Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011031

Dossier : IMM-4796-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1180

Toronto (Ontario), le mercredi 31 octobre 2001

EN PRÉSENCE DE: M. le juge John A. O'Keefe

ENTRE :

MOHAMMAD BLORIAN KASHI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision par laquelle une agente des visas a refusé, le 17 août 2000, au demandeur, à son épouse, à leur fils adulte et à une personne à leur charge la résidence permanente dans la catégorie des immigrants investisseurs.


[2]    Le demandeur réclame le contrôle judiciaire de la décision précitée. Plus particulièrement, il demande une ordonnance de certiorari annulant la décision précitée et ordonnant que la demande soit réévaluée par un autre agent des visas. Le demandeur réclame également les dépens de la présente demande.

Le contexte

[3]    Mohammad Blorian Kashi (le demandeur) est un citoyen de la République islamique d'Iran. Il a demandé (pour lui-même, son épouse, son fils adulte et son fils à charge) en août 1998 au consulat général de Hong Kong la résidence permanente au Canada dans la catégorie des investisseurs.

[4]    Le demandeur était médecin diplômé en gynécologie avant la révolution islamique en Iran. À la suite de cette révolution, il n'a plus travaillé comme gynécologue, indiquant comme raison que les médecins ne sont plus autorisés à traiter des patients du sexe opposé. Ayant cessé de pratiquer la médecine, en 1988, le demandeur s'est joint à cinq associés pour établir une polyclinique médicale. Il en a été l'investisseur principal, détenant 40% des actions. Chacun des associés, à l'exception du demandeur, a établi une clinique médicale dans le cadre de la polyclinique. L'une des questions soulevées par la demande de visa est de savoir si les responsabilités qu'a assumées le demandeur à la polyclinique sont suffisantes pour satisfaire à la condition exigeant que le demandeur ait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise.


[5]                 Le demandeur a également déclaré qu'il avait participé à d'autres entreprises commerciales, concernant notamment l'achat et la vente de tapis et d'or et le domaine agricole. La seule preuve documentaire fournie par le demandeur pour ces entreprises supplémentaires est une photocopie d'un titre foncier.

Décision de l'agente des visas

[6]                 À la suite des raisons fournies dans les notes du STIDI et son affidavit déposé à l'appui de celles-ci, l'agente des visas a conclu que le demandeur n'avait pas satisfait à la condition exigeant qu'il ait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise. Elle a donc rejeté la candidature du demandeur dans la catégorie des investisseurs puisqu'il ne répondait pas à la partie A de la définition d'investisseur.

[7]                 En outre, l'agente des visas n'était pas convaincue que le demandeur respectait la partie c) de la définition d'un investisseur étant donné qu'au moment de l'entrevue il ne pouvait pas prouver qu'il avait accumulé par ses propres efforts un avoir net de 500 000 $.

[8]                 La décision de l'agente des visas a été officiellement communiquée au demandeur dans une lettre datée du 17 août 2000.


[9]                 Les questions en litige

1.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur de fait quand elle a conclu que le demandeur n'était pas en mesure de prouver qu'il avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise?

2.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas à la définition d'investisseur donnée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration DORS/78-172 parce qu'il n'a pas établi qu'il avait accumulé par ses propres efforts un avoir net d'au moins 500 000 $ (alinéa c)(i) de la définition d'investisseur)?

Les dispositions législatives applicables

[10]            À toutes les époques pertinentes avant le 1er avril 1999, la définition d' « investisseur » figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 était rédigée dans les termes suivants :



« investisseur » Immigrant qui satisfait aux critères suivants :

a)il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;

b)il a fait un placement minimal depuis la date de sa demande de visa d'immigrant à titre d'investisseur;

c)il a accumulé par ses propres efforts :

(i) un avoir net d'au moins 500 000 $, dans le cas d'un immigrant qui fait un placement visé aux sous-alinéas a)(i) ou (ii), b)(i), c)(i) ou (ii), d)(i) ou (ii) ou e)(i) ou (ii) de la définition de « placement minimal » ,

(ii) un avoir net d'au moins 700 000 $, dans le cas d'un immigrant qui fait un placement visé aux sous-alinéas a)(iii), b)(ii), c)(iii), d)(iii) ou e)(iii) de la définition de « placement minimal » .

"investor" means an immigrant who

(a) has successfully operated, controlled or directed a business,

(b) has made a minimum investment since the date of the investor's application for an immigrant visa as an investor, and

(c) has a net worth, accumulated by their own endeavours,

(i) where the immigrant makes an investment referred to in subparagraph (a)(i) or (ii), (b)(i), (c)(i) or (ii), (d)(i) or (ii) or (e)(i) or (ii) of the definition "minimum investment", of at least $500,000, or

(ii) where the immigrant makes an investment referred to in subparagraph (a)(iii), (b)(ii), (c)(iii), (d)(iii) or (e)(iii) of the definition "minimum investment", of at least $700,000;


[11]            Des modifications au programme des immigrants investisseurs sont entrées en vigeur le 1er avril 1999. La définition modifiée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, précité, est maintenant la suivante :


« investisseur » Immigrant qui répond aux critères suivants :

a)il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;

b)il a indiqué par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement;

c)il possède un avoir net d'au moins 800 000 $, accumulé par ses propres efforts.

