Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050418

Dossier : IMM-2331-04

Référence : 2005 CF 519

ENTRE :

FARHAN NAGORI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire d'une décision, en date du 9 février 2004, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention.


[2]                Le demandeur est un citoyen du Pakistan. À l'université, il est devenu membre du mouvement Muttahhida Quami (Hagigi) (MQM(H)). Sa participation était d'ordre secondaire, il organisait des débats et des échanges de livres.

[3]                En juin 2000, le demandeur s'est fait attaquer par des membres du mouvement Muttahhida Quami Mahaz (Altaf) (MQM(A)) lorsqu'il revenait à la maison après avoir assisté à une réception à l'université. Il a été hospitalisé pendant trois jours. À sa sortie de l'hôpital, il a déposé un premier rapport d'incident (PRI) à la police dans lequel il identifiait trois de ses agresseurs. Il a également mis fin à son appartenance au MQM(H). Le MQM(A) a appris qu'il avait déposé un PRI et l'a menacé de représailles sévères.

[4]                Près d'un an plus tard, en avril 2001, le demandeur s'est fait enlever, battre puis a été détenu pendant trois jours par le MQM(A). Les ravisseurs lui ont dit qu'ils agissaient ainsi en réponse au PRI. Il a été relâché après que son père a payé une rançon. L'incident n'a pas été signalé à la police et le demandeur a quitté le Pakistan trois mois plus tard pour aller aux États-Unis grâce à un visa d'étudiant. On a découvert qu'il travaillait dans l'illégalité et les autorités américaines l'ont forcé à retourner au Pakistan pour demander un nouveau visa d'étudiant. Il est plutôt venu au Canada où il a revendiqué le statut de réfugié.

LA DÉCISION


[5]                Étant donné que le demandeur a cessé toute activité liée au MQM(H) en juin 2000, que ces activités antérieures avec le mouvement avaient été discrètes et qu'il n'avait aucune intention de se joindre à nouveau au MQM(H), la principale conclusion de la Commission a été qu'il était invraisemblable que le MQM(A) le cible à son retour au Pakistan.

[6]                La Commission a également conclu que le demandeur jouissait au Pakistan d'une protection suffisante de l'État.

LES QUESTIONS

[7]                Le demandeur a déclaré :

(i)     que la Commission a commis une erreur en effectuant une analyse routinière et sélective de la preuve documentaire objective et qu'elle n'a pas mentionné les éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions au sujet des infrastructures au Pakistan et des efforts déployés pour poursuivre en justice les membres du MQM(A);

(ii)         que la Commission n'a pas tenu compte de l'une des raisons pour lesquelles le demandeur craint d'être persécuté;

(iii)        que la Commission a commis une erreur de fait importante.

Question 1 - La preuve documentaire


[8]                Le demandeur affirme que la Commission n'a pas corroboré ses conclusions par des références aux éléments de preuve objectifs et n'a pas examiné les documents qui ne venaient pas appuyer ses conclusions. La première décision contestée se lit comme suit : [traduction] « Le Pakistan dispose d'infrastructures (l'armée, la police et un système judiciaire), dont la Cour anti-terroriste à Karachi, qui sont en mesure d'offrir la protection de l'État à ses citoyens. . . » (la première conclusion).

[9]                Le demandeur reconnaît que la Commission n'est pas tenue de mentionner tous les documents, mais il fait valoir qu'il n'y a aucune mention de documents appuyant cette conclusion générale. Le demandeur prétend que le rapport du Département d'État américain sur le Pakistan en 2002 démontre que le système judiciaire et les forces policières sont aux prises avec des problèmes généralisés et il fait valoir que la décision doit montrer que la première conclusion a été tirée après examen du rapport du Département d'État américain.

[10]            Le défendeur a fait valoir que la Commission n'était pas tenue de renvoyer au rapport du Département d'État américain. Il affirme que ce rapport n'était pas important dans le contexte de la présente affaire où la décision de la Commission était centrée sur un étudiant dans la mi-vingtaine dont la brève et discrète implication dans le MQM(H) lui a valu une agression. Le défendeur a déclaré que le demandeur ne sera pas pénalisé par des lacunes politiques et judiciaires.


[11]            De plus, le demandeur fait valoir que le rapport du Département d'État américain démontre que la police est parfois impliquée dans des meurtres extrajudiciaires de même que dans des actes d'abus et de torture à l'endroit de détenus. La police utiliserait également une force excessive contre des journalistes et des manifestants et ne protégerait pas les membres des minorités religieuses. La police se livrerait à des actes d'extorsion et procéderait à des arrestations dans le but d'obtenir une rançon; sa corruption serait généralisée. Bien que des mesures sérieuses aient été prises par le gouvernement afin d'accroître le professionnalisme de la police, le rapport du Département d'État américain indique que les réformes n'avaient pas encore eu beaucoup d'impact à la fin de 2002.

[12]            J'ai examiné la prétention du demandeur, mais j'ai conclu que celle du défendeur était convaincante. J'ai donc conclu que dans les circonstances particulières de l'espèce, la Commission n'était pas tenue d'examiner le rapport du Département d'État américain pour étayer la première conclusion.

