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Date : 20050819

Dossier : IMM-7297-04

Référence : 2005 CF 1137

Ottawa (Ontario), le 19 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX   

ENTRE :

                                                 SUSAN ALEXANDRA THOMASZ

DYAN STEFAN MULLER

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                L'un des principaux arguments soulevés par l'avocate des demandeurs à l'encontre d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) du 2 août 2004, refusant les revendications du statut de réfugié de Susan Alexandra Thomasz, 21 ans, et de son fils, Dyan Stefan Muller, tous deux citoyens du Sri Lanka, nés à Colombo, est l'utilisation injuste, en raison de l'état d'esprit de la demanderesse principale à l'époque, du compte rendu de son entrevue au point d'entrée (EPE) avec un agent d'immigration, à son arrivée à la frontière canadienne de Lacolle (Québec), le 27 novembre 2003. Le tribunal a rejeté les revendications en raison d'un manque de crédibilité général.

[2]                Le tribunal a jugé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger parce qu'advenant leur retour au pays, ils ne seraient pas exposés à un risque grave de persécution ou de torture, leur vie ne serait pas menacée et ils ne risqueraient pas de subir un traitement ou une peine cruel et inusité. Deux agents de persécution ont été désignés : 1) la police/l'armée srilankaise; 2) les Tigres de libération de l'Ealam tamoul (les TLET).

[3]                S'appuyant sur le compte rendu de l'EPE, le tribunal :

1)          a relevé une contradiction entre le témoignage de la demanderesse principale, lorsqu'elle affirme ne pas savoir pourquoi l'armée srilankaise est retournée à la résidence familiale à la recherche de son père, deux après le départ de toute la famille (sauf elle) de Colombo, et son EPE avec l'agent d'immigration, au cours de laquelle elle a déclaré que les autorités recherchaient son père [traduction] « parce qu'il avait aidé une famille tamoule pendant la guerre. Il les a laissés vivre chez nous à la maison » ;


2)          a constaté une omission; en effet, dans son EPE, la demanderesse principale n'a pas mentionné que les TLET ont menacé de les enlever, elle et son fils, si elle ne versait pas une certaine somme d'argent, et qui l'ont menacée de mort, si elle parlait de cette extorsion à la police; pourtant, ces allégations sont à l'origine de son départ du Sri Lanka.

[4]                La demanderesse principale a déclaré, avant l'audience, en mai 2004, que la version qu'elle avait donnée lors de l'EPE [traduction] « ne correspond pas à la réalité, en ce qui concerne notre crainte » . Voici ce qu'elle a expliqué à ce propos :

a)         Elle a voyagé pendant près de 20 heures avant d'arriver aux États-Unis et dans les deux jours qui ont précédé son arrivée à la frontière canadienne, elle a dormi quelques heures seulement. Elle était nerveuse et son fils était malade; ensuite, elle a dû attendre 13 heures dans la salle d'attente du poste de Lacolle avant qu'un agent d'immigration la reçoive en entrevue. Son fils était fatigué et irritable.

b)         Lorsqu'elle a été interrogée, elle était tellement fatiguée qu'elle a donné des réponses incohérentes à l'agent d'immigration; lorsqu'elle a lu les notes prises par l'agent d'immigration à la suite de son EPE, elle a réalisé qu'elle avait dit des choses qui semblaient contradictoires et confuses. Elle était tellement épuisée lors de son interrogatoire qu'elle a répondu tout ce qui lui venait à l'esprit pour finir l'entrevue au plus vite. Tout ce qu'elle voulait, c'était de mettre fin à l'interrogatoire, de retrouver ses parents et d'aller dormir.

c)         Le fait que son fils était très fatigué a ajouté à son stress.


d)         Elle a réalisé qu'elle avait dit des choses apparemment absurdes et confuses à la frontière et qu'elle n'a aucune excuse d'avoir agi ainsi, hormis sa grande fatigue et le fait que sa capacité de jugement était diminuée par son état d'épuisement. Elle sait aujourd'hui qu'elle aurait dû demander à l'agent d'immigration de reporter son entrevue afin qu'elle puisse se reposer, mais à l'époque, elle n'a pas réalisé l'importance de cette entrevue et ne pensait qu'à quitter la Section de l'immigration au plus vite pour retrouver sa mère et son père qui l'attendaient.

e)         Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), elle a raconté les faits de manière ordonnée, en faisant attention à ses déclarations. Elle a demandé qu'on ne tienne pas compte de ce qu'elle avait dit à la frontière et a affirmé que la véritable version des faits se trouve dans son FRP.

