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Date : 20060315

Dossier : IMM-2663-05

Référence : 2006 CF 338

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

HARMINDER SINGH UPPAL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        M. Uppal est arrivé à l’aéroport international Pearson de Toronto en provenance du Royaume-Uni en possession d’un passeport britannique délivré au nom de Gian Singh (le passeport Singh) et a tenté d’entrer au Canada en tant que visiteur. Le contrôle effectué par un agent d’immigration en vertu de l’article 18 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) s’est conclu par la production d’un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, alléguant que M. Uppal était interdit de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 36(1)c) de la Loi. Au terme de son enquête, la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Uppal était interdit de territoire au Canada. M. Uppal sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

I.          Les faits

[2]        En 1995, M. Uppal s’est rendu en Espagne muni d’un authentique passeport indien délivré à son nom. Après avoir passé environ deux semaines en Espagne, selon son témoignage, il a été introduit illégalement en France et, deux semaines plus tard, en Angleterre. Entre 1995 et 2004, M. Uppal a vécu au Royaume-Uni. En 2000, il a obtenu un passeport britannique sous le nom de « Gian Singh ». Il a ensuite présenté une demande de permis de conduire britannique en produisant le passeport Singh comme pièce d'identité. Il a obtenu son permis de conduire après avoir suivi des cours de conduite. M. Uppal s'est également servi du passeport Singh pour se rendre à deux reprises en Inde.

[3]        Dans l'intervalle, les autorités canadiennes avaient été prévenues que le passeport Singh avait été obtenu frauduleusement. Lorsque M. Uppal s'est présenté à l'aéroport Pearson, il a été confronté à l'avis des autorités britanniques. Il s'est alors présenté comme étant Harminder Singh Uppal et a déclaré que sa véritable intention était de présenter une demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention.

 

[4]        Le rapport circonstancié prévu au paragraphe 44(1) renferme les renseignements habituels permettant d'identifier l'intéressé  − numéro de dossier, nom de l'auteur du rapport, nom et date de naissance de l'intéressé. Je reproduis intégralement le corps du rapport. L'agent y déclare que Harminder Singh Uppal est :

 

[TRADUCTION]

 

UN ÉTRANGER QUI N'A PAS ÉTÉ AUTORISÉ À ENTRER AU CANADA

 

ET DONT J'ESTIME QU'IL EST INTERDIT DE TERRITOIRE EN VERTU DE L'ALINÉA 36(1)C)

 

ÉTANT DONNÉ QU'IL EXISTE DES MOTIFS RAISONNABLES DE CROIRE [sic] QU'IL S'AGIT D'UN ÉTRANGER QUI EST INTERDIT DE TERRITOIRE POUR GRANDE CRIMINALITÉ PARCE QU'IL A COMMIS, À L’EXTÉRIEUR DU CANADA, UNE INFRACTION QUI, COMMISE AU CANADA, CONSTITUERAIT UNE INFRACTION À UNE LOI FÉDÉRALE PUNISSABLE D’UN EMPRISONNEMENT MAXIMAL D’AU MOINS DIX ANS.

 

LE PRÉSENT RAPPORT EST FONDÉ SUR LES RENSEIGNEMENTS SUIVANTS :

 

HARMINDER SINGH UPPAL,

 

ÉGALEMENT CONNU SOUS LE NOM DE GIAN SINGH,

 

N'EST NI CITOYEN CANADIEN NI RÉSIDENT PERMANENT DU CANADA;

 

IL EXISTE DES MOTIFS RAISONNABLES DE CROIRE QUE HARMINDER SINGH UPPAL A COMMIS AU ROYAUME-UNI, EN 2000, UNE INFRACTION EN EMPLOYANT UN DOCUMENT CONTREFAIT ET PLUS PARTICULIÈREMENT EN PRÉSENTANT UNE DEMANDE DE PASSEPORT BRITANNIQUE SOUS LE NOM D'EMPRUNT SUSMENTIONNÉ; QU'APRÈS AVOIR OBTENU LE PASSEPORT DEMANDÉ LE 4 AVRIL 2000, IL A ENSUITE PRÉSENTÉ UNE DEMANDE EN VUE D'OBTENIR UN PERMIS DE CONDUIRE BRITANNIQUE (EN SE SERVANT DU FAUX PASSEPORT). CETTE INFRACTION EST PRÉVUE À L'ARTICLE 368 DU CODE CRIMINEL DU CANADA, QUI DISPOSE :

 

368(1) QUICONQUE, SACHANT QU’UN DOCUMENT EST CONTREFAIT, SELON LE CAS :

A) S’EN SERT, LE TRAITE, OU AGIT À SON ÉGARD;

B) FAIT, OU TENTE DE FAIRE, ACCOMPLIR L’UN DES ACTES VISÉS À L’ALINÉA A),

COMME SI LE DOCUMENT ÉTAIT AUTHENTIQUE, EST COUPABLE D’UN ACTE CRIMINEL ET PASSIBLE D’UN EMPRISONNEMENT MAXIMAL DE DIX ANS.