[13]            La deuxième conclusion se lit comme suit : [traduction] « . . . selon la preuve documentaire, le gouvernement du Pakistan a déployé des efforts considérables pour contrer les activités terroristes du MQM(H) et du MQM(A) » (la deuxième conclusion).

[14]            À l'appui de la deuxième conclusion, la Commission s'est fondée sur deux incidents signalés dans le South Asia Intelligence Review for 2002, où l'on traite de l'arrestation et du procès d'activistes et de travailleurs du MQM(A).


[15]            Le demandeur reconnaît qu'il s'agit de la seule mention du personnel du MQM(A) dans le dossier du tribunal, mais déclare que la Commission aurait dû mentionner également le rapport d'Amnistie internationale d'octobre 2002, où l'on peut lire qu'aucune protection n'est offerte aux professionnels, aux occidentaux et aux chrétiens contre le risque de meurtres ciblés. Encore là, cependant, j'accepte la prétention du défendeur voulant que le demandeur n'a pas le profil des personnes ciblées et que la Commission n'était alors pas tenue de faire mention de ce rapport dans sa décision.

[16]            La Commission a également conclu que [traduction] « . . . ce n'est pas parce que personne n'a été arrêté par la police à la suite de l'enregistrement du PRI que l'on peut conclure que la police a refusé de tenir une enquête ou qu'elle était incapable de protéger le demandeur » (la troisième conclusion).


[17]            Le demandeur allègue que cette conclusion était manifestement déraisonnable parce que même s'il a donné le nom de ses agresseurs à la police, personne n'a jamais été arrêté. Cependant, il a reconnu ne pas avoir donné leur adresse. Selon le demandeur, bien que la police ait dit qu'elle menait une enquête, elle n'était pas crédible et sa parole ne peut pas raisonnablement être acceptée. D'après le demandeur, il s'agit là d'une autre situation où la Commission aurait dû au moins mentionner les conclusions négatives sur la police que l'on retrouve dans le rapport du Département d'État américain. Cependant, l'idée principale de ce rapport était la corruption et la brutalité policières. On mentionne le manque de professionnalisme de la police mais uniquement en ce qui a trait aux nouvelles recrues qui ne sont pas bien formées et aux salaires qui ne sont pas assez élevés. On ne dit pas que les policiers n'exécutent pas leurs tâches élémentaires. Dans ces circonstances, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur en tirant sa troisième conclusion, ni qu'elle aurait dû renvoyer au rapport du Département d'État américain.

Question II - Les craintes du demandeur

[18]            Dans le FRP du demandeur, on lit qu'il craignait d'être ciblé par le MQM(A) en raison de son association au MQM(H), et, selon mon interprétation de la transcription, on ne fait référence à aucune autre crainte. Il n'y a rien dans le FRP ou dans la transcription de l'audience qui indique que le demandeur craignait de subir d'autres représailles du MQM(A) par suite du dépôt du PRI.

Question III - L'erreur de fait

[19]            Dans sa décision, la Commission a dit : [traduction] « lorsqu'on lui a demandé comment l'organisateur local du Hyderabad MQM(H) pouvait demeurer au Pakistan, le demandeur a répondu qu'il ne le savait pas » . Je suis d'avis que cet énoncé de la preuve est juste. À la page 478 du dossier du tribunal, on demande au demandeur si l'organisateur régional vivait dans la clandestinité et il a répondu par l'affirmative. On lui a ensuite demandé de spéculer sur la façon dont l'organisateur régional arrivait à composer avec cette situation et il a répondu : « Je n'en ai aucune idée » .


CONCLUSION

[20]            Pour tous ces motifs, une ordonnance sera rendue rejetant la demande.

    « Sandra J. Simpson »   

JUGE       

Ottawa (Ontario)

Le 18 avril 2005

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                            IMM-2331-04

INTITULÉ :                              FARAN NAGORI

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :     Le 8 mars 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario).

DATE DES MOTIFS :          Le 18 avril 2005

COMPARUTIONS :             Robert Blanshay      

Pour le demandeur

Angela Marinos

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Blanshay

Toronto (Ontario)     

Pour le demandeur

Angela Marinos

Bureau régional, ministère de la Justice de l'Ontario

130, rue King O. Bureau 3400, C.P. 36 Toronto (Ontario)

M5X-1K6

Pour le défendeur


Date : 20050418

DOSSIER : IMM-2331-04

Ottawa (Ontario), ce 18e jour d'avril 2005

EN PRÉSENCE DU JUGE SANDRA

ENTRE :

FARHAN NAGORI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 9 février 2004;

APRÈS avoir examiné les documents produits et avoir entendu les observations des avocats des deux parties à Toronto, le 8 mars 2005;

ET AYANT été avisée que l'on ne demandera pas la certification d'une question;


LA COUR ORDONNE QUE, pour les motifs donnés aujourd'hui, la demande soit rejetée.

    « Sandra J. Simpson »   

JUGE      

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.