[5]                Dans ses motifs, le tribunal mentionne la déclaration de la demanderesse principale (pièce P-8) et affirme ce qui suit :

[Traduction]

Prenant acte du contenu de la pièce P-8, le tribunal remarque néanmoins que le compte rendu de l'entrevue contient de nombreuses réponses précises et détaillées aux questions posées. Il ne s'agit pas d'une entrevue portant sur une multitude de dates et de points qu'une personne pourrait oublier en raison du stress et de l'épuisement. De fait, la date dont il est le plus souvent question - celle du bombardement du 19 août 1999 - correspond bien à la date mentionnée dans l'énoncé circonstancié de la revendicatrice. Le tribunal conclut que malgré la pièce P-8, le témoignage de la demanderesse principale lors de l'entrevue est crédible et il a une valeur probante; la pièce P-8 est une simple tentative de corriger les effets apparemment néfastes du témoignage spontané donné à la frontière. [Non souligné dans l'original.]

[6]                Dans son FRP, la demanderesse principale a décrit plusieurs attaques perpétrées par les TLET à Colombo, dont une en 1996 et une autre en 1997, après lesquelles son père a été placé en détention et interrogé sur ses liens avec les TLET. Le père de la demanderesse principale avait plusieurs clients tamouls, mais aucun d'eux n'appartenait aux TLET. Elle a également parlé de certaines attaques des TLET à Colombo, en 1998 et plus particulièrement en 1999, lorsque l'armée et les forces de l'ordre sont entrées dans la maison familiale et ont frappé son père avec la crosse d'un fusil, disant qu'il avait laissé le temps aux terroristes d'aller se mettre à l'abri. Ils ont délibérement giflé sa mère. Son père a été arrêté de nouveau en 2001, après que les forces armées soient venues à la maison et les aient menacés. Cet incident est à l'origine de leur départ du pays.

[7]                La demanderesse principale a écrit que son père avait quitté le pays en juin 2001. Sa mère, ses soeurs et son frère sont partis deux semaines plus tard. La demanderesse est restée parce qu'elle était sur le point de se marier. (Les membres de sa famille qui ont quitté le pays sont venus au Canada et ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. La demanderesse s'est mariée le 28 juillet 2001.)


[8]                Dans son FRP, elle raconte que le 9 août 2001, alors qu'elle et son mari s'étaient installés dans la maison de sa famille à Colombo, une bombe à gaz a été lancée sur la maison et l'a partiellement endommagée. Son témoignage révèle que, selon elle, la bombe aurait été lancée par des gens de son quartier qui n'aimaient pas son père en raison de ses liens avec les Tamouls. Une plainte a été déposée à la police, mais elle serait restée lettre morte.

[9]                Elle explique que vers la fin du mois de juin 2003, les forces armées sont venues à la maison et ont effectué une perquisition; [traduction] « ils nous ont menacés et nous ont posé des questions sur mon père. Depuis, nous vivions dans la crainte » .

[10]            En ce qui concerne les militants des TLET, elle prétend qu'ils sont venus deux fois à la maison en 2003. [traduction] « Ils ont demandé de l'argent et nous avons été contraints de leur en donner parce que nous étions effrayés. » Elle conclut ainsi, dans son FRP :

[traduction] « j'ai réalisé que si je restais, ma vie et celle de mon enfant seraient en danger. De plus, je risquais de causer des problèmes à mon mari en demeurant au Sri Lanka » .