"investor" means an immigrant who

(a) has successfully operated, controlled or directed a business,

(b) indicates to the Minister, in writing, that they intend to make an investment or have made an investment, and

(c) has a net worth, accumulated by their own endeavours, of at least $800,000;



[12]            Les mesures de transition pour les demandes reçues avant le 1er avril 1999 se trouvent à l'article 2.01 du Règlement sur l'immigration, précité, et sont rédigées dans les termes suivants :


2.01 Dans le cas où un immigrant, avant le 1er avril 1999, a présenté une demande de visa d'immigrant à titre d'investisseur et a signé un document visé à la division 1(v)(iii)(A) de l'annexe X, dans sa version antérieure à cette date, ou, s'il s'agit d'un investisseur d'une province, soit a présenté une demande de certificat de sélection aux termes de l'article 3.1 de la Loi sur l'immigration au Québec, L.R.Q., ch. I-0.2, soit a présenté une demande de visa d'immigrant à titre d'investisseur, et a signé une convention d'investissement selon les lois de la province, les dispositions du présent règlement applicables aux demandeurs de visa d'immigrant à titre d'investisseur, aux investisseurs, aux investisseurs d'une province, aux gestionnaires, aux dépositaires, aux entreprises admissibles, aux entreprises agréées, aux fonds, aux fonds agréés, aux fonds de capital-risque administrés par le secteur privé et aux fonds de capital-risque administrés par un gouvernement continuent de s'appliquer, dans leur version antérieure au 1er avril 1999, à toute personne qui, avant cette date, était régie par elles.

2.01 If an immigrant, before April 1, 1999, has applied for an immigrant visa as an investor and has signed any document referred to in clause 1(v)(iii)(A) of Schedule X, as that Schedule read immediately before that date, or, in the case of an investor in a province, has either applied for a selection certificate under section 3.1 of An Act respecting immigration to Québec, R.S.Q., c. I-0.2, or applied for an immigrant visa as an investor, and signed an investment agreement in accordance with the law of the province, the relevant provisions of these Regulations respecting an applicant for an immigrant visa as investor, an approved business, an investor, an investor in a province, a fund manager, an eligible business, an approved fund, a fund, an escrow agent, a privately administered venture capital fund or a government-administered venture capital fund continue to apply as they read immediately before April 1, 1999 to all persons governed by their application before that date.


[13]            Je propose de traiter en premier lieu de la question n ° 2.


L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas à la définition d'investisseur donnée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration DORS/78-172 parce qu'il n'a pas établi qu'il avait accumulé par ses propres efforts un avoir net d'au moins 500 000 $ (alinéa c)(i) de la définition d'investisseur)?

Un demandeur doit satisfaire aux conditions des paragraphes a), b) et c) de la définition d'investisseur pour être classé comme « investisseur » . La décision de l'agente des visas se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION] J'ai conclu que vous ne respectiez pas la définition d'investisseur pour les raisons suivantes :

Vous ne respectez par la partie a) de la définition d'investisseur étant donné que vous n'avez pu démontrer que vous aviez exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise.

En outre, il y a certains doutes quant à savoir si vous respectez la condition d'investisseur qui stipule que vous devez avoir accumulé par vos propres efforts un avoir net d'au moins 500 000 $ canadiens. Vous avez fourni quelques documents pour prouver l'origine de vos fonds. Ces documents ne sont pas probants et à l'heure actuelle vous n'avez pas démontré que vous aviez accumulé par vos propres efforts 500 000 $ canadiens.

Le demandeur a résumé par écrit le souvenir qu'il avait gardé du reste des questions que lui a posées l'agente des visas et le paragraphe 9 se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Q.             Combien d'argent avez-vous l'intention de transférer au Canada?

R.             Je transférerai la totalité de mes biens qui sont évalués à environ 4000 000 $ [sic] à 500 000 $ canadiens.