 

SI ELLE ÉTAIT COMMISE AU CANADA, CETTE INFRACTION CONSTITUERAIT UNE INFRACTION À UNE LOI FÉDÉRALE PUNISSABLE D’UN EMPRISONNEMENT MAXIMAL D’AU MOINS DIX ANS.

 

[5]        L’affaire a été déférée à la Section de l’immigration (la SI) pour enquête conformément au paragraphe 44(2). Avant que la SI n'ouvre son enquête, le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) a été modifié; on a remplacé la disposition qui y était précisée par l'alinéa 403a) du Code criminel, L.R.C., ch. C-34 (le Code), qui prévoit l'infraction équivalente en droit canadien.

 

[6]        À l'audience de la SI, deux principaux points litigieux ont été soulevés. Le premier concernait la question de savoir si le critère de l'équivalence entre l'infraction britannique et l'infraction canadienne était rempli et le second portait sur la question de savoir s'il était loisible au ministre d'invoquer l'article 403 du Code compte tenu de l'article 133 de la LIPR. Dans les observations écrites qu'il a déposées après la clôture de l'audience, l'avocat de M. Uppal a soulevé une question supplémentaire, en l'occurrence celle de savoir si la modification d'un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) constitue un manquement aux principes d'équité procédurale.      

 

[7]        Lors de l'instruction de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat de M. Uppal a retiré ses arguments sur l'équivalence des infractions, de sorte qu'il restait deux questions à trancher, à savoir celle relative à l'incidence de l'article 133 de la LIPR et celle concernant la modification apportée au rapport établi en vertu du paragraphe 44(1).

 

II.         Article 133 de la LIPR

[8]        Cet article est ainsi libellé :

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27

 

133. L'auteur d'une demande d'asile ne peut, tant qu'il n'est statué sur sa demande, ni une fois que l'asile lui est conféré, être accusé d'une infraction visée à l'article 122, à l'alinéa 124(1)a) ou à l'article 127 de la présente loi et à l'article 57, à l'alinéa 340c) ou aux articles 354, 366, 368, 374 ou 403 du Code criminel, dès lors qu'il est arrivé directement ou indirectement au Canada du pays duquel il cherche à être protégé et à la condition que l'infraction ait été commise à l'égard de son arrivée au Canada.

Immigration and Refugee Protection Act,

S.C. 2001, c. 27

 

133. A person who has claimed refugee protection, and who came to Canada directly or indirectly from the country in respect of which the claim is made, may not be charged with an offence under section 122, paragraph 124(1)(a) or section 127 of this Act or under section 57, paragraph 340(c) or section 354, 366, 368, 374 or 403 of the Criminal Code, in relation to the coming into Canada of the person, pending disposition of their claim for refugee protection or if refugee protection is conferred.

 

 

A.  Contexte

[9]        À l'audience de la SI, le ministre a soutenu que, bien que l'article 133 de la LIPR reconnaisse le droit du demandeur d'asile d'être protégé contre toute poursuite intentée en vertu de l'article 403 du Code, cette protection ne joue que si le demandeur d'asile a tardé à présenter sa demande. Comme il est demeuré au Royaume-Uni pendant neuf ans avant de venir au Canada, M. Uppal n'aurait pas droit à la protection de l'article 133.

 

[10]      Citant le jugement R. c. Marzouk (1994), 19 Imm. LR. (3d) 63 (C.S.C.-B.), le ministre soutient que, parce que M. Uppal a passé neuf ans au Royaume-Uni, on ne peut dire qu'il s'est rendu directement au Canada. Dans le jugement Marzouk, le tribunal a estimé que l'adverbe « directement »excluait le cas des personnes qui, après s'être enfuis de leur pays d'origine, ont passé suffisamment de temps dans un autre pays pour y obtenir une protection de fait. Suivant cet argument, M. Uppal a obtenu la protection de fait du Royaume-Uni et il ne peut donc pas se prévaloir de la protection offerte par l'article 133 de la LIPR.

