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Date : 20010411

Dossier : T-1041-99

Référence neutre : 2001 CFPI 318

ENTRE :

LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE LA PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE SANDY BAY, représentés par le chef JOHN SPENCE, le conseiller RAYMOND BEAULIEU, le conseiller TOM RICHARD, le conseiller KEN RICHARD et le conseiller EDWARD STARR

                                                                                                                          demandeurs

                                                                       et

DIANA BEAULIEU, JEANNETTE HOULE, JOHN R. SPENCE SR., MANUEL JOSEPH SPENCE et CATHERINE MOUSSEAU

                                                                                                                             défendeurs

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

[1]         La présente instance a débutéle 15 juin 1999 par le dépôt d'une requête des demandeurs en vue d'obtenir :

a)          une injonction interdisant à la défenderesse DIANA BEAULIEU de procéder à llection du chef de la Première nation Ojibway de Sandy Bay le mercredi 16 juin 1999;

b)          une ordonnance de certiorari annulant llection par acclamation de Jeannette Houle, Catherine Mousseau, Manuel Spence et John R. Spence Sr le jeudi 10 juin 1999;

c)          toute autre réparation que la Cour juge équitable et raisonnable dans les circonstances;

d)          les frais de la requête.

[2]         Les motifs de la requête sont les suivants :

a)          la tenue d'une élection en vue de désigner le chef de la Première nation Ojibway de Sandy Bay le 16 juin 1999 va à l'encontre des Custom Elections Regulations (règlement sur les élections selon la coutume) de la bande indienne de Sandy Bay;

b)          en l'absence d'une injonction, les demandeurs subiront un préjudice qui ne pourra être dédommagé par l'octroi d'une indemnité;

c)          llection des conseillers par acclamation le 10 juin 1999 allait à l'encontre du règlement sur les élections selon la coutume de la bande indienne de Sandy Bay.

[3]         Les principales parties, ainsi que d'autres personnes, ont étécontre-interrogées au sujet de l'affidavit qu'elles avaient déposé. Ainsi, le chef John Paul Spence et Diana Beaulieu ont étécontre-interrogés à Winnipeg respectivement les 14 et 15 juillet 1999 par les avocats principaux des parties concernées. La transcription de ces contre-interrogatoires a étédéposée auprès de la Cour et les avocats ont citécette transcription à l'audience tenue le 18 décembre 2000 à Winnipeg.

[4]         Tel qu'il est mentionnéplus haut, les avocats de chaque partie ont demandéà la Cour de condamner l'autre partie à payer les frais. Comme la Cour l'a soulignéau cours de l'audience, cette demande témoigne d'une certaine audace de part et d'autre, compte tenu de la conduite de chacun des avocats principaux au cours des contre-interrogatoires en question, qui était bien inférieure aux normes d'une conduite professionnelle. En effet, les avocats se sont conduits les uns envers les autres de manière impolie et non professionnelle et leurs clients ont fait montre d'un plus grand sang-froid qu'eux. Par conséquent, aucune des parties ne devrait s'attendre à ce que la Cour approuve cette conduite en accordant un montant élevéau titre des frais. Afin d'attirer directement l'attention des avocats sur leur comportement, la Cour fait part de sa répugnance à l'endroit de la conduite au cours du contre-interrogatoire tenu le 14 juillet 1999, dont la transcription est consignée aux pages 2 à 8, 10 et 11, 16 à 19, 22 et 23, 24, 25 à 28, 29 et 30, 31 et 32, 35 à 37, 41 et 42, 45, 47, 48, 49 et 50 ainsi qu'au cours du contre-interrogatoire tenu le 15 juillet 1999, dont la transcription est consignée aux pages 10, 15, 17, 20, 21, 28 à 30, 55 à 62 et 64 à 66.


[5]         Au cours des événements à l'origine du litige, les demandeurs ont portédes accusations d'outrage au tribunal contre la défenderesse Beaulieu, par suite de la signification à celle-ci d'une copie d'une injonction provisoire que Monsieur le juge Denault, de la Cour fédérale, a prononcée le 16 juin 1999. La signification en question aurait eu lieu à 14 h 52, pendant les heures du vote. Une copie de l'ordonnance d'injonction provisoire est produite sous l'onglet 2 du volume I du dossier des demandeurs. Le huissier est la même personne qui avait signifiéà Mme Beaulieu la requête engagée devant la Cour la veille seulement. Au cours de son contre-interrogatoire concernant son affidavit, Mme Beaulieu a témoignécomme suit :

[TRADUCTION]

344.         Q.             Avez-vous reçu signification d'une ordonnance de la Cour fédérale vous enjoignant de fermer le bureau de scrutin et de mettre fin à llection, je crois que ctait à 14 h 52, le 16 juin 1999?

