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     Date: 19981223

     Dossier: IMM-4605-97

Entre :

     Gheorghe BIRSAN

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      Le requérant a revendiqué le statut de réfugié contre la Roumanie, alléguant avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier, les homosexuels. La Section du statut a conclu que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention, jugeant qu'il n'avait pas une crainte objective de persécution.

[2]      Même en supposant que le requérant a pu être victime de persécution lorsqu'il était en Roumanie (voir Surujpal c. M.E.I. (1985), 60 N.R. 73 (C.A.F.)), il importe de déterminer si la Section du statut a eu raison de conclure qu'en raison du changement de circonstances, le requérant n'avait pas établi qu'il existait une possibilité raisonnable qu'il soit persécuté s'il était retourné dans ce pays.

[3]      Il importe de reproduire l'extrait suivant de la décision du tribunal:

             Concernant la situation des homosexuels en Roumanie aujourd'hui, il indique que les mêmes problèmes subsistent. Relativement à l'adoption des nouveaux articles 200 du Code criminel roumain et la promulgation de celui-ci en novembre 1996, le revendicateur témoigne que même si un nouvel article de Loi existe, celui-ci n'est pas respecté par les policiers.                 
             [...]                 
             Le revendicateur craint de retourner en Roumanie parce qu'il est homosexuel et parce qu'il a fait défaut de se présenter hebdomadairement au poste de police à compter d'octobre 1991.                 
             Selon la preuve documentaire . . ., on y dit que "la version du sénat ne criminalise que les rapports homosexuels entretenus en public ou susceptible de faire scandale auprès du public". À l'intérieur de cette preuve, on retrouve un article du journal Le Monde . . . qui dit que "selon plusieurs organisations non gouvernementales, les prisons roumaines n'hébergeraient actuellement aucune personne condamnée en application de cet article (article 200 du Code criminel roumain)".                 
             Cette même preuve documentaire contient également deux autres documents attestant des modifications apportées à l'article 200 du Code criminel roumain.                 
             Par ailleurs, une autre preuve documentaire . . . indique qu'un représentant du Comité Helsinki à Bucarest a déclaré le 15 avril 1997 que le président Iliescu avait ratifié en novembre 1996 la Loi adoptée en septembre 1996 par le parlement roumain sur les modifications apportées à l'article 200 du Code pénal. Le représentant du Comité Helsinki à Bucarest a ajouté que les nouvelles dispositions du Code pénal ont été publiées dans la gazette officielle le 14 novembre 1996 et son entrée en vigueur le même jour.                 
             Le revendicateur a également été confronté à la preuve documentaire . . . concernant les organisations des droits de la personne présentes en Roumanie. Le revendicateur a répondu que ces organismes ne savaient pas ce qui se passait en Roumanie parce que la police ne permet pas d'en parler à qui que ce soit.                 
             Le tribunal après avoir analysé la plaidoirie écrite produite par l'avocat du revendicateur et après avoir pris connaissance de toute la preuve documentaire déposée au dossier, conclut que le revendicateur n'est pas un "réfugié au sens de la Convention" du fait qu'un n'y a aucun prisonnier en Roumanie pour homosexualité et compte tenu des modifications apportées à l'article 200 du Code criminel roumain. Le tribunal considère crédible la preuve documentaire à laquelle il a fait référence et lui accorde préférence à l'ensemble de la preuve présentée par le revendicateur.                 

[4]      Il appert donc que le tribunal s'est fié sur la preuve documentaire établissant que selon plusieurs organisations non gouvernementales, les prisons roumaines n'hébergeaient actuellement aucune personne condamnée en application des nouvelles dispositions pertinentes du code pénal roumain. De plus, après avoir confronté le requérant avec cette preuve, le tribunal s'est tout simplement fait répondre que les organisations des droits de la personne ne connaissent pas la véritable situation. Dans un contexte où le requérant n'a soumis aucune preuve démontrant que des homosexuels sont emprisonnés en vertu des nouveaux amendements au code pénal roumain, je suis d'avis qu'il était tout à fait loisible pour le tribunal de préférer la preuve documentaire pertinente à son témoignage (voir M.E.I. c. Zhou (18 juillet 1994), A-492-91). Il n'est certes pas déraisonnable de conclure que la seule existence d'une loi interdisant l'homosexualité en public ne saurait, si elle n'est pas appliquée, établir la persécution des homosexuels.

[5]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties reconnaissent qu'il n'y a pas ici matière à certification.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 décembre 1998


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