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Date : 20050421

Dossier : T-1600-04

Référence : 2005 CF 541

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2005

En présence de :         MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                         

ENTRE :

                                                           THOMAS JUSDANIS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                             MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d'une décision rendue par le directeur de l'Accès à l'information et protection des renseignements personnels de l'ADRC qui a refusé de communiquer certains documents en sa possession en application des paragraphes 19(1) et 24(1) et de l'alinéa 16(1)c) de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985. ch. A-1 (la Loi). Le demandeur demande à la Cour d'ordonner au défendeur de communiquer les documents ou les parties de documents qui n'ont pas été divulgués.


QUESTION

[2]                La question préliminaire est la suivante :

1.         M. Jusdanis est-il valablement constitué partie à la présente demande de contrôle judiciaire?

[3]                Pour les motifs qui suivent, je dois répondre à cette question par la négative. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

CONTEXTE

[4]                Le ou vers le 10 avril 2003, M. Jusdanis (le demandeur) a déposé plusieurs demandes d'accès à l'information auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) relativement aux dossiers portant les numéros A-018985, A-018986, A-108987, A-018988 et A-018991 au nom de Found Money Inc.

[5]                En juin 2003, un cadre de la Division de l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels de l'ADRC a fourni certaines informations, mais a déclaré que d'autres informations avaient été supprimées en vertu des paragraphes 19(1) et 24(1) ainsi que de l'alinéa 16(1)c) de la Loi.

[6]                En juillet et en août 2003, le demandeur s'est plaint au nom de Found Money Inc. auprès du Commissariat à l'information du Canada à propos de ce refus de communication.

[7]                En avril 2004, le directeur de l'Accès à l'information et protection des renseignements personnels de l'ADRC a divulgué des informations supplémentaires à la suite de négociations avec l'enquêteur du Commissariat à l'information. Toutefois, il a indiqué que certaines informations avaient été supprimées et remplacées par des notes renvoyant aux paragraphes 19(1) et 24(1) et à l'alinéa 16(1)c) de la Loi.

[8]                En août 2004, le demandeur et Found Money Inc. ont déposé un avis conjoint de demande de contrôle judiciaire daté du 26 juillet 2003 concernant la décision du directeur de l'Accès à l'information et protection des renseignements personnels de l'ADRC.

[9]                Found Money Inc. a par la suite déposé une requête sollicitant l'autorisation d'être représentée par son dirigeant, M. Jusdanis, dans l'instance en l'espèce, plutôt que par un avocat. La protonotaire Milczynski a rejeté la demande par une ordonnance datée du 13 septembre 2004.

DÉCISION CONTESTÉE


[10]            Dans sa décision, le directeur de l'Accès à l'information et protection des renseignements personnels de l'ADRC a refusé de divulguer certaines informations. Il a indiqué que les informations retenues dans chacun des dossiers n'avaient pas été divulguées en partie parce qu'elles contenaient des renseignements personnels concernant un tiers (paragraphe 19(1) de la Loi), ou parce qu'elle risquait de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois ou le déroulement d'enquêtes (alinéa 16(1)c) de la Loi), ou finalement parce que la divulgation d'une partie de l'information était interdite par le paragraphe 24(1) et l'annexe II de la Loi en conjonction avec l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

DISPOSITIONS PERTINENTES

Loi sur l'accès à l'information



Enquêtes

16. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents : d'enquête déterminé par règlement, au cours d'enquêtes licites ayant trait :

c) contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites, notamment :

(i) des renseignements relatifs à l'existence ou à la nature d'une enquête déterminée,

(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d'une enquête;

Renseignements personnels            

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Cas où la divulgation est autorisée

2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :                

a) l'individu qu'ils concernent y consent;

b) le public y a accès;                      

c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Interdictions fondées sur d'autres lois          

24. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d'une disposition figurant à l'annexe II.

Examen des dispositions interdisant la communication

(2) Le comité prévu à l'article 75 examine toutes les dispositions figurant à l'annexe II et dépose devant le Parlement un rapport portant sur la nécessité de ces dispositions, ou sur la mesure dans laquelle elles doivent être conservées, au plus tard le 1er juillet 1986, ou, si le Parlement ne siège pas, dans les quinze premiers jours de séance ultérieurs.

RÉVISION PAR LA COUR FÉDÉRALE

Révision par la Cour fédérale

41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

Law enforcement and investigations

16. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

(i) relating to the existence or nature of a particular investigation,

(ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or                                    

(iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation; or

Personal information

19. (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains personal information as defined in section 3 of the Privacy Act.

Where disclosure authorized

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act that contains personal information if                        

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;            

(b) the information is publicly available; or     

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

Statutory prohibitions against disclosure     

24. (1) The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.

Review of statutory prohibitions by Parliamentary committee

(2) Such committee as may be designated or established under section 75 shall review every provision set out in Schedule II and shall, not later than July 1, 1986 or, if Parliament is not then sitting, on any of the first fifteen days next thereafter that Parliament is sitting, cause a report to be laid before Parliament on whether and to what extent the provisions are necessary.

REVIEW BY THE FEDERAL COURT

Review by Federal Court

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.


Règles de la Cour fédérale



Personne morale, société de personnes ou association

120. Une personne morale, une société de personnes ou une association sans personnalité morale se fait représenter par un avocat dans toute instance, à moins que la Cour, à cause de circonstances particulières, ne l'autorise à se faire représenter par un de ses dirigeants, associés ou membres, selon le cas.

