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Date : 19981130


Dossier : T-1458-95

ENTRE :

     AIRCRAFT TECHNICAL PUBLISHERS,

     demanderesse,

     - et -

     ATP AERO TRAINING PRODUCTS INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit d"une demande présentée en vertu de l"article 57 de la Loi sur les marques de commerce , en vue d"obtenir la radiation de l"enregistrement de marque de commerce canadienne n LMC 370 805 pour la marque de commerce ATP appartenant à la défenderesse.

LES FAITS

[2]      La demanderesse Aircraft Technical Publishers (Aircraft) est une société par actions constituée en vertu des lois de l"État de la Californie et régie par ces lois.

[3]      La défenderesse est une société par actions constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique en 1980, sous la dénomination " Bomber Joe"s Bookstores Limited ", mais qui a modifié sa dénomination pour " ATP Aero Training Products Inc. " par résolution spéciale adoptée le 31 mars 1988.

[4]      L"activité d"Aircraft consiste à produire, mettre à jour et vendre de la documentation technique se rapportant à la construction, à l"entretien et à la réparation des avions.

[5]      La défenderesse Aero exploite une boutique située à l"Aéroport international de Vancouver.

[6]      Aero a employé la marque de commerce ATP depuis au moins le 8 avril 1987 en liaison avec des marchandises et services décrits comme la formation aéronautique, les porte-blocs de navigation aérienne, les instruments de navigation aérienne, le logiciel aéronautique, les cassettes audio de formation aéronautique, les pièces de radio aéronautique, les uniformes et chemises d"aviation, les ouvrages techniques et les manuels d"aviation.

[7]      La demanderesse expose qu"elle a employé la marque ATP à la fois sous forme verbale et sous forme de dessin pour désigner et distinguer sa documentation technique sur les marchés canadien et américain depuis 1975.

[8]      L"un des dessins employés par la demanderesse est formé des lettres ATP combinées à la représentation graphique d"une bande cinématographique (le dessin bande d"ATP). Le dessin bande d"ATP est enregistré aux États-Unis sous le n 1213439 au nom de la demanderesse.

[9]      En 1993, la demanderesse a introduit une nouvelle marque-dessin formée des lettres ATP combinées à la représentation d"un avion et d"un jet de gaz (le dessin jet de gaz d"ATP). Le dessin jet de gaz d"ATP est enregistré aux États-Unis sous le

n 1 862 702 au nom de la demanderesse.

[10]      La défenderesse a enregistré la marque " ATP et dessin " au Canada le 13 juillet 1990 et l"enregistrement indique que la défenderesse a employé la marque ATP depuis au moins le 8 avril 1987.

[11]      À l"été de 1990, le propriétaire de la défenderesse, M. Reilly Burke a décidé d"entrer en contact avec la demanderesse Aircraft pour voir si les deux sociétés pourraient conclure un accord commercial.

[12]      Ainsi que l"établit la preuve, la marque ATP (sous la forme verbale ou sous la forme du dessin) figure sur les produits de la demanderesse ou est apposée sur le conditionnement ou sur les étiquettes de ces produits. Elle figure également sur les factures ou sur les bordereaux qui accompagnent les produits au moment de la vente, ainsi que l"établissent de nombreuses pièces.

[13]      Les documents produits par la demanderesse font état de ventes remontant jusqu"au 24 septembre 1975.

[14]      La demanderesse a démontré que ses produits ont été largement annoncés et vendus dans l"industrie de l"aviation au Canada.

[15]      La demanderesse a également démontré que sa clientèle provenait du secteur public et du secteur privé et comprenait des organismes publics comme le Bureau canadien de la sécurité aérienne, Transports Canada, le Ministère des ressources naturelles d"Ontario et le Bureau de la sécurité des transports, des établissements d"enseignement, des sociétés de transport aérien, des clubs aéronautiques, des fabricants d"avions et de pièces, des grandes sociétés possédant des avions privés.

[16]      La demanderesse a fait la preuve de ventes à de nombreuses entreprises au cours de la période allant de 1975 à 1995.