R.             J'ignorais le type de documents que contenait cette enveloppe. Ctait une enveloppe scellée et c'est tout ce que je sais.

345.         Q.             Et qu'est-ce que...

R.             C'est tout ce que je savais à ce moment-là .

346          Q.             Et l'enveloppe vous était adressée à vous, n'est-ce pas?

R.             Mon nom y était inscrit, oui.

347          Q.             Et vous saviez que l'homme qui vous a remis l'enveloppe vous avait signifié, la veille, d'autres documents concernant la requête qui serait présentée devant la Cour au sujet de l'instance, n'est-ce pas? Vous aviez reçu d'autres documents de lui. Il vous avait signifié des documents?

R.             Je sais que quelqu'un est venu à ma maison.

348          Q.             Oui. Le même homme qui vous avait remis cette enveloppe comportant votre nom au bureau de la bande le 16 juin à 14 h 52, n'est-ce pas?

R.             Oui, la même personne.

349          Q.             Le même homme. Vous saviez donc que, lorsqu'il est venu vous voir pendant l'après-midi du 16 juin 1999 au bureau de la bande, où llection avait lieu, il ntait pas là simplement pour causer avec vous. Il était là pour une raison bien précise et il voulait vous remettre des documents, des documents juridiques, n'est-ce pas?

R.             Oui.

350          Q.             Pourquoi n'avez-vous pas ouvert l'enveloppe lorsqu'il vous a signifié les documents à 14 h 52 cet après-midi-là ?

R.             Parce qu'il n'a pas dit qu'ils étaient importants et que je devais les lire immédiatement. Il les a simplement laissés sur la table, puis il est parti.

351          Q.             Ne vous a-t-il pas dit que ce qu'il vous remettait, ctait une ordonnance de la Cour par laquelle M. le juge Denault vous enjoignait de mettre fin à llection et de fermer le bureau de scrutin, parce que la Cour vous avait ordonné de le faire? N'est-ce pas là ce qu'il vous a dit?

R.             Non, il ne m'a pas dit ça.

352          Q.             Vous a-t-il dit quelque chose ? Vous a-t-il parlé?

R.             Il m'a demandé si jtais Diana Beaulieu...

353          Q.             Oui.

R.             Je lui ai dit oui. Il m'a remis une enveloppe et m'a dit que ces documents mtaient destinés. Il les a laissés sur la table et est parti.

354          Q.             Il vous a donc dit que les documents vous étaient destinés, n'est-ce pas? Et vous avez ouvert l'enveloppe à un moment donné, n'est-ce pas?

R.             Après llection, oui.


355          Q.             À quelle heure avez-vous ouvert l'enveloppe?

R.             Vers 21 h.

356          Q.             Juste après avoir fermé le bureau de scrutin, n'est-ce pas?

R.             Oui.

357          Q.             Et avez-vous trouvé une copie de ce document, un document semblable à celui-ci dans l'enveloppe?

R.             Oui.

Me POLLOCK : veuillez produire ce document comme pièce s'il vous plaît.

Pièce 4 : copie du document signifiéà Diana Beaulieu le 16 juin 1999, à 14 h 52, au bureau de la bande.

(Transcription du contre-interrogatoire : pages 52 à 54, dossier des demandeurs, volume I, onglet 10)

Madame Beaulieu a commencé à compter les bulletins de vote vers 20 h 15 et a terminé vers 20 h 45.

[6]         La signification de l'ordonnance d'injonction provisoire aurait dûnormalement être considérée comme un événement mémorable et important, puisque l'homme qui a signifiél'ordonnance était celui qui avait signifiéla requête engagée devant la Cour la veille et qu'il était accompagnéde deux agents de la GRC. Mme Beaulieu a déclaréce qui suit dans l'affidavit qu'elle a produit :

[TRADUCTION]

[29]          Un homme âgé m'a remis une enveloppe scellée au cours de l'après-midi du 16 juin 1999. Il était accompagné de deux agents de la GRC. Il m'a dit que l'enveloppe contenait des documents à mon intention et il est parti.

[30]          L'homme ne m'a pas dit que ctait urgent, qu'il fallait cesser llection ou que je devrais lire les documents immédiatement.

[31]          Étant donné que je dirigeais le déroulement d'une élection, j'ai laissé l'enveloppe de côté et je l'ai ouverte après avoir compté les bulletins de vote.

[32]          Je m'excuse d'avoir commis par inadvertance un manquement à une ordonnance de la Cour, mais je n'ai été informée de l'existence de l'ordonnance qu'après la tenue de llection.

(Affidavit de Diana Beaulieu, page 7, dossier des défendeurs, volume I, onglet 2.)


