour la seule raison qu'ils appartiennent à ces minorités.

[12]      Je n'accepte pas cette prétention, et même si la preuve qui a été produite montre qu'il existe des problèmes en Afghanistan, je ne suis pas convaincu que la preuve permet de conclure que les Talibans ou le gouvernement afghan cherchent à nuire au requérant.

[13]      Les deux parties ont débattu l'application des articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans l'arrêt Kindler c. Canada, [1991] 2 R.C.S. 779, la Cour suprême du Canada déclare :

     La décision du ministre d'extrader sans obtenir de garanties des États-Unis concernant l'application de la peine de mort n'a pas violé l'art. 7 de la Charte. Les motifs d'extradition sont impérieux et les garanties en matière de procédures dans l'État qui a des rapports de réciprocité sont grandes. Le seul fait que, à la fin du processus, l'appelant est passible de la peine de mort est insuffisant dans le contexte du système d'extradition de notre pays pour rendre la décision inconstitutionnelle. Les tribunaux ne devraient pas s'ingérer à la légère dans les décisions de l'exécutif en matière d'extradition.         

[14]      L'avocat du requérant a invoqué l'affaire Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451, [1989] A.C.F. no 14, dossier de la Cour portant le numéro A-163-88, C.A.F., 18 janvier 1989, ainsi que l'affaire North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil canadien de la radiodiffusion et des télécommunications) [1997] A.C.F. no 628, dossier de la Cour portant le numéro 97-A-47, Cour d'appel fédérale, 26 mai 1997, le juge MacDonald.

[15]      L'avocate de l'intimée a cité les remarques suivantes faites par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, à la p. 1072 :

     Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les termes utilisés par le juge en chef Laskin à la p. 688 de l'arrêt Miller et Cockriell, précité, à se demander "si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine". En d'autres termes, bien que l'État puisse infliger une peine, l'effet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.         

[16]      L'avocat du requérant a également invoqué la Convention contre la torture (CCT) [1987] R.T. Can. no 36; sur ce point particulier, l'avocate de l'intimé a mentionné à juste titre que le requérant n'avait pas démontré que le ministre avait décidé de renvoyer le requérant dans un pays où il y a des motifs valables de croire qu'il serait exposé à un danger de torture.

[17]      Le requérant n'a pas convaincu la Cour qu'il subira un préjudice irréparable s'il n'obtient pas le sursis demandé et est renvoyé en Afghanistan.

c) La prépondérance des inconvénients

[18]      Le requérant n'a pas satisfait au troisième élément du critère, soit la prépondérance des inconvénients. L'intérêt public doit être pris en considération dans l'analyse de la prépondérance des inconvénients, et je suis d'avis que la prépondérance des inconvénients favorise le ministre et non le requérant.

[19]      Pour les motifs qui précèdent, la requête du requérant est rejetée.

                                 Pierre Blais

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 février 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-5694-98

INTITULÉ :                          Zolmay Zolfiqar c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le lundi 9 novembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS DU JUGE BLAIS

EN DATE DU :                      17 février 1999

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                          pour le requérant

Neeta Logsetty                          pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates                  pour le requérant

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                          pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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