 

[11]      La SI a expliqué que l'affaire Marzouk avait été jugée sous le régime du paragraphe 95.1(1) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne Loi), qui est différent de l'article 133 de la LIPR. La disposition de la Loi actuelle protège explicitement les personnes qui arrivent indirectement du pays duquel elles cherchent à être protégées. De plus, on ne saurait affirmer que M. Uppal bénéficiait d'une protection de facto au Royaume-Uni alors qu'il s'y trouvait illégalement et sous un nom d'emprunt.

 

[12]      Citant la décision rendue par notre Cour dans l'affaire Vijayakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 33 Imm. L.R. (2d) 176 (C.F. 1re inst.), la SI a signalé que, parce qu'un demandeur d'asile, étant à l'abri d'accusations au criminel pour avoir utilisé un faux passeport pour pouvoir venir au Canada, ne peut être réputé avoir commis une infraction à cet égard et « ne peut pas être interdit de territoire au Canada sur ce motif ». La SI a par conséquent conclu que l'article 403 du Code ne pouvait être invoqué contre M. Uppal à titre de demandeur d'asile parce qu'il avait obtenu un faux passeport britannique. Il ne pouvait donc pas être interdit de territoire en vertu de l'alinéa 36(1)c) de la LIPR pour cette raison.

 

[13]      La SI a néanmoins estimé – en ce qui concerne le permis de conduire – que M. Uppal avait présenté sa demande de permis de conduire en se servant du nom de Gian Singh et d'une date de naissance qui correspondait à celle figurant sur le faux passeport. Il a signé sa demande sous le nom de « Gian Singh » et a produit le passeport Singh comme pièce d'identité. Il a obtenu son permis de conduire par des moyens frauduleux. Le jugement Vijayakumar s'applique à l'acquisition du passeport mais non au permis de conduire. Comme l'article 133 de la LIPR ne s'applique qu'aux actes se rapportant à l'arrivée au Canada et, comme rien ne permet de penser que l'obtention par M. Uppal de son permis de conduire avait quoi que ce soit à voir avec son arrivée au Canada, il ne peut bénéficier de la protection de l'article 133 de la LIPR.

 

[14]      M. Uppal affirme que la SI a mal interprété l'article 133. Il soutient que limiter l'application de l'article 133 à l'utilisation, par des demandeurs d'asile, de faux passeports, est trop restrictif et va à l'encontre de l'intention qu'avait le législateur en édictant cet article. Suivant l'interprétation que, selon M. Uppal, il convient de donner à cet article, le demandeur d'asile  [TRADUCTION] « ne peut être accusé d'une infraction visée à l'article 403 s'il risque d'être interdit de territoire au Canada en raison de ces accusations ». Il soutient que l'article 133 exige la suspension de toute poursuite engagée en vertu de l'article 403 du Code jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ou que l'asile lui ait été conféré. L'immunité accordée par l'article 133 vise effectivement toutes les infractions qui tombent sous le coup de l'article 403 du Code.

 

[15]      Bien que les arguments respectifs des parties englobent plusieurs questions, il n'est pas nécessaire de les trancher ici. J'estime qu'on peut trancher le débat en décidant si la SI a bien interprété l'article 133 dans le contexte de l'interdiction de territoire et s'il lui était loisible de tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée au sujet du permis de conduire de M. Uppal.

 

[16]      L'article 133 protège contre les poursuites les personnes qui ont présenté une demande d'asile. Or, rien ne permet de penser que M. Uppal sera accusé d'une infraction. C'est l'avocat du ministre qui, à l'audience de la SI, a invoqué l'article 133 en soutenant qu'il ne s'appliquait pas en raison du séjour de neuf ans de M. Uppal au Royaume-Uni.

 

[17]      Ainsi qu'il a déjà été signalé, la SI a appliqué à l'obtention du passeport Singh le raisonnement suivi par notre Cour dans le jugement Vijayakumar et elle a conclu que M. Uppal ne pouvait être interdit de territoire pour ce motif. Elle a ensuite examiné les circonstances entourant l'acquisition du permis de conduire en fonction de l'article 133 et elle a conclu que M. Uppal était interdit de territoire. C'est l'interprétation que la SI a donnée de l'article 133 qui est cruciale.