[14]            Les paragraphes 15 et 16 de l'affidavit de l'agente des visas indiquent ce qui suit :


[TRADUCTION] Je me suis ensuite demandé si le demandeur satisfaisait à la partie (c) de la définition d'investisseur, c'est-à-dire s'il avait accumulé par ses propres efforts un avoir net d'au moins 500 000 $ canadiens. Le jour de son entrevue, le demandeur a fourni deux relevés bancaires (des comptes distincts) indiquant des montants s'élevant à environ 340 000 $ canadiens. Il a confirmé que ces comptes avaient été ouverts très récemment, afin de démontrer l'existence des fonds pour les fins de la sélection. Il a aussi déclaré que les fonds seraient retirés et les comptes fermés après l'entrevue. Il a déclaré que ces fonds constituaient son fonds de roulement, pour acheter et vendre des tapis et de l'or. Le demandeur a confirmé qu'un des comptes bancaires figurant sur sa demande avait été fermé, et qu'un compte de dépôt à terme indiqué dans sa demande n'était plus approvisionné.

Outre les sommes en dépôt, le demandeur a déclaré qu'il possédait des automobiles, des propriétés, de l'or, des tapis et des actions dans la polyclinique. Il a estimé son avoir net personnel à environ 400 000 $ canadiens. L'exactitude de cette estimation n'a pu être établie à l'entrevue étant donné qu'aucun titre de propriété (autre que celui de la polyclinique) ou autres documents d'évaluation n'ont été fournis. Le demandeur a déclaré qu'il avait accumulé son avoir original en pratiquant la médecine entre 1980 et 1988. Il a indiqué qu'il ne serait pas en mesure de fournir des documents pour vérifier le montant des biens qu'il avait accumulé pendant cette période. En réponse à une question directe, le demandeur a déclaré qu'il n'avait aucun bien, placement ou somme d'argent à l'extérieur de l'Iran.

[15]            Les notes de l'agente des visas au STIDI indiquent en partie ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] J'ai demandé au sujet d'estimer son avoir net personnel; il l'a estimé à 400 000 $ canadiens [...].

[16]            Dans la lettre qu'elle a adressée au demandeur, l'agente des visas a indiqué qu'il ne répondait pas à la définition d'investisseur [TRADUCTION] « pour les raisons suivantes » . À partir des faits précités, l'agente des visas a conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait accumulé par ses propres efforts 500 000 $ canadiens. L'alinéa c)(i) de la définition d'investisseur exige que le demandeur établisse qu'il a accumulé cette somme de 500 000 $. Je suis d'avis que la conclusion de l'agente des visas selon laquelle le demandeur n'avait pas établi qu'il avait satisfait à l'alinéa c)(i) de la définition d'investisseur est une décision raisonnable et qu'elle n'a donc commis aucune erreur à cet égard.


[17]            Puisque le demandeur doit satisfaire aux paragraphes a), b) et c) de la définition d'investisseur et, en l'espèce, puisque le demandeur n'a pas établi qu'il satisfait au paragraphe c), il ne respecte pas la définition d'investisseur (voir Kwok c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 138 F.T.R. 221 (C.F. 1re inst.)). Par conséquent, sa demande doit être refusée et il n'est pas nécessaire que je traite de l'autre question soulevée dans la présente demande.

[18]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[19]            L'avocat du demandeur a proposé la question suivante aux fins de la certification aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, précitée :

[TRADUCTION] La définition d'investisseur donnée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration comporte l'exigence qu'un immigrant ait « exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise » . Pour les fins de l'interprétation du mot « dirigé » , la participation à un conseil d'administration suffit-elle? Sinon, que signifie au juste avoir « dirigé » une entreprise?

[20]            Le défendeur s'est opposé à la certification de la question qui a été proposée.

[21]            Je ne suis pas disposé à certifier la question proposée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

                                                                                                             Juge                          

Toronto (Ontario)

le 31 octobre 2001

Traduction certifiée conforme :

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-4796-00

INTITULÉ :                                           MOHAMMAD BLORIAN KASHI

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                   WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE MARDI 29 OCTOBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE O'KEEFE

DATE :                                                  LE MERCREDI 31 OCTOBRE 2001

COMPARUTIONS:

Edward Rice

POUR LE DEMANDEUR

Aliyah Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Edward Rice

301, 63 rue Albert

Winnipeg (Manitoba) R3B 1G4

POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional de Winnipeg

301 - 310 Broadway

Winnipeg (Manitoba) R3C 0S6

POUR LE DÉFENDEUR


                                                  

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20011031

Dossier : IMM-4796-00

ENTRE :

MOHAMMAD BLORIAN KASHI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                                              

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                                              


                                                                                                                               Date : 20011101

                                                                                                                   Dossier : IMM-4796-00

ENTRE :

           

MOHAMMAD BLORIAN KASHI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                              CERTIFICAT D'ORDONNANCE

JE CERTIFIE PAR LES PRÉSENTES que la Cour (le juge O'Keefe) a ordonné le 31 octobre 2001 à la fin des motifs de l'ordonnance et ordonnance que :

« 1.             la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. »

                                               

Greffier

CERTIFIÉ À TORONTO (Ontario) le 1er novembre 2001.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.