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Date : 20040716

Dossier : T-762-03

Référence : 2004 CF 1003

ENTRE :

                                                                AMANDA DAY

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                La présente affaire, qui porte sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 4 avril 2003 par le Tribunal canadien des droits de la personne, dans une affaire de harcèlement sexuel, est introduite par une demanderesse qui n'est pas représentée par un avocat. La présente instance est gérée à titre d'instance à gestion spéciale. Les motifs qui suivent font suite à une requête présentée par le défendeur en vue d'obtenir l'examen provisoire de l'état de l'instance pour cause de retard. La demanderesse n'a pas répondu à la requête. La requête est accueillie.


Contexte

[2]                Malgré les nombreuses tentatives faites par l'avocate du défendeur, le procureur général du Canada, pour faciliter le déroulement de la présente instance et pour accommoder la demanderesse, notamment en lui offrant de proroger les délais, en lui proposant une personne qui agirait comme défendeur à la place du procureur général du Canada et en proposant une gestion active de l'instance, l'affaire n'a pas progressé. En fait, dans l'intervalle de cinq mois compris entre l'introduction de la demande, le 12 mai 2003, et l'ordonnance de gestion de l'instance prononcée par le juge Rouleau le 9 octobre 2003, la demanderesse n'a fait aucune démarche pour faire mettre l'affaire en état. Depuis, la demanderesse n'a pas désigné de défendeur acceptable et elle n'a pas produit son dossier de requête. Pendant tout ce temps, l'avocate du défendeur a tenté sans succès de faire mettre l'affaire en état. D'où la présente requête en examen provisoire de l'état de l'instance.

Analyse


[3]                Le paragraphe 385(2) des Règles autorise le juge responsable de la gestion de l'instance ou le protonotaire d'ordonner ce qui constitue en fait la tenue d'un examen de l'état de l'instance en conformité avec l'article 382. Lors de l'examen de l'état de l'instance prévu à l'article 382, la Cour peut notamment exiger que l'auteur de la demande de contrôle judiciaire donne les raisons pour lesquelles l'instance ne doit pas être rejetée pour cause de retard (alinéa 382(2)a)). Aux termes du paragraphe 380(2), l'examen de l'état de l'instance se fait par écrit, sauf directives contraires de la Cour.

[4]                En principe, il ne devrait pas être nécessaire d'examiner l'état de l'instance au cours d'une instance à gestion spéciale. D'ailleurs, le fait que l'on doive recourir à un examen provisoire de l'état de l'instance peut être un signe que celui qui est chargé de la gestion de l'instance devrait consacrer plus d'efforts à la gestion de cette dernière. Il existe toutefois en l'espèce des circonstances qui justifient un examen provisoire de l'état de l'instance, notamment le fait que la demanderesse n'a pas accordé toute l'attention voulue à la procédure ou à la gestion de l'instance ou qu'elle ne l'a pas fait d'une manière témoignant d'une ouverture d'esprit. Ainsi, au lieu d'accomplir les actes nécessaires pour obtenir une décision, la demanderesse s'est laissée absorbée par le fond du litige en ne le considérant que de son point de vue. La demanderesse n'a par conséquent pas été en mesure de remplir les formalités nécessaires au bon déroulement de l'instance pour parvenir à l'étape de l'instruction. D'autres retards se sont par conséquent produits.

[5]                Le défendeur s'est retrouvé devant deux choix : d'une part, présenter une requête en rejet pour cause de retard, une initiative à l'issue incertaine, puisqu'il se peut qu'il n'y ait pas de préjudice qui ne peut être réparé au moyen des dépens; d'autre part, déposer une requête en examen provisoire de l'état de l'instance, obligeant la demanderesse à justifier le retard et à expliquer les mesures qu'elle propose pour faire avancer l'affaire.


[6]                Bien que l'obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement et avec célérité incombe traditionnellement à la partie qui prend l'initiative du procès, les principes modernes régissant le déroulement de l'instance s'inspirent aussi de l'article 3 des Règles de la Cour fédérale :


Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.                                                

These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.


Cette nouvelle philosophie, que l'on retrouve dans les Règles de la Cour fédérale de 1998, illustre bien ce à quoi la Cour fédérale doit s'attacher car, pour reprendre les propos du juge Isaac : « [...] l'accent doit être mis sur la solution au litige "qui soit juste et la plus expéditive et économique possible" comme l'exige l'article 3 des Règles » (Sebastian c. Première Nation Saugeen no 29, (2003) 300 N.R. 154, à la page 166.