 

B.  La norme de contrôle

[18]      Aucune clause privative ne s'applique en ce qui concerne la décision de la SI. Cependant, les articles 72 à 75 de la LIPR prévoient la possibilité d'un contrôle judiciaire sur autorisation de la Cour. La SI possède une expertise importante notamment en matière de décisions portant sur l'interdiction de territoire. La SI n'est pas mieux placée que la Cour pour interpréter la Loi. L'objet de la LIPR, pour ce qui est de la Section 4 (Interdictions de territoire) est exposé aux alinéas 3(1)h) et 3(1)i) de la Loi. Il ressort de ces alinéas que le législateur entendait donner la priorité à la sécurité et interdire de territoire les personnes qui sont des criminels ou qui constituent un danger pour la sécurité. La nature de la question implique, sous un rapport, l'interprétation d'une disposition de la Loi, ce qui constitue une question de droit et, sous un autre rapport, elle suppose l'application du droit aux faits.

 

[19]      L'analyse pragmatique et fonctionnelle de ces facteurs m'amène à retenir la norme de la décision correcte pour interpréter l'article 133. Pour ce qui est de la question de savoir si les faits constatés tombent sous le coup de cette disposition, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

C.  Analyse

[20]      La Cour suprême du Canada a constamment réaffirmé le principe que les termes de la loi doivent être interprétés en tenant compte de l’ensemble de l’objet, du texte et du contexte de la disposition en cause (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, au paragraphe 8). Ainsi que je l'ai déjà signalé, l'objet de la LIPR en matière d'immigration est précisé au paragraphe 3(1) de la Loi. L'arrêt Medovarski nous enseigne qu'il ressort de l'objet de la Loi que le législateur entendait accorder la priorité à la sécurité. Les alinéas 3(1)h) et 3(1)i) sont particulièrement éclairants en ce qui concerne l'objet de la Section 4 (Interdictions de territoire) parce qu'ils parlent de l'importance de garantir la sécurité des Canadiens et d'interdire de territoire les personnes qui sont des criminels ou qui constituent un danger pour la sécurité. Ces objectifs sont repris aux alinéas 3(2)g) et 3(2)h) de la LIPR, en ce qui concerne les réfugiés.

 

[21]      Si l'on applique le raisonnement suivi dans le jugement Vijayakumar à l'interdiction de territoire, on constate que l'article 133 protège les réfugiés et les demandeurs d'asile qui possèdent et utilisent de faux documents. L'article 133 ne leur reconnaît cependant pas une immunité absolue. Il ressort en effet du libellé même de cet article que la protection en question ne vaut que pour les documents « à l'égard de son arrivée au Canada ». Le législateur souhaitait ainsi permettre aux véritables réfugiés et demandeurs d'asile d'utiliser de faux passeports ainsi que les documents connexes obtenus par eux pour pouvoir entrer au Canada et de les protéger contre une interdiction de territoire fondée sur la possession et l'utilisation de tels documents. La version anglaise du passage pertinent de la disposition est conforme à la version française « à la condition que l’infraction ait été commise à l’égard de son arrivée au Canada » (« subject to the condition that the infraction was committed with reference to his or her arrival in Canada »).

 

[22]      Pour trancher la question de l'interdiction de territoire, la SI a expliqué qu'une personne n'est protégée contre une déclaration d'interdiction de territoire que relativement aux documents frauduleux obtenus en vue de pouvoir entrer au Canada. À mon avis, cette interprétation est juste. Toute conclusion contraire méconnaîtrait le sens clair du texte et ne serait pas en accord avec les objectifs généraux susmentionnés de la LIPR en matière d'immigration et plus précisément en ce qui concerne l'interdiction de territoire.

 

[23]      Interpréter l'article 133 comme M. Uppal le souhaiterait (en soustrayant à son application toutes les infractions tombant sous le coup de l'article 403 du Code) dénaturerait complètement le sens et la portée de cette disposition lorsqu'on l'interprète dans son sens courant en fonction de l'esprit et de l'objet de la LIPR. L'interprétation proposée par M. Uppal risque fort − ce qui n'est pas souhaitable − de laisser entrer au Canada des individus qui ont commis une des infractions énumérées à cet article et qui ne cherchent nullement à fuir la persécution.

 

[24]      M. Uppal affirme que la SI a eu tort de considérer que l'article 133 ne s'applique qu'aux passeports. Je ne suis pas de son avis. La SI n'a pas conclu que l'article 133 ne s'appliquait pas au permis de conduire parce qu'il ne s'agit pas d'un passeport. Elle a plutôt conclu que l'article 133 était inapplicable parce que M. Uppal n'avait pas obtenu son permis de conduire « à l'égard de son arrivée au Canada ».