[11]            Quant au fait que les autorités publiques auraient été un agent de persécution, le tribunal s'exprime dans ces termes :

[Traduction] Il est probable que la police a effectivement rendu visite à son père et que les autorités se sont comportées à son égard comme la revendicatrice le raconte, dans son énoncé circonstancié. Le père de la revendicatrice et le reste de sa famille directe, cependant, ne vivent plus au Sri Lanka. (...) La revendicatrice n'a eu aucun problème avec les autorités, dans les deux années qui ont suivi leur départ. Ensuite, la police serait soi-disant retournée chez elle, aurait fouillé la maison et aurait posé des questions concernant son père. Les policiers ne sont jamais revenus. Elle n'a jamais été arrêtée ni placée en détention illégale et elle n'a pas subi de violences - Elle n'a jamais été menacée physiquement de quelle que manière que ce soit aux mains de la police. Il apparaît clairement dans son énoncé circonstancié et dans son témoignage que la seule personne à laquelle les autorités s'intéressaient vraiment était son père. Elle n'a présenté aucune élément de preuve indiquant que les autorités auraient imputé à la fille les opinions politiques de son père et qu'elle aurait ainsi eu une raison de craindre les autorités, à cet égard. De fait, lorsqu'on lui a demandé pourquoi les autorités étaient retournées chez elle deux ans après le départ de son père, elle a répondu « je ne sais pas » . [Non souligné dans l'original.]


[12]            C'est à ce moment que le tribunal mentionne, dans ses motifs, la réponse que la demanderesse a donnée lors de son EPE, quant à la raison pour laquelle les autorités recherchaient son père; elle avait répondu à l'époque : « parce qu'il avait aidé une famille tamoule pendant la guerre. Il les a laissés vivre chez nous à la maison » . Le tribunal souligne alors la contradiction avec le témoignage de la demanderesse.

[13]            Après avoir conclu que la demanderesse n'avait pas réussi à expliquer cette contradiction de manière crédible, le tribunal ajoute ce qui suit :

[Traduction]

En tout état de cause, il est évident que si les autorités ont continué à manifester un intérêt, comme elle le prétend, elles s'intéressaient uniquement à son père. Cette conclusion est également étayée par la réponse négative donnée par la revendicatrice à la question 37, dans son FRP, à savoir si elle fait actuellement l'objet d'une accusation pour un crime ou une infraction à la loi. Bien qu'elle ait dans un premier temps répondu « non » à la question 38 (êtes-vous recherché par la police, l'armée ou d'autres autorités?), elle a ensuite modifié sa réponse en inscrivant « oui » . Son témoignage et son énoncé circonstancié, cependant, ne contiennent aucune preuve crédible indiquant qu'elle est recherchée. Le tribunal en conclut que les modifications étaient une simple tentative de justifier sa crainte prétendue des autorités, mais cette crainte n'est étayée par aucun fait. Interrogée à ce sujet, d'ailleurs, la revendicatrice a reconnu que les autorités ne s'intéressaient qu'à son père. [Non souligné dans l'original.]


[14]            Quant à la question de savoir si les TLET étaient un agent de persécution, le tribunal a remarqué que, dans son FRP, la demanderesse affirme qu'elle et son mari ont été victimes d'extorsion à deux reprises en 2003 et qu'elle courait toujours un risque à cet égard. Le tribunal a également pris note que la demanderesse raconte qu'elle et son fils ont fait l'objet d'une menace d'enlèvement et qu'ils ont été avertis de ne pas appeler la police, à défaut de quoi ils seraient tués.

[15]            Le tribunal fait observer ce qui suit :

[Traduction]

Bien qu'elle allègue qu'elle et son fils ont été menacés d'enlèvement en juin 2003, elle n'a quitté le pays que plus de cinq mois plus tard. Comme cet événement est à l'origine de leur départ, la revendicatrice a été priée de s'expliquer sur ce délai. Elle a donné une réponse imprécise et confuse et a fait une vague allusion à des problèmes de logistique. Le tribunal conclut que c'est peu vraisemblable, compte tenu de la gravité des menaces, du fait que sa famille avait déjà réussi à s'installer au Canada et qu'elle pouvait donc compter sur quelqu'un qui savait parfaitement comment s'y prendre pour organiser un tel départ. [Non souligné dans l'original.]

[16]            Le tribunal cite ensuite la réponse de la demanderesse principale, à savoir qu'elle n'a pas quitté le pays avec sa famille en 2001, parce qu'elle [traduction] « vivait alors avec son fiancé » . Il fait remarquer qu'une telle réponse [traduction] « ne laisse deviner aucune crainte de persécution dans la limite des possibilités raisonnables » .


