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Date : 20000406

Dossier : IMM-3291-99

ENTRE :

            EFREN ALEJANDRO MARTINEZ GUTIERREZ

                       et RAQUEL IMELDA ALBA SOLIS

                                                                                        demandeurs

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]                En l'instance, le demandeur revendique le statut de réfugié au motif qu'il serait persécuté au Mexique pour ses opinions politiques du fait de son statut de membre du parti PRD. Son épouse revendique le statut de réfugiée à titre de membre d'un groupe social, savoir la famille.

[2]                Selon moi, la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) au sujet d'une crainte objective de persécution contient une erreur ouvrant droit au contrôle judiciaire. Voici ce que la SSR déclare à ce sujet dans sa décision :

[traduction]


Le demandeur a témoigné qu'il a été persécuté par les fonctionnaires du gouvernement municipal de la ville d'Irapuato dans l'État de Guanajuato, ainsi que par la police judiciaire fédérale, parce qu'il était membre du parti d'opposition PRD. Il déclare que cette persécution a pris des proportions plus grandes avant les élections du 6 juillet 1997, alors qu'il a été enlevé par la police judiciaire la veille des élections pour l'empêcher de se rendre dans les bureaux de vote. La preuve documentaire [pièce R-4, réponse à une demande de renseignements, no MEX30032.E, en date du 16 septembre 1998] indique ceci :

« On trouve peu de renseignements dans les sources consultées par la direction de la recherche au sujet des activités du Partido de la Revolucion Democratica (PRD) dans l'État de Guanajuato depuis 1994, y compris l'élection de candidats et les événements significatifs qui se sont produits dans cet État.

Il faut noter que le PRD a peu de soutien électoral dans l'État de Guanajuato.

Nous n'avons pu trouver aucune indication de représailles prises contre les membres du PRD dans l'État du Guanajuato suite aux recherches conduites par la direction des recherches.

Le demandeur a été invité à faire ses commentaires. Il a déclaré qu'il ne pouvait parler que pour lui et non pour les autres. Le tribunal n'accepte pas les explications du demandeur et conclut qu'au vu de la preuve documentaire, un parti minuscule comme le PRD, ou le fait que le demandeur en soit membre, ne pouvait être une menace pour le PRI dans l'État de Guanajuato. [c'est moi qui souligne]

[3]                La preuve documentaire citée par la SSR dans sa conclusion n'existe pas. En fait, la SSR s'est fondée sur le fait que le recherchiste n'a pas trouvé de preuve. Le défendeur soutient qu'on n'a pas trouvé de rapport à ce sujet soit parce qu'il n'y en a pas, à supposer que des représailles aient été exercées contre le PRD, ou alors parce qu'il n'y a pas eu de telles représailles. Par conséquent, on soutient que la SSR avait tout à fait la compétence de conclure comme elle l'a fait.

[4]                Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. On peut aussi interpréter la réponse à la demande de renseignements de façon à conclure que l'absence de documentation ne constitue pas une preuve. Sans une preuve formelle, la SSR ne pouvait arriver à la conclusion qu'elle a tirée. En l'absence d'une preuve formelle, cette conclusion n'était que de la spéculation.


[5]                On trouve des éléments au dossier, qui n'ont pas été mentionnés par la SSR, qui tendraient à démontrer que la conclusion de la SSR est au mieux de la spéculation et qu'elle est probablement erronée.

[6]                La SSR était saisie d'une lettre du 16 mars 1999, en provenance du conseiller du comité municipal du PRD. Elle est rédigée comme suit[1] :

[traduction]

À QUI DE DROIT :

CETTE LETTRE A POUR BUT DE VOUS INFORMER QU'À L'OCCASION DES ÉLECTIONS DE 1988, LE FRONT DÉMOCRATIQUE NATIONAL A ÉTÉ MIS SUR PIED. IL ÉTAIT REPRÉSENTÉ PAR UN CANDIDAT, L'INGÉNIEUR CUAUHTEMOC CARDENAS, QUI A TRIOMPHÉ. MALHEUREUSEMENT, PAR SUITE D'UNE FRAUDE ÉLECTORALE MASSIVE, LE GOUVERNEMENT A DONNÉ LA VICTOIRE À CARLOS SALINAS DE GORTARI.

PAR LA SUITE (le 5 mai 1999), ON A CRÉÉ LE PARTI DÉMOCRATIQUE RÉVOLUTIONNAIRE (PRD). DES COMITÉS MUNICIPAUX ET D'ÉTAT ONT ÉTÉ CRÉÉS À TRAVERS LE PAYS. ÉTANT DONNÉ L'APPUI IMPORTANT QUE RECEVAIT LE PARTI ET SON REPRÉSENTANT NATIONAL (L'INGÉNIEUR CUAUHTEMOC CARDENAS), PLUSIEURS MILITANTS ET REPRÉSENTANTS À TRAVERS LE PAYS ONT FAIT L'OBJET D'ATTAQUES DE NATURE VARIÉE, ALLANT DE DÉTENTIONS ILLÉGALES JUSQU'À L'ASSASSINAT. CES ÉVÉNEMENTS, QUI SE SONT PRODUITS DURANT LE TERME DU PRÉSIDENT CARLOS SALINAS DE GORTARI (1986-1994), N'ONT JAMAIS ÉTÉ RÉSOLUS. ON DOIT CLAIREMENT DÉCLARER QUE LES DÉTENTIONS ILLÉGALES, LE HARCÈLEMENT POLICIER ET LES ATTAQUES CONTRE LES MEMBRES DU PRD SE CONTINUENT, SURTOUT DURANT LES PÉRIODES ÉLECTORALES. CECI SE PRODUIT AUSSI DANS L'ÉTAT DE GUANAJUATO ET DANS LA VILLE D'IRAPUATO, OÙ NOUS CHERCHONS DE FAÇON CONTINUE À ASSURER UNE PRÉSENCE POLITIQUE PLUS GRANDE. [c'est moi qui souligne]

[7]                De plus, il y a le témoignage du demandeur auquel la SSR semble ne pas avoir ajouté foi, sans déclarer exactement pourquoi.


[8]                Par conséquent, en vertu de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, je conclus que la décision de la SSR au sujet de la crainte objective de persécution a été rendue sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

                                        ORDONNANCE

[9]                En conséquence, la décision de la SSR est annulée et la question est renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différent.

                                                                            Douglas R. Campbell        

                                                                                               J.C.F.C.                       

Toronto (Ontario)

Le 6 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                            Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                           IMM-3291-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                           EFREN ALEJANDRO MARTINEZ GUTIERREZ et RAQUEL IMELDA ALBA SOLIS

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                             JEUDI LE 6 AVRIL 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DU :                             JUGE CAMPBELL

EN DATE DU :                                               JEUDI 6 AVRIL 2000

ONT COMPARU                                           M. Neil Cohen

pour les demandeurs

Mme Andrea M. Horton

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER          Neil Cohen

Barrister & Solicitor

2, rue College, pièce 115

Toronto (Ontario)

M5G 1K3

pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date: 20000406

                                                        Dossier : IMM-3291-99

Entre :

EFREN ALEJANDRO MARTINEZ GUTIERREZ et RAQUEL IMELDA ALBA SOLIS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                       



     [1]       Dossier du tribunal, p. 611.

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