 

[25]      Il n'y a rien dans la preuve qui permette de penser que M. Uppal a obtenu le permis de conduire frauduleux pour pouvoir entrer au Canada en vue de présenter une demande d'asile. Il n'y a aucun élément de preuve qui permette même de penser qu'il a obtenu ce permis pour s'en servir comme pièce d'identité. Il a suivi des cours de conduite et a subi l'examen de conduite pour obtenir son permis. La SI a analysé à fond la preuve et la preuve lui permettait raisonnablement de tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée. L'argument que M. Uppal tire de l'article 133 est mal fondé.

 

III.       Modification apportée au rapport établi en vertu du paragraphe 44(1)

A.  Contexte

[26]      Dans ses observations écrites, M. Uppal affirme qu'il n'a pris connaissance qu'à l'audience de la SI de la modification apportée au rapport prévu au paragraphe 44(1). À l'instruction de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat de M. Uppal a été officiellement avisé que le paragraphe 368(1) du Code avait été remplacé par l'alinéa 403a), comme infraction équivalente canadienne, sept jours avant l'audience de la SI. Le dossier certifié conforme du tribunal administratif confirme la signification de l'avis de modification sept jours avant l'ouverture de l'audience.

 

[27]      L'avocat de M. Uppal a admis, à juste titre, qu'il ne s'était pas opposé à la modification à quelque moment que ce soit avant ou après l'audience de la SI. L'avocat de M. Uppal a reconnu que l'agent qui avait remplacé le paragraphe 368(1) du Code par l'alinéa 403a) dans le rapport prévu au paragraphe 44(1) de la LIPR était habilité à établir les rapports prévus au paragraphe 44(1). L'avocat de M. Uppal a déclaré : [TRADUCTION] « Il n'est pas contesté que l'agent qui a effectué la modification était habilité à le faire».

 

[28]      À la suite de l'audience de la SI, M. Uppal a fait valoir, dans ses observations écrites, qu'une fois que le rapport prévu au paragraphe 44(1) avait été transmis à la SI, le rapport [TRADUCTION] « emportait avis à l'intéressé quant aux arguments et à la preuve qu'il devait réfuter à l'audience de la SI ». Si les modifications devaient être apportées au rapport, après que l'affaire eut été déférée à la SI, le rapport doit être retransmis au ministre pour qu'il détermine, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR, si le rapport modifié est bien fondé.

 

[29]      La SI a estimé que le grief formulé par M. Uppal quant à l'insuffisance de l'avis ne pouvait prospérer parce qu'il avait trop attendu pour l'exposer. Bien que l'avis prévu au paragraphe 44(2) ait été donné, ce qui permet de constater que l'on s'est fondé sur le paragraphe 368(1) du Code, l'avocat du ministre [TRADUCTION] « a signifié le 3 février 2005 l'avis indiquant qu'il se fondait sur l'article 403 et il a déposé ce même avis en preuve à l'audience le 10 février 2005 ». Le demandeur a donc été avisé des intentions du ministre. Il n'a pas réclamé de délai pour avoir le temps de préparer sa réponse à la question de l'article 403. Si on lui avait indiqué que l'avocat du demandeur n'était pas prêt, la SI aurait envisagé la possibilité d'accorder un ajournement.

 

[30]      En ce qui concerne la présente demande, M. Uppal maintient son argument que le paragraphe 44(2) de la LIPR permet au ministre, s’il estime le rapport bien fondé, de déférer l’affaire à la SI pour enquête. La compétence de la SI se limite donc à l'examen des allégations contenues dans le rapport transmis au ministre. Les modifications, s'il en est, doivent être soumises au ministre pour lui permettre de se former une opinion conformément au paragraphe 44(2). Conformément à la procédure prévue par la LIPR, le premier rapport établi en vertu du paragraphe 44(2) aurait dû être retiré et un nouveau rapport aurait dû être préparé. Suivant M. Uppal, la protection de la LIPR disparaît si la procédure appropriée n'est pas suivie.

 

[31]      Suivant M. Uppal, la SI a outrepassé sa compétence en tenant compte du rapport qui avait été modifié par l'avocat du ministre pour remplacer l'article 368 du Code par l'article 403 après que le ministre eut transmis le rapport à la SI. Suivant M. Uppal, en agissant ainsi, la SI a manqué à l'équité procédurale.