[17]      Il n"était pas étonnant que le propriétaire de la défenderesse, M. Burke, après avoir enregistré sa marque de commerce, entre en contact avec la demanderesse pour travailler avec elle.

[18]      J"ai examiné la correspondance échangée par les parties et il en ressort que, dès le début de leurs pourparlers, de leurs opérations et de leurs relations, il s"est posé un problème quant à savoir laquelle des deux sociétés, la demanderesse ou la défenderesse, était titulaire de la marque ATP.

[19]      Il semble que la défenderesse, après le commencement de ces relations commerciales à l"automne de 1990, a employé ou a cherché à employer le logo à bande cinématographique qui constituait une marque enregistrée aux États-Unis.

[20]      La défenderesse a finalement accepté d"abandonner l"emploi de ce logo à bande cinématographique.

[21]      Sur la base de la preuve déposée par la demanderesse et particulièrement de l"affidavit de M. Michael Sandifer, ancien vice-président à la planification de la demanderesse, de l"affidavit de M. A.L. Hurd, Jr., chef du Service régional des ventes de la demanderesse de 1976 au 30 juillet 1985, de l"affidavit de l"ancienne directrice de la commercialisation de la demanderesse, Mme Julie McNulty, et de l"affidavit de M. R.J. Peacock, qui s"intéresse à l"évolution de l"industrie aéronautique au Canada depuis plus de 28 ans, il n"y a pas de doute pour moi que la demanderesse a fait de la commercialisation et des ventes sur le marché canadien de 1976 jusqu"à 1995.

[22]      La défenderesse a choisi de ne pas contre-interroger ces déposants.

[23]      Il résulte de la preuve que la défenderesse est une société qui exerce son activité à l"Aéroport international de Vancouver et qu"elle s"occupe de la production et de la distribution de manuels, de logiciels et de vidéos de formation concernant l"exploitation et l"entretien des avions, comme les porte-blocs de navigation aérienne, les instruments de navigation aérienne, les uniformes et chemises d"aviation.

[24]      Lorsque le président de la défenderesse a décidé d"entrer en contact avec la demanderesse en vue de conclure un contrat pour devenir le distributeur de ses produits au Canada, il ne fait pas de doute que l"intention de la défenderesse était de profiter de la réputation et de la clientèle de la demanderesse au Canada.

[25]      Manifestement, les deux sociétés, la demanderesse et la défenderesse, n"offrent pas exactement les mêmes produits et services; cependant, elles sont actives dans le même secteur, soit l"aéronautique et les documents sur l"aéronautique, et il s"agit d"un cercle restreint, ainsi qu"il est indiqué dans les affidavits.

[26]      Pour des raisons commerciales, la demanderesse a décidé de conclure avec la défenderesse un accord de distribution sur une base non exclusive pour la région de l"ouest du Canada, ainsi qu"il ressort de la preuve.

[27]      La preuve établit clairement aussi que la demanderesse a continué à vendre ses produits dans l"ensemble du Canada, à la fois directement à des clients et par l"entremise d"autres distributeurs an Canada. Elle faisait des affaires dans l"Ouest du Canada avec un distributeur appelé Upper Valley Aviation; moins d"un an après le début de la relation commerciale entre la demanderesse et la défenderesse, cette dernière a intenté un procès à l"Upper Valley Aviation Company.

[28]      Dès le début de leur relation commerciale, la demanderesse et la défenderesse ne se sont pas entendues sur la propriété de la marque de commerce ATP.

[29]      Étant donné que les parties n"en sont pas venues à un accord sur leur relation commerciale sporadique, le contrat entre elles a pris fin en juin 1993.

[30]      Le 10 juillet 1995, la demanderesse a intenté la présente procédure en vue d"obtenir la radiation de l"enregistrement de la marque de la défenderesse.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[31]      En supposant que la charge de la preuve incombe à la demanderesse dans les circonstances, il faut trancher deux questions :

     1.      La défenderesse avait-elle le droit d"enregistrer la marque de commerce ATP?
     2.      La marque ATP était-elle distinctive pour la défenderesse au commencement de la procédure?