[17]            Le tribunal ajoute que la demanderesse principale s'est rendue aux États-Unis en septembre 2002, au cours du mois où les membres de sa famille ont obtenu le statut de réfugié au Canada, mais elle n'a présenté aucune revendication et est ensuite rentrée au Sri Lanka. Interrogée à ce sujet, elle a répondu, selon le tribunal, qu'elle était retournée parce qu'elle n'éprouvait aucun problème grave. Le tribunal constate que, dans son énoncé circonstancié (FRP), elle mentionne plusieurs problèmes graves qui seraient survenus entre 1996 et 2002 et que sa maison aurait été visée par une bombe incendiaire le 9 août 2001. Le tribunal affirme [traduction] « qu'interrogée sur ce point, la revendicatrice s'est contentée de répondre : " j'étais confuse " » . C'est dans cette partie de ses motifs que le tribunal souligne que la demanderesse principale n'a fait aucune mention des menaces de mort ou d'enlèvement, lors de l'EPE. Le tribunal ajoute que [traduction] « l'époux de la revendicatrice est demeuré au Sri Lanka, il travaille et, selon le propre témoignage de la revendicatrice, il n'a plus eu affaire avec les TLET et n'a pas subi d'extorsion depuis le départ de son épouse » .

[18]            Le tribunal formule ses conclusions comme suit :

[Traduction]

Compte tenu de l'analyse qui précède, le tribunal conclut que la revendicatrice n'a pas réussi à fournir une preuve crédible de ses allégations voulant qu'elle soit menacée par les TLET.

N'ayant pas réussi à fournir une preuve crédible de crainte fondée de persécution de la part des TLET ou des autorités srilankaises, la revendicatrice n'a pas démontré qu'elle et son fils seront exposés à une « sérieuse possibilité » de persécution, advenant leur retour au Sri Lanka.

Également, la revendicatrice n'a pas réussi à fournir une preuve crédible qu'elle et son fils seront exposés à un risque de torture, que leur vie sera menacée ou qu'ils pourraient subir un traitement ou une peine cruel et inusité, advenant leur retour au Sri Lanka. [Non souligné dans l'original.]

[19]            L'avocate des demandeurs soutient que la crainte qu'éprouve la demanderesse principale à l'égard des TLET et de la police et de l'armée srilankaises, à Colombo, a pris naissance après le départ de ses parents et de ses frères et soeurs, à la mi-juin 2001, soit au cours de l'été 2003. En ce qui concerne le refus du tribunal de prêter foi au témoignage de la demanderesse, compte tenu des contradictions relevées dans son EPE, l'avocate affirme que la preuve au dossier justifie qu'elle obtienne le statut de réfugié au sens de la Convention.


[20]            Plus particulièrement, elle soutient que la demanderesse principale a expliqué qu'elle était retournée au Sri Lanka après avoir rendu visite à sa grand-mère, aux États-Unis, en 2002, parce que les incidents qui l'auraient poussée à fuir se sont produits au cours de l'été 2003.

[21]            De plus, son témoignage quant à la raison pour laquelle elle n'a pas quitté le pays avec sa famille est logique : elle était sur le point de se marier et son futur époux ne pouvait pas obtenir un visa américain.

[22]            Les motifs soulevés par l'avocate des demandeurs en vue de faire annuler la décision du tribunal reposent essentiellement sur la valeur probante qu'il convient d'attribuer à la preuve.

[23]            La norme de contrôle visant de tels motifs est définie à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales; cette disposition précise que la Cour peut annuler une décision si elle est convaincue que le tribunal a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose.

[24]            La Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale ont donné aux cours de révision des directives claires à ce sujet.

[25]            Je cite les propos de la juge L'Heureux-Dubé, au paragraphe 85 des motifs de son jugement, dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793 :

¶ 85 Nous devons nous souvenir que la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal administratif exige une extrême retenue : Ross c. Conseil scolaire du district n ° 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, le juge La Forest aux pp. 849 et 852. Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable, par exemple, en l'espèce, l'allégation suivant laquelle un élément important de la décision du tribunal ne se fondait sur aucune preuve; voir également : Conseil de l'éducation de Toronto, précité, au par. 48, le juge Cory; Lester, précité, le juge McLachlin à la p. 669. La décision peut très bien être rendue sans examen approfondi du dossier : National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, le juge Gonthier à la p. 1370. [Non souligné dans l'original.]