 

B.  Dispositions législatives pertinentes

Code criminel, S.R., ch. C-34

 

403. Est coupable soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans, soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, frauduleusement, se fait passer pour une personne, vivante ou morte :

 

a) soit avec l'intention d'obtenir un avantage pour lui-même ou pour une autre personne;

[…]

 

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27

 

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

[…]

c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.

[…]

 

 

44. (1) S'il estime que le résident permanent ou l'étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l'agent peut établir un rapport circonstancié, qu'il transmet au ministre.

(2) S'il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête, sauf s'il s'agit d'un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu'il n'a pas respecté l'obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d'un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Criminal Code, L.R.C. ch. C-34

 

403. Every one who fraudulently personates any person, living or dead,

 

a) with intent to gain advantage for himself or another person,

is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years or an offence punishable on summary conviction.

 

 

Immigration and Refugee Protection Act,

S.C. 2001, c. 27

 

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility audience, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

 

C.  La norme de contrôle

[32]      Les questions d'équité procédurale sont considérées comme des questions de droit. Il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue judiciaire à leur égard. Ou bien l'auteur de la décision s'est conformé au contenu de l'obligation d'agir avec équité qui s'appliquait dans les circonstances ou bien il n'a pas respecté cette obligation (Sketchley c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 404; 144 A.C.W.S. (3d) 509).

 

D.  Analyse

[33]      Les exigences de l'obligation d'équité procédurale varient selon les circonstances de l'affaire (Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).

 

[34]      Les décisions administratives doivent être prises « au moyen d'une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social » (arrêt Baker, paragraphe 22). Parmi les facteurs dont on doit tenir compte pour déterminer le contenu de l'équité procédurale, il y a lieu de mentionner : la nature de la décision et la procédure qui a été suivie pour y parvenir, le rôle que joue la décision particulière au sein du régime législatif, l'importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l'organisme fait lui-même (arrêt Baker, précité, paragraphes 21 à 28).

 

[35]      La SI est obligée de respecter scrupuleusement le principe de l'équité en prenant sa décision fondée sur les faits (Kindler c. MacDonald, [1987] 3 C.F. 34 (C.A.F.)).

 

[36]      Gardant ces principes présents à l'esprit, je passe à l'argument de M. Uppal suivant lequel les modifications apportées à un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) doivent être soumises au ministre (et, vraisemblablement, à son délégué en l'absence du ministre) pour qu'il prenne une nouvelle décision en vertu du paragraphe 44(2).

 

[37]        Je n'ai pas l'intention de me livrer à des hypothèses ou d'envisager les diverses circonstances qui pourraient donner lieu à la modification du rapport prévu au paragraphe 44(1) après qu'il a été déféré à la SI. Je ne crois pas non plus qu'il soit prudent de poser un principe général d'application universelle en ce qui concerne les modifications. Il faut plutôt tenir compte des circonstances particulières de l'affaire. Chaque cas est un cas d'espèce.

 

[38]      Nous avons déjà parlé des objets de la LIPR en matière d'interdiction de territoire. L'objet de l'alinéa 36(1)c) de la LIPR est d'interdire de territoire les personnes qui relèvent de son champ d'application. Le principe fondamental du droit de l'immigration qui a été énoncé dans l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1992] 1 R.C.S. 711 et qui veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'être au pays ou d'y demeurer a récemment été confirmé dans l'arrêt Medovarski.

 

[39]      Il vaut la peine de signaler que le rapport prévu au paragraphe 44(1) n'est envisagé que si l'agent a des motifs raisonnables de croire que l'intéressé est interdit de territoire. Les faits relatés dans le rapport doivent être propres à convaincre le ministre (en pratique, son délégué) que le rapport est bien fondé avant qu'il puisse déférer l'affaire à la SI pour enquête, auquel cas la SI doit déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire que l'intéressé est interdit de territoire en raison de l'alinéa 36(1)c).

 

[40]      Le rapport qui a été établi en vertu du paragraphe 44(1) en l'espèce portait que, de l'avis de l'agent qui en était l'auteur, M. Uppal était interdit de séjour en vertu de l'alinéa 36(1)c) de la LIPR. L'agent justifiait cet avis par le fait qu'il avait des motifs raisonnables de croire que M. Uppal, un étranger, avait commis, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[41]      Le rapport relatait les faits sur lesquels le rapport était fondé. Il précisait que M. Uppal avait commis une infraction en 2000 au Royaume-Uni en demandant un passeport britannique sous un nom d'emprunt et, après avoir obtenu ce passeport, en se servant de celui-ci pour présenter une demande de permis de conduire britannique. Il ajoutait que l'infraction canadienne équivalente était le paragraphe 368(1) du Code dont il reproduisait le libellé.

