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Date : 20060127

Dossier : T-1255-04

Référence : 2006 CF 89

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et

PFIZER LIMITED

demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

APOTEX INC.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Par la présente requête, Pfizer Canada Inc. et Pfizer Limited (les demanderesses) demandent une ordonnance annulant l'ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 5 octobre 2005. La protonotaire a rejeté la requête des demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant aux témoins experts d'Apotex Inc. (Apotex) de répondre à certaines questions auxquelles ceux-ci avaient refusé de répondre lors de leurs contre-interrogatoires.

[2]                Les questions auxquelles les experts ont refusé de répondre sont les suivantes :

            [traduction]

Dr McClelland

            Combien avez-vous reçu d'Apotex ? (Dossier des demanderesses, pages 130 et 131)

            Dr Langer

            Combien facturez-vous dans ce dossier? (Dossier des demanderesses, page 182)

            Et combien avez-vous gagné auprès d'Apotex pour le travail que vous avez accompli pour celle-ci ? (Dossier des demanderesses, page 182)

[3]                La protonotaire a jugé que les témoins experts n'étaient pas obligés de répondre à ces questions, fondamentalement parce qu'elle pensait que les questions n'étaient pas pertinentes.

La question en litige

[4]                            La protonotaire a-t-elle commis une erreur en jugeant qu'il n'était pas nécessaire de répondre aux questions?

La norme de contrôle

[5]                Au paragraphe 19 de l'arrêt Merck & Co, Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, la Cour d'appel fédérale a énoncé la norme de contrôle applicable au contrôle des ordonnances d'un protonotaire :

J'énoncerais le critère comme suit: « Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. »

[6]                À mon avis, les questions soulevées par la présente requête ne portent pas sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

[7]                Il m'est nécessaire maintenant de décider si l'ordonnance rendue par la protonotaire était « entachée d'erreur flagrante, en ce sens que la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits » (voir Merck & Co, Inc. c. Apotex Inc., précité, au paragraphe 19). À moins d'être entachée d'une erreur flagrante, sa décision ne devrait donc pas être annulée en appel.

[8]                Comme je l'ai indiqué, les questions en litige dans le présent appel portent sur la somme facturée par un témoin expert pour son opinion d'expert, ainsi que la rémunération totale versée à l'expert par la défenderesse. Le Dr McClelland a témoigné qu'il avait reçu une somme d'argent importante en 2003 et en 2004 pour ses travaux en qualité d'expert au service d'Apotex. Il a indiqué également qu'il n'avait pas fait beaucoup de travaux pour Apotex en 2005, et qu'il était peu probable qu'il accomplisse davantage de travaux en 2005. L'avocat d'Apotex a indiqué que le Dr Langer avait reçu des honoraires importants en l'espèce [traduction] « dans les milliers de dollars » . La protonotaire a été saisie de cette preuve selon laquelle les experts recevaient des honoraires importants pour leurs opinions et leurs dépositions en qualité d'experts.

[9]                J'estime que la protonotaire n'a pas commis d'erreur flagrante étant donné qu'elle n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. La protonotaire a décidé que le montant exact des honoraires perçus par les experts n'était pas pertinent.

[10]            À mon avis, la plupart des témoins experts facturent des honoraires pour leur rapport et/ou pour leur déposition. Un expert qui est un excellent témoin, sans qu'il y ait quoi que ce soit d'inhabituel en ce qui le ou la concerne, facturera des honoraires plus élevés qu'un expert moins diplômé. La déposition d'un expert n'est pas moins crédible parce que celui-ci facture plus ou moins pour ses services. Je conviens que si un témoin gagne la plus grande partie de ses revenus en rendant des services en qualité de témoin expert, il s'agit d'un facteur qu'il convient de prendre en compte lorsqu'il s'agit d'évaluer des témoignages rivaux d'experts. Or, pour effectuer cette appréciation, il n'est pas nécessaire de connaître les montants exacts que ceux-ci facturent pour leurs services.

[11]            En outre, les demanderesses en l'espèce ont la faculté de soumettre leurs propres opinions d'experts à l'attention du juge présidant l'instruction. Si, par exemple, un expert fortement rémunéré de la défenderesse donne une opinion qui n'est pas reconnue de manière générale dans le milieu, les experts des demanderesses peuvent réfuter son témoignage.

[12]            J'ai examiné la décision R. c. Lindsay, [2005] O.J. No 2870 (C.S.J.) (QL), mais rien dans cette affaire n'indique que l'interrogatoire du témoin sur ses honoraires à titre d'expert ait soulevé une objection.

[13]            Les demanderesses ont fait également valoir que la protonotaire aurait dû laisser au juge de première instance le soin de décider si les témoins experts devaient répondre aux questions en litige. Je ne suis pas d'accord. Le protonotaire est habilité à trancher les questions de pertinence et sa décision est également sujette à appel.

[14]            La requête (appel) des demanderesses est rejetée, avec dépens en faveur de la défenderesse Apotex Inc.

ORDONNANCE

[15]            LA COUR ORDONNE que la requête (appel) des demanderesses soit rejetée, avec dépens en faveur de la défenderesse Apotex Inc.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 janvier 2006

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  T-1255-04

INTITULÉ :                                                 PFIZER CANADA INC. et al

                                                                     - et -

                                                                     LE MINISTRE DE LA SANTÉ et al

LIEU DE L'AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE 21 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                 LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                LE 27 JANVIER 2006

COMPARUTIONS :

Sheila Block

Andrew Bernstein

POUR LES DEMANDERESSES

David Lederman

John Simpson

POUR LA DÉFENDERESSE, APOTEX INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Torys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE, APOTEX INC.

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

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