Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 20041101

                                                                                                                            Dossier: T-2485-03

                                                                                                                  Référence: 2004 CF1385

ENTRE :

                                                  FREDERICK ANTONIO FARIA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Exposé sommaire

[1]                M. Faria a demandé la citoyenneté canadienne alors qu'il n'avait passé que 504 jours au Canada pendant la période prescrite de trois ans (1095 jours). Bien qu'il possédât des maisons au Canada et qu'il y eût établi sa famille, il a maintenu sa principale entreprise à Dubaï. La juge de la citoyenneté a statué qu'il n'avait pas centralisé son mode d'existence au Canada. M. Faria demande le contrôle judiciaire de cette décision.


Contexte

[2]                M. Faria, sa femme et ses enfants sont arrivés au Canada au mois de mars 1996 et sont devenus résidents permanents au mois d'août 1996.

[3]                Environ quatre ou cinq jour après leur arrivée au Canada, M. Faria et sa famille se sont rendus à New York où ils ont séjourné plus d'une semaine, puis ils sont revenus brièvement au Canada avant de partir pour Dubaï où les enfants se sont inscrits à l'école.

[4]                M. Faria a également lancé une entreprise à Dubaï, et c'est cette entreprise qui l'a tenu éloigné du Canada pendant une période aussi longue, à vivre et à faire commerce dans ce pays et ailleurs dans le monde.

[5]                À la fin des classes, la famille est retournée au Canada. Deux des enfants ont par la suite fréquenté des universités canadiennes. Un autre étudie à Dubaï.

[6]                M. Faria possède une résidence familiale à Thornill et trois condominiums à Toronto. Sa femme et ses enfants résident au Canada et possèdent la citoyenneté canadienne.

[7]                M. Faria a exprimé l'intention de déménager son entreprise au Canada, mais il ne l'a pas encore fait, même s'il affirme avoir l'intention de devenir citoyen canadien depuis 1996.


[8]                La juge de la citoyenneté a signalé qu'il manquait 531 jours de résidence au Canada à M. Faria pour satisfaire aux exigences de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, lequel est ainsi conçu :


5.(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent; . . . .

5.(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence; . . . .


[9]                Pour déterminer si M. Faria avait centralisé son mode de vie au Canada, elle a pris en considération les questions suivantes posées dans la décision Koo (Re), [1992] A.C.F. no 1107 (1re inst.) :

1.              la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

2.              où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

3.              la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?


4.              quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

5.              l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

6.              quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

Analyse

[10]            On reconnaît généralement que la norme de contrôle applicable aux décisions des juges de la citoyenneté est celle de la décision correcte (Agha (Re), [1999] A.C.F. no 577 (1re inst.)). Notre Cour doit également appliquer une norme de contrôle imposée par le législateur plutôt que par la jurisprudence.

[11]            Quelle que soit la norme de contrôle applicable, toutefois, il incombe à celui qui demande la citoyenneté de démontrer au moyen de faits objectifs, relativement à la résidence, qu'il a, premièrement, établi sa résidence au Canada depuis au moins trois ans et, deuxièmement, qu'il a maintenu la résidence ainsi établie pendant toute la période visée (Wong (Re), [1996] A.C.F. no 591 (1re inst.)).

[12]            Ce fardeau appartient en propre au demandeur, lequel ne peut faire sienne la situation des autres membres de sa famille en matière de résidence. La situation de chacun est examinée individuellement selon ses propres circonstances.


[13]            En ce qui concerne le critère applicable en matière de résidence, la jurisprudence se rapportant à d'autres lois, comme la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas déterminante pour ce qui est de décider s'il y a eu établissement de résidence au sens de la Loi sur la citoyenneté.

[14]            Le demandeur prétend que le « critère de l'intention » d'établir la résidence s'applique en l'espèce. Il soutient en outre que la jurisprudence n'a pas formulé plusieurs critères en matière de résidence - lieu où vit le requérant, raison d'être au Canada, intention, critère en trois volets, indices de résidence, qualité des attaches - qui permettent ensuite au juge de la citoyenneté de choisir celui qu'il appliquera à un cas donné car, s'il en était ainsi, le processus serait arbitraire, incertain et injuste.

[15]            Si le droit était ainsi, je souscrirais à l'argument voulant que le processus souffre de ces déficiences et d'autres encore. À mon avis, toutefois, ce que nous appelons parfois en droit des « critères » sont en réalité des facteurs à prendre en considération ou à soupeser pour déterminer si un requérant a prouvé qu'il avait résidé au Canada pendant la période applicable de trois ans.


[16]            Le demandeur soutient que la juge de la citoyenneté a erré en s'en tenant rigidement aux questions formulées dans Koo et en ne tenant pas compte de l'intention de M. Faria de résider au Canada. Il ajoute que cette application rigide de la décision Koo se révèle problématique pour les gens d'affaires internationaux, qui doivent nécessairement voyager énormément pour leurs affaires.

[17]            En toute déférence, je ne suis pas d'avis que la juge de la citoyenneté a servilement appliqué la décision Koo ou qu'elle a considéré comme exhaustives les question qui y étaient formulées. La question des difficultés accrues que les dispositions législatives en matière de citoyenneté peuvent poser aux gens d'affaires internationaux relativement à la preuve de la résidence ou des choix difficiles qu'elles peuvent leur imposer en ce qui concerne leur style de vie et de travail relève du législateur.

[18]            Dans l'état actuel du droit, le demandeur doit prouver, premièrement, qu'il a établi sa résidence au Canada et, deuxièmement, qu'il l'a maintenue. S'il ne semble faire aucun doute que la famille de M. Faria a établi sa résidence ici, des éléments de preuve indiquent qu'il n'en va pas de même pour ce dernier.

[19]            Après avoir déménagé des Émirats arabes unis au Canada au mois de mars 1996, M. Faria est ensuite parti pour les États-Unis quelques jours plus tard, puis il est allé à Dubaï où il a établi son entreprise. Cette conduite cadre mal avec l'établissement d'une résidence au Canada.


[20]            En outre, M. Faria a été absent du Canada (le calcul des absences varie suivant qu'on inclue ou non les absences autorisées en vertu du permis de retour pour résident permanent) 896 jours, selon le défendeur, 689 jours, selon le demandeur, ou 531 jours, selon la juge de la citoyenneté. C'est à cause de l'entreprise que le demandeur a installée à Dubaï au moment où, selon ses dires, il établissait sa résidence au Canada, que M.Faria s'est absenté.

[21]            Il a exprimé l'intention de déménager son entreprise au Canada, mais il ne l'a pas encore fait, même s'il a disposé de la période 1996 -2003/2004 pour mener à bien ce projet.

[22]            Bien qu'il revienne au Canada pour les principaux congés et que sa famille réside ici, ces éléments ne sont pas suffisants pour prouver sa propre résidence (Zhou c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2004] A.C.F. no 1367).

[23]            Après examen de l'ensemble des circonstances, j'estime que la juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur. Elle a démontré qu'elle comprenait le droit applicable et elle s'est correctement prononcée sur tous les faits.


[24]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »              

Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2485-03

INTITULÉ :                                        FREDERICK ANTONIO FARIA c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                             14 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PHELAN

EN DATE DU :                                                           1er novembre 2004

COMPARUTIONS :

Mme Charlotte M.Janssen                                 POUR LE DEMANDEUR

M. Negar Hashemi                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Janssen & Associates

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.