 

[42]      L'agent a exposé les éléments constitutifs de l'infraction en question en décrivant les faits reprochés à M. Uppal. Il était essentiel, pour satisfaire aux exigences de l'alinéa 36(1)c), de démontrer l'existence d'une infraction canadienne équivalente punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[43]      Il n'y a rien dans la LIPR, le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) ou les Règles de la Section de l'immigration, DORS/2002-229 (les Règles) qui permette de penser que le rapport prévu au paragraphe 44(1) ne peut pas être modifié. L'alinéa 26b), que l'on trouve à la partie 3 des Règles, prévoit qu'une copie des documents devant être utilisés à l'audience doit être transmise et reçue au moins cinq jours avant l'audience. L'article 5 des Règles traite expressément du « retrait de la demande du ministre de procéder à une enquête ». Il ne prévoit pas le retrait des modifications apportées à un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1).

 

[44]      Suivant le défendeur, M. Uppal cherche à « transposer les contraintes propres à la procédure criminelle dans le contexte d'une audience sur l'interdiction de territoire », ce qui à son avis ne s'applique tout simplement pas. De fait, les dispositions modificatrices du Code (voir l'article 601) ont une portée beaucoup plus large que la procédure que M. Uppal m'exhorte à suivre en l'espèce.

 

[45]      Pour modifier un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) en vue de remplacer une infraction canadienne équivalente par une autre, il n'est pas nécessaire de renvoyer le rapport au ministre pour qu'il détermine si la nouvelle infraction est conforme à la description des actes reprochés à l'intéressé et si elle constitue une infraction punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans (à condition que l'équité procédurale soit par ailleurs respectée, indépendamment de la modification elle-même). L'essentiel du rapport est constitué des faits que l'on reproche à l'intéressé. Il doit exister une infraction équivalente, mais l'équivalent canadien peut être une infraction fédérale qui correspond à l'acte en question et qui est punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

[46]      Le remplacement de l'infraction par une infraction canadienne équivalente qui correspond mieux à l'infraction reprochée n'a aucune incidence sur l'essentiel du rapport prévu au paragraphe 44(1). Il s'ensuit que le remplacement d'une disposition du Code par une autre qui illustre mieux l'acte reproché ou qui y correspond davantage ne nécessite pas un retrait du rapport qui aurait pour effet de reléguer la décision prévue au paragraphe 44(2) à l'étape préliminaire. On peut déplorer à juste titre que le ministre (en pratique, son délégué) ne choisisse pas la disposition qui convient le mieux pour décrire l'acte reproché. Il vaut la peine de répéter que M. Uppal ne conteste pas qu'en l'espèce, l'avocat du ministre fût habilité à effectuer cette modification.

 

[47]      Pour ce qui est de l'importance que la décision revêt pour M. Uppal, outre la conséquence évidente de l'issue de l'audience relative à l'interdiction de territoire– en l'occurrence, le fait qu'il ne sera pas autorisé à demeurer au Canada – aucun autre élément de preuve n'a été soumis à cet égard. Qui plus est, M. Uppal ne prétend pas que la modification lui a causé quelque préjudice que ce soit. Bien que son avocat parle du droit de connaître les arguments et les preuves auxquels son client devra répondre, il n'en souffle mot dans son résumé.

 

[48]      Pour ce qui est de la procédure qui a été suivie, il ressort du procès-verbal de l'audience du 10 février 2005 qu'il avait déjà été question, lors de la séance du 2 décembre 2004, d'une modification projetée à l'infraction équivalente. Le 3 février 2005, une semaine avant l'audience, M. Uppal a été officiellement informé de la modification par laquelle l'alinéa 403a) devenait l'infraction équivalente et il a également reçu une liste complémentaire de documents communiqués. La première liste de documents communiqués lui avait été fournie le 2 décembre. La liste que M. Uppal a reçue énumérait notamment les documents du ministre ainsi que la jurisprudence que ce dernier entendait invoquer.

