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Date : 20010809

Dossier : T-1065-98

Référence neutre : 2001 CFPI 872

ENTRE :

                                                                CHIC OPTIC INC. et

                                                             CONTOUR OPTIK INC.

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                              - et -

                                       HAKIM OPTICAL LABORATORY LIMITED

                                                                              - et -

                                                                    KARIM HAKIMI

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée en vue d'obtenir une ordonnance portant sursis de l'instance pour outrage au tribunal introduite par les demanderesses.


[2]                 Le 12 août 1999, Madame le juge McGillis a, avec le consentement des parties, rendu un jugement interdisant à Hakim Optical Laboratory Limited de contrefaire les revendications du brevet no 714 et lui enjoignant de détruire tous les articles de lunetterie contrefaits se trouvant en sa possession.

[3]                 Le 14 juin 2001, dans le cadre d'une audience de justification, Monsieur le juge Pinard a rendu une ordonnance dont voici le texte :

La requête des demanderesses visant la tenue d'une audience de justification est accueillie. Le président de la défenderesse Hakim Optical Laboratory Limited, M. Karim Hakimi, est constitué partie défenderesse en l'instance, en sa qualité personnelle. La Cour ordonne que les défendeurs comparaissent devant la Cour fédérale du Canada à la séance d'audition des requêtes à Montréal (Québec), le lundi 30 juillet 2001 à 9 h 30 pour y entendre la preuve des actes suivants, que la défenderesse Karim Optical Laboratory Limited aurait commis par suite des directives ou des ordres du défendeur Karim Hakimi et dont ils sont accusés, et pour y faire valoir les moyens de défense qu'ils peuvent invoquer pour éviter d'être reconnus coupables d'outrage au tribunal et punis en vertu de la règle 472 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 :

a)            avoir sciemment et intentionnellement importé, transporté, utilisé, annoncé, offert en vente et vendu des articles de lunetterie contrefaisant le brevet canadien des demanderesses no 2,180,714 (le brevet);

b)            avoir sciemment et intentionnellement omis de détruire les articles de lunetterie contrefaisant le brevet;

c)            avoir sciemment, intentionnellement et avec négligence omis de mettre en place les mesures nécessaires pour veiller à ce que ses dirigeants, préposés et mandataires ainsi que les personnes sur lesquelles elle exerce un contrôle ou une autorité respectent les prescriptions de l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999;

d)            avoir à dessein, sciemment et intentionnellement élaboré et exécuté un plan afin de désobéir à l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999;

e)            avoir sciemment et intentionnellement distribué de façon clandestine à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto des articles de lunetterie contrefaisant le brevet - nouvelles commandes ou articles non détruits, en contravention de l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999 -, en tentant délibérément de ne pas être découverte;

f)            avoir sciemment et intentionnellement ordonné à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto de prendre des mesures particulières pour exposer clandestinement et pour offrir discrètement en vente des articles de lunetterie contrefaisant le brevet.


Si une partie intéressée est d'avis que l'audition susmentionnée excédera vraisemblablement deux heures, elle peut, dans les vingt jours suivant la présente ordonnance, présenter une requête fondée sur la règle 35 pour que soit fixés la date, l'heure et le lieu de la séance où un juge de la Section de première instance entendra l'affaire.

Dépens à suivre.

[4]                 Les demanderesses allèguent que les défendeurs sont coupables d'outrage au tribunal parce qu'ils ont sciemment et intentionnellement contrefait le brevet canadien no 2180714 (brevet 714) contrairement au jugement sur consentement rendu le 16 août 1999.

[5]                 Le 25 juin 2001, les défendeurs ont déposé un appel à l'égard de l'ordonnance du 14 juin 2001 rendue par le juge Pinard.

[6]                 La demanderesseContour Optik Inc. souhaite qu'on redélivre le brevet 714 afin de modifier la portée de celui-ci.

[7]                 Selon les défendeurs, la question de la contrefaçon soulevée dans le cadre de l'instance pour outrage au tribunal ne peut être tranchée tant que la portée du brevet 714 n'aura pas été résolue par le truchement de la demande de redélivrance.

[8]                 Les défendeurs affirment en outre que l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale les autorise à obtenir la suspension de l'instance pour outrage au tribunal.