[32]      Aero a soulevé une question supplémentaire :

     3.      Le retard mis par la demanderesse à contester la marque établit-il une présomption de validité de l"enregistrement en faveur de la défenderesse?
1.      La défenderesse avait-elle le droit d"enregistrer la marque de commerce ATP?

[33]      L"argumentation de la demanderesse se résume ainsi :

     -      Elle a employé la marque de commerce ATP avant la défenderesse, soit depuis 1975 par rapport à 1987 dans le cas de la défenderesse;
     -      Elle n"a jamais abandonné la marque;
     -      La marque ATP crée de la confusion au sens du paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce parce que :
          -      Elle représente les initiales des deux sociétés;
         -      La marque ATP de la demanderesse était plus largement connue que celle de la défenderesse;
          -      La demanderesse a employé sa marque pendant une période plus longue;
         -      Le genre de marchandises et de services est semblable;
         -      La nature du commerce est semblable : vendre et distribuer des marchandises au détail dans le domaine de l"aéronautique;
         -      Haut degré de ressemblance dans la marque : prédominance des lettres ATP.

[34]      Les arguments de la défenderesse sont les suivants :

     -      La demanderesse n"a pas prouvé qu"elle a employé la marque ATP au Canada;
     -      Les factures présentées par la demanderesse n"indiquent pas comment les marchandises étaient marquées;
     -      La plupart des factures portent une date postérieure à 1987;
     -      Les allégations d"emploi de la marque au Canada doivent être appuyées par une preuve établissant cet emploi;
     -      Et finalement la demanderesse n"a pas prouvé que la marque crée de la confusion parce qu"il n"y a pas de preuve qui donne à entendre que quiconque ait été amené à confondre les deux sociétés.

[35]      En ce qui concerne la question des factures déposées au soutien de la demande, j"ai examiné la jurisprudence citée par la demanderesse et, en particulier, l"affaire Gordon A. MacEachern Ltd. c. National Rubber Co. Ltd.1 où il est dit :

             Maintenant, une ou plusieurs factures qui portent l'inscription de la marque de commerce en liaison avec des marchandises sont-elles liées au point que le destinataire recevrait ainsi avis de la liaison? Il 'agit là, bien entendu, d'une question de fait.             
             Ayant décidé que la preuve d'un certain nombre de ventes et de mutations de marchandises a été produite devant cette cour et que, dans tous les cas, les acheteurs ont reçu les factures, je conclus volontiers que la réception de ces factures portant la marque de commerce de la compagnie requérante, constitue une preuve suffisante de notification et d'emploi aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi et qu'en conséquence la marque est liée aux marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou la possession est transférée.             

[36]      L"avocate de la demanderesse a également cité l"affaire Boliden Aktiebolag c. Osmose Wood Preserving Co. of Canada Ltd.2, dans laquelle le juge Heald a déclaré :

             De plus, à mon avis, quand la requérante utilise ses marques sur de nombreuses factures se rapportant à des ventes conclues au Canada pendant l'époque considérée, cela corrobore l'emploi d'une marque de commerce au Canada ... Selon la preuve fournie, un emploi considérable et continu de la marque a été fait entre 1961 et 1971, c'est-à-dire longtemps après la date critique du 5 octobre 1965. De même, j'ai la conviction que les marques de la requérante constituent des "marques de commerce" au sens attribué à ce terme par l'article 2 de la Loi et que la requérante a utilisé ces marques au Canada à titre de marques de commerce.             

[37]      L"avocate de la demanderesse a également invoqué l"affaire Hartco Enterprises Inc. v. Becterm Inc.3, dans laquelle le juge Dubé a fait observer :

             La requérante a joint aux deux affidavits de son vice-président, M. Meyer Hart, de nombreuses photocopies de lettres et de factures, pour la période allant de 1981 jusqu'à maintenant, et portant la marque " MULTIMICRO " comme en-tête.             
             ...             
             Il est bien établi que la probabilité de confusion est une question de fait, qu'elle peut exister entre marques de commerce ou noms commerciaux ou les deux, et qu'il n'est pas nécessaire de prouver qu'il y a effectivement confusion.             
             ...             
             De plus, la raison d'être de la Loi est, d'abord et avant tout, de protéger le public : l'intérêt public commande que l'intégrité du registre soit à l'abri des revendications opposées des parties : ... Ainsi, suivant le paragraphe 57(1), il importe qu'une inscription au registre soit biffée si, à la date de la demande, cette dernière ne reflétait pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque. Or, le 13 novembre 1983, la marque " MULTIMICRO " était déjà employée par la requérante en liaison avec des ordinateurs.             