 

[49]      M. Uppal a témoigné et il était représenté par un avocat à l'audience du 10 février. La SI a reçu après l'audience des observations écrites des avocats. La décision que la SI a rendue le 10 février 2005 compte une vingtaine de pages dactylographiées et elle est à la fois convaincante et fouillée. La SI y a analysé à fond la preuve et les arguments invoqués. Une grande partie de sa décision porte sur la question de l'« équivalence ». M. Uppal a obtenu gain de cause sur l'un des deux arguments qu'il a invoqués au sujet de l'équivalence. Il a abandonné l'autre argument lors de l'instruction de la présente demande.

 

[50]      Dans ces conditions, je conclus, sans hésitation aucune, que M. Uppal était parfaitement au courant de la preuve et des arguments qu'il devait réfuter et qu'il a eu pleinement la possibilité de prendre véritablement part à la procédure. Aucun manquement à l'équité procédurale n'a été commis.

 

[51]      Néanmoins, pour le cas où je me méprendrais, je conclus que M. Uppal a renoncé à invoquer tout manquement à l'équité procédurale qui aurait pu être commis. Il ne s'est en effet pas opposé à la modification du rapport prévu au paragraphe 44(1) ni avant ni pendant l'audience. Dans sa décision motivée, la SI dit bien que « s'il y avait eu une quelconque indication que M. Uppal ou son conseil étaient mal préparés ou pris par surprise, [elle aurait] certainement envisagé la possibilité d'ajourner l'audience ».

 

[52]      À mon avis, le défaut de s'opposer à temps constitue une renonciation implicite, sinon une renonciation manifeste. Le juge McGuigan a expliqué ce concept relativement à la crainte raisonnable de partialité dans l'affaire Tribunal des droits de la personne c. Énergie atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.), [Énergie atomique], autorisation de pourvoi refusé ([1986] 2 R.C.S. v.) S'agissant de la renonciation tacite, le juge McGuigan a insisté sur le devoir de soulever dès que possible la crainte raisonnable de partialité (pour alléguer une violation des principes de justice naturelle). Son raisonnement a été accepté tant par les juges majoritaires que par les juges minoritaires dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892.

 

[53]      Notre Cour s'est penchée elle aussi sur les conditions de validité d'une renonciation tacite dans le contexte du droit à l'assistance d'un interprète garanti à l'article 14 de la Charte. Se fondant sur l'arrêt Énergie atomique, la Cour a expliqué que les plaintes portant sur la qualité de l'interprétation doivent être présentées à la première occasion, chaque fois qu'il est raisonnable de s'y attendre (Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 371 (C.F. 1re inst.) conf. à [2001] 4 C.F. 85 (C.A.)).

 

[54]      Toutefois, pour ce qui est du droit à une divulgation raisonnable des documents, la Cour a dit, dans le jugement Chalal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 232 F.T.R. 36; 30 Imm. L.R. (3d) 17 (C.F. 1re inst.), que la question de savoir s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une plainte soit présentée à la première occasion est une question de fait. Les facteurs clés sont le moment de la communication et l'importance que revêtent les renseignements pour la décision.

 

[55]      La SI a estimé que le grief formulé par M. Uppal ne pouvait prospérer parce qu'il avait trop attendu pour le formuler. J'abonde dans son sens. Qui plus est, même si je n'étais pas du même avis que la SI, il ne me serait loisible de remettre en question une conclusion de fait que si la SI l'avait tirée de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Or, ce n'est pas le cas. Je rejette donc l'argument invoqué par M. Uppal au sujet de la modification du rapport prévu au paragraphe 44(1).

 

[56]      Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. M. Uppal a suggéré la question suivante à certifier :

 

L'examen par la Section de l'immigration d'un rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR qui a été modifié par un agent d'immigration après que le ministre l'eut déféré à la Section de l'immigration en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR constitue-t-il un manquement à l'équité procédurale?

 

 

 

[57]      Le ministre s'oppose à la certification au motif que la question ne découle pas des faits de l'espèce. Je suis portée à abonder dans le sens du ministre. Comme chaque cas est un cas d'espèce, la question ne transcende pas l'intérêt de M. Uppal en sa qualité de partie au litige. Il ne convient donc pas de certifier cette question (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c.  Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.)). La question proposée est également trompeuse car la modification a été effectuée par un délégué du ministre dûment autorisé à le faire.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2663-05

 

INTITULÉ :                                       HARMINDER SINGH UPPAL

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 23 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 15 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jaswant Singh Mangat

 

POUR LE DEMANDEUR

Brad Gotkin    

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mangat & Company            

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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