[9]                 Par ailleurs, les demanderesses soutiennent que les défendeurs ont présenté leur requête devant la mauvaise section de la Cour.

[10]            La règle 398(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) est ainsi rédigée :


398. (1) Sur requête d'une personne contre laquelle une ordonnance a été rendue :

a) dans le cas où l'ordonnance n'a pas été portée en appel, la section de la Cour qui a rendu l'ordonnance peut surseoir à l'ordonnance;

b) dans le cas où un avis d'appel a été délivré, seul un juge de la section de la Cour saisie de l'appel peut surseoir à l'ordonnance.

398. (1) On the motion of a person against whom an order has been made,

(a) where the order has not been appealed, the division of the Court that made the order may order that it be stayed; or

(b) where a notice of appeal of the order has been issued, a judge of the division of the Court that is to hear the appeal may order that it be stayed.


[11]            Les demanderessesprétendent que, si les défendeurs souhaitent interjeter appel de la décision du juge Pinard, ils doivent présenter leur demande de suspension à la Cour d'appel.

[12]            L'avocat des défendeurs précise d'une part que ces derniers ne demandent pas à la Cour de surseoir à l'ordonnance, mais plutôt de suspendre l'instance pour outrage au tribunal, et d'autre part qu'il est dans l'intérêt de la justice que nul n'ait à faire face à la perspective d'être emprisonné ou déclaré coupable d'outrage au tribunal tant que la question du fondement de l'allégation d'outrage n'a pas été réglée. Par conséquent, la Cour devrait surseoir à l'ensemble de l'instance.

[13]            Je ne puis souscrire à la prétention des défendeurs; en fait, ces derniers laissent entendre que la Cour devrait se contenter d'attendre qu'une décision soit rendue à l'égard de la redélivrance du brevet avant de fixer la date de l'audience relative à l'outrage au tribunal.

[14]            À mon avis, l'instance pour outrage au tribunal comporte un grand nombre d'étapes. Premièrement, les demanderesses ont déposé et présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance portant obligation de se justifier. Deuxièmement, le juge Pinard s'est demandé si les demanderesses, par leur requête et la preuve par affidavit qu'elles ont produite à l'appui de celle-ci, avaient établi à première vue l'existence d'un outrage au tribunal au sens de la règle 467. Une fois convaincu de l'existence d'une preuve prima facie, le juge Pinard a rendu une ordonnance portant obligation de se justifier.

[15]            La dernière étape d'une instance pour outrage au tribunal est définie à la règle 466 : c'est lorsque le juge est convaincu, après l'audition, qu'une personne a désobéi à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour et qu'elle est donc coupable d'outrage au tribunal.

[16]            En l'espèce, seule la dernière étape n'a pas encore été franchie, soit la tenue de l'audience, et la Cour doit également décider aujourd'hui quelle sera la durée de cette audience.


[17]            Même si je tenais pour acquis qu'il existe une distinction subtile entre la suspension d'une instance et le sursis d'une ordonnance, force m'est d'admettre que cela ne fait absolument aucune différence en l'espèce : les défendeurs n'ont pas demandé la suspension de l'ensemble de l'instance, mais seulement de l'instance pour outrage au tribunal (c'est moi qui souligne). Le dernier élément nécessaire pour se conformer à l'ordonnance du juge Pinard est l'audience. Pour ces motifs, je suis donc convaincu que les défendeurs ont déposé la présente requête devant la mauvaise section de la Cour et que cette requête doit être rejetée avec dépens.

[18]            Quant à l'ordonnance de Monsieur le juge Lemieux datée du 11 juillet 2001, conformément aux directives données de vive voix par la Cour le 26 juillet 2001 et après discussion avec les parties :

LA COUR ORDONNE que l'administrateur fixe à la prochaine date disponible une audience d'une durée de sept jours pour audition de l'instance pour outrage au tribunal.

Pierre Blais                                          

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 août 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                                           T-1065-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       Chic Optic Inc. et al.

- et -

Hakim Optical Laboratory Limited et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 9 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                                  le 9 août 2001

ONT COMPARU :

Daniel Artola                                                                      POUR LES DEMANDERESSES

A. David Morrow                                                              POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault                                                             POUR LES DEMANDERESSES

Montréal (Québec)

Smart & Biggar                                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Toronto (Ontario)

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