[38]      J"ai noté, en lisant l"affidavit de M. Peacock, de Calgary, que cette personne a utilisé les services de la demanderesse de 1973 à 1994. Cela représente plus de vingt années. Il s"agit d"une preuve claire, qui n"a pas été contredite.

[39]      L"avocate de le demanderesse a fait valoir avec raison que les efforts de la défenderesse pour empêcher la demanderesse et l"un de ses distributeurs en Colombie-Britannique d"employer la marque ATP constituaient une preuve de l"existence d"une confusion. Cela constitue un aveu, de la part de la défenderesse, qu"il existe une confusion.

[40]      Il est manifeste que la demanderesse s"est acquittée de son fardeau de preuve à cet égard, en renvoyant à des factures et à des documents à l"intention de clients au Canada couvrant les années 1977 à 1995 et aux affidavits déposés au soutien de la demande.

[41]      L"avocate de la demanderesse relève justement que la défenderesse n"est pas cohérente lorsqu"elle plaide d"un côté qu"il n"existe aucune confusion, de l"autre côté que la demanderesse et son distributeur en Colombie-Britannique ne peuvent employer la marque de la défenderesse sans en obtenir d"abord la permission. Le juge Pigeon, dans l"affaire S.C. Johnson & Son, Ltd. et al. c. Marketing International Ltd.4, a soulevé le même point, à la page 27 :

             À mon avis, les appelantes sont maintenant un dilemme. Pour avoir gain de cause dans leur action pour contrefaçon de leur marque de commerce, elles doivent, en vertu de l"art. 20, établir que l"emploi de " Bugg Off " par l"intimée crée de la confusion. Mais, en vertu de l"al. 12(1)d) , l"enregistrement de la marque " OFF! " est invalide si elle crée de la confusion avec la marque " BUGZOFF ".             

    

[42]      Même dans l"affidavit de M. Burke, le propriétaire de la défenderesse, l"opinion exprimée au paragraphe 9 est légèrement différente de la position adoptée dans la lettre envoyée aux distributeurs de la demanderesse en 1990.

[43]      Je rappelle également les propos du juge Teitelbaum dans l"affaire BMB Compuscience Canada Ltd. c. Bramalea Ltd.5 :

             Ainsi que je l"ai indiqué, je crois qu"il est établi en droit qu"un utilisateur antérieur d"une marque de commerce peut demander à la Cour de radier l"enregistrement d"une marque de commerce enregistrée par une autre partie si la partie requérante peut vraiment prouver qu"il y a eu usage antérieur de la marque de commerce et que cela engendrera de la confusion.             

[44]      À l"égard de l"argument de la défenderesse qu"il n"y aurait pas eu un emploi suffisant de la marque par la demanderesse avant 1987 pour justifier la demande, je pense qu"il faut tenir compte de la remarque du juge Rouleau dams l"affaire G.H. Mumm & Cie c. Andres Wines Ltd.6 à la page 201:

             ... il est suffisant que la marque de commerce apparaisse ailleurs que sur le produit lui-même à condition qu'elle puisse être identifiée distinctement par ceux à qui il s'adresse.             

                

[45]      Le juge Rouleau a également noté, à la page 200, au sujet de l"usage requis qu"il peut

             n'être, à la limite, qu'un usage d'une seule fois.             

[46]      Le juge Teitelbaum et le juge Rouleau citent également le paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce et le commentaire de Fox sur ce texte dans The Canadian Law of Trade-Marks and Unfair Competition, 3rd ed. (1972), aux pages 59 et 60 :

             ...il n"est pas essentiel que la marque soit effectivement apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées. Cela constitue, certes, une bonne façon d"employer la marque de commerce, mais il suffit également que la marque soit, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu"avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou la possession des marchandises est transférée. Chacun de ces actes doit, par définition, être accompli qu'au moment du transfert de propriété ou de possession des marchandises, sans quoi il n"y a pas emploi suffisant de la marque ...             