[7]         L'avocat des défendeurs a rejetéfarouchement l'idée selon laquelle la conduite de Mme Beaulieu pourrait être considérée comme de l'aveuglement volontaire. Il a également affirmécatégoriquement qu'elle avait une intelligence normale et qu'elle ntait pas stupide. Cependant, si elle avait ouvert l'enveloppe, vu la formule d'injonction provisoire qui s'y trouvait, et respectél'ordonnance en question, l'affaire n'aurait peut-être pas étéaussi loin. Effectivement, il semble qu'elle n'ait jamais étéinterrogée au sujet de la rapiditéavec laquelle

elle a tentéde confirmer les résultats de llection ce soir-là ; peut-être n'aurait-il pas ététrop tard pour éviter le litige en l'espèce. Les règles de la Cour énoncent que l'avis d'injonction doit être signifiéen mains propres, ce qui a étéfait en l'espèce. Il a étésignifiépar un huissier connu dans une atmosphère un tant soit peu dramatique, en raison de la présence des deux agents de la GRC. Cependant, Mme Beaulieu a choisi d'ignorer toutes les chances que la Cour lui a données d'agir de façon rapide et satisfaisante afin dviter ou de réduire les frais du litige.

[8]         Apparemment, Mme Beaulieu et son groupe se conformaient simplement au règlement sur les élections selon la coutume de la bande indienne de Sandy Bay. Or, ce règlement ne renferme aucune disposition spécifique au sujet de ce qui a ététentéen l'espèce, soit un « plébiscite de révocation » . En deuxième lieu, l'article 19 prévoit expressément que le mandat du chef et du conseiller est d'une durée de deux ans (sauf dans les situations d'urgence comme dans les cas de coma, à moins qu'il n'en soit prévu autrement dans le règlement). L'article 4 pourrait poser des problèmes d'interprétation puisqu'il débute, au paragraphe (1), par les mots « When an election is to be held » (Moment de la tenue d'une élection), lequel moment a lieu, compte tenu de l'absence de précisions à ce sujet, après l'expiration du mandat du chef et du conseiller. Aucune disposition ne prévoit la possibilitéd'abréger le mandat de deux ans.


[9]         La Cour devrait accorder des frais, ce que les deux avocats des parties ont admis. Les demandeurs ont droit à leurs frais dans les circonstances. Le montant devrait être suffisamment élevé, sans toutefois être prohibitif, pour montrer que les actes de procédure de la Cour ne doivent pas être ignorés ou contournés de manière délibérément aveugle. En plus des frais accordés précédemment, la Cour ordonne aux défendeurs de payer sans délai aux demandeurs, conjointement et solidairement, les frais que ceux-ci ont engagés dans le présent litige, dont le montant est fixéà la somme de 800 $, ainsi que les débours nécessaires.

« F.C. Muldoon »

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 11 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                 T-1041-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                               Le chef et le conseil de la bande indienne de la Première nation Ojibway de Sandy Bay et autres

c.

Diana Beaulieu et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  le 18 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :            MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :                                         le 11 avril 2001

ONT COMPARU

Me Wayne Forbes                                                   POUR LES DEMANDEURS

Me Victor Schroeder                                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Pollack & Company

Winnipeg (Manitoba)                                               POUR LES DEMANDEURS

Levine Levene Tadman

Winnipeg (Manitoba)                                               POUR LES DÉFENDEURS


Date : 20010411

Dossier : T-1041-99

Référence neutre : 2001 CFPI 318

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2001

En présence de Monsieur le juge Muldoon

ENTRE :

LE CHEF ET LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE LA PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE SANDY BAY, représentés par le chef JOHN SPENCE, le conseiller RAYMOND BEAULIEU, le conseiller TOM RICHARD, le conseiller KEN RICHARD et le conseiller EDWARD STARR

                                                                                                                          demandeurs

                                                                       et

DIANA BEAULIEU, JEANNETTE HOULE, JOHN R. SPENCE SR., MANUEL JOSEPH SPENCE et CATHERINE MOUSSEAU

                                                                                                                             défendeurs

                                                          ORDONNANCE

Le juge Muldoon

Après avoir été informée par les avocats respectifs des parties, à la date fixée pour la tenue de l'audience à Winnipeg, le 18 décembre 2000, que la demande en l'espèce doit être rejetée sur consentement, mais après avoir entendu la demande des deux parties quant à l'attribution de frais, pour les motifs exprimés à la date des présentes,

[1]         LA COUR ORDONNE aux défendeurs de payer sans délai aux demandeurs, conjointement et solidairement, les frais que ceux-ci ont engagés dans le présent litige (et les frais impayés qui leur ont étéattribués antérieurement dans l'instance), dont le montant est fixépar les présentes à la somme de 800 $, ainsi que les débours nécessaires.

« F.C. Muldoon »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. R.

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