[26]            Je cite également le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, au paragraphe 4 des motifs de sa décision dans Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) :

¶ 4 Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau. [Non souligné dans l'original.]


[27]            J'ai lu attentivement le dossier certifié du tribunal, qui contient un compte rendu de son EPE, y compris les questions additionnelles auxquelles la demanderesse principale a répondu, sa déclaration, son FRP, son témoignage devant le tribunal et la décision du tribunal. J'en tire les conclusions suivantes.

[28]            Premièrement, selon moi, l'évaluation de l'EPE par le tribunal est raisonnable, même si l'on tient compte du fait que la demanderesse était épuisée, qu'elle était stressée par l'état de son bébé et qu'elle avait attendu plusieurs heures avant d'être reçue en entrevue. Je constate qu'on lui a demandé si elle était en bonne santé physique et mentale et qu'elle a répondu qu'elle se sentait bien, au moment de l'entrevue (dossier du tribunal, page 220).

[29]            Un examen de l'EPE et des réponses aux questions additionnelles appuie l'évaluation du tribunal et sa prise en compte de l'EPE et de l'entrevue. La demanderesse a clairement expliqué aux agents sa crainte et les motifs de celle-ci. Elle a bien décrit les problèmes que son père a eus dans le passé. Certaines de ses réponses, par exemple, quant à savoir si son époux prévoyait venir au Canada, soulèvent des interrogations.

[30]            Le tribunal était justifié de conclure comme il l'a fait en ce qui concerne la prise en considération de l'EPE. Je constate en outre que le tribunal, tenant compte des circonstances, n'a pas retenu contre la demanderesse les erreurs qu'elle a faites à propos de certaines dates. Le tribunal a lui-même commis une erreur à ce chapitre (la date du 9 avril 1999).

[31]            Je suis d'accord avec l'avocate du défendeur, le tribunal n'a pas fondé sa décision seulement ni même principalement sur les contradictions relevées dans l'EPE, dont une d'ailleurs était sans gravité. Il était préoccupé par le délai qui s'est écoulé, avant que la demanderesse principale ne quitte le Sri Lanka, après les incidents l'ayant poussée à partir. Les réponses qu'elle a données pour expliquer ce délai sont peu plausibles. Le tribunal a souligné qu'après le départ de sa famille, la demanderesse n'avait pas entendu parler de la police pendant deux ans, avant que celle-ci ne retourne la voir une seule fois en 2003, pour lui poser des questions sur son père. Elle n'a pas réussi à expliquer pourquoi elle aurait dû considérer comme une menace, dans le futur, le fait que la police lui pose des questions sur son père. Elle a clairement reconnu que ce n'était pas elle qui était visée par la police. En ce qui concerne les TLET, la demanderesse principale a déclaré que depuis son départ, son époux, qui était la seule source de revenus, n'avait pas été victime d'extorsion de la part des TLET et que tous les jours, il travaillait ouvertement à l'hôtel où il était employé. Le tribunal a tenu compte, comme il était en droit de le faire, de l'absence de toute mention, tant lors de son EPE que dans son FRP, des menaces d'enlèvement et de mort qu'elle aurait reçues, si elle signalait l'extorsion à la police.

[32]            Dans l'ensemble, le tribunal a jugé que la demanderesse principale n'avait pas fourni une preuve convaincante et suffisante pour établir une sérieuse possibilité de persécution ou de traitement cruel et inusité, advenant son retour au Sri Lanka.

[33]            À mon avis, le tribunal pouvait raisonnablement parvenir à cette conclusion, compte tenu de la preuve dont il disposait.

[34]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à certifier n'a été proposée.

                                                                            « François Lemieux »         

                                                                                                                                                                           

   Juge                

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7297-04

INTITULÉ :                                        SUSAN ALEXANDRA THOMASZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 3 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE : LE 19 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Évelyne Fiset                                                                 POUR LES DEMANDEURS

477, Saint-François Xavier, bureau 308

Montréal (Québec) H2Y 2T2

Téléphone :        (514) 904-0048

Télécopieur :      (514) 904-10281

Simone Truong                                      POUR LE DÉFENDEUR

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest

Montréal (Québec) H2Z 1X4

Téléphone :        (514) 283-3295

Télécopieur :      (514) 283-3856

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                        

Évelyne Fiset                                                                 POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                               


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