Corporations or unincorporated associations

120. A corporation, partnership or unincorporated association shall be represented by a solicitor in all proceedings, unless the Court in special circumstances grants leave to it to be represented by an officer, partner or member, as the case may be.


ANALYSE

1.         M. Jusdanis est-il valablement constitué partie à la présente demande de contrôle judiciaire?

[11]            L'article 120 des Règles de la Cour fédérale prévoit qu'une personne morale se fait représenter par un avocat dans toute instance, à moins que la Cour, à cause de circonstances particulières, ne l'autorise à se faire représenter par un de ses dirigeants, associés ou membres. En l'espèce, la requête de Found Money visant à être représentée par un de ses dirigeants, M. Jusdanis, a été refusée en l'absence de circonstances particulières justifiant de s'écarter du principe fondamental énoncé dans la règle susmentionnée.

[12]            Le 22 décembre 2004, le demandeur a signifié et déposé un dossier de demande en son nom uniquement. Puis, le 10 janvier 2005, le défendeur a déposé une requête visant à mettre M. Jusdanis hors de cause. Le protonotaire Lafrenière a remarqué que, dans l'affidavit déposé par M. Jusdanis, la mention de la demande faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information en avril 2003 était ambiguë car M. Jusdanis n'avait pas identifié l'auteur de la demande.


[13]            Le protonotaire Lafrenière a déclaré que M. Jusdanis pouvait avancer l'argument qu'il avait qualité pour déposer des plaintes au Commissariat à l'information et pour présenter la demande de contrôle judiciaire. Dans sa décision, il a rejeté la requête du défendeur visant à mettre M. Jusdanis hors de cause, mais lui a laissé la possibilité de soutenir, à l'audition de la demande de contrôle judiciaire, que Found Money Inc. avait bel et bien été à l'origine de la demande et que M. Jusdanis n'avait pas qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire. Cependant, puisque Found Money Inc. a omis de mandater un avocat et de déposer son dossier dans les délais impartis, le protonotaire Lafrenière a décidé de mettre Found Money Inc. hors de cause.

[14]            L'article 41 de la Loi prévoit que « la personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présent loi [...] peut [...] exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour » . En l'espèce, la demande de communication a été déposée par M. Jusdanis au nom de Found Money Inc. On peut lire dans chacune des demandes d'information reçues :

[TRADUCTION]

Veuillez fournir l'information suivante en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels concernant Found Money Inc. ( « demanderesse » ) (BN XXXXXXX) pour les périodes suivantes : du 1er janvier 1995 à aujourd'hui. Un mandat postal de 5 $ est inclus. Merci [Non souligné dans l'original.]

[15]            La « demanderesse » est Found Money Inc. Conséquemment, c'est elle qui s'est vu refuser communication de l'information. De toute évidence, le nom de M. Jusdanis se trouve dans toutes les communications entre le défendeur et Found Money Inc. puisque M. Jusdanis est celui qui a fait la demande au nom de Found Money Inc.

[16]            M. Jusdanis a expliqué qu'il dirige l'entreprise. Ce fait est important, car s'il n'avait pas agi pour le compte de la « demanderesse » , il n'aurait pas eu droit, en son nom personnel, à l'information qui a été divulguée. À cet égard, l'alinéa 241(1)a) interdit la divulgation de renseignements à quiconque sauf à la personne concernée. Il est clair que seul un dirigeant de la demanderesse avait le droit d'obtenir, au nom de Found Money Inc., l'information qui a été divulguée.

[17]            Par contre, même si M. Jusdanis était la personne ayant le droit d'obtenir l'information au nom de Found Money Inc. en raison de son statut de dirigeant de l'entreprise, cela ne lui confère pas pour autant le droit de déposer une demande de contrôle judiciaire.

[18]            Après examen des observations orales et écrites des deux parties ainsi que des dispositions légales pertinentes, je suis d'avis qu'il n'est pas loisible à M. Jusdanis de déposer une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 41 de la Loi pour les motifs qui suivent :

1.         M. Jusdanis ne s'est pas vu personnellement refuser la communication de l'information tel que prévu à l'article 41 de la Loi;

2.         Found Money Inc. est l'entité qui s'est vu refuser la communication de l'information;

3.         En sa qualité de dirigeant de l'entreprise, M. Jusdanis s'est vu refuser le droit de représenter Found Money Inc. dans un recours en contrôle judiciaire;


4.         le 3 juin 2003, le défendeur a demandé à M. Jusdanis de fournir la preuve qu'il était autorisé à représenter Found Money Inc. Le 5 juin 2003, M. Jusdanis a fourni au défendeur une copie du Profil de la société de la province de l'Ontario concernant Found Money Inc. Ce document prouvait que le demandeur était un dirigeant de l'entreprise;

5.         toutes les lettres signées par M. Jusdanis l'ont été en sa qualité de président de Found Money Inc.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

            « Michel Beaudry »                         

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             T-1600-04

INTITULÉ :                                                                           THOMAS JUSDANIS c.

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 19 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                       LE JUGE BEAUDRY          

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 21 avril 2005

COMPARUTIONS :                                                             

Thomas Jusdanis                                                                        POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Chris Parke                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

                                                     

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                              

Thomas Jusdanis                                                                      POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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