[7]                Dans le cas qui nous occupe, l'avocate du défendeur a fait tout ce à quoi on pouvait s'attendre d'elle en accommodant la demanderesse, en essayant de faire avancer l'affaire et en suggérant des mesures pratiques et économiques pour faciliter la mise en état de l'affaire, mais toutes ces tentatives ont échoué.


[8]                Ni les efforts de l'avocate du défendeur, ni ceux de l'avocat de la personne qui aurait dû être constituée défendeur, ni même la gestion spéciale de l'instance n'ont permis de mettre l'affaire en état. On ne devrait pas en exiger davantage du défendeur en l'obligeant à présenter une requête en radiation pour cause de retard. La tenue d'un examen provisoire de l'état de l'instance sera ordonnée en vertu du paragraphe 385(2). Cet examen aura lieu sur pièces.

[9]                La demanderesse aura jusqu'à la fermeture du greffe le 9 août 2004 pour déposer et signifier des observations écrites qui porteront sur les deux questions suivantes : premièrement, est-ce que les raisons qui sont invoquées pour expliquer pourquoi la demande de contrôle judiciaire n'a pas progressé justifient le retard, et, en second lieu, quelles mesures la demanderesse propose-t-elle pour faire avancer l'affaire. Ainsi que le juge Hugessen l'a expliqué dans le jugement Baroud c. Canada (Procureur général), (1998) 160 F.T.R. 91, à la page 92, ces deux questions sont en corrélation :

Les deux questions sont clairement en corrélation en ce sens que s'il existe une excuse valable justifiant que l'affaire n'ait pas progressé plus rapidement, il n'est pas probable que la Cour soit très exigeante en requérant un plan d'action du demandeur. D'autre part, si aucune raison valable n'est invoquée pour justifier le retard, le demandeur devrait être disposé à démontrer qu'il reconnaît avoir envers la Cour l'obligation de faire avancer son action. De simples déclarations de bonne intention et du désir d'agir ne suffit clairement pas. De même, le fait que la défenderesse puisse avoir été négligente et ne s'être pas acquittée de ses obligations procédurales est, dans une grande mesure, sans rapport : la principale obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement incombe au demandeur et, à un examen de l'état de l'instance, la Cour lui demandera des explications.


L'obligation imposée à la demanderesse est d'expliquer pourquoi l'affaire n'a pas progressé plus rapidement et ce, en vue de justifier le retard et d'exposer les mesures qu'elle se propose de prendre pour faciliter la mise en état de l'affaire. On ne saurait y voir une occasion de revenir sur ce qui s'est passé antérieurement, sauf, comme la Cour d'appel fédérale l'a souligné dans l'arrêt Rosen c. Sa Majesté la Reine, [2000] 2 C.T.C. 422, pour évoquer l'intention de faire les diligences nécessaires dans les délais prescrits, pour vérifier s'il existe des arguments défendables, pour préciser l'ampleur du retard et pour exposer tout préjudice causé par le retard qui peut avoir une incidence sur le débat. J'ajouterais que les observations du demandeur ou du défendeur, en réponse à une ordonnance d'examen de l'état de l'instance, ne peuvent se résumer à de vagues assurances : les mesures proposées doivent être aussi tangibles, concrètes et positives que possible (Importations Alimentaires Stella Inc. c. National Cheese Co., (2000) 273 N.R. 392 (C.A.F.), à la page 393).

[10]            Bien que l'alinéa 382(2)a) des Règles soit libellé de telle manière qu'il oblige le demandeur ou le défendeur à exposer les raisons pour lesquelles une instance déterminée ne devrait pas être rejetée pour cause de retard, il n'y a rien dans les Règles qui empêche le défendeur de soumettre des observations écrites ( Multibond Inc. c. Duracoat Powder Manufacturing Inc., (1999) 177 F.T.R. 226, à la page 231).

[11]            Les dépens suivront l'issue de la cause.

             « John A. Hargrave »             

       Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-762-03

INTITULÉ :      AMANDA DAY c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                     

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                               Le 16 juillet 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Amanda Day (n'a pas déposé d'observations écrites)

POUR LA DEMANDERESSE

Joyce Thayer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Amanda Day

(pour son propre compte)

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Joyce Thayer Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR


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