[47]      Après avoir examiné les arguments des deux parties et la jurisprudence, il apparaît clairement que la demanderesse s"est acquittée de son fardeau de preuve en démontrant qu"elle a employé la marque ATP avant la défenderesse, notamment depuis 1975.

[48]      La demanderesse a également démontré qu"elle a envoyé des factures dans l"ensemble du Canada depuis 1975.

[49]      J"accorde à l"avocat de la défenderesse que la plupart des factures portent une date postérieure à 1987. La plupart, mais non pas toutes, et l"on ne peut s"attendre à ce que les sociétés conservent un grand nombre de factures datant de plus de dix ou quinze ans.

[50]      Une preuve abondante établit l"emploi de la marque au Canada par la demanderesse. La réputation de la société existait et le fait que la défenderesse a pris l"initiative de communiquer avec elle pour devenir distributeur de ses produits constitue une preuve de plus de la réputation des produits de la demanderesse au Canada.

[51]      La demanderesse a également prouvé que la marque crée de la confusion puisque de nombreux clients l"ont mentionné aux employés de la demanderesse, ainsi qu"il est établi par les affidavits qui ont été déposés.

2.      La marque ATP était-elle distinctive pour la défenderesse au commencement de la procédure?

[52]      L"un des arguments de la demanderesse est que son emploi antérieur de la marque a établi une réputation pour ses marchandises. Cela a également été admis dans une lettre à la demanderesse par la défenderesse, qui déclarait :

          Notre gamme de produits fait que nos clients s'informent auprès de nous de la disponibilité de vos produits.     
         

[53]      Au dire de la demanderesse, la défenderesse a même cherché à s"associer à la réputation préexistante de cette dernière en liant son nom à cette réputation. En effet, lorsque la demanderesse faisait la distribution pour la défenderesse, elle annonçait : " ATP Canada est... Aero Training Products! ".

[54]      La défenderesse a soutenu que les marques, dès lors qu"elles sont des abréviations, n"ont pas de caractère distinctif inhérent et qu"on peut alors accepter de légères différences pour les distinguer l"une de l"autre. Cette proposition n"est pas exacte : par exemple, dans GSW Ltd v. Great West Steel Industries Ltd. et al.7, affaire citée par la défenderesse, les lettres étaient les mêmes, mais elles étaient utilisées dans un ordre différent : GSW par rapport à GWS. En outre, ce n"était pas le même genre de marchandises et il y avait des différences importantes dans les circuits commerciaux.

[55]      Dans Canada Systems Group Ltd. v. 96028 Canada Inc.8, autre affaire citée par la défenderesse, il a été jugé que l"emploi des mêmes lettres CSG ne créait pas de confusion parce que 1) la marque de l"opposante n"avait été connue que pendant une courte période et 2) les marchandises, services et commerces étaient totalement différents, mettant en cause les détergents par rapport aux ordinateurs.

[56]      Selon la défenderesse, le fait que la demanderesse n"était même pas au courant de l"existence d"Aero avant 1990 montre qu"il n"y avait pas de confusion et offre une garantie pour l"avenir.

[57]      Les affidavits déposés par la demanderesse ont établi l"existence de la confusion et il faut se rappeler que la défenderesse a enregistré la marque " ATP et dessin " le 13 juillet 1990 et que, selon la loi, la Cour doit répondre à la question " ATP était-elle une marque distinctive de la défenderesse au commencement de la procédure? " (non souligné dans l"original)

[58]      La défenderesse a avancé que les deux sociétés avaient des champs d"activité très différents : formation à la navigation et fonctionnement de l"équipement aéronautique par opposition à la maintenance mécanique et au matériel de réparation d"avions.

[59]      Je crois qu"il est exagéré de dire que les activités sont très différentes; toutes deux touchent l"industrie aéronautique et, comme je l"ai indiqué plus haut, il s"agit d"un cercle restreint.

[60]      La défenderesse a mentionné que les circuits commerciaux sont différents. Elle cite, en ce qui a trait au risque de confusion et à la décision sur le risque de confusion entre marques, l"ouvrage Trade-marks Act Annotated dans le commentaire sur le paragraphe 6(5) de la Loi:

             [TRADUCTION] ... l"existence d"un risque de confusion se juge en fonction de la première impression et non d"un examen minutieux9.             
             Les tribunaux doivent se placer dans la position de l"acheteur moyen qui ne se souvient pas parfaitement des marques ou noms commerciaux qui sont comparés. Les marques ou les noms commerciaux doivent être considérés dans leur ensemble et leur degré de ressemblance doit être apprécié du point de vue de la présentation, du son et de l"idée qu"ils suggèrent10.             

[61]      Puisque, à mon avis, on peut voir la nature des marchandises comme similaire parce qu"elles font partie de la même catégorie générale, à savoir les produits aéronautiques, on peut dire qu"un acheteur moyen serait vraisemblablement amené à conclure que les marchandises liées aux marques ou aux entreprises proviennent de la même personne.

[62]      Si la légère différence dans le genre de marchandises constitue le seul élément distinctif, ce n"est pas suffisant pour neutraliser le risque de confusion entre les deux marques employées en liaison avec des produits aéronautiques.

[63]      Enfin, venons-en à la question supplémentaire.

3.      Le retard mis par la demanderesse à contester la marque établit-il une présomption de validité de l"enregistrement en faveur de la défenderesse?

[64]      Je ne le crois pas, parce que le moment où la demanderesse a véritablement appris l"existence de la défenderesse et son activité dans le même secteur, c"est lorsque le président de la défenderesse lui a envoyé une lettre, en juin 1990, lui demandant de devenir distributeur pour elle.

[65]      Ils ont alors entrepris une relation commerciale difficile pour près de trois ans et, pendant ces trois années, les deux parties n"ont jamais vraiment reconnu de droits sur la marque ATP.

[66]      Elles ont mis fin à leur relation commerciale en 1993 et, dans le délai légal, la demanderesse a intenté la présente procédure.

[67]      Les parties ont agi de bonne foi, semble-t-il, et aucune présomption n"a été créée en faveur de l"une ou l"autre des deux sociétés. La Cour doit apprécier la preuve déposée et répondre aux deux questions suivantes :

[68]      La défenderesse avait-elle le droit d"enregistrer la marque de commerce ATP en 1990? La réponse est non.

[69]      La marque ATP était-elle distinctive pour la défenderesse au commencement de la procédure en 1995? La réponse est non.

[70]      Pour ces motifs, l"enregistrement devrait être radié.

[71]      LA COUR STATUE :

     -      L"enregistrement de marque canadienne n LMC 370 805, ATP, doit être radié du registre.
     -      La demande est accueillie avec dépens.

                             Pierre Blais

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :                  T-1458-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :          AIRCRAFT TECHNICAL PUBLISHERS c. ATP AERO TRAINING PRODUCTS INC.
LIEU DE L"AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              le 5 octobre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS EN DATE DU 30 NOVEMBRE 1998

ONT COMPARU :

Susan Beaubien                  POUR LA DEMANDERESSE
Gene H. Fraser                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shapiro, Cohen, Andrews, Finlayson          POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Burke Tomchenko                      POUR LA DÉFENDERESSE

Coquitlam (Colombie-Britannique)

__________________

1      20-41 C.P.R. 149 à la p. 157.

2      14 C.P.R. (2d) 222 à la p. 228.

3      24 C.P.R. (3d) 223 à la p. 228.

4      44 C.P.R. (2d) 16.

5      36-22 C.P.R. (3d) 561 à la p. 569.

6      (1984), 3 C.P.R. (3d) 199, 3 C.I.P.R. 277 (C.F. 1re inst.).

7      (1975), 22 C.P.R. (3d) 154.

8      (1986), 8 C.P.R. (3d) 542.

9      Hugues G. Richard, Jacques A. Léger, Georges T. Robic, Canadian Trade-marks Act Annotated, vol. 1 (Don Mills, Ontario: Richard de Boo, 1984-) à la p. 6-5.

10      Ibid.

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